Les Francs-Maçons
au Maroc
sous la IIIe République
1867 - 1940

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Odo Georges
Table Générale des matières - Bibliographie  . § 1 - 1867 Implantation au Maroc  .  § 2 - 1925 Les FF∴ et Lyautey  . § 3 - 1927 Steeg et l'extériorisation . § 4 - 1929/1930 Décret berbère . § 5 - 1931 Problèmes internes . § 6 - 1933 Politisation intensifiée .  § 7 - 1934  les "Affaires"  .    § 8 - 1936 le Front Populaire  . § 9 - 1938/1940 : Fin d'une époque  .  § 10- la Franc Maçonnerie et la presse  . § 11- les loges espagnoles  .   § 12- Tanger zone internationale. § 13 - Moulay Hafid  . ............................                Tableau des Loges

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Émancipation_des_partis_politiques 
Incertitudes_doctrinales.
 
CHAPITRE     VI
 
Une politisation intensifiée : 1933
 
Les départs de fellahs de la campagne vers les villes se multiplient, alors que les offres d’emploi se restreignent. Les migrations, d’abord temporaires, deviennent des abandons définitifs ; les bidonvilles se développent autour des villes.
 
La situation économique préoccupe les FF:. au point que le S\ Chapitre de Casablanca s'interroge sur le contexte marocain et la mondialisation. C’est prolonger les discussions des loges  qui "reflètent toute la richesse de l’arc-en-ciel républicain. Les radicaux-socialistes s’y rencontrent avec les socialistes de toutes nuances et même des communistes...". Par contre c’est oublier, momentanément, les efforts du TIF\ Savoire qui voudrait que les Chapitres surmontent leurs préoccupations politiques au profit de sujets philosophiques.
 
Émancipation des partis politiques
 
Avant 1925, dans la mesure où Lyautey avait freiné l’émancipation des partis politiques au Maroc et avait fait l’unanimité contre lui, la FM\ marocaine avait donné l’image d’un bloc républicain soudé... En 1922, "Le Phare de la Chaouia" adresse un vœu à la fois aux socialistes et aux radicaux en faveur "d'une loi d’amnistie pour les malheureux soldats ou marins qui expient dans les geôles républicaines un moment de faiblesse ou le crime de ne pas avoir des idées conformes à celles d’un gouvernement de réaction... Pour que les procès Caillaux et Malvy soient immédiatement révisés."... Les mutins de la mer Noire d’une part, les procès Caillaux, Malvy d’autre part, le partage est équitable !... En 1924, les élections du 11 mai ramènent une majorité de gauche à la Chambre. De toutes les loges au Maroc partent des motions enthousiastes dont celle de la loge de Fès : "Dans un hoquet la France a rejeté au ruisseau la Chambre du Bloc national, fêtons dans la joie cette délivrance". C’est l’époque où le parti radical profite de la venue de nombreux immigrants du Sud-Ouest, souvent radicaux par principe ou en obligés du puissant Sarraut. Aussi les premiers Ateliers sont-ils de tendance radicale : le F:. Chapon, autorité maçonnique et président de la puissante CCI de Casablanca, est lui-même président actif du Comité républicain avant d’en devenir Président d’honneur.
 
Vers 1925, le succès du Cartel des Gauches et l’arrivée de fonctionnaires plutôt socialisants donnent une nouvelle vigueur à la SFIO qui en août fonde une section à Casablanca en réponse à l’Action Française. En Septembre c’est au tour de Marrakech.... Le F:. Mespoulet a les honneurs du Petit Casablancais qui relate : "Congrès Socialiste Fédéral au Maroc de vingt cinq délégués.... Le Petit Marocain étale en grosses lettres l’événement... Mespoulet a déposé une motion qui tend à réprouver tout cartel avec le parti radical et à former avec le parti communiste le front unique du prolétariat". Ce qui n’empêche nullement la SFIO au Maroc d’accueillir dans ses rangs non seulement des communistes - souvent issus des PTT, des cheminots, du milieu enseignant - mais aussi des anarchistes interdits au Maroc tout comme les communistes.
 
Cet essor de la Gauche au Maroc entraîne un coup de semonce de la part des autorités qui profitent, en Février 1926 d’un "complot antimilitariste" pour inculper le F:. socialiste, de la GLDF, Carette-Bouvet, directeur du  Cri Marocain et ses amis Escouroux, Arrighi, Dalaguella, Champion. Les socialistes ont le sentiment d’être victimes d’une provocation à propos de la désertion de légionnaires à Marrakech. Finalement il y  a non-lieu.
 
En 1927, la mise en place de la SFIO est chose faite, aux côtés du parti radical. Elle va profiter des élections du 3e collège, en Mai, pour faire la démonstration de son émergence à travers le Maroc.
 
A Casablanca, l’impact des partis de gauche est sensible. En premier lieu les  Roches Noires - quartier des cheminots, des pêcheurs  portugais ou espagnols, des maçons italiens - votent pour les socialistes.... En second lieu, le Maarif où le bloc "Algérien" - divisé entre Espagnols de l’Oranais, Français d’Alger et Italiens du Constantinois - retrouve son unité face à ceux de l’extérieur. N’ayant globalement aucune culture politique les "Algériens" sont attachés à leurs notables et au sport, d’où l’importance des FF:. Permingeat et Pelissard de la GL ; ce dernier, rédacteur au Petit Marocain du radical Mas, entraînera souvent les maarifiens vers les radicaux. Dans cette sensibilisation de l’électorat du quartier il reçoit l’aide des FF:. Arritvex, du parti radical et de la GL, Galliana, secrétaire du syndicat des PTT, Abella de la conservation foncière et homme de Vallabrègue... En troisième lieu, le Centre-ville où vivent les fonctionnaires qui sont partagés entre les radicaux et les socialistes arc-boutés sur les Amicales de fonctionnaires, autrement dit les syndicats. La colonie corse est très nombreuse ; or les Corses comme les Algériens ont l’esprit de clan. Ce qui explique que - souvent à contre courant de leurs sentiments traditionalistes sinon conservateurs - ils appuient le socialiste du GO, Mattei François, déjà fort du soutien des syndicats.
 
Couvrant tout Casablanca il y a le mouvement des Anciens Combattants et des Mutilés de Guerre. Son influence est grande et donne un relief important aux      FF:. Roby et Maire du GO, aux FF:. Carlotti et Parent de la GL qui sont à la tête du mouvement. Ayant une aussi large implantation, le mouvement de la Famille Française est influencé par le F:. radical Blanc. Enfin la communauté israélite fait confiance sur le plan politique au F:. radical Taourel.
 
Les FF:. sont donc présents à des postes charnières dans le débat politique. Par contrecoup de vives tensions apparaissent parfois en loge. En effet les radicaux, attachés aux principes de 1789, défendent avec passion la République, avec mesure la propriété privée et condamnent sans réserves la lutte des classes. Par contre les socialistes, sans rejeter l’héritage de Jaurès, ont une analyse  de plus en plus marxisante.
 
Si le Chapitre de Casablanca, surtout après le départ du socialiste Mespoulet, reste vers 1927 essentiellement radical, sensible aux arguments du F:. Chapon, par contre au niveau des loges la progression des idées socialistes oblige les FF:. radicaux à faire des concessions, dans la mesure où ils ne s’éloignent pas trop de leurs principes fondamentaux.... L’année 1928 offre un exemple instructif à cet égard : un prospecteur de la société belge d’Ougrée-Marihée découvre à Djerada du charbon. Aussitôt la SFIO dénonce la spéculation anarchique qui règne en la matière et réclame la nationalisation. Les loges, associant radicaux et socialistes, estiment de leur côté que "l’exploitation de toutes les richesses naturelles... celle qui nécessite des capitaux importants, doit être réservée à des organisme d’état et non à des sociétés financières, de façon que les bénéfices de cette exploitation profitent à la collectivité. Il convient sur ce point de suivre les principes admis pour l’exploitation des phosphates". Bel hommage à Lyautey, à posteriori !
 
Incertitudes doctrinales
 
En matière coloniale, la plénitude territoriale s’accompagne d’incertitudes doctrinales. En 1912, à l’ouverture du Protectorat, le F:. député Deslinières dans son livre Maroc socialiste laisse entendre que "pendant longtemps il n’y aura pas à les [Marocains] associer à la direction de l’œuvre ... il nous suffira de respecter leur religion et leurs coutumes, de les laisser s’administrer selon les usages antérieurs en intervenant très peu dans leurs affaires"... En 1926, le Congrès Inter Fédéral Socialiste de l’Afrique du Nord, tenu en France, adopte la résolution selon laquelle "la colonisation est légitime en soi" à condition de rechercher l’égalité sociale.
 
Au nom des radicaux, Albert Sarraut a lancé dès 1923 un programme d’autarcie, de la France et de son Empire, dont l’influence se sent dans les conclusions du Convent GODF de la même année : "les colonies sont des créations d’humanité, des conquêtes morales dont l’économie serait complémentaire de celle de la métropole. Les droits politiques seront développés avec une certaine autonomie administrative. La sagesse des colonisés les écartera d’une indépendance qui ne serait qu’impuissance. La colonisation c’est le droit du plus fort à aider le plus faible : c’est la politique d’association".
 
Au milieu de ces incertitudes où assimilation et association interfèrent grandement, la FM\ du Maroc cherche sa voie avec difficulté. Une circulaire envoyée par la loge d’Hanoï "Fraternité Tonkinoise" résume ces hésitations, dont  les FF:. du Maroc analysent d’autant mieux les contradictions qu’ils les ressentent : "Sa théorie de l’émancipation a peu de conviction ; elle évolue de l’assimilation à l’association... En résumé toutes les questions ont été examinées, mais aucune de façon approfondie. C’est une question de longue haleine".
 
Après 1930, les éléments de référence se trouvent amplement transformés. L’Italie puis l’Allemagne versent dans le fascisme ; en France même se manifestent les ligues qui, si elles ne sont pas toutes fascistes, empruntent tout de même au fascisme un ton, des formules, un goût pour les parades et les uniformes, une tendance à la violence et la mise en cause du parlementarisme. A l’opposé les mouvements nationalistes pour l’indépendance se renforcent à travers l’Empire.
 
Les FF:. s’inquiètent : "sur la carte du monde deux fascismes apparaissent. Le fascisme conservateur comme en Allemagne et en Italie... Le fascisme prolétarien en Russie...". Pour ce qui est de la France, les FF:., radicaux et socialistes d’accord, émettent le vœu que "la République se démocratise en supprimant les sociétés anonymes, en adoptant le programme de la CGT immédiatement, en respectant la liberté individuelle".
 
Les FF:. et les partis de gauche sont également très attentifs en ce qui concerne la montée du nationalisme, même s’ils n’arrivent pas à se prononcer nettement. Il est un point au moins sur lequel ils tombent d’accord, c’est le reproche qu’ils adressent à leurs dirigeants respectifs en France en raison des sympathies à l’égard des Nationalistes Marocains. Sympathies qu’ils jugent sentimentales et incompatibles avec les nécessités pratiques locales. Les FF\ au Maroc estiment que "le plus grand nombre de FF:. métropolitains se bornent à englober les entreprises coloniales dans l’anathème dont ils frappent le militarisme et le brigandage capitaliste. Chez eux cette grande question se heurte à l’incompréhension et à l’indifférence....".
 
De plus, pour compliquer encore davantage la situation des FF\ de gauche au Maroc, ils héritent des contradictions internes de la SFIO en France. En effet les nostalgiques de l’action viennent de créer avec Déat et Renaudel "le Parti Socialiste Français" que  les militants SFIO au Maroc s’évertuent à museler. En outre cette SFIO locale se trouve en bute aux attaques de la revue Maghreb de R.J. Longuet, socialiste à la tête d’une petite équipe de rédaction regroupant des militants d’extrême gauche de tendances diverses. Quand Le Maroc Socialiste - hebdomadaire de la SFIO, mais aussi  tribune libre du syndicalisme et du pacifisme - déclare : "quelques socialistes ne veulent pas que  les travailleurs Marocains soient sacrifiés aux appétits de quelques bourgeois", la revue Maghreb rétorque que les militants Français du Maroc pâtissent de la déformation coloniale.
 
Pendant un temps les Nationalistes Marocains ménagent leurs amis de gauche, toutes tendances confondues. S’ils se gardent d’adhérer au parti socialiste ils entretiennent des contacts amicaux., comme le rappelle El Ouazzani,  en 1933, dans son journal L’Action du Peuple. Ils reçoivent amicalement R.J. Longuet la même année comme ils le feront avec Renaudel en 1934. Les dirigeants nationalistes en viendront à reprocher aux socialistes du Maroc de s’intéresser surtout aux intérêts français.
 
Dans ce contexte politique, en plein mouvement et riche de contradictions mal appréhendées, les FF:. reflètent les différents courants aux options nuancées ou opposées. Les loges bleues plus directement, le Chapitre de façon plus feutrée. Mais aucun Atelier n’y échappe.
S    CHRONOLOGIE DU PROTECTORAT.
 

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