LA FRANC-MAÇONNERIE

dans

les   COLONIES  FRANÇAISES

 

1738 - 1960

 

 

débuts de la III° République (1870.1904)

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   Odo Georges
  • Table Générale des matières - BibliographieLouis XV - Louis XVI - Tableau Loges Révolution - Napoléon/Restauration - Napoléon III - Débuts III° République - Consolidation avant 1914  - Plénitude après 1918  - Assimilation ? - Doutes après 1930 - 1940.1946 et Union Française  - 1946 Indépendances

  •              Tableau récapitulatif des loges coloniales

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    CHAPITRE  VI

     

    L'expansion coloniale

    aux débuts de la IIIè  République

     

     

    L'expansion coloniale française, aux débuts de la III° République, connaît trois phases distinctes

         La consolidation en Afrique du Nord et au Sénégal

          En Indochine, l'expansion des Loges se confirme

    La_Franc-Maçonnerie dans les « Orients marins »

    Le F\ Jules Ferry, l'inspirateur du renouveau colonial

    Le F\Brazza, prototype d'un "colonialisme humaniste"

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    L'expansion coloniale française, aux débuts de la III° République, connaît trois phases distinctes :

     

    De 1871 à 1880, une « phase de recueillement » fait suite à la défaite. Cependant, même durant cette période, il n'est pas question d'abandon. La France se maintient en Algérie, reprend son glissement du Sénégal vers le Niger, confirme son emprise sur Cotonou, s'intéresse au Congo, signe le traité de Saïgon sur la Cochinchine et un accord sur les Nouvelles Hébrides.

     

    De 1880 à 1885, une impulsion nouvelle va être donnée par Gambetta, puis par Jules Ferry qui choisit « entre la ligne bleue des Vosges et le vaste monde ». Il favorise l'implantation en Afrique équatoriale, en Tunisie, à Madagascar, au Tonkin. A la fin de cette période, les puissances coloniales se concertent, au Congrès de Berlin en 1885, pour préciser les règles coloniales à respecter dans la compétition qui est en cours.

     

    De 1885 à 1904, s'opère d'abord la connexion des comptoirs côtiers d'Afrique par les voies terrestres. Et ce, malgré les oppositions de l'Angleterre. Les accords d'avril 1904 mettent un terme au contentieux colonial Franco-Anglais et confortent la France dans son Empire Colonial renaissant.

     

    Sur le plan maçonnique, la création au GODF, en 1900, de la loge « France et Colonies » ne doit pas faire illusion quant à l'intérêt que portent les FF\ aux questions coloniales. Cette loge « thématique » est, bien au contraire, une réaction de FF\ privés de ce débat dans leurs propres loges d'origine et qui aspirent à en parler et à agir. L'essentiel est ailleurs. L'évolution, amorcée quelques années plus tôt, aboutit en effet, en 1877, à la suppression de la croyance en Dieu, au nom de la liberté de conscience. Une phase nouvelle vient de s'ouvrir, dont les effets vont se faire sentir dans les colonies, comme en Métropole, dans les relations avec l'Eglise.

     

    Une phase militante anti-cléricale caractérise dès lors les FF\ du GODF, avec souvent, comme alliés affichés, des FF\ de la GLDF. Autre effet important, l'éloignement des « indigènes »  de la Franc-Maçonnerie, toutes obédiences confondues. L'explication du phénomène par la méconnaissance de la langue française, du manque d'instruction, ne résiste plus après une génération formée dans les écoles du colonisateur. Mais il se trouve qu'une bonne partie des nouvelles élites « indigènes » a été formée, a appris le Français dans des écoles religieuses et qu'elle est par voie de conséquence peu attirée par l'adversaire désigné de l'Eglise, adversaire qui au demeurant ne songe pas un instant à admettre des candidats « suppôts » de cette Eglise ; qu'ils soient catholiques ou musulmans, car l'islam est suspect au même titre que le catholicisme. La situation est la même quand, sortis des établissements laïques, ces jeunes restent attachés à leur religion. Dans tous les cas de figure les mêmes causes ont le même résultat et ces « indigènes » n'ont donc pas leur place, aux yeux des FF\ européens, dans la Franc-Maçonnerie anti-cléricale. 

     

     

    La consolidation en Afrique du Nord et au Sénégal

     

    En Algérie, si, après la guerre de 1870, les effectifs du GODF sont en légère diminution, par contre ceux de la GLDF  connaissent une augmentation constante. En sorte que, si cette obédience ne représentait qu'un dixième du dispositif maçonnique en Algérie vers 1872, elle en est à près du tiers en 1880. Cette montée en puissance ne fait que développer des tensions entre les deux obédiences rivales, avec, pour thème central, la comparaison entre le Rite Français retenu par le GODF et le Rite Ecossais pratiqué par la GLDF.

     

    Mais, au-delà de ces tensions, la Franc-Maçonnerie conserve son caractère bourgeois. De même, elle poursuit son œuvre de charité, si caractéristique depuis l’origine de la Franc-Maçonnerie en Algérie. Deux changements importants cependant : le  thème de « la paix perpétuelle » est dorénavant privilégié et les idées républicaines, laïques progressent. On passe de jugements anti-cléricaux à des positions anti-religieuses.

     

    Parallèlement, les loges se mêlent de plus en plus aux luttes politiques. Dès 1870, la plupart des loges ont sur leurs colonnes des FF\ conseillers municipaux et, bientôt, des Conseillers Généraux. En 1881, l'entrée au Parlement s'ouvre largement devant des Maçons : les six députés élus pour l'Algérie sont des FF\, soit du parti opportuniste soit du parti radical (le F\ Eugène Etienne** fait parti du lot). Dans les années 90,  de nombreux FF\ s'affirment socialistes.

     

    L'un des principes avancés, par les FF\, est celui de l'assimilation. En ce qui concerne les musulmans, la nomination, en  1891, du premier Algérien musulman, le F\ Allal Ould Abdi, au Conseil de l'Ordre autorise cet espoir. Même si les impétrants de cette communauté se font rares sous les colonnes, compte tenu de l'image anti-religieuse que prend la Franc-Maçonnerie.

     

    L’antisémitisme pose problème, surtout au moment de l’affaire Dreyfus. Le décret Crémieux**, en 1870, avait été différemment accueilli dans les ateliers ; en 1898, l'affaire prend une tournure extrême à Constantine. Finalement, le GODF fait en sorte que l'antisémitisme n'ait pas droit de cité dans les loges. Pas plus en  Algérie qu'en Métropole. La sérénité revenue, les deux obédiences reprennent leur essor. A partir de 1894 - l'année même où le gouvernement se donne pour la première fois un ministère des colonies en la personne du F\ Delcassé** - les Congrès Régionaux deviennent des articulations importantes dans la structure maçonnique en place. La Franc-Maçonnerie se donne des bases solides en Algérie.

     

    La Tunisie, proche voisine, passe en 1881 sous protectorat français après la signature du traité du Bardo. En effet,  Gambetta rompt avec la « politique de recueillement »  et met tout son prestige au service de l'action coloniale. Il s'agit de contrecarrer l'influence italienne, que renforce la présence de loges. Influence qu'avait tempérée le GODF en plaçant sous son égide les FF\ italiens, exilés, dans un « Grand Orient Tunisien.». Face à cette filiale du GODF, la GLDF crée à Tunis, en 1882, « La Renaissance 264 ». Le GODF prend acte de la nouvelle situation et, en 1885, allume à son tour les feux de « La Nouvelle Carthage » à Tunis . En fait, au fil de ses rivalités obédientielles, la Maçonnerie Française va s'imposer dans ce Protectorat Français.

     

    Au Maroc, dont l'indépendance vacille sous les poussées des Européens, les FF\ Espagnols sont des plus actifs dans le Nord, surtout à Tanger. La relance de la Maçonnerie Française en 1891, la loge de la GLDF à Tanger étant en sommeil depuis plus d'une décennie, vient de la « Nouvelle Volubilis » du GODF ; loge importante car au point d’attache des représentations diplomatiques et des milieux économiques, à l’écoute de tout ce qui vient de l’intérieur. L'ouverture du Maroc est à l'ordre du jour.

     

    Le Sénégal maçonnique, après une longue éclipse de près  de quarante ans, reprend vie, en 1874, avec la loge « L'Union Sénégalaise» du GODF. La Maçonnerie, désormais désertée par les mulâtres St-Louisiens catholiques, souffre du nombre fluctuant des FF\ de passage, « pérégrins », qui ne font qu'un bref séjour ; ce sera là un problème continuel des loges de la plupart des colonies. En 1882, les FF\ sont tentés par la «.solution africaine » : ils initient le F\ Biran Sady, certainement le premier Africain noir initié en Afrique francophone. Mais ils ne persistent pas et, en partie par manque d'effectifs, se mettent en sommeil en 1893.

     

    L'année suivante, la quatrième loge chronologique de St-Louis « L'Avenir du Sénégal » est ouverte. Ses difficultés à recruter  et  son rayonnement limité  s'expliquent  par un environnement catholique hostile à ses idées républicaines et laïques.

     

    Les FF\ trouvent quand même la ressource d'un essaimage vers Dakar, en plein développement. « L'Etoile Occidentale », créée en 1899, affirmera sa primauté grâce à l'essor de la ville, surtout après 1902 quand la capitale administrative de l'AOF est déplacée de St-Louis vers Dakar.

     

     

    En Indochine, l'expansion des Loges se confirme

     

    En Indochine, où se relance l'emprise française, sous l'impulsion de J. Ferry, l'essor maçonnique est à nouveau à l'ordre du jour. Changement de rythme, après la stagnation qui a suivi l'implantation d'une première loge, à Saïgon, près de vingt ans plus tôt.

     

    En 1886, à Hanoï, se constitue la loge « La Fraternité Tonkinoise.», toujours  sous l'égide du GODF. Quatre ans plus tôt la conquête du Tonkin avait commencé pour mener au traité de 1885. Les Francs-Maçons, une fois de plus, sont sur place de façon précoce. Aussitôt, ils s'inquiètent des conditions de vie des populations indigènes, ouvrant là un dossier qu'ils ne cesseront de défendre auprès des autorités. Ils multiplient les vœux pour l'organisation d'écoles municipales et d'une bibliothèque populaire, etc. Autre préoccupation : sensibiliser l'opinion en France sur la nécessité de conserver cette colonie ; la présence de FF\ rédacteurs en chef des journaux locaux facilite ce projet. Mais surtout, ils ont le sentiment d'être mieux entendus quand un F\ est Gouverneur. Le discours adressé au Gouverneur Doumer** est exemplaire : « Nous sommes heureux qu'un F\ soit à nouveau à la tête de l'Indochine... La France se rappellera que c'est à un Maçon [J. Ferry] qu'elle doit la Tunisie et le Tonkin ».

     

    En 1892, « L'Etoile du Tonkin » ouvre à Haïphong. Les axes de réflexion, qu'elle entend privilégier, sont affirmés dès les discours inauguraux : « la réaction monarchiste et le cléricalisme.». Sujets sur lesquels tous les FF\ - militaires et fonctionnaires pour la plupart - sont d'accord, comme ils le sont en matière d'instruction publique.

     

    En 1898, Saïgon se dote d'une seconde loge « Les Fervents du Progrès » dont le temple est à Cholon. Son positionnement idéologique est identique à celui des deux autres loges : action anti-cléricale en Indochine et propagande à développer, en France au profit de la colonie, et sur place en faveur de la Franc-Maçonnerie. Dans cette logique, à peine installés, les FF\ envisagent une loge à Tourane.

     

     

    La Franc-Maçonnerie dans les « Orients marins »

     

    ~ dans l'Océan Atlantique :

     

    En Martinique, la crise économique, les remous sociaux et les prises de positions anti-cléricales rendent difficile le recrutement dans un environnement souvent hostile. Le 6.décembre 1902 (@), la ville de St-Pierre est anéantie par une nuée ardente de la Montagne Pelée. Ce désastre entraîne la fusion des loges GODF et GLDF, déjà fragiles, de Fort-de-France et de St-Pierre en une seule entité: « L'Union dans la Ruche ».

     

    En Guadeloupe, la crise économique n'est pas moindre et donne naissance à un puissant mouvement social contrôlé par les Noirs. La réaction et la violence politiques sont à l'ordre du jour. C'est dans ce contexte que, en plus des vieilles loges GODF - «.Elus d'Occident », « La Paix » et « Disciples d'Hiram » - la GLDF s'installe. Elle choisit pour sa nouvelle loge - en 1901 à Pointe-à-Pitre -  un nom circonstancié : « Les Egalitaires 345 ». Nom d'autant plus significatif que l'un de ses fondateurs est le F\ Légitimus**, surnommé le "Jaurés Noir", responsable du Parti Ouvrier alors à son faîte.

     

    En Guyane, un instant sous les feux de la rampe avec l'envoi  du capitaine Dreyfus** à l'île du Diable (@), c'est « La France Equinoxiale 93 » de la GLDF qui assume, modestement mais avec ténacité, la pérennité de la présence maçonnique. Ses difficultés la mettent au diapason de l'ensemble de la Franc-Maçonnerie dans ce secteur Atlantique.

     

    ~ dans l'Océan Indien :

     

    La Réunion, autre « vieille colonie », garde assez de dynamisme pour que les FF\ de « L'Amitié » se mobilisent, en faveur d'une intervention et annexion de Madagascar. Avec l'appui , entre autres, de Mahy** - ministre des colonies en 1887 et membre d'honneur de « La Clémente Amitié » - et de  Louis Brunet** député maçon de la Réunion.

     

    Ά Madagascar, alors que le protectorat existe depuis cinq ans, la GLDF installe, en 1890, « Imerina 310 » à Tananarive. En 1896, le protectorat devient colonie et le GODF fait son apparition, à son tour, pendant que la « Pacification » suit son cours sous la férule de Gallieni : 1900 « L'Avenir Malgache » à Tamatave, 1903 « La France Australe » à Tananarive.

     

    Ces installations ne se font pas sans difficultés car les Missions religieuses, tant protestantes que catholiques (avec une forte rivalité franco-anglaise), sont fortement implantées depuis plusieurs décennies. Tout en s'affrontant, elles ont eu le temps, ici, de prévenir leurs ouailles contre la Franc-Maçonnerie.

     

    Aussitôt en place, les FF\ engagent, là comme ailleurs, leur lutte contre ces Missions. Ils font pression sur Gallieni** pour que l'enseignement des Missions ne soit plus favorisé aux dépens des écoles laïques et professionnelles, ce qu'ils finissent par obtenir, en 1903.

     

    ~ dans l'Océan Pacifique :               

     

    La Nouvelle Calédonie, choisie comme lieu carcéral quelques années plus tôt, voit arriver en 1872 des déportés politiques ayant pris part à la Commune, parmi lesquels Louise Michel**. En 1875, « L'Union Calédonienne » - composée surtout de commerçants et fonctionnaires - est fermée pour avoir facilité l'évasion d'un détenu « communard ». Ce n'est que trois ans plus tard que le Gouverneur donne l'autorisation de réouvrir cette loge dont les options  républicaines peuvent difficilement continuer à être condamnées par la République. Aussitôt, la loge reprend son combat anti-clérical, sa défense de l'école laïque et soutient la politique du Gouverneur Feillet**, dans son volet anti-clérical. Là comme ailleurs, les FF\ savent utiliser les journaux locaux, qui se multiplient, pour se faire

     

    Tahiti renoue avec la Maçonnerie quand, en 1903, la GLDF installe à Papeete « L'Océanie Française 350 » en reprenant le nom de l'atelier GODF autrefois en activité, Loge perdue dans le Pacifique mais qui atteste que les FF\ aspirent à manifester leurs sentiments républicains et laïques partout où ils sont, principalement quand ils sont en terre de Mission.

     

     

    Le F\ Jules Ferry, l'inspirateur du renouveau colonial

     

    Pour toutes ces loges coloniales, Jules Ferry** est la référence commune. Initié, en 1875,   « La Clémente Amitié » en présence du F\ Gambetta**, il sera rapidement reçu Maître, à la loge « Alsace-Lorraine ». Le choix, par l'impétrant, de ces deux loges annonce, en partie, le sens donné à son entrée en Maçonnerie : la première loge est celle de Schœlcher et la seconde symbolise la préoccupation majeure du moment, à savoir la revanche et la ligne bleue des Vosges. Or, aux yeux de Ferry, revanche et Empire colonial sont complémentaires.

     

    Fondamentalement, pour lui et pour les FF\ qui le suivent,  les Européens ont « le devoir de civiliser les races inférieures ». La croyance dans le « fardeau de l'Homme blanc », dont parle Kipling**, donne un sens généreux à leur présence dans les pays occupés. C'est bien dans l'expansion coloniale que se trouve la grandeur de la France. Une fois accepté ce principe, il s'agit de l'associer à celui d'une France forte. Or, défendre la puissance de la France et préparer la revanche, c'est bâtir un Empire colonial ; ne pas le faire, c'est affaiblir ses capacités économiques et militaires.

     

    Jules Ferry estime que la puissance de la France passe par son développement économique. Ce qui ne peut se faire sans participer au développement du commerce mondial en cours. Mais pas de commerce sans marine efficace, d'où la nécessité d'avoir, sur l'ensemble des océans, des « ports de défense et de ravitaillement ». Les capitaux français trouveront ainsi à se placer, les industriels auront des débouchés protégés et des matières premières à bas prix. Enfin n'est-il pas urgent de trouver de nouveaux consommateurs, faute de quoi la faillite pourrait arriver. Ainsi, de proche en proche, il apparaît que la politique coloniale est une impérieuse nécessité pour une République forte et moderne. La grandeur de la France et son rayonnement résident dans l'apport aux populations « indigènes », à savoir :

     

    D'abord libérer tous ceux qui vivent sous le joug de l'esclavage et améliorer leur vie sur le plan physique et matériel, à l'aide des médecins et des ingénieurs. Ensuite, favoriser la pénétration de « l'esprit général de la civilisation moderne » par la lutte contre l'ignorance et par le triomphe de la science et de la raison, d'où l'importance des enseignants laïques face aux Missions Religieuses.

     

    Au total, la colonisation française est considérée, par les FF\ coloniaux en parfaite harmonie avec Jules Ferry, comme «.éveilleuse de consciences ».

     

     

    Le F\ Brazza, prototype d'un "colonialisme humaniste"

        Né le 25 janvier 1852 à Rome, septième fils des douze enfants du comte Ascanio Savorgnan di Brazzà, un noble francophile de Udine, Pietro vient tout jeune à Paris pour  préparer le concours d'entrée à l'Ecole navale de Brest. Il en ressort enseigne de vaisseau et embarque sur la Jeanne d'Arc pour l'Algérie. La guerre de 1870 étant déclarée : il veut être affecté dans une unité combattante. Il en profite pour demander la naturalisation française et se retrouve sur le cuirassé La Revanche.

        Avec l'avènement de la IIIe République, sa deuxième affectation est la frégate Vénus, qui fait régulièrement escale au Gabon. En 1874, Brazza** remonte deux fois le fleuve Gabon et l'Ogooué. Il propose ensuite au gouvernement d'explorer l'Ogooué jusqu'à sa source. Avec l'aide d'amis bien placés, comme Jules Ferry et Léon Gambetta, Brazza obtient des subsides, qu'il compléte avec ses propres ressources. À la même époque il est naturalisé français et adopte la francisation de son nom.

        Pour cette expédition qui dure de 1875 à 1878, il se munit de toiles de coton et d'outils pour le troc. Il est seulement accompagné d'un docteur, d'un naturaliste et d'une douzaine de fantassins sénégalais. À la même époque, un journaliste du New York Herald, Stanley**,  descend le fleuve Congo.  . Sous l'impulsion du ministre de l'Instruction publique Jules Ferry, le gouvernement français autorise alors une deuxième mission, 1879-1882.

        Il est de nouveau de retour à Libreville au début de mars 1887 en tant que commissaire du Gouvernement au Congo.

        Le 28 juin 1888, Pierre Savorgnan de Brazza est initié à la Loge "l'Alsace Lorraine" orient de Paris sur présentation de Colfavru alors Président du Conseil de l’Ordre, après avoir failli être ajourné. Cette loge est représentative de l'optique du moment concernant la guerre de 1870, à savoir la perte de ces provinces et l'aspiration de reconquête de ce côté-ci des Vosges en même temps que de grandeur vers les horizons lointains. Il n'est pas étonnant de retrouver dans cette même loge Jule Ferry,  grand artisan  de l'expansion coloniale française.

        En 1897, Brazza s'oppose à la décision du ministre des Colonies, André Lebon**, de soumettre les territoires qu'il a gagnés à la France au régime de la concession, déjà en vigueur au Congo belge, et qui livrerait les populations à la cupidité des sociétés capitalistes privées chargée de « mettre en valeur » ce territoire de 650 000 km² composé du Gabon, du Congo et de l'Oubangui-Chari.

        Il démissionne de la franc-maçonnerie en novembre 1904  [L'affaire des fiches éclate au grand jour]. Le rapport de la loge en date du 20 octobre 1905, enregistré au GODF sous le n° 14.589 précise : "Donne sa démission .. bien qu'il ait été puissamment aidé par la maç\, à cause de la circulaire du 3 novembre. Refusa de la retirer malgré la démarche faite auprès de lui. Dans ces conditions, la Loge Alsace Lorraine a décidé de ne pas tirer de batterie de deuil à la mémoire de ce F\ démissionnaire, dont les obsèques ont d'ailleurs été entourées de toutes les pompes de la religion." Cette même note ajoute, « le F\ Christmann, Vén\, n'a rien dit au Convent de crainte de créer un incident dont se serait emparée la presse hostile, mais croit utile de donner ces explications, car l'attitude de la Loge Alsace Lorraine pourrait surprendre ceux qui ignorent les raisons qui l'ont dictée ».

        En 1905, à la suite du scandale de l'affaire Toqué-Gaud, on lui demande d'inspecter les conditions de vie dans les colonies, conditions qui s'étaient détériorées pendant son absence. Mais sa santé se dégrade et au retour de sa mission, atteint de fortes fièvres, il est contraint de débarquer à Dakar. Le 14 septembre 1905, veillé par sa femme et le capitaine Mangin**, il décède à six heures du soir. Le bruit court qu'il a été empoisonné. Quant à l'Assemblée nationale, elle s'empresse de mettre son embarrassant rapport sous l'éteignoir. Son corps est d'abord réclamé par le gouvernement français. La Troisième République cherche en effet ses nouveaux héros. Brazza, officier de marine aristocrate, élégant, héroïque, révolté par l'esclavagisme, apôtre de la paix, et surtout désintéressé, a un profil parfait à tous ces égards. On pense donc pour lui au Panthéon et à la récupération de sa gloire intacte. Mais son épouse Therèse refuse l'honneur, et sa famille obtient qu'il soit finalement inhumé à Alger, en terre africaine. Sur sa tombe, l'épitaphe indique que « Sa mémoire est pure de sang humain. Il succomba le 14 septembre 1905 au cours d’une dernière mission entreprise pour sauvegarder les droits des indigènes et l'honneur de la nation ».

        Un peu plus de cent ans après son décès, les cendres de l'explorateur français, de son épouse et de leurs quatre enfants, ont été exhumés, le 1er octobre 2006, du cimetière chrétien des Brus, dans le quartier d'El Madania sur les hauteurs d'Alger, où il reposait depuis 1905, pour être transférées vers Brazzaville, dans un  Mausolée  près du fleuve Congo

     

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    Mausolée Brazza

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