-
-
-
Depuis les débuts il est bien
entendu que pour les FF\
au Maroc : "la France doit affirmer son droit de coloniser ... car
les colonies ont leur utilité sociale". En matière coloniale après
la Grande Guerre, les grandes lignes de la pensée du GODF, conformes
à celles de la GLDF, sont données dès le Convent 1920 pour
l’enseignement et au Convent de 1923 pour l’ensemble de la question
coloniale.
-
-
Au Maroc, il est souhaité d’une part
que "la période des opérations militaires soit définitivement close"
et d’autre part que "soient poursuivis la diffusion de l’instruction
publique et l’enseignement professionnel strictement laïques ; que
le statut des populations indigènes ou non soit nettement défini,
clarifié, qu’une politique souple de large association soit
appliquée aux indigènes en vue de leur assimilation progressive et
complète".
-
-
Le Résident Général Steeg donnera en
partie satisfaction à ces desiderata puisqu’il ralentira la
pacification et accordera la représentation des Français au Conseil
du Gouvernement.
-
-
Reste l’assimilation, qui va amener
à l’élaboration du fameux
Dahir (Décret) Berbère. En effet, aux
yeux des FF\,
"malgré la propagande active de l’Islam, le bloc berbère demeure
ethniquement séparé des Arabes conquérants.... Sans notre arrivée,
Fès tombait irrémédiablement entre leurs mains... Nous avons coupé
les jambes au mouvement berbère et cela n’a pas été la moindre cause
de leur hostilité à notre égard. Cette hostilité s’est exaspérée
quand ils se sont aperçus que nous voulions en plus les placer sous
le joug de la loi musulmane ... Nous avons à racheter les fautes
passées par une action pleine d’attention à leur égard : créons chez
ce peuple, avide de connaître et d’apprendre, des écoles franco -
berbères et non des écoles franco-arabes. Nous pouvons tout espérer
des Berbères instruits pour contrebalancer l’influence du fanatisme
musulman..."
-
-
Ce qu’exprime de façon explicite le
Congrès des Loges du GODF réuni à Casablanca en 1928 :
-
-
"1°- que
notre politique vis à vis de nos protégés marocains tienne plus
largement compte des différences ethniques séparant le bloc
berbère des Arabes proprement dits"
-
-
"2°- que cette politique assure
la protection de la liberté individuelle de tous nos protégés en les
affranchissant progressivement de l’oppression religieuse, de
l’action néfaste des confréries ... que l’instruction soit répandue
le plus largement possible dans le sens de la laïcité et de la
gratuité".. Dans l’espoir de contribuer au rapprochement et à la
fusion des différents éléments ethniques dans l’Afrique du Nord.
-
-
Espoir que manifestent en 1929 à
leur tour à Rabat, d’abord le VI° congrès des Loges de l’Afrique
du Nord, puis la XXXI° Conférence inter obédientielle des loges
de l’Afrique du Nord. Cette Conférence, en présence du TIF\Le
Foyer GM\
de la GLDF, préconise: "la généralisation de la langue
française... la lutte contre les déviations cléricales au moyen
d’un enseignement laïque... des actions pour favoriser le
rapprochement de tous les groupements ethniques dans les divers
organismes (syndicats, sociétés mutuelles) et pour tendre à
assurer la justice française et éviter au Maroc, en attendant le
régime de droit commun, l’éviction du droit coutumier berbère
par le droit coranique...". Opinion du F\
Cordier, premier président de la cour d’Appel dans la vie
profane, largement partagée par l’ensemble des FF\.
-
-
Un communiqué est adressé à
la presse, avec l’accord des deux obédiences. Il y est souligné
l’attachement des FF\
à la laïcité, à l’étude des moyens propres à favoriser le
rapprochement des divers groupements ethniques de l’Afrique du
Nord. Le dahir Berbère est en gestation.
-
-
A cette action des Francs-Maçons en
direction du monde berbère s’ajoute paradoxalement celle des milieux
catholiques. En effet, en 1928, la conversion au christianisme - à
Paris, d’un étudiant marocain originaire d’une grande famille
bourgeoise de Fès - enthousiasme les esprits d’autant plus que
l’évêque de Rabat fonde quelques espoirs de conversions en pays
berbère. Là aussi l’idée fait son chemin que "les Berbères sont
moins islamisés que les Arabes".
-
-
Lyautey, est-il avancé comme
argument, avait bien fait admettre dès 1914 pour ces tribus
l 'existence de tribunaux particuliers qui avaient donné toute
satisfaction. A cela près que Lyautey n’a, à aucun moment, eu pour
objectif d’amoindrir l’autorité du Maghzen. Or, cette fois, il
s’agit de tout autre chose ; il s’agit de créer des tribunaux
coutumiers d’appel afin de consolider les tribunaux locaux et, en
même temps, d’instaurer une justice pénale et criminelle s’inspirant
des principes du droit français en dehors de tout contrôle du
Maghzen.
-
-
C’est chose faite le 16 mai 1930 et
La Vigie
Marocaine, dans son éditorial du 3 juin
intitulé "Justice berbère", souligne que "le premier décret berbère
date de 1914...cela permit au moins de conserver dans le calme les
tribus soumises....La question berbère est ensuite restée assez
longtemps en suspend pour motiver des nombreux articles dont ceux de
M.
Le Glay
et M°
Surdon". Lequel, ce que ne dit pas La Vigie
Marocaine, est un F\
très écouté sur ce sujet précisément.
-
-
Aussitôt, avec la protection de
quelques conseillers de l’évêché et au grand dam des FF\,
les tribunaux coutumiers les plus proches des villes reçoivent
quelques secrétaires kabyles convertis. Or l’émir
Chébib Arslam,
grand promoteur du panislamisme, vient s’informer discrètement à
Tanger et Tétouan puis diffuse la terrible nouvelle de la
"christianisation du Maroc". Les FF\,
oubliant leur propre responsabilité dans l’aventure, rejettent la
faute exclusive sur l’évêque de Rabat et ses amis. C’est appuyer
indirectement le reproche, que font des Marocains, de "Tachbir"
chrétien, c'est à dire d’évangélisation. Car l’abrogation du
dahir
berbère devient un thème de revendication du nationalisme dont
toutes les organisations, embryonnaires dans les milieux citadins et
jusque là sans contact entre elles, vont se rapprocher. Pour la
première fois sont offertes, à ceux qui se veulent conducteurs
d’hommes, des masses populaires prêtes à les suivre ; en effet une
atteinte à la religion est alors à peu près la seule idée-force
capable de tirer de sa passive indifférence la population.
-
- Rendus plus
circonspects par ces réactions, les FF\
parlent, dorénavant, davantage de mutualisme comme facteur de
rapprochement et d’assimilation ; ils souhaitent à cet égard
"une société de prévoyance unique". Car dans ce Maroc où le
développement des villes isole de plus en plus les deux
populations l’une de l’autre, les FF\
s’efforcent de garder le contact. Pour eux, la solution idéale
reste l’école, l'enseignement "à donner dans des écoles mixtes
et laïques, dans l’école unique !"
-
-
Ce programme va à l’encontre
des craintes de beaucoup d’Européens installés au Maroc qui ont
peur "qu’en entrant dans nos lycées, en nombre assez important,
les musulmans ne deviennent des concurrents pour leurs fils au
moment même où les débouchés sont rares".… "c’est là de
l’égoïsme profond" jugent les F.M. "et dussions-nous en
souffrir légèrement, nous n’aurions pas le droit de nous
plaindre, car après tout il serait
regrettable que les Marocains ne
puissent obtenir d’emplois chez eux... C’est à ce prix que nous
trouverons un écho dans le cœur de nos protégés et que nous
hâterons l’heure où sera devenue une réalité la fraternité des
peuples !"
-
-
-
La crise économique partie des USA
n’a pas encore atteint l’Afrique du Nord, même si la dépression
s’annonce à des observateurs attentifs. En fait l’Afrique du Nord
est plongée dans les manifestations du triomphalisme colonial, ce
que J. Berque a appelé "le faux apogée".
-
-
A Alger, on célèbre le
centenaire de l’occupation française. C’est un déferlement de
voyages officiels : "A Oran M. Loubet fut reçu courtoisement, à
Alger M. Millerand froidement et M. Doumergue souleva les
enthousiasmes", si l’on en croit La Vigie Marocaine.
-
-
A Carthage, s’ouvre en grande pompe
le Congrès Eucharistique sous l’impulsion de l’archevêque du
lieu Mgr Lemaître. Les orateurs officiels se félicitent de
l’œuvre accomplie parmi les jeunes filles musulmanes. On se félicite
également que "La Nouvelle Église d’Afrique" soit en pleine croisade
d’évangélisation.
-
-
A Rabat, c’est le Dahir Berbère du
16 mai qui marque l’euphorie du moment. Les uns espérant que
les Berbères iraient "tout droit à une culture laïcisante. A
certains égards ce qu’avaient tenté les premiers instituteurs en
Kabylie". Les autres aspirant à leur conversion au catholicisme.
-
-
La Maçonnerie elle-même n’échappe
pas à ce triomphalisme. Soit qu’elle pousse au décret berbère, soit
qu’elle organise son Congrès des Loges d’Afrique du Nord à Alger, du
16 au 19 avril, "au moment des fêtes du Centenaire". A l’occasion de
son déplacement au Maroc, Algérie et Tunisie, le SGC\
Savoire est accompagné par le Président du Conseil de l’Ordre
Groussier : "Nous affirmerons ainsi l’union étroite et confiante,
l’absolue communion d’idées qui existe entre les deux plus hauts
organismes de notre Ordre.."
-
-
A Mazagan, le 5 avril, les TIF\
Savoire,
Groussier et Bouty félicitent le Congrès pour le sérieux
et la compétence qui ont accompagné l’étude des questions sociales.
Le soir, lors du banquet blanc organisé au casino de Mazagan avec,
signe des temps, les personnalités les plus marquantes de la ville,
le TIF\
Savoire expose "pendant quarante cinq minutes, avec ampleur et
courage, l’œuvre de la Maçonnerie" puis le TIF\
Groussier "se surpasse : fougueux, pétillant, incisif il soulève
l’enthousiasme de ses auditeurs".
-
-
Sentiment de plénitude que devrait
ressentir aussi le S\
Chapitre de Casablanca quand il reçoit les mêmes TIF\
, quelques jours plus tard, le 20 avril. Et, pourtant, le projet
d’une création d’un second Chapitre à Rabat donne lieu à
récrimination. Projet évoqué dès 1924, longtemps esquivé par les
Casablancais ou repoussé car ils estiment que "ce serait une erreur
de disperser ainsi les forces des Ateliers des Hauts Grades". En
1929 les FF\
de Casablanca suggèrent que "le S\
Chapitre pourrait avoir plusieurs tenues annuelles à Rabat".
-
-
Proposition sans suite et, en mars
1930, Paris informe de la création d’un Chapitre à Rabat sous le
titre distinctif "La Fraternité Marocaine". Aussitôt,
protestations du Chapitre "Le Phare du Chaouia et du Maroc"
qui s’élève contre l’absence de demande d’avis préalable auprès des
Casablancais.
-
- En avril, le
TIF\
Savoire clôt le
débat en précisant : "la création de ce nouveau Chapitre à Rabat
s’explique par l’activité des nombreuses loges marocaines,
l’activité des loges des obédiences étrangères, les distances
qui séparent les diverses villes du Maroc".
-
-
Donc, l’essor même de la FM\
au Maroc a fait prévaloir la thèse des Rbatis. Tout comme une
première fois en 1925 déjà, avec la mise sur pied d’un Congrès des
Loges du Maroc, le S\
Chapitre de Casablanca voit, avec l’existence d’un second Chapitre,
son rayonnement relativement amoindri après 1930.
-
-
Désormais, la structure des Loges du
GODF au Maroc se complète d’un Conseil Philosophique et de deux
Chapitres. "Le Phare de la Chaouia et du Maroc" de
Casablanca, avec le F\
Chapon comme inspirateur, sera davantage orienté vers les loges du
Sud tant dans son recrutement que dans son action, tandis que "La
Fraternité Marocaine" de Rabat, avec le F\
Cazemajou comme fondateur et animateur, couvrira la zone Nord. Les
rapports entre les deux Chapitres se détendront, officiellement, dés
1931 au cours d’agapes équinoxiales où "après les discours d’usage,
le F\
Cazemajou, dans un geste émouvant de fraternité, a demandé au F\
Tarriot, en l'absence du F\
Chapon, d’oublier, comme il oubliait lui-même, les dissentiments
passagers qui ont pu les diviser un instant...". Le partage est
entériné, officiellement !
-
-
S
Le Dahir berbère par G. Lafuente
-
S
Évolution de la place de France à
Casablanca : le décor change
-
S
CHRONOLOGIE DU PROTECTORAT.
-
Carte ethnolinguistique du Maroc 1973
-
-
.
-
-
-
-
-
-