LA FRANC-MAÇONNERIE

dans

les   COLONIES  FRANÇAISES

 

1738 - 1960

 

 

 

au temps   de   Louis XVi

 

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   Odo Georges
  • Table Générale des matières - BibliographieLouis XV - Louis XVI - Tableau Loges Révolution - Napoléon/Restauration - Napoléon III - Débuts III° République - Consolidation avant 1914  - Plénitude après 1918  - Assimilation ? - Doutes après 1930 - 1940.1946 et Union Française  - 1946 Indépendances

  •              Tableau récapitulatif des loges coloniales

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    CHAPITRE  II 

    Consolidation maçonnique

    au temps  de Louis XVI

    Stabilité du domaine colonial, évolution administrative

    La Franc-Maçonnerie et ses problèmes internes : le GODF

    Loges de la Marine et circulation des hommes, des idées

    Loges dans les colonies : Indes, Océan Indien et Sénégal

    La Franc-Maçonnerie des Antilles connaît son apogée

    Le Chevalier de Saint George, premier mulâtre admis

    .

     

     

     

    En 1774 le jeune prince Louis XVI**accède au pouvoir. Les loges dans les colonies vont, pour leur part, profiter à la fois d'une période de stabilité coloniale de la Monarchie Française et d'un renouveau de la Franc-Maçonnerie en France. 

     

     

    Stabilité du domaine colonial, évolution administrative 

     

    Sous le règne de Louis XVI , le domaine géographique colonial français subit peu de modifications. Les îles tropicales, qui sont d'un important rapport économique, apparaissent comme suffisantes à l'enrichissement de la Métropole..

     

    Le Traité de Versailles, en 1783, rend à la France Tobago et le Sénégal. Il n'y a eu dans l'intervention de la Monarchie Française, en faveur des colons anglais d'Amérique, qu'un souci de tirer vengeance de l'Angleterre. En la circonstance, il n'y a manifestation d'aucun projet colonial  sous-jacent qui aurait porté à des annexions nouvelles. Par contre, sur le plan des idées et des structures coloniales des changements se font jour.

     

    Les philosophes, les économistes et les physiocrates entretiennent un mouvement d'opinion contre les privilèges des Compagnies et contre l'Exclusif. Les effets de cette approche se sont déjà fait sentir, en 1769, avec la suppression de la Compagnie des Indes et le maintien de la seule Compagnie de Barbarie qui garde le monopole du commerce avec les côtes septentrionales d'Afrique.

     

    En lieu et place de la Compagnie des Indes, le gouvernement direct a été instauré. A Versailles, l'administration est centralisée, la direction des colonies étant rattachée au Ministère de la Marine. Dans les colonies, des ordonnances précisent les pouvoirs respectifs des intendants et des gouverneurs, en tant que représentants du roi. Du point de vue législatif, le régime est celui de l'assimilation.

     

    Mais, parallèlement à cette amorce de centralisation, le mouvement de représentation des colons se précise sur place. Les chambres professionnelles sont instaurées aux seules Antilles dès 1759. Composées de colons nommés par le roi, et purement consultatives avec un député à Paris, elles en sont une préfiguration. En 1784, contre l'avis des armateurs des ports français, la mise en place de « l'Exclusif mitigé » donne satisfaction aux colons en leur permettant d'aménager leur commerce avec l'étranger. En 1787, la création des Assemblées Provinciales en France se traduit, à la Martinique et en Guadeloupe, par l'institution d'Assemblées Coloniales qui n'eurent pas le temps de fonctionner normalement. En fait, la grande contradiction entre centralisation et décentralisation se renforce, en raison des lenteurs des communications et des empiètements des colons. C'est dans ce contexte spécifique que la Franc-Maçonnerie se glisse, alors qu'elle trouve un nouvel élan.

     

     

    La Franc-Maçonnerie et ses problèmes internes : le GODF

     

    En 1771 disparaît le comte de Clermont**, Grand Maître depuis 1737. Le duc de Montmorecy Luxembourg** lui succède. Il a pour tache de rapprocher des FF\ séparés depuis de longues années.

                      

    De mars à juin 1773 une assemblée générale des loges de France se tient à Paris. Il en résulte que « le Grand Orient de France sera composé de la Grande Loge et de tous les Vénérables en exercice ». La GL\ est devenue le GODF mais, dans la mesure où les Vénérables de Paris n'ont pas admis cette décision, est né un problème désormais récurent : l'héritage de la légitimité de la GL\ est-il au GODF ou aux vénérables parisiens réfractaires ? Laissons aux spécialistes le soin d'en débattre, pour constater que les FF\ des colonies  ont opté pour le Grand Orient de France.

     

    En août 1773, le premier tableau des officiers du GODF  enregistre, en tant que président de la Chambre d'Administration, le F\ Jean François de Méry d'Arcy directeur de la Compagnie des Indes. Ά la Chambre des Provinces, le huitième expert est le F\ Lamarque « l'Américain », négociant à St-Domingue, ancien Vénérable à Cayes, membre des loges de Port-au-Prince, de St Marc et de Léogane,  député de l'ensemble de ces loges.

     

    Le 12 août 1774 le Grand Orient s'installe chez lui, rue du Pot-de-Fer. Il se lance, alors, dans un travail administratif considérable et pour commencer demande à toutes les loges de faire réenregistrer leurs constitutions. Il donne, pour ce faire, un délai de trois ans aux loges des colonies. Ces loges, comme la plupart des Ateliers de la Métropole, se plient à cette exigence. Créées au temps de la GL\ elles n'hésitent pas à « rafraîchir » leurs constitutions. Faire reconnaître l'ancienneté de leurs travaux par l'instance nationale, c'est satisfaire la vanité des FF\ et augmenter leur prestige.

     

    L'engouement  de la société pour la Franc-Maçonnerie trouve, dès lors, des structures renforcées et reconnues par le pouvoir royal. Il n'est pas jusqu'aux officiers qui multiplient leurs loges dans l'armée et dans la marine, souvent en contact avec les colonies.

     

     

    Loges de la Marine et circulation des hommes, des idées

     

    Les loges constituées à l'Orient de navires, de la marine royale ou de la marine marchande, sont sans surprise quand on sait le nombre d'officiers de la marine, de chirurgiens de vaisseaux, d'officiers de la Compagnie des Indes et de fonctionnaires de l'administration coloniale, de nobles de France propriétaires dans les îles de l'Atlantique ou de l'océan indien, qui se déplacent.

     

    Ces « loges embarquées » apparaissent comme un trait d'union entre les loges de la Métropole et celles des colonies. Elles confortent la relation colonies - Marine - Métropole  existant dans le monde profane. Il reste à  déterminer le nombre de ces loges. Pour le moment trois d'entre elles seulement sont répertoriées.

     

    En 1779, les volontaires du vaisseau « L'Union » fondent la loge « les Zélés de l'Union Parfaite des Volontaires de l'Union.», dans l'attente de leur embarquement à St-Denis de l'île Bourbon. Cette loge comprend vingt membres autour du vénérable qui n'est autre que J.B. du Barrail, leur commandant.

     

    En 1789, la loge « St Jean de Terre-Neuve, à l'Orient de la Frégate la Vestale » délivre un certificat à Thomas de St Laurent. Cette loge, embarquée, exige le serment d'affiliation dans une loge reconnue par le Grand Orient. La loge pouvait ne pas être portée sur les annuaires et les états du GO, mais les FF\ savaient qu'en haut lieu leur initiation et leur appartenance ne seraient pas entachées de nullité et qu'ils ne seraient pas rejetés dans le monde profane.

     

    En 1793, à contre-courant des fermetures qui se multiplient à terre, une loge d'adoption est fondée à bord de « La Cybèle » dont la loge-mère, « Les Amis Réunis », est à l'Orient de Pondichéry.

     

    Ces FF\ éloignés de la Métropole, avec qui les relations sont très distendues, plongés dans une campagne maritime dangereuse, illustrent la vitalité de la Franc-Maçonnerie, au XVIIIè siècle, dans la Marine Royale.

     

    Ils attestent aussi l'intérêt, en temps de guerre encore plus qu'en temps de paix, que représentent ces FF\pour les colonies dont ils sont un des moyens les plus sûrs de contact maintenu avec la métropole.          

     

     

    Loges dans les colonies : Indes, Océan Indien et Sénégal

     

    Ά Pondichéry . La ville officiellement restituée aux Français en 1785, aussitôt « La Fraternité Cosmopolite » allume ses feux. Nom mérité puisque le seul F\servant Noir - « Noir de la Côte de Guinée » -  de l'époque en fait partie.

     

    La loge, dans un univers où les commerçants sont dominants, est composée d'une majorité écrasante de militaires du régiment de Bourbon, du corps royal du Génie, du régiment de l'île de France, du corps des cipayes. Quelques sous-commissaires de la Marine et des membres du Conseil supérieur de la ville viennent s'associer à ce milieu très militaire.

     

    D'ailleurs, une loge militaire , « La Sincère Amitié », vient compléter le dispositif maçonnique en 1787. Composée de FF\ tous attachés au Régiment de Pondichéry, elle est sous l'autorité du marquis de Montredon, lieutenant colonel du régiment.

     

    Aux Mascareignes. C'est à dire essentiellement l'île Bourbon (la Réunion) et l'île de France (île Maurice).

    Ces îles jalonnent la voie maritime qui mène à Pondichéry. On dit, en schématisant, qu'elles représentent 1/8è de la surface, 1/8è de la population blanche et 1/8è des esclaves des Antilles Françaises.

     

    L'essor démographique, rapide, donne dans chacune de ces îles plus de six mille blancs et vingt cinq mille noirs. C'est une société ethniquement déséquilibrée avec, de plus, une opposition entre petits Blancs et grands Blancs. La Franc-Maçonnerie, cercle de rencontre qu'affectionnent les  grands Blancs, est très représentative de ces réalités par  son propre essor quantitatif et qualitatif.

     

              - L'île Bourbon,dès 1735, on relève la présence de FF\, le gouverneur général Mahé de Labourdonnais** en est le plus illustre. Vers 1744, une loge « St Jean de Bourbon » est signalée.

     

    Mais c'est en 1775 que la Franc-Maçonnerie prend officiellement pied dans l'île avec la loge « La Parfaite Harmonie.», sous l'autorité d'un enseigne de vaisseau dont le bateau se trouve en rade de St-Denis. Bientôt les petits centres de St-Paul et St-Benoît auront, chacun, leur loge. Dans les années 80, le F\de Beurnonville** - futur GM\adjoint de l'obédience - va conforter ces structures maçonniques par la création d'un chapitre et de la Grande Loge Provinciale. Son propre atelier de St-Denis passe à une centaine de membres, « tout ce qu'il y a de distingué dans les états de la colonie ». De plus, il fait édifier un temple, entouré d'un jardin public, dans l'enceinte duquel est installé un collège gratuit.

     

    La période faste de la Franc-Maçonnerie en France, avant la Révolution, est également une réalité pour les FF\ installés sur l'île Bourbon. Sans oublier que la création de la Grande Loge Provinciale accompagne la demande, des « coloniaux » dans le monde profane, de décentralisation.

     

              - L'île de France  n'est pas en reste. La première loge de 1765 poursuit ses activités, que confortent à partir de 1777 « La Parfaite Harmonie » à Port-Louis et «.L'Heureuse Traversée » à St-Paul. En 1778 c'est au tour de "la Triple Esperance" d'allumer ses feux à l’Orient de Port-Louis. Très vite, le bilan total est de quatre loges et trois chapitres. Rattachés au Grand Orient, trois de ces ateliers ont leur temple à Port-Louis.

     

    La ville de Port-Louis vit alors ses plus belles années en devenant la base française principale de l'Océan Indien, face aux Anglais, et siège du Gouvernement Général des îles. Au point que les FF\ de l'île de France ont du mal, au début, à admettre que la Grande Loge Provinciale se soit installée à l'île Bourbon. Là, comme ailleurs, les préséances ne sont pas absentes.

     

    Comme partout ailleurs, également, peu de créoles ou de natifs de la colonie, aucun noirs ou « sang mêlé », sont admis par la « Franc-Maçonnerie des grands Blancs.».

     

    Dans ce contexte, très sélectif sur le plan social, la loge «.Quinze Artistes » tranche avec sa douzaine de maîtres artisans, de chirurgiens, de marchands. Elle se présente comme une manifestation, presque unique dans les colonies, de l'évolution en cours en Métropole.

     

    Ά St-Louis du Sénégal, pour sa part, jalonne à la fois la route des Indes et le commerce triangulaire atlantique.

    En 1781, l'Assemblée Générale de la Grande Loge accorde au V\M\ Chorier sa lettre de cons­titution pour le Sénégal.  Elle accepte, en sus, un certificat d'inspecteur Général des Indes. De sorte que la Loge « St Jacques des Vrais Amis Rassemblés », devenue « St ­Jacques des Trois Vertus », ouvre la voie maçonnique au Sénégal.

     

    Dans une colonie où, une fois les Anglais chassés de St-Louis et le traité de Versailles signé, le commerce de la gomme prend progressivement le pas sur la traite des esclaves.

     

    Dans cette colonie, dont le commerce végète, la Loge s'adresse surtout à des éléments de l'armée et de l'administration, groupes déterminants dans la ville naissante. Plus quelques commerçants liés à la compagnie du Sénégal. Mais quelle relation établir avec Durand, directeur de la Compagnie du Sénégal, qui, dans une lettre du 28 mars 1786 adressée à Hénnin aux Affaires Étrangères à Versailles, annonce « Nous perdons M. le Comte de Repentigny… Nous vivions comme deux frères raisonnables...». Simple effet stylistique du temps ou clin d'œil d'initié ?

     

    Aucun document n'indique si cet Atelier de la Monarchie finissante a continué ses activités - une fois le Chevalier de Boufflers parti - sous le gouvernement de Blanchot de Vely.  A noter que la tradition locale s'interroge sur l'appartenance de ces deux personnages à la Franc-Maçonnerie, sans éléments tangibles cependant. Quoiqu'il en soit cette loge, de St-Louis du Sénégal, est la première loge française en Afrique francophone.

     

     

    La Franc-Maçonnerie des Antilles connaît son apogée

     

    Les Antilles sont considérées, par le contemporains, comme le joyau de la colonisation. Leur production de canne à sucre, tabac, indigo fait la fortune les colons et alimente un commerce d'exportation imposant. Surtout, à partir de 1784, avec l'ouverture de plusieurs ports aux étrangers ; l'institution de cet « exclusif mitigé », que réclamaient les colons, renforce les échanges.

     

    La progression de la Franc-Maçonnerie aux Antilles profite de cette conjoncture faste. D'autant plus que les loges créées pendant la période précédente affirment, sauf en Guyane, leur vitalité persistante :

     

    Loges créées

    1738-1773

    1774-1789

    1738-1789

    St-Domingue

    12

    10

    22

    Guadeloupe

      6

      7

    13

    Martinique

      3

      7

    10

    Guyane

      2

     

      2

    Marie-Galante

      1

     

      1

    St-Vincent

      1

     

      1

    Ste-Lucie

     

      4

      4

    total

    25

    28

    53

     

    St-Domingue . L'île est considérée (30.000 km carrés, 520.000 habitants dont 450.000 esclaves, fortes exportations)  comme la terre d'élection de l'exploitation coloniale. Elle est aussi terre d'élection de la Franc-Maçonnerie. Bénéficiaires d'une population de 40.000 Blancs, souvent aisés, plus d'une vingtaine de loges et plusieurs chapitres exercent leurs activités pour le compte de trois obédiences : le Grand Orient, la Grande Loge dissidente de Paris et la Grande Loge de Pennsylvanie.

     

    Les ateliers se répartissent essentiellement sur les côtes, ceux de l'intérieur étant moins nombreux et moins étoffés. Dans ce dispositif plutôt marin, les Orients du Cap au nord et de Port au Prince au sud l'emportent par le nombre de loges.

     

    La création de la Grande Loge Provinciale, en 1776 à Fond des Nègres, confirme la progression de la Franc-Maçonnerie locale. Elle atteste, en outre, d'un besoin de décentralisation, sinon d'autonomie ; besoin affirmé tant sur le plan maçonnique que profane. Cependant, cette Grande Loge exerce difficilement son magister sur l'ensemble des loges de l'île. Et, s'il y a eu volonté de rayonnement régional, elle a été stoppée par l'ignorance, réciproque, entre St-Domingue et les petites Antilles.

     

    La Guadeloupe .Avec une population blanche d'environ 15.000 habitants (et 90.000 Noirs), l'île dispose de plus d'une douzaine de loges et de trois chapitres. Ce succès va amener les FF\ à proposer, en 1786, la mise en place, à Pointe à Pitre, d'une Grande Loge de la Guadeloupe. La demande s'inscrit dans la vision d'un recentrage sur l'île, tant par rapport à la Métropole qu'à l'égard de St-Domingue. Le renforcement de la Maçonnerie, ici plus qu'ailleurs peut-être, n'empêche nullement que le maintien d'un niveau élevé du recrutement social soit l'une des préoccupations majeures. Les tableaux de loges en font foi avec des nobles, des officiers de tous grades, des administrateurs.

     

    La Martinique. Avec une population de même importance que la Guadeloupe, l'île enregistre une dizaine de loges, dont la plupart créées après 1774. Elle sont réparties entre cinq Orients côtiers ; le plus important est  celui de St-Pierre où la loge «.Parfaite Union et Tendre Fraternité » rassemble, en 1777, plus de cent trente FF\.

     

    La Marie-Galante. A six heures au sud de la Guadeloupe, l'île dispose pour ses 700 Blancs (et 7.000 Noirs) d'une loge en gestation dès 1756. Mais il faut attendre 1784 pour que son installation soit enfin officialisée.

     

    Ste-Lucie - au sud de la Martinique -   Compte 2.000 Blancs environ (et 20.000 Noirs) et quatre loges, dont les allumages de feux sont effectifs entre 1785 et 1787. Chacune rassemble une cinquantaine de membres, ce qui veut dire que un dixième de la population blanche fréquente les quatre loges.

     

     

     

    Le Chevalier de Saint George, premier mulâtre admis Franc-Maçon.

     

    Les Antilles, les chiffres le démontrent, pour l'ensemble des îles et pour chaque île individuellement, sont au centre d'un déséquilibre ethnique croissant (en moyenne 1 Blanc pour 10 Noirs). La  crainte, consécutive à cet état de fait, pèse d'ailleurs sur la législation et préside à l'élaboration du Code Noir. Edicté en 1685, il régit la vie de l'esclave dans la dépendance complète du maître. « L'autre » est réputé dangereux, c'est à dire : l'Homme Libre de couleur, le mulâtre parfois riche et instruit. La Franc-Maçonnerie, dans les colonies de l'Atlantique ou de l'Océan Indien, n'est pas épargnée par cette réalité du monde profane. L'opposition est exprimée unanimement à toute admission de mulâtres libres qui aspireraient à autre chose qu'à une place de F\ servant. L'opposition est aussi vive quand il s'agît de régulariser un F\ « mésallié » par son mariage avec une mulâtre.

     

    Le F\ de Saint George** fait exception à la règle. Né en 1739 à Basse-Terre d'une esclave d'origine sénégalaise et d'un planteur noble, après une enfance en Guadeloupe et à St-Domingue, le jeune Joseph Boulogne de Saint George vient à Paris avec son père. Bien que mulâtre, il y est vite adopté par l'aristocratie pour ses multiples talents : escrimeur, danseur, séducteur et surtout musicien. Il passe d'ailleurs pour le rival de Mozart. Comme Mozart, et de nombreux musiciens contemporains, il est Franc-Maçon. Appartenance attestée par le compte rendu de la loge « St Jean du Contrat Social » de sa tenue du 13 décembre 1780. Affilié à la loge « Les Neufs Sœurs », le F\ Saint George se présente à cette tenue muni de ses décors au grade de trentième. Il est certainement le premier  mulâtre à avoir été admis dans la Franc-Maçonnerie et son initiation a été, semble-t-il, opérée clandestinement : aucun Livre d'Architecture ne fait état de son admission. Cette « discrétion » s'explique par le fait que la  ségrégation vise autant les métis que les Noirs.

     

    A la veille de la Révolution, il fréquente assidûment les Cafés du Palais Royal  où son manteau rouge et sa culotte noire le classent parmi les amis du Duc d'Orléans. Il y fréquente Condorcet, Mirabeau, Sieyès, l'abbé Grégoire qui jettent les bases de « la Société des Amis des Noirs »… En 1791, dans la logique de son choix pour la Révolution,  il s'engage dans les volontaires de la garde nationale. En septembre 1792, la commune de Paris ayant demandé à tous les citoyens de s'engager, une délégation de Noirs et métis se présente pour offrir le soutien de tous les « hommes de couleur ». Elle obtient la formation d'un corps de troupe de mille hommes répondant à ce critère, dont deux cents cavaliers. Saint George est désigné à la tête de ce qui devient « la légion Saint George ». Deux ans plus tard, il est emprisonné par application de la « loi des suspects ». Réhabilité, il aura l'occasion de revenir aux  Antilles pour tenter, en vain, de dialoguer avec les insurgés…. Cette existence hors du commun prend fin, à Paris, en 1799.

     

    Le parcours du F\ Saint Georges, exception qui confirme la règle, permet de mieux saisir combien cette société du XVIIIè siècle, fortement européo-centrée et hiérarchisée, refuse « l'autre ».

     

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    Tableau des loges coloniales XVIIIè    Siècle

    St-Domingue                                                   

    .

    1738

    Cayes

    Les Frères Réunis

    1746

    Petit Goave

    L'Union du St Esprit

    1749

    Le Cap-Français

    St Jean de Jérusalem Ecossaise

    1749

    St Marc.

    La Concorde

    1757

    Cayes

    La Concorde

    1762

    Port-au-Prince

    La Parfaite Harmonie (Morin ->1765)

    1765

    Léogane

    L'Amitié Indissoluble

    1766.

    Le Cap-Français

    La Vérité

    1766

    Le Cap-Français

    L'Harmonie  ( 1768 + St J.J érusalem)

    1767

    Le Gros du Morne

    L'Etroite Union

    1769.

    Fort-Dauphin

    St Jean Jérusalem de Nouvelle Alliance

    1769

    Port-au-Prince

    La Parfaite Union

    1773

    Le Fonds des Nègres

    Les Frères Choisis

    1774

    Petit Goave

    L'Unanimité

    1775

    Cavaillon

    Les Frères Zélés

    1776

    Le Fonds des Nègres

    Grande Loge Provinciale

    1779

    Petit Trou

    La Raison Perfectionnée

    1783

    Port-au-Prince

    La Réunion Désirée

    1783

    Jacmel

    Le Choix des Hommes

    1785

    Cayes

    Les Frères Discrets

    1786

    Jérémie

    La Réunion des Coeurs

    1788

    Léogane

    Les Philadelphes

    1789

    Port-au-Prince

    LesAmis Réunis

    1791

    Port-au-Prince

    Les Cœurs Franco-Américains

    Martinique

    1738

    St-Pierre                   1

    La Parfaite Union

    1761

    St-Pierre

    La Concorde

    1765

    St-Pierre                   2

    La Tendre Fraternité "Ecossaise"

    1777

    St-Pierre            1+2 =

    La Parfaite Union et la Tendre Fraternité

    1777

    St Pierre

    La Sincérité des Coeurs

    1781

    St-Pierre

    Les Frères Choisis

    1786

    Port-Royal

    La Parfaite Amitié

    1786

    Le Marin

    La Paix

    1787

    St-Pierre

    La Bonne Amitié

    1787

    St-Pierre

    Saint Jean d'Ecosse

    Guadeloupe

    1745

    Ste-Anne

    Sainte Anne

    1754

    Petit Canal Pte Antigue

    Antigue

    1768

    Basse-Terre

    St Jean d'Ecosse

    1770

    Les Abymes

    La Bonne Amitié

    1770

    Le Moule

    L'Humanité

    1771

    Les Vieux Habitants

    Les Vrais Amis

    1774

    Le Lamentin

    St Louis de la Concorde

    1780

    Basse-Terre

    Les Cœurs Unis

    1784.

    Loge militaire

    Les Vrais Soutiens de la Guadeloupe

    1784

    Pointe-à- Pitre.

    La Paix

    1785

    Basse-Terre

    La Parfaite Egalité

    1786

    Port-Louis

    La Perfection des Moeurs

    1789

    St-François

    La Parfaite Amitié

    île  Saint-Vincent      

    1762

     

    Ecossaise de la Réunion des Vertus

    île  Marie-Galante                                                             

    1768

     

    La Vraie Fraternité

    île  Sainte-Lucie

    1784

    Port Castries

    Le Choix Réuni

    1784

    Ilet à Caret

    L'Harmonie Fraternelle

    1787

    Bourg de Micoud

    Les Frères Unis

    1787

    Gros-Ilet

    L'Heureuse Réunion

    Terre-Neuve

    1788

    Loge Militaire (Marine)

    Saint Jean de Terre Neuve

    Sénégal                                                                

    1781

    St-Louis

    Saint Jacques des Trois Vertus

    île   de  France (Maurice)                                                        

    1765

    Port-Louis

    Saint Jean de la Philadelphie

    1778

    Port-Louis

    L'Heureuse Traversée

    1778

    Port-Louis

    La Triple Espérance

    1785

    Port-Louis

    Les Vingt-Un 

    1789

    Port-Louis

    Les Quinze Artistes

    1792

    Port-Louis

    La Paix

    île  Bourbon  (Réunion)             

    1775

    St-Denis

    La Parfaite Harmonie

    1777

    St-Paul

    L'Heureuse Réunion

    1779

    Loge Militaire (Marine)

    Zélés Union Parfaite des Volontaires ..….

    1781

    St-Paul

    Grande Loge Provinciale

    1784

    St- Benoit

    La Triple Union

    Indes                                                                        

    1786

    Pondichéry

    La Fraternité Cosmopolite

    1787

    Loge militaire

    La Sincère Amitié

    1789

    Pondichéry

    Navigateurs réunis

    1792

    Pondichéry

    Les Amis Réunis

     

     

     

     

     

     

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