LA FRANC-MAÇONNERIE dans les COLONIES FRANÇAISES
1738 - 1960
au temps de Louis XV
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Table Générale des matières - Bibliographie - Louis XV - Louis XVI - Tableau Loges - Révolution - Napoléon/Restauration - Napoléon III - Débuts III° République - Consolidation avant 1914 - Plénitude après 1918 - Assimilation ? - Doutes après 1930 - 1940.1946 et Union Française - 1946 Indépendances
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CHAPITRE PREMIER
Les débuts de la Maçonnerie coloniale
au temps de Louis XV
De 1738 à 1740, l'implantation maçonnique dans les colonies du roi de France
De 1740 à 1763, à peine amorcé, l'essor maçonnique se fige dans les colonies
De 1763 à 1766, le traité de Paris permet la relance de la Franc-Maçonnerie aux colonies
De 1766 à 1774, l'expansion maçonnique espérée se ralentit
Caractéristiques des loges coloniales françaises au milieu du XVIIIe siècle
Le F\Stephen Morin, personnage représentatif de la société itinérante du XVIIIe siècle
CHAPTER ONE: The Beginnings of Freemasonry in the colonial days of Louis XV
From 1738 to 1740, the Masonic establishment in the colonies of the King of France
From 1740 to 1763, barely begun, the growth Masonic freezes in the colonies
From 1763 to 1766, the Treaty of Paris allows the revival of Freemasonry in the colonies
From 1766 to 1774, the Masonic expected expansion slows
Characteristics of French colonial lodges in the middle of the eighteenth century
The F \ Stephen Morin, a character representative of the company's traveling eighteenth century
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La Franc-Maçonnerie coloniale prend son essor au XVIII° siècle . Son installation est sous-tendue par deux phénomènes contemporains :
Le « premier empire colonial » français connaît son apogée.
La Franc-Maçonnerie est naissante en France.
Aux colonies, alors que Louis XV règne à Paris, la mise en place des loges se fait en quatre temps que l'on peut répartir entre 1738 et 1773 de la façon suivante : 1738 – 1740 .Temps fort.
1740 – 1763 .Temps faible.
1763 – 1766 .Temps fort.
1755 – 1773 .Temps faible.
De 1738 à 1740, l'implantation maçonnique dans les colonies du roi de France
Le principe de la colonisation est explicitement posé en France dès 1540. Le roi de France déclare, à cette date, que le fait de traverser un pays ou de le « découvrir de l'œil » ne constitue pas une prise de possession, ce qui implique, à contrario, obligation d'une occupation effective. C'est là le fondement de la colonisation moderne.
Sur la base de ce principe, la France a développé, pendant deux siècles, un vaste ensemble territorial. Il faut noter que, tout au long de cette période, l'action coloniale demeure un élément subordonné à la politique générale, sans être à aucun moment, un objectif en soi.
De plus, dans la conception mercantiliste en honneur, personne n'envisage que les colonies puissent avoir une existence propre : « elles ont été formées par la métropole, pour la métropole » comme le précisent les Encyclopédistes.
L'expansion de la Franc-Maçonnerie aux colonies est donc liée, en partie, à l'expansion coloniale importante de la France et à la vie économique du moment c'est à dire au système de l'Exclusif. Les FF\ participent, matériellement et idéologiquement, de ce système. A leurs yeux, comme à ceux de toute la société du moment, la Métropole a toute liberté d'imposer sa volonté et de se réserver la totalité du commerce colonial tant pour l'achat des denrées et la vente des produits manufacturés que pour les transports maritimes.
Le « commerce triangulaire » est source de bénéfices. Commerce qui fait passer les produits manufacturés de faible valeur vers l'Afrique en échange d'esclaves, lesquels sont menés vers les îles pour servir de main d'œuvre pour la production des biens tropicaux - sucre, café, tabac - que la métropole récupère contre des produits manufacturés de moyenne qualité. Chaque étape est l'occasion d'un gain appréciable pour chacun des opérateurs et principalement ceux de la métropole !
Le système est géré, sous Louis XV**, par la Compagnie des Indes ("Compagnie perpétuelle des Indes" appelée généralement Compagnie des Indes, était issue du regroupement de plusieurs compagnies dont la Compagnie des Indes Orientales fondées par Colbert en 1664). Réorganisée, en 1731, elle voit son champ d'activité réduit volontairement aux Antilles, au Sénégal, à la Guinée, à l'île Bourbon et à l'île de France. C'est à dire aux colonies que la France s'évertuera à conserver après la Guerre de Sept ans. La Compagnie des Indes, après ce recentrage de son activité, atteint son apogée en 1740, date que la Franc-Maçonnerie salue par sa présence récente dans les colonies.
L'apparition de la Franc-Maçonnerie aux colonies - liée aux succès du commerce triangulaire - est également attachée à l'engouement que connaît la Franc-Maçonnerie dans la société du XVIII° siècle.
Aussi la Franc-Maçonnerie coloniale est-elle précoce aux Antilles si l'on tient compte de l'apparition - objet de discussions entre spécialistes de la question - des premières loges en France même. A savoir : à Dunkerque « l'Amitié et Fraternité » hypothétiquement en 1721, à Paris « St Thomas » en 1726 et le «.Louis d'Argent » en 1729, à Bordeaux en 1732 « l'Anglaise » dont le rayonnement vers les colonies sera marqué par les patentes délivrées à Cayenne et à la Nouvelle-Orléans. Le succès de la Franc-Maçonnerie, en Europe, provoque, en 1736, la vaine réaction du pape Clément XII.
Les premières loges vont se regrouper sous l'autorité, toute relative, de la Grande Loge de France créée dès 1738. Vers 1740, la progression en cours de l'obédience se concrétise par une dizaine de loges à Paris, une quinzaine en province et au moins une loge dans les colonies.
La première loge coloniale est installée, dès 1738, à la Martinique alors que les Français ne sont arrivés que trois ans plus tôt dans l'île. La Grande Loge constitue « la Parfaite Union.» Orient de St-Pierre, qui apparaît ainsi comme la doyenne des loges coloniales. Titre que pourrait lui disputer la loge « les Frères Réunis » fondée, en 1738 ou 1740, par les Anglais à l'Orient de Cayes - autrement dit de la plaine du Fond de l'île à Vaches - à St-Domingue. Ces deux loges, il faut le souligner, s'installent au moment où le premier domaine colonial Français va atteindre son apogée.
Parallèlement, en 1740, la Compagnie des Indes atteint le maximum de son rendement commercial. De l'Amérique à l'Extrême Orient, malgré l'indifférence du gouvernement royal et de Louis XV, les préoccupations mercantiles sont le moteur d'une action variée, prenant parfois la forme politique et aboutissant à des résultats importants.
Les Francs-Maçons accompagnent le développement colonial en cours et l'essor économique dont bénéficient, au premier chef, les expatriés.
Les loges s'ouvrent donc, les unes après les autres, dans les îles outre-Atlantique :
4 loges à St-Domingue,
2 loges à la Guadeloupe,
1 loge en Martinique,
Soit un total de sept loges coloniales en 1740
De 1740 à 1763, à peine amorcé, l'essor maçonnique se fige dans les colonies
Les difficultés rencontrées avec le cardinal Fleury** à Paris semblent, en la circonstance, avoir eu un écho dans les colonies. Le passage du duc d'Antin** à la Grande Maîtrise se manifeste, là comme en Métropole, par un ralentissement, si ce n'est un arrêt temporaire, des créations d'ateliers.
Fait aggravant, dans les colonies, les années 1740-1748 sont perturbées par la première guerre coloniale du XVIII° siècle.
En 1740, la flotte française reçoit les instructions d'attaquer les Anglais et en 1744 Louis XV finit par déclarer officiellement la guerre à George II**.
En 1745 la Compagnies des Indes cesse de distribuer des dividendes à ses actionnaires. L'administration locale et des troupes se trouve à la charge de la Compagnie, dont les frais s'accroissent beaucoup plus rapidement que les bénéfices.
Mais, c'est surtout la guerre de Sept ans (1756-1763) qui balaye l'espace où aurait pu se développer la Franc-Maçonnerie française. En effet, cette guerre porte, dès 1756, un coup d'arrêt à l'essor colonial français par les défaites des troupes de Louis XV, aux Indes, au Canada et aux Antilles.
Sur le plan maçonnique, seules quatre loges s'implantent pendant le conflit : trois à St-Domingue, qui conforte progressivement sa place dominante dans les îles atlantiques, et une en Martinique (avant le débarquement et l'occupation par les Anglais en 1762-1763).
Le Traité de Paris, de 1763, entérine la nouvelle situation des colonies possédées par la France. Subsistent seulement : St Pierre et Miquelon, la Martinique, la Guadeloupe, la partie occupée de St-Domingue, Ste Lucie, la Guyane, Gorée au Sénégal, les Mascareignes (îles de France et Bourbon), les comptoirs des Indes (Pondichéry, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé). De dix millions de kilomètres carrés, le domaine français est ramené à une superficie de quarante mille kilomètres carrés.
L'expansion maçonnique française se trouve réduite à ces territoires, dont les contemporains, en France, se satisfont volontiers : les îles sont d'un excellent rapport grâce à leurs productions tropicales.
De 1763 à 1766, le traité de Paris permet la relance de la Franc-Maçonnerie aux colonies
Dès 1763, des FF\ ouvrent en Guyane une première loge, à Cayenne, et les FF\ de la Martinique une troisième à St Pierre, en 1765. Surtout les FF\ de St-Domingue, qui avaient poursuivi - comme en Martinique - les allumages d'ateliers pendant le conflit, consolident leur réseau avec cinq loges de plus, dont trois pour le seul Orient du Cap.
La reprise est donc bien une réalité dans les îles atlantiques. Mais, phénomène nouveau, l'essor se prolonge vers d'autres horizons : « Saint Jean de la Philadelphie », la première loge à Port-Louis en Ile de France (île Maurice), ouvre la voie dans l'océan Indien, en 1765.
Cette même année 1765, Mercy d'Arcy, gouverneur de Lorient, directeur depuis peu de la Compagnie des Indes à Paris, préside l'assemblée des députés de la Grande Loge. La présence d'un tel représentant n'est pas anodine pour les loges lointaines, qui peuvent y voir la prise en considération de la dimension coloniale. Mercy d'Arcy a le mérite d'illustrer la situation dans sa globalité : reprise économique, reprise maçonnique, rôle des ports et de la Compagnie des Indes dans le système en place, place tenue par les colonies dans les milieux maçonniques.
Les perspectives, en cet instant, sont donc intéressantes pour les FF\ éloignés. D'autant plus que, en 1766, un accord est conclu aux termes duquel la Grande Loge de France et la Grande Loge d'Angleterre s'interdisent chacune de constituer, à l'avenir, des loges nouvelles sur le territoire métropolitain et colonial de l'autre nation.
Cependant cette embellie est de courte durée car une période moins favorable se présente aussitôt.
De 1766 à 1774, l'expansion maçonnique espérée se ralentit
La crise traversée en France par la Franc-Maçonnerie limite, par voie de conséquence, l'expansion maçonnique espérée par les FF\installés dans ce qui reste du domaine colonial. En effet, les tensions internes sont telles à Paris, que la police finit, sur ordre du roi, par interdire toutes les réunions maçonniques.
Ainsi, de 1766 à 1771, les loges qui poursuivent leurs travaux sont-elles privées, surtout dans les Orients éloignés, de tout lien obédientiel. Chacun peut adopter, dans de telles conditions d'existence, le rite qui lui convient. Et, par réactions contre les traditions de la Maçonnerie anglaise, les FF\ sont nombreux à choisir le rite écossais.
C'est aussi l'époque où la Compagnie des Indes s'essouffle, sa gestion devenant progressivement déficitaire. Cela n'est pas sans créer un malaise pour ceux qui ont, de près ou de loin, leurs revenus liés à cette entreprise. Les pertes ne cessent d'augmenter, année après année, et servent de cible aux économistes qui, en France, sont de plus en plus nombreux à être favorables au «.laissez faire, laissez passer ». Son sort est scellé, malgré l'appui de Necker** : en 1769, la Compagnie des Indes perd son monopole, ses comptoirs sont rattachés à la couronne, les actionnaires abandonnant leurs droits au roi qui prend en charge le passif. Ainsi, l'un des protagonistes majeurs de la vie aux colonies disparaît. Dorénavant, la Franc-Maçonnerie évolue dans un domaine colonial directement géré par la couronne, qui, cependant, n'abandonne pas pour autant le mercantilisme.
Malgré toutes ces difficultés, les FF\ ajoutent à la série des créations déjà enregistrées par le passé : sept loges à St-Domingue, quatre à la Guadeloupe, une à la Guyane, une à la Martinique. Les FF\ créent également des ateliers sur les îles voisines : une loge à la Marie Galante et une autre à Saint Vincent.
Finalement, ce mouvement, continu au fil des ans, avec ses temps forts et ses temps faibles, se solde par un bilan positif. En effet, à la mort du roi Louis XV en 1774, les créations de loges sont au nombre de vingt cinq :
°Atlantique : 12 loges à Saint-Domingue –
6 loges à la Guadeloupe –
3 loges à la Martinique –
2 loges à la Guyane –
1 loge à Saint Vincent –
1 loge à la Marie Galante
°Océan Indien : 1 loge à l'île de France (île Maurice)
Caractéristiques des loges coloniales françaises au milieu du XVIIIè siècle
La multiplication rapide des loges dans les colonies est un phénomène révélateur d'une réalité économique, démographique et sociale du XVIIIè siècle français. L'expansion économique génère, dans les colonies, un afflux de populations et des types caractérisés d'expatriés, les uns installés définitivement et les autres de passage.
Les Antilles sont les principales bénéficiaires sur le plan démographique. L'un des éléments essentiels du système en vigueur est le transfert d'esclaves depuis les côtes africaines. La population noire va, de ce fait, rapidement devenir la plus nombreuse sur les îles. Mais les Blancs débarquent également car le climat insulaire permet à l'Européen de s'y fixer. Cela facilite, au demeurant le développement économique en cours. Avec leurs riches productions tropicales, les îles constituent, dans la conception mercantiliste, la colonie type dont le développement doit être encouragé par la métropole : elles fournissent à la métropole ce qui lui manque, sans la concurrencer. Aussi, la démographie européenne - population dans laquelle puise exclusivement la Franc-Maçonnerie coloniale - est en constants progrès pour atteindre plus de 50.000 habitants à la fin de la période, dont plus de 32.000 à St-Domingue. L'essor général de la Franc-Maçonnerie dans les îles et plus particulièrement à St-Domingue se comprend mieux à la lecture de ces chiffres.
La Guyane, autre exemple significatif, opère son apparition dans le réseau des loges maçonniques coloniales en 1763. Ce n'est pas un hasard. Longtemps, la colonie avait végété et, en 1750, elle comptait moins de 500 habitants pour plus de 5.000 esclaves noirs. Or, après le traité de Paris, Choiseul** décide d'en faire un établissement susceptible de fournir aux Antilles les produits (bois et vivres) antérieurement venus de Louisiane (Nouvelle France) et du Canada. D'où la mise en place d'une colonisation officielle qui amène 11.000 colons, recrutés en France et à l'étranger. La catastrophe est immédiate, près de 7.000 émigrés périssent et les autres sont rapatriés. Mais, forts de cet afflux les FF\ trouvent, un court instant, les moyens humains de garnir les colonnes des deux loges créées l'une en 1763 et l'autre en 1766. Toutes deux éphémères, exemplaires de la corrélation entre la vie maçonnique et les paramètres de la colonisation.
Toutes les loges évoluent, très logiquement, dans ce contexte démographique et sociologique. Dès lors les FF\ de la Marine y jouent, comment pourrait-il en être autrement, un rôle éminent. Soit qu'ils servent de messagers avec la métropole soit qu'ils créent puis animent eux-mêmes un atelier dans l'île. A l'exemple du sieur De Maulu, capitaine de vaisseau de la compagnie des Indes résidant à l'île de France, où il constitue la loge « St Jean de la Philadelphie » en 1765. Autre exemple, le Chevalier de St Mauris, colonel de la Royal Marine puis Maréchal de Camp, devient Vénérable de la loge « La Tendre Fraternité Ecossaise » à St Pierre et inspecteur des loges de St-Domingue pour le compte de la GL\. Exemples parmi tant d'autres.
Dans cette société aisée du XVIIIè siècle où l'on voyage beaucoup, des FF\ itinérants, bien que n'appartenant pas à la Marine, sont également des membres fondateurs de loges coloniales. Ainsi, le F\ Pierre de Sicard, initié en Palestine où il était consul, fonde à la Martinique une loge, « La Parfaite Union.», puis une autre à la Guadeloupe, « Les Vrais Amis de la Guadeloupe ».
Ces échanges par voie maritime, pour raisons économiques ou administratives, donnent une place de choix, en métropole, aux ports Atlantique : Le Havre, Rouen, Nantes, Lorient et surtout Bordeaux….. « L'Anglaise », loge bordelaise, délivre des patentes à la Nouvelle-Orléans et à la Guyane, tandis que la loge «.St Jean de Jérusalem », elle aussi bordelaise, constitue son homonyme au Cap, à St-Domingue.
Dans les îles, les loges installées, quand elles sont suffisamment étoffées, cherchent à étendre leur influence par essaimage ou délivrance de patentes. « St Jean de Jérusalem » de St-Domingue est exemplaire à ce titre. Elle constitue, dès qu'elle le peut, trois loges provisoires : « La Nouvelle Alliance » au Fort Dauphin, « Les Frères Réunis » aux Cayes, « Les Frères Choisis.» au Fond des Nègres. En fait, une volonté de primauté, de préséance, sur le plan local, se fait jour rapidement. Dans cet esprit, en plus de ses trois ateliers, « St Jean de Jérusalem » décide de se prolonger par un Conseil des Chevaliers d'Orient. Aussitôt, en 1770, lui est opposé un Souverain Collège de St.André d'Ecosse de la loge « La Vérité », également à l'Orient du Cap ; ce qui permet d'annoncer fièrement à un Vénérable voisin : « Si vous preniez des informations, en France, vous sauriez que toutes les LL\ de la colonie sont subordonnées jusqu'à ce jour à notre Souverain Collège, qui ne sera et ne peut être attaché à d'autres LL\ au Cap qu'à celle de La Vérité ».
Que la GL\ ne reconnaisse en 1771 que 5 loges dans les colonies, alors que tant de créations sont annoncées, pose problème. Faut-il : mettre en doute la pérennité des loges créées dans les colonies ? Rendre responsable, de ce chiffre enregistré à Paris, une sorte d'autonomie de ces loges éloignées par rapport à Paris.? Y voir un prolongement des disfonctionnements liés à la pression de la police et des tensions internes entre partisans et adversaires du F\ Lacorne ? La question reste ouverte.
Le F\Stephen Morin, personnage représentatif de la société itinérante du XVIIIè siècle
La vie de Stephen Morin** est mal connue. Longtemps considéré comme étant né à New York, de parents Français venus de La Rochelle après la Révocation de l'Edit de Nantes, aujourd'hui il est dit né à Cahors et catholique.
Vers 1745, il aurait été membre puis président de « La Parfaite Harmonie », Orient de Bordeaux. Peut-être est-ce lui qui, à la même époque, est fondateur d'une loge du même nom à l'Orient d'Abbeville
Vers 1761, il est à Paris à la loge « La Trinité » et, le 27 août, il reçoit, du « Conseil des empereurs d'Orient et d'Occident », une patente dont l'authenticité est discutée. Les tenants de l'authenticité pensent qu'il est vraisemblable que Lacorne, apprenant le départ de Morin pour « les isles », ait fait établir une patente faisant de lui un Grand Inspecteur pour toutes les parties du Nouveau Monde et plus particulièrement pour les îles atlantiques. Dans la mesure où les grades, comme les offices profanes, se vendent aux impétrants, cette sorte de « monopole maçonnique » est, semble-t-il, une aubaine.
Négociant, Stephen Morin s'établit à St-Domingue. Son titre de Grand Inspecteur l'autorise à installer, vers 1762, à Port au Prince, une nouvelle loge « La Parfaite Harmonie ». En effet, la patente accordée par la GL\ précise qu'il peut « tenir loge dans les lieux où il serait à même de faire résidence ». Quant au nom de l'atelier, quoi de plus simple que de reprendre celui de Bordeaux. Mais il arrive qu'un F\ itinérant emmène avec lui sa loge, à titre de Vénérable perpétuel. C'est ce que fait le F\ Morin quand il quitte St-Domingue pour la Jamaïque, vers 1765 : « La Parfaite Harmonie » - source de revenus - y est transférée.
Sur un plan plus général, de l'histoire de la Franc-Maçonnerie, il est communément admis que cette patente - doublée de celle accordée par les Anglais lors de sa capture - a permis au F\ Morin de répandre, en Amérique française et anglaise, le rite de Perfection d'où devait naître le Rite Ecossais Ancien [et] Accepté. Ce rite de Perfection, à vingt cinq grades, devait s'éteindre peu après sa mort, à Kingston en 1771.
Au total, le « cas » Morin atteste de la prudence que l'on doit avoir en abordant les questions maçonniques au XVIIIè siècle, surtout quand il s'agit de loges coloniales. Ce cas est tout particulièrement représentatif de la difficulté de bien cerner ces FF\, créoles ou venus d'Europe, dans leur pérégrination géographique, dans leur trajectoire professionnelle et maçonnique. Par contre, il confirme que cette société - soucieuse de sociabilité, de rituels et de titres - vit le fait colonial comme allant de soi.
Cf la liste des loges coloniales au XVIII° Siècle