LA FRANC-MAÇONNERIE

dans

les   COLONIES  FRANÇAISES

 

1738 - 1960

 

 

sous Napoléon et la Restauration

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   Odo Georges
  • Table Générale des matières - BibliographieLouis XV - Louis XVI - Tableau Loges Révolution - Napoléon/Restauration - Napoléon III - Débuts III° République - Consolidation avant 1914  - Plénitude après 1918  - Assimilation ? - Doutes après 1930 - 1940.1946 et Union Française  - 1946 Indépendances

  •              Tableau récapitulatif des loges coloniales

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    CHAPITRE  IV 

    La fin du premier ensemble colonial :

    Napoléon I° - La Restauration

     

    Sous l'Empire, conditions générales des Colonies et de la_Franc-Maçonnerie

           La vie des loges « Napoléoniennes » dans lensemble des colonies

    Saint-Domingue, son_Indépendance et la deuxième diaspora des FF\« émigrés » vers Cuba et les Ĕtats-Unis

         Sous la Restauration, dans un reliquat de Colonies : fragilité de la Franc-Maçonnerie

          Le Baron Roger : Gouverneur du Sénégal et Vénérabled'Honneur de la loge de Saint Louis.

     

     

     

    Sous l'Empire, conditions générales des Colonies et de la Franc-Maçonnerie  

    Dès le Consulat et pendant tout l'Empire, la Franc-Maçonnerie est totalement inféodée au Pouvoir, selon le principe napoléonien : « Le pouvoir vient d'en haut et la confiance vient d'en bas ».

    Les loges ont en commun d'encenser Napoléon**. Les parents de l'Empereur, nombre de Maréchaux, de hauts fonctionnaires sont dans un Ordre dont les destinées sont, désormais, sous la responsabilité de l'archichancelier Cambacérès**. Eléments importants du dispositif, les loges militaires où les officiers sortis du rang remplacent l'aristocratie des loges militaires d'Ancien Régime.

    C'est cette « Maçonnerie Napoléonienne » qui va réapparaître dans les colonies. En effet, la paix d'Amiens, en 1802, restitue à la France les anciennes colonies. Elles avaient toutes été occupées par l'Angleterre pendant la guerre contre la France révolutionnaire ; sauf la Guadeloupe reprise par Hugues, et la Guyane, le Sénégal, les Mascareignes, parce que dédaignées  par le gouvernement anglais. En revanche l'Egypte, occupée (1798-1801)  par les Français, est restituée à la Turquie.

    En Egypte, précisément, l'expédition de Bonaparte n'est pas d'ordre colonial mais comment ne pas signaler que la Franc-Maçonnerie y est arrivée dans les bagages des armées françaises. En effet, aux loges militaires ont succédé, à Alexandrie, les loges « La Bienfaisance » en 1802 et « Les amis de Napoléon » en 1806. Cette expédition a également servi de « source » à des FF\ expéditionnaires qui vont créer le rite de Memphis. Une fois de plus la Franc-Maçonnerie, en s'exportant, reçoit en retour des modifications sur le plan des rites.

    La reprise de la guerre avec l'Angleterre, en 1803, va rapidement laisser à la France des lambeaux de colonies. Dans ce qui subsiste, désormais, du premier domaine colonial français, Napoléon va se montrer homme d'Ancien Régime et tourner le dos aux velléités d'assimilation qu'a pu avoir la Révolution. Il abolit toute représentation coloniale et confirme l'Exclusif. Dès 1802, en contradiction avec sa propre décision d'abolir la traite quelque temps auparavant, pour complaire aux Anglais, il décide (quel est le rôle exact de Joséphine de Beauharnais dans cette décision ?) de rétablir l'esclavage.

     

    La vie des loges « Napoléoniennes » dans l'ensemble des colonies

    La typologie de la « Franc-Maçonnerie Napoléonienne » se développe  aux colonies comme en Métropole et les FF\ y défendent les idées coloniales de Napoléon, sous la responsabilité des FF\ représentants du pouvoir, le plus souvent des officiers de passage.

    Ά l'île Bourbon, les Généraux deviennent Gouverneurs pendant que des officiers en poste fréquentent les temples. En 1806, les FF\ assistent, à titre officiel, à la cérémonie au cours de laquelle l'île prend le nom de « Bonaparte ». Quand les Anglais se rendent maîtres des lieux, en 1810, les loges de St Paul, de St Benoît et la Grande Loge Provinciale se mettent en sommeil. Seule "«La Parfaite Harmonie  La Parfaite Harmonie , à l'Orient de St-Denis, reste active et reçoit les visites de dignitaires anglais.

    Ά l'île de France, l'année de la paix franco-anglaise, 1802, est marquée par l'inauguration du temple de « La Triple Espérance », rehaussée de la présence de nombreux FF\ d'Europe, des Indes et du Cap de Bonne-Espérance, dans un esprit de large concorde. Après l'occupation de l'île par les Anglais, en 1810, la loge poursuit ses activités, mais dans un contexte différent puisque l'île, bientôt appelée « île Maurice », passe sous la coupe de l'Angleterre.

    En Guadeloupe, la Maçonnerie relève ses colonnes,  une fois la paix revenue. « La Paix » réouvre ses portes dès 1799. Le tableau du Grand Orient, en 1802, prend en compte cinq anciennes loges revivifiées à : Pointe-à-Pitre, le Moule, St-François, Antigue, Basse Terre. Cet Orient de Basse Terre est certainement le plus représentatif avec « St Jean d'Ecosse » qui annonce, sous l'autorité d'un Officier de santé, une quarantaine de membres dont un contre-Amiral, un Général, les Consuls de France à Curaçao et St- Barthélemy. Trois ans plus tard, les effectifs sont de soixante-dix, avec une majorité de militaires et négociants, plus un prêtre. Quand les Anglais occupent à nouveau l'île, en 1810, il n'est pas étonnant que les trois loges encore en activité soient, en raison de leur composition, immédiatement fermées. Elles retrouvent, deux ans après, une timide activité avec les FF\ , « habitants » de l'île.

    En Martinique, la relance est vraiment effective, en 1806, avec la création d'une nouvelle loge  « L'Harmonie ». Installée par l'Amiral Villaret-Joyeuse, toute l'élite militaire et civile bonapartiste s'y presse. Un tel profil, qui rappelle celui de toutes les loges coloniales du moment, explique que les Anglais, en 1809, mettent en sommeil la Franc-Maçonnerie quand ils reprennent l'île.

    Ά Sainte-Lucie, la loge « La Réunion des Cœurs » relance les activités maçonniques en 1806. En fait, cette loge, essentiellement composée de planteurs et sans militaires, va stagner et ne retrouvera jamais le rayonnement de la période d'avant la Révolution. 

     

    Saint-Domingue, son Indépendance  et la deuxième diaspora des FF\« émigrés » vers Cuba et les Ĕtats-Unis

    Ce n'est qu'à partir de 1797 que les FF\ se réunissent à nouveau. Mais il faut attendre 1801 - 1802 pour qu'ils puissent, sous la protection des armées françaises, s'extérioriser. En raison des défaites de ces mêmes troupes françaises et de la proclamation de l'Indépendance en 1804, les loges, à peine réouvertes, vont refermer pour certaines d'entre elles tandis que d'autres vont servir de socle au futur Grand Orient Haïtien.

    St-Domingue : au Cap, la loge « La Vérité » renaît avec des émigrés de retour des Etats-Unis, des marins, des militaires ; elle accueille les notabilités locales. En 1806, elle est à nouveau contrainte à l'exil vers Baltimore. Par contre deux ateliers, nouveaux dans l'Orient, vont se maintenir avec l'aide de la Grande Loge de Pennsylvanie….. Ά Port-au-Prince, « La Réunion Désirée » également rallumée en 1797 repart pour la Nouvelle-Orléans en 1806….. Ά Jérémie, c'est « La Réunion des Cœurs » qui reprend ses activités et finit par se retirer à Cuba….. Ά Cayes, , en 1805, la loge « Les Frères Unis » se reconstitue tardivement et pour un court moment. Elle travaille en concurrence avec un Atelier de la Grande Loge de Pennsylvanie, de plus en plus présente sur le terrain….. Au Borgne « La Concorde » reprend, grâce à l'appui de la loge de Baltimore, pour disparaître avec le départ des Français….. Ά Jacmel, enfin, « Le Choix des Hommes » émigre pour sa part, en 1804, vers Santo-Domingo en terre espagnole sous contrôle français. La prise de la ville par les Anglais, en 1809, semble avoir mis fin à ses activités.

    Au total, brève relance du GODF car, de la même façon que la crise révolutionnaire avait provoqué une première vague d'exil quelques années plus tôt, de la même façon l'échec de la reconquête de St-Domingue a été suivi d'une seconde diaspora au début du XIXè siècle.

    Comme la première fois, deux régions vont attirer les FF\ émigrés : Cuba et les côtes américaines atlantiques.

    Ά Cuba, les Ateliers de la première diaspora glissent, en 1803, vers la Nouvelle-Orléans. - A la même époque, le F\.Cerneau, arrivant de Port-au-Prince, ouvre sa loge « Le Temple des Vertus Théologales ». Expulsé de Cuba, il ira fonder aux Etats-Unis, le rite de Cerneau à la vie éphémère. - En 1806, la loge de Jérémie et son chapitre s'expatrient à la Havane et cette implantation se maintiendra  dans le temps. A noter, d'ailleurs, que  les Ateliers Français, exilés en terre cubaine, conserveront des contacts avec le GODF.

    Les Ĕtats-Unis attirent toujours autant les FF\ de St-Domingue. Leurs loges sont nombreuses dans les ports atlantiques :

    - Ά la Nouvelle-Orléans (redevenue française un court instant 1802-1803 avant d'être vendue aux Etats-Unis), la loge déjà en place, se renforce par la création de « la Réunion Désirée.».

    - Ά Baltimore, « La Vérité » transplantée une première fois depuis St-Domingue, puis repartie au Cap-Français son Orient d'origine, est de retour en 1806. Elle se maintiendra de nombreuses années, malgré les conditions de vie difficiles rencontrées par les exilés.

    - Ά New-York, c'est la loge « L'Union Française ». Son nom semble recentrer les préoccupations des membres fondateurs, puisque l'avait précédé « L'Unité Américaine » lors de la première diaspora.

    - Ά Philadelphie, « L'Aménité », née au moment de la Révolution Française, s'est maintenue et peut se  renforcer de nouveaux arrivants.

     - Ά Charlestown, par contre, « La Réunion » et « La Candeur.» investissent un Orient nouveau pour les loges françaises.

     

    Sous la Restauration, dans un reliquat de Colonies : fragilité de la Franc-Maçonnerie  

    En 1815, ne subsiste du premier domaine colonial français qu'un ensemble réduit (7.000 km carrés), morcelé, épars et d'un intérêt économique devenu médiocre. Au total, ce domaine est une survivance d'un système colonial, stagnant, dans un monde qui commence à se transformer.  La Restauration y garde, en effet, la législation impériale tant il est vrai que celle-ci avait, elle-même, sauvegardé les principes en honneur sous l'Ancien Régime. L'esclavage est conservé, au grand profit des planteurs. Tout comme l'Exclusif, mais contre l'avis des planteurs cette fois, à la demande des armateurs de la Métropole.

    Par contre, des changements interviennent dans les rapports entre la Franc-Maçonnerie et le pouvoir. Ses liens avec l'Empire lui sont reprochés, souvent très violemment par les Ultras. Après la chute de Decazes, en 1820, une surveillance méfiante et parfois tracassière lui est imposée. Prudents, les FF\ se contentent essentiellement d'actes de bienfaisance et d'études philosophiques.

    En Guadeloupe, les Anglais, à leur arrivée en 1815, avaient fermé les loges. La reprise ne concerne que quelques-unes d'entre elles, avec des militaires moins nombreux et des commerçants souvent majoritaires. L'ensemble des trois loges en place - dont   « La Paix » de Pointe-à-Pitre est la plus importante - ne possède que des effectifs limités.

    En Martinique, à Fort-Royal en 1816, « La Fidélité » est créée sous l'impulsion de Monarchistes modérés ouvertement appuyés par le Gouverneur. Signe des temps, le jour de l'installation de cette loge, dont le programme est « Travailler, faire l'aumône », les FF\ se rendent d'abord à un office religieux….Ά St-Pierre, la reprise précoce est stoppée, en 1818, vraisemblablement sous l'impulsion des Ultras. Quand la Franc-Maçonnerie reprend ses activités, à partir de 1820, le fait dominant est l'existence de loges à faibles effectifs et à durée limitée. En 1822, il n'y a que quatre loges au total.

    Ά Sainte-Lucie, la doyenne des loges sur l'île,  « Le Choix Réuni », se réveille au début de la Restauration. Les effectifs, avec les deux autres loges, ne dépassent pas la centaine de membres et leur travaux sont interrompus, en 1820, « dans l'attente d'une amélioration dans les affaires civiles ».

    Ά la Marie-Galante, « La Vraie Fraternité » se réveille en 1829 seulement et ne comprend que vingt FF\. La fragilité des loges coloniales, sous la Restauration,  se confirme.

    L'île Bourbon n'échappe pas au phénomène : si, en 1816,  « La Parfaire Harmonie »  donne naissance par essaimage à «.L'Amitié », par contre trois autres essais - à St-André en 1823, St-Pierre « La Bienfaisance » en  1823 et St-Denis en 1825 - sont de courte durée.

    Au Sénégal, « La Parfaite Union » installée en 1823 à St-Louis confirme les caractéristiques des loges d'outre-Atlantique, entre autres dans sa composition sociologique et l'importance du Gouverneur en place. En 1824, la loge comprend douze membres, soit attachés à la Marine soit négociants. De plus, c'est une loge relativement jeune, la moyenne d'âge étant de trente cinq ans.

    Fait important, le premier initié natif St-Louisien est le maire de l'île choisi institutionnellement dans la puissante société métisse de St-Louis et dont le rôle est celui d'intermédiaire entre le gouverneur et la population. C'est là une des conséquences de la présence du Baron Roger.

     

    Le Baron Roger : Gouverneur du Sénégal et Vénérable d'Honneur de la loge de Saint Louis 

    Quand Jacques François Roger prend ses fonctions à St-Louis en février 1822 il n'est pas un novice. Ses idées sur l'expression coloniale de la France il les avait acquises sur le terrain.

    Protégé de l'influente mère Javouhey - Supérieure Générale de la Congrégation des Sœurs de St Joseph installée à St-Louis – le Baron Roger est ambitieux, travailleur, empreint de théories rousseauistes et sensible aux idées du courant anti-esclavagiste de l'ancienne  société des Amis de Noirs. Ses vues claires, éprouvées, ingénieuses s'intègrent parfaitement au programme du cabinet Villèle et du nouveau ministre de la Marine et des Colonies, le Marquis de Clermont-Tonnerre.

    Son action se fonde sur le principe que la croissance d'une société sous-développée se réalise en partant de l'agriculture, dont le commerce devient l'auxiliaire.  Afin d'attirer les investissements et collaborateurs nécessaires à cette politique agricole, il s'attache - avec un sens aigu des public-relations - à débarrasser le Sénégal d'une réputation d'insalubrité. Pour asseoir sa politique agricole, il fait appel à un personnel d'encadrement très spécialisé dont Richard le créateur de Richard-Toll, des botanistes, des chimistes, des géographes... Pour la main-d'œuvre, il met en place en septembre 1823 « l'engagement à temps » en harmonie avec ses idées abolitionnistes. C'est également avec son appui que l'on commence à former les premiers éléments d'une élite africaine moderne.  De 1822 à 1824, la Révérende Mère Javouhey créée, avec l'aide du Baron Roger, deux écoles de filles à St-Louis et à Gorée. En plus d'une école rurale de garçons à Daganat, d'où les meilleurs partaient en France, parmi lesquels le futur abbé Boilat, auteur des .Esquisses Sénégalaises. Il serait intéressant d'y ajouter la recommandation dont il a fait bénéficier  un jeune sénégalais - Léopold Panet - resté en mémoire par sa  "Relation d'un voyage du Sénégal à Soueira"

    Lorsqu'il s'en va, en novembre 1826, à sa demande - n'ayant pas la patience d'attendre la création du poste de député du Sénégal qu'il a réclamé - il estime la colonisation fondée, le problème résolu.  Devenu député du Loiret, et à ce titre membre d'une commission chargée de l'examen du sort des esclaves dans les colonies françaises, il est choisi, le 14 janvier 1846, par le Conseil Général du Sénégal pour remplir, auprès du département de la Marine, les fonctions de délégué de la colonie en remplacement du F\ Calvé.

    Une dernière touche sur le personnage, à l'aide de quelques citations puisées dans ses ouvrages : Dans ses Recherches sur la langue Ouolof : « Ce langage... suppose un peuple doué d'un sens droit, d'une heureuse organisation et dont, malgré les préjugés absurdes qu'inspire trop souvent sa couleur, l'humanité n'a pas à rougir »….. Dans ses Fables Sénégalaises : « Les Sénégalais possèdent au plus haut degré les vertus hospitalières et l'esprit de charité... On doit attribuer les difficultés qu'éprouvent les européens pour pénétrer dans l'intérieur à leurs préjugés de domination, de supériorité »…. Dans son roman Kélédor dédié à l'abbé Grégoire : « qu'on se persuade bien que ces hommes ne sont pas, autant qu'on le croit communément, dépourvus d'intelligence, de sensibilité, d'énergie ».

    Certains historiens estiment que le Baron Roger doit être considéré comme  le précurseur de l'œuvre de Faidherbe. Anti-esclavagiste et auteur d'ouvrages où il fait preuve d'une «.négrophilie » assez rare à l'époque, le Baron Roger représente un courant de pensée qui progressivement va faire son chemin au sein de la Franc-Maçonnerie.

    Fichier:Folie baron roger.jpg

    La « folie du baron Roger » à Richard-Toll

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