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Les quatre Loges
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St –Louis du Sénégal
 
de 1781 à 1899
       

 

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1781 "St-Jacques des Trois vertus"

1823 "La Parfaite Union"

1874 "L'Union Sénégalaise"

1893 "L’Avenir du Sénégal"

 

1781 St-Jacques des Trois vertus

 

Saint-LouisParler des débuts de la F.'.M.'. au Sénégal c'est évoquer les quatre Loges successives de St-Louis du Sénégal avant que ne soit allumés les feux de la première Loge de Dakar en 1899 ; c'est incidemment rappeler que le bicentenaire de la F.'.M.'. au Sénégal aurait pu être fêté en 1981.

En effet « en l'an de vraie lumière 5781 le 9e jour du 5e mois maçonnique et de l'ère vulgaire 9 juillet 1781, la Respectable Grande Loge de France convoquée en Assemblée Générale.... le Respectable président Excombart tenant le maillet à l'Orient... » note dans son compte rendu :

« Art. 6. Lecture faite d'une lettre envoyée par le V.'.M.'. Chorier en date du Sénégal par laquelle il demande un changement en sa lettre de constitution, au lieu d'être sur Paris il désire qu'elle soit pour le Sénégal.  Il demande en sus qu'il lui soit délivré un certificat d'Inspecteur Général des Indes » (mot rayé et remplacé par « Isles » dans la marge).

« Arrêté qu'à l'égard de la lettre de Constitution dont le dit Chorier demande le changement il n'est point du tout nécessaire vu que nos Constitutions sont pour toute la France et ses colonies.  A l'égard du Certificat d'inspecteur Général aux Indes (Isles en marge), arrêté qu'il en sera délivré un et que le V.'.M.'. Fordrain est chargé de lui indiquer l'emploi des fonds dont il fait mention dans sa lettre et que tous les membres dudit F.'.M.'. Chorier seront accueillis dans toutes les Loges régulières et les certificats donnés de la main du V.'.M.'. Chorier seront échangés moyennant les lois ordinaires » [BN - FMI, 108 : TIII p. 82-83].

Ainsi la Loge « St-Jacques des Vrais Amis Rassemblés » devenue « St Jacques des Trois Vertus », et dont Chorier avait demandé la constitution dès 1779 à l'Orient de Paris, ouvre la voie maçonnique dans le Sénégal où, une fois les Anglais chassés de St-Louis et le traité de Versailles signé, le commerce de la gomme prend progressivement le pas sur la traite des esclaves.

En 1784 cette loge est bien en place puisqu'une lettre du V.'.M.'. Chorier à l'Orient de St-Louis rédigée « le 6° jour du 4° mois de la L.V.L. 5784 au moment où la frégate met la voile » recommande au président de la Loge son second surveillant le T.'.C.'.F.'.  J. B. Balichon « c'est un excellent Frère que je vous recommande beaucoup, tous les services que vous lui rendez maçonniquement compteront comme à moi-même... Chorier + V.'.M.'. » [BN FMI 108 : TIII p. 222].

Mais qu'en est-il de cette loge « Saint-Jacques des Trois Vertus », de son V.'.M.'. Jean-Jacques Chorier et des membres qui la composent.  Quelle est son importance dans la ville de St-Louis ? On peut penser que cette Loge, dont le V.'.M.'. Chorier était marchand tapissier à Paris, s'adresse surtout à des éléments puisés dans l'armée et l'administration majoritaires dans la ville naissante, et dans le monde du commerce lié à la compagnie du Sénégal, auxquels viennent s'adjoindre quelques négociants établis à leur compte et de petits artisans [Biarnès p. 61]

Quelle relation établir justement avec Durand le directeur de la Compagnie du Sénégal et qui dans une lettre du 28 mars 1786 adressée à Hénnin aux Affaires Étrangères à Versailles annonce « Nous perdons M. le Comte de Repentigny et son remplacement est une perte irréparable pour la colonie.  Nous vivions comme deux frères raisonnables... ». Simple effet stylistique du temps ou clin d'oeil d'initié ? [Hamy p. 363].

En 1787 « St-Jacques des Trois Vertus » est mentionnée sur le tableau des Loges de la G.'.L.'. avec pour V.'.M.'. en exercice le F.'. Chorier [Le Bihan p. 402].

Aucun document parvenu jusqu'à nous n'indique si cet At.'. de la Monarchie finissante a continué ses activités, une fois le Chevalier de Boufflers parti, sous le gouvernement de Blanchot de Vely.  A noter que la tradition locale s'interroge sur l'appartenance de ces deux personnages à la F.'.M.'., sans éléments tangibles cependant [Dakar 1988].

Il serait par ailleurs intéressant de pouvoir consulter les Archives de la Grande Loge Unie d'Angleterre pour savoir si une Loge Anglaise avait précédé entre 1758 et 1779 « St-Jacques des Trois Vertus ». De même on peut s'interroger sur l'existence d'une Loge Anglaise entre 1809 et 1816, les Britanniques étant à nouveau maîtres de St Louis.

Dans l'état actuel de nos connaissances « St-Jacques des Trois Vertus » de la G.'.L.'. est donc entre 1781 et 1787 (?) la première Loge Maçonnique au Sénégal.

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1823 « La Parfaite Union »

A St Louis 8e jour du 5e mois 1823, 8 juillet 1823, animés du désir de travailler régulièrement, des FF.'. demandent au G.'.O.'.D.'.F.'. d'accorder « des constitutions qui régularisent la Loge élevée à l'Or.'. de St-Louis sous le signe distinctif de La Parfaite Union, conformément au voeu de la délibération prise le 24e jour du 4e mois 1823 ». Lettre accompagnée d'un extrait du livre d'architecture de cette tenue du mois de juin où les FF.'. ont pris cette décision.  Le tout est signé par Calvé V.'.M.'., Bourgerel le, S.'., Painchaud 2e S.'., Briqueler Sec.'. [BN FM2 583].

Le Tableau de « La Parfaite Union » à cette date du 24 juin 1823 comprend 12 membres inscrits dont les principales caractéristiques sont d'être soit attachés à la Marine soit Négociants.  De plus c'est une Loge relativement jeune puisque le plus âgé est né en 1779 et la plupart des FF.'., initiés vers l'âge de vingt vingt-cinq ans sous l'Empire, ont entre trente et quarante ans sous la Restauration.  Enfin les At.'. d'origine sont essentiellement dans les ports : Brest, Marseille, La Ciotat, Rochefort, Bayonne, Rochefort ; et de façon surprenante Bordeaux n'apparaîtra que plus tard... Au total, à la suite du Baron Roger leur V.'.M.'. d'honneur, les FF.'. ont pignon sur rue à divers titres dans St-Louis ; d'ailleurs dans cette logique, le premier initié à St-Louis même est le F.'. Pellegrin François, maire de l'Île choisi institutionnellement dans la puissante société Métisse de St-Louis et dont le rôle est celui d'intermédiaire entre le gouverneur et la population.

Il faut attendre juin/juillet 1824 pour que l'allumage officiel des feux s'opère avec une Loge et un Chapitre, tous les deux au nom de « La Parfaite Union ».

Le 24 juin 1824 « le Vénérable ayant observé à l'At.'. que puisqu'il se trouvait dans son sein un nombre suffisant de R.'. Croix pour établir un S.'. Ch.'. de la R.'.L.'. de La Parfaite Union il propose de prendre une délibération qui autorise la formation.  Le F.'. Orateur entendu dans ses conclusions la L.'. arrête qu'il sera fait immédiatement au G.'.O.'.D.'.F.'. une demande en Lettre Capitulaire ». A cette même date le tableau dénombre sept R.'.C.'. : Roger Jacques François, gouverneur, né en 1789, Calvé François, chirurgien major, né en 1793, Carel Blaise, médecin de la marine, né en 1782, Chaize Victor, négociant, né en 1796, Painchaud François, né en 1787, Boureillier Joseph, capitaine longs cours 1793.  Il est évident que l'on retrouve les principales caractéristiques déjà relevées dans la Loge [BN FM2 583].

Quelques jours plus tard le 12 juillet 1824 « le 12e jour du 6e Mois 1824 les FF.'. nommés commissaires pour l'installation de la Loge de St-Jean La Parfaite Union et reçus à l'extérieur du Temple par une députation de neuf FF.'. munis d'étoiles brillantes sont introduits.  Le T.'.C.'.F.'. Roger président ayant reçu les maillets des mains du Vén.'. en exercice en remet un à chacun des Surv.'.. Le V.'.M.'. d'H.'. délègue le F.'. de Rougemont au Secr.'. ».

Trois planches sont lues aux trente FF.'. présents dont on retrouve la signature sur l'obligation.  La première émane du G.'.O.'.D.'.F.'. qui accorde les pouvoirs nécessaires à la Loge pour s'installer elle-même, la seconde relate la délibération de la Loge qui a nommé commissaire installateur le T.'.C.'.F.'. Roger V.'. d'H.'. avec les FF.'. Catel et Chaize ler et 2e Surv.'., la troisième concerne la Constitution accordée par le G.'.O.'.D.'.F.'..

« Le F.'. président prescrit ensuite l'appel nominal.  Chaque F.'. appelé se rend au bureau et y signe l'obligation originale ainsi qu'un duplicata.  Le président favorise l'At.'. d'un morceau d'architecture sur le devoir qu'ils ont de se rallier aux vues du G.'.O.'.D.'.F.'.. Il annonce ensuite que la Loge va être installée définitivement.  Il fait l'ouverture du paquet contenant le mot de semestre, le mot est communiqué... » [BN FM2 583].

Il existe deux tableaux de cet Atelier en 1824 : le premier établi le 21 juin avec vingt et un FF.'. et le second le 12 juillet avec dix neuf FF.'. seulement ; surtout de nombreux noms diffèrent.  Le tout révèle une mouvance assez grande dans la Loge, liée aux arrivées et départs des FF.'. relevant de la Marine.  Par contre les négociants forment un noyau stable avec Chaize Victor, Potin Claude, Berteloot Jacques, Garnier Antoine, Por Gaspar, et surtout Deves Bruno comme Orateur.  Cependant le F.'. Calvé François, chirurgien major de la Marine et responsable du service de santé à St-Louis, est choisi comme Vén.'..

Le 19 juillet 1824 la demande prévue en lettres capitulaire est adressée au G.'.O.'.D.'.F.'. à Paris : « Animés du désir de travailler régulièrement pour la gloire de la Maç.'. et le bien général de l'humanité nous vous prions de nous réunir au centre commun du maçon français en nous accordant des lettres capitulaires qui régularisent le S.'. Ch.'. élevé à l'Or.'. de St-Louis sous le titre distinctif de la Parfaite Union... ».

En 1825, les documents répertoriés aux archives, avec en-tête imprimé dorénavant, concernent la tenue de la Loge le 29 avril où délégation est faite au F.'. Hacquet pour être mandataire de La Parfaite Union auprès de Paris et une lettre adressée dès le 30 avril à ce F.'. pour l'informer qu'il remplacera désormais le F.'. de Mangourit trop âgé et malade ; cette lettre précise en outre « notre Loge a été constituée le 8e jour du 5e mois 5823... au 5e mois 5825 nous devons deux années... Au mois d'août dernier le R.'.F.'. Roger gouverneur de la colonie se rendant en France voulut bien se charger d'emporter notre demande en lettres capitulaires... Un des membres de notre Loge qui se rend à Paris veut bien se charger de nos paquets... ». Cette délégation au F.'. Hacquet s'accompagne d'une décision analogue de la part du S.'.Ch.'. en tenue du 18 juillet.

En 1827 cette délégation, qui simplifie bien les démarches pour une Loge éloignée, est transmise au F.'. Roger définitivement rentré en France.  Cette fois c'est le S.'.Ch.'. qui prend la décision le premier en sa tenue du 30 mars et quelques jours plus tard c'est au tour de la Loge de prendre les mêmes dispositions.  En cette année 1827, la dernière au demeurant avec une correspondance autre que les tableaux d'effectifs, la Loge compte vingt trois FF.'. et le S.'.Ch.'. neuf FF.'.. A noter que les FF.'. disposent maintenant d'un timbre : un double cercle dans lequel il y a « Loge de La Parfaite Union » en haut et « Or.'. de St-Louis du Sénégal » en bas ; à l'intérieur un triangle formé d'avant bras, sur la gauche un soleil, sur la droite des étoiles et la lune.

La lecture des principaux tableaux disponibles donnent des indications dont les principaux éléments méritent attention.

La première observation à faire porte sur l'évolution quantitative globale qui met en valeur une stabilité de la Loge entre 1824 et 1829 puis un fléchissement sensible et enfin une reprise très nette entre 1834 et 1837.                 

 

1823

24

25

26  

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28

29

30

31

32

33  

34  

35 

36  

37

Total

12 

 

21

 

23

 20

20

     

16

28

   

34

Négoce

 

 

 5 

2

2

12

14

 

La seconde observation porte sur le fléchissement du total, en 1833, qui s'accompagne en outre de l'accroissement à la reprise, en 1834, du nombre de négociants de St-Louis ; lesquels se partagent entre Bordelais et métis.  Comme pour mieux souligner le phénomène il y a les allées et venues du F.'. Pellegrin François maire de St-Louis : initié en 1824, présent sur le tableau en 1827, il n'y est plus dès 1828 alors que la Loge semble désertée par les négociants de St-Louis ; par contre il réapparaît en 1834 accompagné de FF.'. négociants qui vont au demeurant occuper les offices : Alsace Louis (Très.), d'Erneville Nicolas (ler surv.), Valantin J. Baptiste (M. des Cérémonies), Crespin Auguste (Couvreur), André Charles (2c Exp.), Crespin Joseph (le, Comm.) Yaugau Julien (2e Comm.), Crespin François (3e Comm.), Crespin Germain, Allut Pierre et Pellegrin Jérôme.  Par ailleurs si Pellegrin François né en 1768 est un F.'. âgé, tous les autres sont des FF.'. nés après 1800.

Le F.'. Calvé à partir de 1834 est à la tête d'une Loge où les négociants sont revenus en force après avoir disparus un moment.  Il y A là deux Pellegrin, quatre Crespin et dès 1837 Valantin J.B. et à ses côtés Valantin Aussemac, Valantin Durand, Valantin Aimé et même Valantin Barthélemy qui lui est domicilié à Gorée ; l'influente société métisse de St-Louis est largement représentée mais comment passer sous silence la présence, sur le tableau de 1837, du F.'. Prom Louis l'un des piliers du groupe des « Bordelais ». Autant de noms qui dans l'histoire économique et politique de St-Louis ne passent pas inaperçus.

Faut-il penser que des antagonismes locaux ont pu jouer après le départ du Baron Roger.  A cet égard on ne peut ignorer le retrait en 1827 du V.'.M.'. Calvé, ami du F.'. Roger, au profit de Deves Jean puis dès 1828. La nomination de Catel Blaize, médecin major de la Marine comme son ami Calvé, alors que Deves se replie et enfin en 1829 le retour de Calvé au vénéralat tandis que Devès disparaît de cette Loge où les négociants ne sont plus qu'un groupe exsangue réduit à deux FF.'..

Cette mutation interne et l'absence de documents en 1830-1832 ont-elles un rapport avec la Révolution de 1830 en France.  Mais alors comment expliquer la quasi permanence du F.'. Calvé au Vénéralat de cette Loge de St Louis.

Une troisième observation : on perd la trace de cette Loge alors qu'elle est en plein essor. « La Parfaite Union » a-t-elle vraiment fermé ses portes en 1837 ou bien a-t-elle continué après cette date, Quoiqu'il en soit quand le G.'.O.'.D.'.F.'. rallumera les feux d'une Loge quelques décennies plus tard l'existence de « La Parfaite Union » n'est pas totalement effacée des mémoires St-Louisiennes.

Pas d'oubli non plus à l'égard du Baron Jacques François Roger, à ne pas confondre avec son contemporain le Baron Jean François Roger que mentionne Chevalier dans son Histoire de la Franc-Maçonnerie.  Donc quand Jacques François Roger prend ses fonctions à St-Louis en février 1822 il n'est pas un novice.  Avocat d'origine, il avait été nommé intendant, en 1819, de l'habitation du Roi à Koilel où il succédait au F.'. de Rogemont.  Ses idées sur l'expression coloniale de la France il les avait acquises sur le terrain.  Protégé de L'influente mère Javouhey, supérieure générale de la Congrégation des Soeurs de St-Joseph installées à St-Louis, ambitieux, travailleurs, empreint de théories rousseauistes, allant même au temps de sa jeunesse jusqu'au Républicanisme, ses vues claires, éprouvées, ingénieuses s'intégraient parfaitement au programme du cabinet Villele et du nouveau ministre de la Marine et des Colonies, le marquis de Clermont Tonnerre [Biondi p.82 et ss.].

Son action se fonde sur une pensée simple : la croissance d'une société sous développée se réalise en partant de l'agriculture, le commerce en conséquence devient l'auxiliaire de l'agriculture.  Afin d'attirer ses investissements et collaborateurs nécessaires à cette politique agricole il s'attache à débarrasser le Sénégal d'une réputation d'insalubrité avec un sens aigu de public.  Relation qui lui fait écarter le rapport du F.'. Calvé sur le climat de St-Louis parce que plus réservé à ce propos.  En effet pour asseoir sa politique agricole il fait appel à un personnel d'encadrement très spécialisés : Brunet, Richard le créateur de Richard Toll, des botanistes, des chimistes, des géographes... Pour la main-d'oeuvre il met en place en septembre 1823 « l'engagement à temps » qui en harmonie avec ses idées abolitionnistes.  Le nombre des engagés n'atteignit jamais des chiffres impressionnants mais le système amorça la rapide progression de St Louis.

C'est également avec le Baron Roger que l'on commence à former les premiers éléments d'une élite africaine moderne.  De 1822 à 1824 la Révérende mère Anne Marie Javouhey créé avec l'aide du Baron Roger, deux aides ménagères de filles à St-Louis et à Gorée en plus d'une école rurale de garçons à Daganat d'où les meilleurs partaient en France, parmi lesquels le futur abbé Boilat, auteur des « Esquisses Sénégalaises » [Biarnès p. 86 ]

Cette débauche d'efforts connaît d'inégales réussites mais lorsqu'il s'en va en novembre 1826 à sa demande, n'ayant pas la patience d'attendre la création d'un poste de député du Sénégal qu'il a réclamé. il estime la colonisation fondée, le problème résolu.  Devenu député du Loiret et à ce titre membre d'une commission chargée de l'examen du sort des esclaves dans les colonies françaises, il est choisi le 14 janvier 1846 par le Conseil Général du Sénégal pour remplir auprès du département de la Marine les fonctions de délégué de la colonie en remplacement de Calvé [Hardy p. 231]

Une dernière touche sur le personnage à l'aide de quelques citations puisées dans ses ouvrages.  Dans « Recherches sur la langue Ouoloff », page 11 : « Ce langage... suppose un peuple doué d'un sens droit, d'une heureuse organisation et dont, malgré les préjugés absurdes qu'inspire trop souvent sa couleur, l'humanité n'a pas à rougir » - dans ses « Fables Sénégalaises », page 240 : « Les Sénégalais possèdent au plus haut degré les vertus hospitalières et l'esprit de charité... On doit attribuer les difficultés qu'éprouvent les européens pour pénétrer dans l'intérieur à leurs préjugés de domination, de supériorité ». - Dans son roman « Kélédor » dédié à l'abbé Grégoire : « qu'on se persuade bien que ces hommes ne sont pas, autant qu'on le croit communément, dépourvus d'intelligence, de sensibilité, d'énergie » p. 15.... Sans oublier l'appui qu'il a apporté à Léopold Panet*, jeune sénégalais connu pour sa "Relation d'un voyage du Sénégal à Soueira (Mogador)"

Certains historiens estiment que le Baron Roger doit être considéré comme le précurseur de l'oeuvre de Faidherbe** ; la tradition locale en ferait même le parrain d'un enfant de Faidherbe.  La F.'.M.'. n'a pas à rougir, loin de là, de ce gouverneur antiesclavagiste et auteur d'ouvrages où il fait preuve d'une négrophilie assez rare à l'époque pour être soulignée dés 1828 par Jomart devant la société de géographie [Bulletin S.G. 1828].

Peut-être le Baron Roger mérite-t-il enfin sa place dans les dictionnaires de la Franc-Maçonnerie.

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1874 L'Union Sénégalaise

Le 14 avril 1874, sous une IIIe  République balbutiante, le F.'. Simon adresse à Paris une lettre : « déjà nous avons eu des réunions... La L. aura à subir probablement quelques ennuis de la part de l'influence occulte qui agit contre la Maçonnerie.  Il a fallu longtemps pour atteindre le faible résultat actuel... » Le 3 mai, tenue avec les FF.'. Merle comme V.'.M.'., Beynis l° surv., Bodin 2° surv., Simon Or.,Raynaud Secr., Poncet Hosp., Eappotter Très., Petit de Sauques Grand Exp. : « La Nouvelle Loge L'Union Sénégalaise affiliée au G.O.D.F. travaillera aux deux rites, français et écossais ; les tenues ayant lieu le ler vendredi de chaque mois ». La Loge a pour timbre un cercle avec trois palmiers, en relation certainement avec la rue du Palmier où s'installe l'At.'.. Le tableau des effectifs annonce quatorze FF.'. dont la moitié initiés à Bordeaux et ceux là mêmes étant négociants les autres FF.'. sont de lé Marine [B.N. FM2 863].

« Le Moniteur », journal officiel du Sénégal, informe en page 129 du 4 juillet 1874 « vu la demande formée le 25 juin par plusieurs membres de la F.'.M.'. à l'effet d'obtenir l'autorisation d'ouvrir à St-Louis une Loge sous la dénomination de l'Union Sénégalaise... est autorisée... et se réunira dans la maison du Palmier portant n° 2... Signé Gouverneur Valière [Arch.  Dakar C.A.].

Il faut remarquer que le nom de cette nouvelle Loge commence par le mot « Union », celui là même qui terminait l'appellation de la Loge précédente ; comme pour assurer à la fois une continuité et une différenciation « La Parfaite Union » est suivie de « L'Union Sénégalaise ».

La Loge « L'Union Sénégalaise » est installée le 22 septembre 1874 et dès son installation trois capitaines au long court partent, ils font aussitôt passer au grade de maître avec dérogation Camus, Epaulard et Domecq pour avoir le nombre de maîtres nécessaire à l'ouverture des travaux.  Ce qui laisse perplexe quant au tableau de trente quatre membres inscrits annoncé par courrier du 12 décembre.  Lors de l'installation de la Loge, le F.'. Merle dans son discours précise que « beaucoup de membres appartiennent à l'armée, l'administration, la marine ». Seuls Merle, Beynis et Delaplace, tous trois initiés à Bordeaux, sont négociants.

En 1875 le courrier de la Loge traite des nombreux départs, de la mise à jour de son tableau chaque fois modifié par la mouvance des FF.'.. Il n'est pas jusqu'au Vén.'. Merle qui parti pour Bordeaux est remplacé à la Tenue du 3 mai par le F.'. Emler Victor.  Il est évident que les problèmes d'organisation retiennent au premier chef l'attention de cette jeune Loge. et pour s'étoffer elle accélère d'une part les initiations avec vingt trois dossiers à l'étude dont ceux de Rémond Louis Instituteur évangélique et Villeger François pasreur, et d'autre part les augmentations de salaire avec dérogation [B.N. FM2 153]

Le 4 avril 1876 « Le Moniteur » page 57 publie l'abrogation de la décision autorisant l'ouverture de la loge « considérant que plusieurs membres de la Loge maçonnique se sont permis d'organiser l'après-midi du 28 de ce mois (de mars) des funérailles du chef de service des Ponts et Chaussées.  Signé gouverneur Valière ». Le 11 avril la Loge « L'Union Sénégalaise » adresse un rapport signé par le V.'. M.'. Burot, à noter la rotation des Vén.'., sur l'incident : effectivement des FF.'. ont tiré une triple batterie de deuil au cimetière.  A cette occasion la Loge dénonce le climat hostile qui se développe à St-Louis à l'encontre de la Maçonnerie.  Le G.O.D.F. reçoit au cours du mois de mai des demandes d'intervention en faveur de la Loge du Sénégal, émanant des Loges de Bordeaux: R.'. L.'. écossaise « Des Francs Chevaliers de St-André d'Écosse ». R.'.L.'. « Les Chevaliers de la Fraternité », R.'.L.'. « L'Anglaise n' 204 ». Le lien Bordeaux/St-Louis du Sénégal ne pouvait recevoir meilleure démonstration [Arch.  G.O.D.F.].

Le 12 juillet le F.'. Grivet Louis informe Paris que bien que fermée par l'autorité, la Loge dissoute a initié en présence de sept de ses membres un profane qui leur demandait la lumière.  Cette tenue a eu lieu a le 26 mai ; parce que « nous sommes des fonctionnaires appelés à nous cet, il faudrait des maçons appelés à y vivre définitivement... Le F.'. initié Boyer est de ceux là ». Le 22 du même mois Simon est avisé par un F.'. « on dit que le nouveau gouverneur M. Brière de l'Isle est très clérical ». Et de fait le nouveau gouverneur n'allait pas finir d'alimenter les discussions entre Maçons en raison de ses prises de position, tout à fait dans la ligne de « l'ordre moral » imposé en France: débarqué le dimanche 18 juin 1876, il invite fonctionnaires et officiers à le suivre à la messe militaire [St-Martin p. 39]

En 1877 le F.'. Merle, retiré à Bordeaux, exprime son mécontentement au G.O.D.F. dans la mesure où rien n'est fait pour la loge de St-Louis.  En 1878 il revient à la charge par courrier du 28 octobre : « Les nombreux travaux du Conseil de l'Ordre font différer la solution de notre affaire.  La situation n'est plus tenable si vous ne venez à notre aide par des démarches auprès du Ministère de la Marine ». Le 30 novembre encore le F.'. Merle propose une solution trompe l'oeil à l'usage externe : mettre en sommeil « L'Union Sénégalaise » condamnée par le gouvernorat et rallumer les feux de « La Parfaite Union » du nom de l'ancienne Loge.

En 1880, lettre depuis St-Louis du Sénégal où les FF.'. s'impatientent « nous sommes certains de ne rien obtenir du nouveau gouverneur... et il fait « appel à l'honorable Schoelcher qui s'occupe de si bon coeur des colonies ». Enfin le 22 décembre l'information vers Paris que par arrêté du gouverneur en date du 22 décembre la Loge a été autorisée à reprendre, « aucun de nous n'est dupe de ce que le gouverneur très clérical n'a cédé qu'à plus fort que lui ; félicitations et remerciements ». Effectivement Brière de l'Isle sait s'adapter aux politiques successives de la Métropole, il se plie donc aux républicains maîtres de la République depuis peu [St-Martin p. 40].

En fait le climat général est à la tension entre le gouverneur et les milieux commerçants, représentés dans la Loge.  Brière de l'Isle bien loin de tirer parti des rivalités entre commerçants fait l'unanimité contre lui ; même les commerçants créoles trouvent très vite insupportables les interventions du gouverneur dans le domaine commercial.  Parmi les plus actifs sur place publique face à Brière de l'Isle les FF.'. Crespin, Beynis, Brun [N'Daye p. 500]

Dès le 8 mars 1881, après une interruption de près de cinq ans et demi, la Loge « L'Union Sénégalaise » se réunit en son local, rue de la Mosquée, pour élire son nouveau Vén.'. Beynis entouré de ses officiers : Massips, Laplène, Allys, Pronnier tous négociants, Crespin avocat, Ryckman capitaine de marine et Taylor pasteur.  Le négoce qui vient de l'emporter sur le plan profane avec le départ de Brière de l'Isle s'impose majoritairement dans la Loge.  Mais les grands ténors, à deux ou trois exceptions près, ne sont plus là comme du temps de « La Parfaite Union » cinquante ans plus tôt ; la place de la Loge « L'Union Sénégalaise » dans la cité se présente de façon plus limitée, face à des réactions plus hostiles du milieu profane majoritairement catholique.

Aussi en 1881-82 les FF.'. s'efforcent de renforcer leurs rangs.  Ils multiplient leurs tenues et affilient le maximum d'impétrants.  En même temps ils s'efforcent, par les planches faites en Loge, de donner à la fin un intérêt plus grand aux tenues et une possibilité d'extériorisation valorisante.  C'est dans cet esprit qu'un long rapport établi par le F.'. Ruault sur la création d'une école d'apprenti pour les hommes de couleurs et anciens esclaves est adressé au gouverneur et au G.O.D.F. : le point de départ de ce rapport est en fait une question mise à l'étude de la loge sur le passage d'esclave à ouvrier.  Le choix du sujet correspond d'une part aux préoccupations des Républicains en matière de scolarisation et d'autre part situe la Loge dans le débat sur l'esclavage qui a provoqué ces derniers mois des tensions accrues à St Louis au point de rendre obligé le départ de Brière de l'Isle.  Que le nouveau gouverneur et le G.O.D.F. soient informés des prises de position de la Loge place « L'Union Sénégalaise » sur l'échiquier [B.N. FM2 153]

Surtout on retiendra pour l'année 1882, année d'apogée en quelque sorte de « L'Union Sénégalaise », l'initiation le 17 juillet de Biran Sady employé de commerce du fleuve né vers 1852 à St-Louis.  Biran Sady, initié en juillet 1882, fait naître en octobre 1884 par la Loge « L'Union Sénégalaise est donc le premier Sénégalais Franc-Maçon [Archives G.O.D.F.].

1883 et 1884 n'ont déjà plus le même éclat... Certes Mamadoun Racine capitaine aux tirailleurs né à Podor en 1842 et Mademba Saye employé télégraphe né à St-Louis en 1852 rejoignent Bican Sady sous les colonnes, confirmant la volonté manifeste de s'ouvrir à la vie sénégalaise dans la droite ligne de son nom « L'Union Sénégalaise » ; il est fort probable que Crespin joue un rôle dans cette orientation eu égard à ses prises de positions dans le monde profane.  Certes, également, les diplômes continuent à être réclamés auprès de Paris pour initiations et augmentations de salaire ; mais justement cet aspect administratif repasse au premier plan pour occuper progressivement l'essentiel du temps passé en Loge : réélection en mai 1883 du F.'. Beynis au vénéralat, élection du F.'. Allys au même poste en janvier 1884... Dépression si importante qu'elle est dénoncée à la tenue du 8 septembre, « depuis quelque temps les membres de l'At.'. se plaignent d'une sorte de lassitude, de laisser aller qui se manifestait dans la direction des travaux » ce qui explique que le Vén.'. soit relevé de ses fonctions.  Pendant quelques mois le rythme des demandes de diplômes s'accroît effectivement mais rien d'autre en fait ne se produit, Dans le même laps de temps le Temple passé de la rue du Palmier à la rue de la Mosquée s'annonce désormais rue des Boufflers dans un nomadisme symptomatique de problèmes matériels non réglés.

De 1885 à 1893 l'At.'. entre définitivement dans sa phase déclinante au point qu'en 1892 les FF.'. ne peuvent acquitter leur dette envers le G.O.D.F. et qu'il y a mis en sommeil effective par le dernier Vén.'. en titre le F.'. Duval.  Certains FF.'. rachètent « à une vente pubique la plupart de ce qui avait appartenu à l'ancienne Loge et continuent à faire des prosélytes dans l'espoir de former une Loge nouvelle ». En fait la mise en sommeil officielle, comme bien souvent, ne fera que prendre en considération avec retard la fin réelle de cette Loge ; la mise en sommeil officielle de « L'Union Sénégalaise » est fixée le 22 septembre 1893 [Archives G.O.D.F.].

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1893 «L’avenir du Sénégal».

La troisième Loge de l'histoire maçonnique du Sénégal disparaît, vive le quatrième Loge qui voit le jour dans la foulée, « L'Avenir du Sénégal », alors que la IIIe République s'est consolidée en France avec la participation active de la F.'.M.'..

La continuité avec « L'Union Sénégalaise » est symbolisée au départ tout au moins par le sceau de la Loge qui conserve trois palmiers ; on a simplement changé le nom de la Loge et remplacé 5874 par 5893 [Arch.  G.O.D.F.]. La rupture est signifiée par contre par le ton de la première lettre, du 18 juillet 1893, adressée par le Vén.'. Bonnefoi au G.O.D.F. : « le niveau moral de notre ordre a besoin d'être relevé de la déchéance dans laquelle l'avait plongé l'inertie du néfaste F.'. Crespin.  Cette déchéance est telle qu'il n'y avait pour nous relever aux yeux de la population que la démolition des colonnes de l'ancien At.'. et le reconstruction d'un nouveau... ». D'ailleurs sur les sept membres fondateurs de « L'Avenir du Sénégal » seuls les FF.'. Allys et Dumoulin sont transfuges, encore ont-ils démissionné de la précédente loge avant son terme ; les autres FF.'. viennent d'At.'. métropolitains dont Garrigues, initié à « la Loge française et neuf sœurs réunies » Or.'. de Bordeaux, enseignant au collège des fils de chefs.

En même temps que cette lettre du F.'. Bonnefoi parvient au G.O.D.F. la demande officielle de la Loge « provisoirement constituée au rite français sous le titre distinctif de l'Avenir du Sénégal à l'Or.'. de St Louis... Conformément au vœu de notre délibération du 20e jour du 4e mois de la vraie lumière, le 20 juin 1893... » Signé Bonnefoi artilleur de marine Vén.'., Allys administrateur colonial ler surv.'., Garrigues instituteur 2c surv.'., Bolling commissionnaire Ort.'., Dumoulins chef de train sec.'., auxquels s'adjoignent Valdès commissaire adjt des colonies, Audernes artilleur de marine.

Paris hésite parce que le F.'. Valdès appartient à la G.L. et surtout parce qu'il n'y a pas de Temple.  Le F.'. Bonnefoi répond en novembre « en France on peut se montrer difficile sur le choix des membres fondateurs mais aux colonies la rencontre de FF.'. actifs dépendant de la même obédience est chose très rare... La question du plan du local est encore d'une pure inutilité ici, car nous ne pouvons rester longtemps dans le même... Ne nous retardez pas, il serait trop tard car sous peu quelques-uns d'entre nous quitteront la colonie et alors nous ne serions plus en nombre... » Le 12 décembre 1893 le Conseil de l'Ordre donne son accord, désignant commissaire installateur de cette Loge fragile le F.'. Bonnefoi [Arch.  G.O.D.F.].

Le 15 janvier 1894 l'installation est faite en bonne et due forme.  Sans perdre de temps la loge procède à quatre initiations en avril et à huit augmentations de salaire en mai, ce qui permet à l'At.'. d'avoir une quinzaine de maîtres au milieu de l'année 1894.  La survie est assurée.

La jeune Loge en même temps règle ses problèmes administratifs : remplacement du F.'. Bonnefoi rentré en France par le F.'. Allys ; demande d'un nouveau timbre qui sera différent de celui de l'ancienne Loge « L'Union Sénégalaise » ; échange épistolaire fourni entre Paris, M. Ballay le gouverneur de Guinée et la Loge à propos de la malle contenant tous les décors maçonniques qui a terminé par erreur à Conakry et qui tarde à retrouver le chemin de St-Louis ; l'envoi du règlement particulier de la Loge pour homologation...

Par ailleurs « L'Avenir du Sénégal » se positionne immédiatement sur le plan idéologique. « Les 200 exemplaires de Jeanne d'Arc ont été expédiés sous enveloppes à toute la population du Sénégal, ils ont produit en particulier chez les cléricaux une rage tellement forte qu'ils ne peuvent la cacher »... De même la Loge « s'empresse de demander 20 exemplaires de l'ouvrage d'Amiable sur l'ingérence du clergé dans la politique »...

Une longue lettre confidentielle du F.'. Garrigues en novembre 1894 permet, comme le reste de sa correspondance, de saisir l'état d'esprit d'un F.'. qui se veut le fer de lance d'un militantisme anticlérical jusqu'au point de rupture avec les FF.'. de la Loge en raison non pas de l'idéologie dans son en semble mais de ses excès : à propos de maison Devès « alliée ou intéressée avec tous les roitelets que nous sommes obligés de combattre », à propos du F.'. Isaac sénateur de la Guadeloupe qui attaque injustement le gouverneur du Sénégal M. de la Mothe qui « a rendu que de grands services à notre At.'. en faisant rendre justice à quelques-uns de nos FF.'. poursuivis par la haine cléricale... grâce à cet état d'esprit presque tout son entourage a pu devenir F.'.M.'. sans être obligé de se cacher, et vis-à-vis du public je puis affirmer que ses actes sont presque tous inspirés par nous... ». Ce qui parait surdimensionné par rapport à l'importance réelle de la loge de l'époque.

Les années 1895-96 sont dominées par la personnalité de ce F.'. Garrigues qui, après le départ du F.'. Allys fréquemment en déplacement, a été choisi comme V.'.M.'.. C'est donc en tant que tel qu'il poursuit avec Paris l'exposé de ses thèmes favoris : anticléricalisme de combat, nécessité de choisir les fonctionnaires et les militaires envoyés au Sénégal, afin que les cléricaux ne se renforcent pas.  Une lettre de juin 1895 résume assez bien l'ensemble de sa correspondance, souvent confidentielle c'est-à-dire non présentée en Loge : le nouveau gouverneur Chaudié et le colonel Boilève qui vient avec lui sont-ils maçons « si oui, ce serait le début de la réalisation de mon plan de campagne anticlérical... » Vains espoirs puisque le 18 février 1896 il se plaint : « avec la temps je suis persuadé que vous seriez arrivés... mais je crois qu'il sera trop tard... »

La cassure avec les FF.'. de la Loge apparaît au grand jour en mai 1896 quand le F.'. Garrigue démissionne « pour divergence d'opinion entre la majorité de la Loge » et lui à propos « du procès du F.'. Mongès Tching Yong, rendu nécessaire pour menées anticléricales contre nous ». En fait les FF.'. informent Paris qu'avec Garrigue « aucune discussion en Loge, aucun travail ne fut permis.  Il n'y avait que ce qu'il disait qui était bon... aussi découragés des FF.'. cessèrent-ils de venir aux tenues ». De plus l'affaire Yong a été jugée fraternellement à St-Louis et le F.'. Yong a été reconnu innocent des accusations portées contre lui.

Garrigue contraint à démissionner d'une Loge bien mal en point selon les dires des FF.'. eux-mêmes c'est le F.'. Chanoine qui devient V.'.M.'., mais aussitôt s'absente avant que de donner à son tour sa démission.  La crise est si profonde que le secrétaire écrit le 31 juillet 1896 : « J'ai provoqué une réunion pour donner connaissance de mon courrier et réunir les signatures nécessaires, personne n'est venu au local... je vous prie de me dire si, la Loge ne pouvant continuer ses travaux, il ne me serait pas possible de prendre de l'activité dans une autre Loge... par correspondance ».

Entre 1896 et 1897 c'est une Loge de faible rayonnement qui se maintient à St-Louis.  Une lettre du 15 avril 1897 résume la situation « Nous avons dû reconnaître l'impuissance momentanée de notre At.'.. Le monde militaire nous échappe... En ce qui concerne l'administration, l'orientation en est nettement cléricale.  Notre Loge est peu nombreuse, composée presque exclusivement de fonctionnaires dont les déplacements sont trop fréquents... Le directeur de l'Intérieur fait la quête à la messe, son prédécesseur également, vous devez comprendre que nous maçons, dépendant absolument sur le plan profane d ce singulier personnage nous soyons tenus à une réserve prudente, pour na pas dire à une éclipse totale ». Le F.'. Allys V.'. d'H.'. étant fréquemment en déplacement il appartient d'abord au F.'. Hy puis au F.'. Duval, le dernier Vén.'. de l'ancienne Loge, d'assurer l'intérim.

Quelques initiations cependant maintiennent l'At.'. en vie ; parmi les initiés de 1897 il faut retenir le nom de Cancé René ingénieur directeur de travaux de la maison Kessler responsable sur place d' « un travail des plus considérables, un pont métallique sur le Sénégal.  Le F.'. Cancé a fait preuve de talent, énergie, opiniâtreté pour arriver à vaincre les difficultés qu'on avait jugées insurmontables ». C'est de ce F.'. Cancé qu'émane la seule planche importante de la Loge : « l'expulsion des jésuites et la fermeture de leurs établissements » ; très logiquement sa conclusion concerne le Sénégal où « Nous devons user de tout notre pouvoir pour que la loi scolaire de France soit appliquée », résolution que toutes les Loges coloniales en lutte contre les missions et les congrégations adressent, à un moment ou à un autre de cette période, au G.O.D.F. [Robinard, passim].

La Loge subit la pression qui s'exerce sur elle et que rappelle un courrier de janvier 1898 repris dans le détail par deux longues lettres en avril et juin de la même année.  En substance « notre gouverneur M. Chandié se borne à se défendre de tout rapport avec les F.'.M.'. et son secrétaire, parle de purger complètement l'administration des affaires indigènes des F.'.M.'. qui l'infestaient... et en effet aujourd'hui tous les FF.'. qui par la nature de leur fonction peuvent être déplacés et expédiés loin de St-Louis ».

Cependant un rapport daté du 25 juin 1899 prouve que, tenaces, les FF.'. ont repris le rythme des deux tenues réglementaires par mois et avancent « dans la plus franche cordialité » un travail sérieux, bien qu'ils soient toujours autant à « lutter non seulement contre l'esprit clérical... mais encore contre le gouvernement local qui protège les Frères de Ploermel et les Frères du St Esprit, contre les grosses maisons de commerce que l'on croirait facilement inféodées à l'ordre des jésuites ». Tout d'abord « nous avons consacré une somme relativement importante à la réparation de notre Temple et au renouvellement de notre mobilier de façon à pouvoir recevoir plus dignement nos FF.'. visiteurs ». En même temps « malgré ces circonstances si défavorables nous avons procédé dans l'année courante à six initiations... » et « nous avons répondu dans le monde profane toutes les brochures que le G.O. nous a envoyées... et cent cinquante exemplaires du journal La Raison Universelle ». De plus « il ne s'est pas passé un fait local important sans qu'il ait donné lieu à un échange de vue entre les membres de l'At.'. ». Enfin des planches ont été présentées régulièrement et dont la série confirme bien l'état d'esprit de la Loge : le F.'. Yong sur « La science et la raison opposées aux superstitions religieuses », le F.'. Delacroix sur « la situation générale au Sénégal au point de vue clérical », le F.'. Bournac sur « la participation du gouvernement aux fêtes religieuses », le F.'. Lhôte sur « les causes du peu d'influence dont jouit la F.'.M.'. au Sénégal et les façons d'y remédier »; cette dernière planche « nous a conduit à insister auprès de nos FF.'. de Dakar pour la création d'une loge dans cette ville ».

Effectivement en raison de ce volontarisme affirmé et de cette vigueur retrouvée s'opère l'essaimage de la Loge « l'Avenir du Sénégal » avec l'allumage des feux de « l'Étoile Occidentale » à Dakar, ville dont le développement se concrétise chaque jour davantage par l'implantation d'administrations et des maisons de commerce. Le 4 Août 1899 quelques FF.'. se réunissent et décident de créer une loge à  Dakar, installation qui sera faite officiellement le 12 novembre.  Sur les 7F\ fondateurs quatre sont de « L'Avenir du Sénégal » de St-Louis : Cancé René, Cornu Alain, Lhôte Eugène et Morilhan  J. Baptiste.

Au total pour la période de 1893 à 1899 la Loge « l'Avenir du Sénégal » a évolué dans un environnement défavorable, sinon hostile ; le temps est loin où gouvernement et négociants animaient la Loge de St-Louis.  La jeune Loge « l'Avenir du Sénégal » face à cette situation a sa traversée du désert entre 1896-97 pour reprendre espoir dès 1898-99.  Mais au-delà de ces variations constatées dans son travail interne et dans son rayonnement il faut souligner la permanence des idées forces communes à ces FF.'. fonctionnaires pour la plupart venus de France.

En premier lieu l'anticléricalisme, attitude nettement minoritaire dans une colonie où l'action catholique s'est largement développée ; cette disposition d'esprit, anticatholique au départ, commence également à s'exercer à l'encontre maraboutisme et donc de l'Islam.  Ceci peut en partie expliquer la rupture opérée avec la politique d'ouverture vers les Sénégalais tentée dans les années 80 par « L'Union Sénégalaise » ; dans cette perspective « L'Union Sénégalaise » et « L'Avenir du Sénégal » sont des appellations à charge idéologique indéniables avec rupture dans les objectifs et les méthodes à mettre en œuvre.

En second lieu une affirmation de plus en plus forte d la bonne conscience éprouvée par les milieux français quant à la présence de la France au Sénégal.  C'est le F.'. Garrigue en novembre 1894 : « le F.'. Isaac, sénateur de la Guadeloupe... sa campagne négrophilissime à l'encontre des intérêts français qu'il a soutenue dans le journal La Liberté Coloniale ». C'est le F.'. Cancé en janvier 1899 à propos des travaux du dernier Convent sur la question du suffrage universel en Algérie : « Certes nous n'avons pas comme en Algérie à lutter contre les éléments étrangers... mais nous sommes proprement noyés dans le flot de la masse électorale composée pour les 4/5 de moins non instruits », dés lors existe le risque « de l'arrivée au pouvoir de gens qui ont pour devise le Sénégal aux Sénégalais ». Cette méfiance à l'égard des Sénégalais « non instruits », souvent « soumis aux marabouts », repose sur le credo qu'il appartient à la France de « faire pénétrer l'esprit général de la civilisation moderne, lutter contre l'ignorance et la superstition, représenter le progrès et assurer le triomphe de la science et de la Raison ». [Girardet p. 137]

Il faut en quelque sorte donner le temps à la France puissance civilisatrice généreuse de faire son œuvre, d'éduquer les populations pour que le « faux problème » des nationalismes disparaisse en trouvant solution au sein d'une culture Française universelle et dispensatrice de Liberté, Égalité, Fraternité.  En adoptant ce point de vue en matière coloniale « L'Avenir du Sénégal » et les FF.'. qui la composent sont représentatifs de la majorité des Républicains de la fin du XIXeme  en France.

De 1781 à 1899 la ville de St-Louis, capitale administrative du Sénégal, a connu quatre Loges avec chacune sa personnalité en relation avec l'époque concernée comme en une sorte de projection de l'évolution de la Maçonnerie Française ; avec des coups de projecteurs ponctuels sur un mouvement continu et dont on perçoit ainsi les grandes lignes directrices.  Avec en plus, nécessairement, la prise en compte de la réalité Sénégalaise et là aussi des réponses différentes selon la Loge et l'époque concernées.

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Cette étude aura donc permis de rappeler tout d'abord que « St Jacques des Trois Vertus » Loge de la monarchie d'avant la Révolution, « La Parfaite Union » sous la restauration et la monarchie de Juillet, « L'Union Sénégalaise » sous la IIIeme République naissante puis « L'Avenir du Sénégal » dans une IIIeme République confortée, ont dans un rayonnement plus ou moins intense participé à la vie de St-Louis et par là même du Sénégal de rappeler en outre qu'un F.'.M.'. mériterait une plus grande attention le Baron Roger. 

ODO Georges 

Article Iderm 1979

 

Rôle des Métis
Jusqu'en 1914 la vie politique et économique de la colonie est dominée par les blancs et les métis : aux grandes familles bordelaises, les Maurel et Prom, les Chaumet, les Delmas, surnommées "les requins" par les Sénégalais, l'exportation des arachides, l'importation des biens de consommation, aux métis, surnommés "les traîtres" par les Sénégalais, les comptoirs de l'intérieur. Les Bordelais dirigent la politique économique, les métis la politique locale.
 

Justin Devès, maire de Saint-Louis. Son frère ainé, Théodore, est président du conseil colonial.

Les familles

s Carpot et Devès luttent pour le contrôle politique du Sénégal.

François Carpot est élu député du Sénégal en 1902. Il bat son prédécesseur le comte d'Agoult au premier tour. Réelu de justesse en 1910, il est battu en 1914 par Blaise Diagne.

Tiré de : http://senegalmaur.ifrance.com/senegalmaur/marche-indep.html

BIBLIOGRAPHIE 

- Arch.  G.O.D.F. : Archives G.O.D.F. rue Cadet : cartons sur St-Louis du Sénégal du XIXe.

- Arch.  Dakar CA : Archives de la Cité Administrative de Dakar pour la période 1823-1826  et 1874-1880

- BN-FM : Bibliothèque Nationale.  Indication de la citation et éventuellement du feuillet numéroté.  Fonds Maçonnique de la Salle des Manuscrits.

- Bulletin SG : Bulletin de la Société de Géographie avec la date.

- Biarnès Pierre : « Les Français en Afrique Noire de Richelieu à Mitterrand » A. Colin 1987.

- Biondi J.P. : « St-Louis du Sénégal, Mémoire d'un métissage » de Noël 1987.

- Le Bihan Alain : « Loges et Ch. de la G.L. et du G.O.D.F. - 2e moitié du XVIIIe » Paris 1967, par erreur p. 402 Le Bihan indique « Collection Chapelle fol. 82-83 t Il », il faut lire  t. III.

- Hamy : « Études Historiques et géographiques » Paris 1896.

- Hardy Georges « La mise en valeur du Sénégal de 1817 à 1854 » Larose 1921.

- Girardet Raoul    « L'idée coloniale en France », La Table Ronde 1972.

- N'Diaye Francine : « La colonie du Sénégal au temps de Brière de L'Isle » Bulletin IFAM  TXXX Série B N' 2 Dakar 1968.

- Robinard Joëlle : « La F.'.M.'. et la colonisation sous la IIIE République de 1904 à 1936 ».   Thèse de Doctorat 1971.

- St-Martin Yves : « Les rapports de situation politique : 1874-1891 ». Histoire n' 9 Dakar  1966.

- Dakar 1988 : Recherches sur le terrain de traditions orales sur le passé de la F.'.M.'. au Sénégal.

Complément de Bibliographie sur Internet

@ - Odo G. "Franc maçonnerie dans les colonies"

@ - Odo G. "Franc maçonnerie en Afrique"

@ - Bibliographie maçonnique succincte

 

@ - Midiohouan Guy Ossito "Un auteur africain francophone du XIXe siècle face à la conquête coloniale : Léopold Panet et la Relation d'un voyage du Sénégal à Soueira (Mogador)" ....
 
@ - Collectif "Saint Louis du Sénégal"

@.-
 Collectif "Baron Roger et René Caillé"
 

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