LA FRANC-MAÇONNERIE

dans

les   COLONIES  FRANÇAISES

 

1738 - 1960

 

 

de l'Empire à l'union française

    (1940 - 1946)

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   Odo Georges
  • Table Générale des matières - BibliographieLouis XV - Louis XVI - Tableau Loges Révolution - Napoléon/Restauration - Napoléon III - Débuts III° République - Consolidation avant 1914  - Plénitude après 1918  - Assimilation ? - Doutes après 1930 - 1940.1946 et Union Française  - 1946 Indépendances

  •              Tableau récapitulatif des loges coloniales

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    CHAPITRE  XI

     

    De l'Empire

    à l'Union Française

     

    La guerre 1940.1945 génère des situations diverses dans l'Empire

    L'Afrique du Nord, point de départ de la reprise maçonnique

    Réouverture progressive des loges à partir de 1944-1945

    L'Empire laisse place à l'Union Française

    Le F\ Félix Eboué, la Conférence de Brazzaville et l'Union Française de 1946

     

     

     

     

     

    La guerre 1940 - 1945 génère des situations diverses dans l'Empire

     

    Juin 1940, la défaite est entérinée par le gouvernement de Vichy et le maréchal Pétain. La loi du 13 août, portant interdiction des associations secrètes, est précisée et aggravée, à l'encontre de la FM\, par le décret du 19 août. Cette loi et ce décret sont applicables « en France, en Algérie, dans les colonies, pays de protectorat et territoires de mandat ».

     

    L'Empire colonial connaît alors deux cas de figures : les territoires qui restent dans le giron de Vichy et ceux qui vont opter pour la France Libre.

     

    - Restent sous le contrôle de Vichy : L'Indochine, Madagascar, les Antilles-Guyane, l'AOF et l'Afrique du Nord. Dans ces pays, la loi discriminatoire du 13 août est appliquée sans réserve. Les loges sont fermées, les temples récupérés par les autorités, les archives saisies. Les « listes de proscription » paraissent non seulement au Journal Officiel mais sont publiées à longueur de pages dans les quotidiens locaux. Les fonctionnaires sont limogés et les FF\ qui ont pris des responsabilités dans les partis politiques et les syndicats sont inquiétés. Des FF\, à titre personnel, vont s'impliquer dans des réseaux de renseignements en relation avec les Américains ou les Anglais. Leur action sera reconnue à la Libération.

     

    - Passent à « La France Libre » : - juin 1940 les territoires de l'Océanie avec la Nouvelle-Calédonie - entre août et novembre 1940 les territoires d'AEF, sous l'impulsion du F\ Félix Auboué** – juin 1941 la Syrie - décembre 1941 St Pierre et Miquelon – mai 1942 Madagascar - novembre 1942 la Réunion - décembre 1942 Djibouti.  Les Francs-Maçons de ces Orients ont aussitôt la possibilité de s'extérioriser sans contrainte. Mais les conditions de guerre ne favorisent pas la poursuite des activités maçonniques régulières sur place. Tout se passe au niveau des relations inter individuelles et des engagements personnels.

     

     

    L'Afrique du Nord, point de départ de la reprise maçonnique

     

    En mars 1942, la Nouvelle-Calédonie accueille les Américains qui s'installent dans le temple de Nouméa (@) pour raisons militaires. En novembre 1942, le Maroc et l'Algérie sont, à leur tour, libérés par  les Américains, qui entrent à Tunis en mai 1943. Une période nouvelle s'ouvre sur le plan militaire : l'Empire Français va prendre progressivement place dans la lutte - contre l'Allemagne, le Japon - et sur le plan maçonnique les FF\ vont réaffirmer leur existence.

     

    En octobre 1943, les FF\ du GODF et de la GLDF contactent le Général de Gaulle. Ce même mois d'octobre, le TIF\ Dumesnil de Gramont arrive à Alger, où il est informé des tractations engagées. Le 15 novembre, les FF\ du GODF votent la résolution : « Considérant que l'Ordre est empêché d'assurer ses fonctions en France et dans son Empire  prennent l'initiative de se grouper en un Comité d'Administration du Grand Orient de France chargé de gérer les intérêts de l'Ordre jusqu'à la libération de la Patrie. Ce Comité aura provisoirement son siège à Alger ».

     

    Finalement les contacts, coordonnés ou parallèles,  des FF\ de la GLDF et du GODF aboutissent. L'ordonnance est signée le 15 décembre 1943 : « Portant annulation de la loi du 13 août 1940 et des dispositions relatives aux Associations dites secrètes». Les circonstances historiques ont donc voulu qu'en cet instant les loges coloniales de « périphériques » deviennent «.centrales » en passant au cœur du dispositif de leurs obédiences respectives.

     

    A peine constitué, le Conseil d'administration du GODF à Alger prend des dispositions d'encadrement favorables à une reprise des activités maçonniques :

     

    Dans chaque Orient où il existait une activité maç\ du GODF et où il lui paraîtra nécessaire de la faire revivre, sera désigné un F\ ayant pour mission de préparer cet éveil…. Les ateliers pourront se réunir en Congrès dans chacune des régions maç\ qui subsistent encore :  - La France libérée - Maroc - Départements d'Alger et d'Oran - Département de Constantine et Tunisie - Les Colonies (toutes sauf l'Indochine) - L'Etranger (Angleterre, Argentine, Egypte, Etats-Unis, Liban, Syrie, Palestine,  Ile Maurice, Suisse)… « Des dispositions ultérieures pourront prévoir la réunion d'un Congrès Général.»…

     

    Ce rôle provisoirement central des loges coloniales - de façon structurelle pour le GODF - se termine le 13 janvier 1945, quand le Conseil d'administration instauré à Alger remet au Conseil de l'Ordre les pouvoirs qui lui avaient permis de gérer l'ensemble des loges des colonies et de l'étranger.

     

     

    Réouverture progressive des loges à partir de 1944-1945

     

    Les responsables décident que tout FM\ régulier au moment de la dissolution aura le droit de demander son admission au dit atelier. Il fournira à cet effet, joints à sa lettre au Président, tous renseignements profanes et maçonniques.

     

    Cette méthode va permettre d'éliminer, sans hésitations, un nombre certain d'anciens FF\ dont le comportement n'a pas été édifiant. Plus délicat a été de juger des FF\ qui avaient adopté une démarche simplement timorée, parfois liée à un isolement de fait. Enfin quelques cas sont douloureux car des FF\ estiment, souvent à juste titre, que leur vécu est une preuve suffisante de leur engagement pendant la guerre et que dès lors ils n'ont pas à passer devant une commission de sélection ; ils s'en vont en claquant les portes.

     

    Le non-retour de nombreux éléments à la Maçonnerie est numériquement sensible. A cela, s'ajoutent les rigueurs des critères de recrutement : ce qui condamne certaines loges à se mettre en sommeil ou à différer leur retour à l'activité, sinon à absorber une autre loge. De plus, les locaux tardent parfois à leur être restitués.

     

    Les premiers ateliers coloniaux des obédiences françaises réouvrent donc dès 1944-1945, avec de  faibles effectifs - à l'âge moyen accru - et dans des conditions matérielles préoccupantes. La représentation des loges aux premiers convents respectifs d'après guerre,  donne une idée surestimée de l'activité maçonnique réelle dans les Orients concernés. Mais ce qui importe, pour les responsables de l'époque, c'est que les structures de leurs obédiences respectives soient en état de fonctionnement et que la FM\ retrouve son élan avec Paris pour centre.

     

    Cette préoccupation s'accompagne d'un réel élan vers l'unité maçonnique. Les FF\ coloniaux aspirent à un rapprochement inter-obédientiel. A tel point qu'il est admis, par le Conseil d'administration d'Alger au nom du GODF, que les délégués des loges s'efforceront d'élire un Directoire unique chargé d'assurer la fusion du Grand Orient et de la Grande Loge. Rêve fortement ébranlé, en septembre 1945,  par la GLDF qui rejettera à l'unanimité tout projet d'union avec le GODF, afin de préserver ses chances d'être elle-même reconnue par les obédiences «.régulières ».

     

     

    L'Empire laisse place à l'Union Française

     

    Sur le plan colonial, Conférence de Brazzaville, -  organisée fin janvier début février par la France Libre - a marqué durablement de son empreinte les esprits.  Conférence où les nuances de la politique coloniale française s'expriment ouvertement. : la volonté du Général de Gaulle de maintenir l'Empire Français et, par ailleurs, les idées du F\ Eboué qui préconise la décentralisation, l'arrêt de l'administration directe, la création d'une Assemblée fédérale, une représentation élue à l'Assemblée Constituante, la suppression de l'indigénat et du travail forcé. Ces idées vont cheminer lors des discussions à propos de la rédaction de la Constitution Française, votée par référendum en octobre 1946.

     

    Les deux grandes obédiences, sensibilisées par le rôle récent joué par leurs loges coloniales, mettent le sujet « l'Union Française » à l'étude de toutes les loges, le GODF pour son convent de septembre 1946, et la GLDF l'année suivante. Le Conseil de l'Ordre fait en sorte que les FF\ parlementaires de l'Assemblée Constituante soient associés à ces travaux.

     

    Le convent du Grand Orient de France conforte la proposition des loges coloniales qu'il convient d'accorder aux indigènes les libertés les plus substantielles - liberté de presse, de réunion et d'association, liberté individuelle - par l'extension de la législation métropolitaine. Une citoyenneté uniforme risque d'être factice, aussi faut-il créer à l'intérieur du monde français, le citoyen d'Afrique, le citoyen de Madagascar, le citoyen d'Indochine, « tous imprégnés de notre culture et de nos aspirations »…

     

    L'inspiration fédéraliste de ce texte est identique à celle qui sous-tend, quelques mois plus tard, le texte constitutionnel donnant à la France mission de coordonner « l'Union Française ». En fait, dans l'un et l'autre texte, il y a recherche d'un équilibre entre l'assimilation et l'association, dilemme toujours non résolu.

     

    Quoiqu'il en soit, le mot « Empire » disparaît au profit de celui de « Union Française » et la nouvelle géographie coloniale, dans laquelle s'inscrit la FM\, se présente de la façon suivante :

     

    - Syrie et Liban ont leur indépendance depuis1941

    - Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion, sont départements français et sortent donc du statut proprement colonial

    - Tout comme les établissements de l'Océanie qui ont  l'assimilation juridique totale.

    - L'Algérie garde un statut ambigu car le double collège est laissé en place dans ce département.

         - Les autres pays, sous divers statuts - « Territoires associés » ou « Etats associés » - restent attachés à la France.

     

     

    On assiste dès lors à une tentative d'adaptation des obédiences à la situation nouvelle

     

    L'environnement de la Maçonnerie coloniale se transforme, mais plus ou moins rapidement selon le pays. La question est dorénavant de savoir comment se glisser dans la structure mise en place. Que ce soient les loges d'Indochine, de Madagascar, du Congo, de la Côte d'ivoire, du Sénégal, du Mali, de la Tunisie et d'Algérie, pour toutes ces loges se pose le problème de l'évolution en cours.

     

    Les évènements de 1945 en Indochine et en Algérie, de 1947 à Madagascar prouvent qu'il est urgent de donner réponse non seulement aux masses mais aussi aux élites autochtones. Et l'un des aspects majeurs, sur le plan maçonnique, est d'avoir ou non des Annamites, des Africains, des Arabes parmi les FF\ fréquentant les ateliers. Problème non réglé depuis les débuts de la colonisation.

     

    - En Indochine, les conditions explosives ne vont pas faciliter l'opération qui reste sans résultats notables puisque la poignée de FF\ initiés avant guerre se font prudents.

     

    - A Madagascar et en Afrique non plus, la réussite n'est pas au rendez-vous : les « indigènes » sont les grands absents dans les Ateliers.

     

    - En Afrique du Nord, les FF\, conscients de l'évolution en cours, vont chercher à incorporer des « indigènes », en réglant le problème de la religion et celui de la langue -

     

    ..Au Maroc, l'initiative de créer une loge avec des Marocains reçoit l'aval du Résident  Labonne, confirmé par son successeur le Général Juin. En 1947, la loge GODF « Union et Progrès », à l'Orient de Rabat puis de Settat, allume donc ses feux : « l'At\ travaillera sous les auspices du Grand Architecte, au Rite Ecossais Ancien [et] Accepté. Voilà donc évité un écueil religieux ». Le REAA, cher aux anglo-saxons, est utilisé pour consolider le Grand Orient de France en terre d'Islam !  En 1949, dans le but de mieux faire correspondre l'intitulé de l'atelier avec ses objectifs, les FF\ lui donnent le nom de « Fraternité Franco-Marocaine ». Cette loge, quel que soit son nom dans le temps, reste éminemment confidentielle, avant de  se mettre en sommeil par crainte des réactions des Nationalistes.

     

    ..En Tunisie, pour répondre au même problème d'admission de musulmans en loge, un autre choix est fait avec la création de la loge « Emir Abd el Kader ». Il s'agit, ici, de favoriser l'usage de la langue arabe. Le bilan d'échec sera rapide.

     

    ..En Algérie, les FF\ des deux obédiences se montrent réticents à l'égard de ces essais de la langue arabe ; quant au REAA, les FF\ du GODF appuient leur refus sur le fait que les quelques Algériens qui fréquentent les Ateliers de la GLDF - où depuis 1953 les loges acceptent de mettre le Coran sur le plateau du Vénérable - n'acceptent pas de changer le statut de la femme et ne sont pas favorables à la séparation de la Religion et de l'Etat. La seule voie préconisée par les FF\ européens est celle de l'intégration à une société laïque et de langue française.

     

    Au total, la Franc-Maçonnerie subit un échec patent dans sa volonté de faire des émules dans les  milieux autochtones. Echec préoccupant pour les FF\ qui mettaient un espoir sincère dans la réalisation de l'Union Française.

     

     

    Le F\ Félix Eboué, la Conférence de Brazzaville et l'Union Française de 1946 .

     

    en 1884 à Cayenne, après des études de Droit à Bordeaux, Félix Eboue** s'inscrit à l'école coloniale. Initié, avant 1914, par la loge « La France Equinoxiale » de Cayenne, il s'affilie à la loge « Les Disciples de Pythagore » à Paris, toutes deux du GODF, et enfin à la loge « Maria Deraisme » du DH.

     

    Envoyé au Congo, c'est dans les savanes de l'Oubangui qu'il s'imprègne de la réalité africaine. Il rejoint la Martinique en 1932, puis le Soudan en 1934 et, en tant que gouverneur, la Guadeloupe en 1936 avant de rejoindre le Tchad en 1939.

     

    Le 26 août 1940, dans une déclaration solennelle, il proclame que le Tchad reste dans la guerre de libération. Vont suivre de plus ou moins bon gré : le Cameroun immédiatement, puis le Moyen Congo et l'Oubangui-Chari, le Gabon tardant à le faire en novembre. Nommé, au nom de la France Libre, Gouverneur de l'AEF, Eboué est cité par De Gaulle à l'Ordre de l'Empire « pour avoir donné le signal du redressement de l'Empire ».

     

    Il publie, le 8 novembre 1941, une circulaire par laquelle il pose les fondements de la nouvelle politique indigène en AEF. Pendant deux ans, Eboué met en pratique ses principes faits de reconnaissance de « l'autre » et de pouvoirs réellement partagés. Mieux, il essaie de faire accepter ces principes lors de la Conférence de Brazzaville, du 30 janvier au 8 février. Cette conférence (@) regroupe les représentants administratifs des territoires français d'Afrique autour de M. René Pléven**, commissaire aux Colonies ainsi que les représentants de l'Assemblée Consultative. Réunie sur l'initiative du gouvernement provisoire d'Alger, présidé par le général de Gaulle, elle jeta les bases de l'Union française : décentralisation, arrêt de l'administration directe, création d'une Assemblée fédérale, représentation élue à l'Assemblée Constituante, suppression de l'indigénat et du travail forcé. Ce texte restera la somme des principes sur lesquels va se construire, deux ans plus tard, l'Union Française.

     

    Epuisé à la tâche, le compagnon de la Libération, Félix Eboué meurt, en 1944, au Caire où il représentait la France. A la fin de la seconde Guerre Mondiale, un consensus se dégage pour le transfert du corps de F. Eboué au Panthéon, en même temps que celui de Schœlcher, pour commémorer le Centenaire de l'abolition de l'esclavage.

     

    Le 20 mai 1949, Schœlcher et Eboué sont réunis, par delà la mort, dans le même haut lieu de mémoire de la République : le Panthéon.

     

    @  Série de videos sur l'histoire des pays africains

     

            

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