Pour célébrer la chute de l'Allemagne nazie, les nationalistes algériens des AML (Amis du Manifeste et de la liberté) de Ferhat Abbas et du PPA (dissous) de Messali Hadj (en résidence surveillée), organisent un défilé à Sétif avec les drapeaux alliés en tête. Soudain, pancartes et drapeau algérien sont déployés. Les pancartes portent les slogans « Libérez Messali », « Vive l'Algérie libre et indépendante », « Vive la Charte de l'Atlantique », « A bas le colonialisme ». Bouzid Saal refuse de baisser le drapeau algérien qu'il porte et est abattu par un policier. Cela déclenche une émeute qui sera suivie d'une répression atroce.
A Guelma, à l'est de Constantine, le même jour, la manifestation organisée par les militants nationalistes, drapeaux algériens et alliés en tête, est arrêtée par le sous-préfet Achiary. La police tire sur le cortège, il y a 4 morts algériens, aucun européen. Achiary décrète le couvre-feu, fait armer la milice des colons. Dans la soirée, les arrestations et les exécutions commencent.
Scénario semblable à Bône où une bagarre se déclenche quand la police tente d'arracher le drapeau algérien, des coups de feu éclatent, il y a des blessés de part et d'autre, un mort côté algérien.
L'insurrection va se propager avec la nouvelle de la répression dans la région de Sétif, Guelma, Kherrata, Djidjelli, qui fera environ 40.000 victimes. Si les manifestations du 1er et du 8 mai ont été préparées, l'insurrection que déclenchera la répression du 8 a un caractère spontané. Un ordre d'insurrection sera donné le 23 mai par le PPA mais aussitôt annulé.
L'origine de l'exaspération est à chercher dans la disette due à la guerre, à la famine (« Je crois pouvoir affirmer que 50% au moins de la population se nourrissent d'herbes et de racines » , écrivait Albert Camus en juin 1939 dans Alger Républicain62) et dans les espoirs déçus en la fin du régime colonial. La défaite de la puissance coloniale en 1940, le débarquement anglo-américain ont incité les responsables musulmans, encouragés par les déclarations américaines à secouer le joug colonial. Le Manifeste du peuple algérien du 10 février 1943, réclame une Constitution où l'égalité absolue entre hommes quelle que soit la race ou la religion sera proclamée. L'additif au Manifeste du 26 juin 43, approuvé par le Gouverneur général Peyrouton, prévoit la création d'un État algérien à la fin de la guerre et la participation immédiate des représentants musulmans au gouvernement de l'Algérie. Mais l'administration française ne cherche que le calme pendant que les troupes « indigènes » participent aux combats en Italie, en Corse, à l'île d'Elbe puis au débarquement de Provence (Ben Bella combattra au Monte Cassino en avril 1944). L'ordonnance du 7 mars 1944 de De Gaulle oublie les promesses faites et ne reprend que le projet Blum-Viollette rejeté en 1936 par les colons, en proposant le droit de vote pour 65 000 algériens.
C'est le gouvernement français issu de la Résistance, dirigé par de Gaulle et formé avec des ministres communistes, qui va exercer une répression effroyable.
Sources :
Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994; Boucif Mekhaled, Chroniques d'un massacre - 8 mai 1945 - Sétif, Guelma, Kherrata, Au nom de la mémoire, Syros, 1995; C.R. Ageron, Histoire de l'Algérie contemporaine, Que Sais-je N𫄐.
http://pagesperso-orange.fr/jacques.morel67/ccfo/crimcol/node52.html