Les Francs-Maçons
au Maroc
sous la IIIe République
 
1867 - 1940
 
Steeg et l’extériorisation : 1927

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Odo Georges
 
Table Générale des matières - Bibliographie  . § 1 - 1867 Implantation au Maroc  .  § 2 - 1925 Les FF∴ et Lyautey  . § 3 - 1927 Steeg et l'extériorisation . § 4 - 1929/1930 Décret berbère . § 5 - 1931 Problèmes internes . § 6 - 1933 Politisation intensifiée§ 7 - 1934 les "Affaires"  .    § 8 - 1936 le Front Populaire  . § 9 - 1938/1940 : Fin d'une époque  .  § 10- la Franc Maçonnerie et la presse  . § 11- les loges espagnoles  .   § 12- Tanger zone internationale. § 13 - Moulay Hafid  . ............................                Tableau des Loges
 

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Evolutions_maçonniques
Evolutions_dans_le_monde_profane
Rythme_de_fréquentation_des_Ateliers_et_nature_des_travaux_en_loge
 
 
CHAPITRE     III
 
Steeg et l'extériorisation : 1927
 
 
Évolutions maçonniques
 
En 1926, le S:.Chapitre quitte son local de la cité Bendahan et récupère un temple plus grand en médina ; comme pour marquer l’aube d’une ère nouvelle. En effet, sur le plan économique, le Maroc sort de son marasme et l’expansion se maintiendra jusqu’en 1930. Sur le plan politique, Lyautey parti, Steeg est  nommé à la Résidence Générale où il a le bonheur de mettre un terme à la guerre du Rif.
 
Avec sa figure méditative et barbue d’universitaire, type même du cacique parlementaire armé d’un joli don d’expression, le nouveau Résident Général témoigne aussi d’un réel souci de "réaliser", d'être concret. Aussi dès le 13 octobre 1925, sur décision résidentielle, une réforme importante est apportée à la composition de  la section française du Conseil du Gouvernement. Désormais tous les éléments de la colonie française qui n’étaient pas encore représentés, c’est-à-dire tous ceux n’étant ni agriculteurs ni commerçants ni industriels, vont constituer un 3e collège. Ainsi se trouve satisfait le vœu de toute une partie de l’opinion française au Maroc et en particulier de la grande majorité des FF:. qui, en mars 1926, se déclarent "tous d’accord pour la création du 3e collège" comme ils l’étaient déjà sous Lyautey, mais alors en vain.
 
Les temps ont décidément bien changé. Alors que, jusqu’en 1925, les FF:. se sont surtout extériorisés dans les associations économiques ou dans les sociétés de bienfaisance, ce qu’ils continuent à faire d’ailleurs régulièrement , après 1925 ils vont pouvoir agir dans les partis politiques, plus tolérés que jamais, ou même directement en tant que représentants de la FM
 
Dès août 1925 se fonde à Casablanca, en réponse à celle de l’Action Française, la première section  SFIO sous la responsabilité du F:. Mespoulet, qui par ailleurs participe activement aux manifestations d’un comité, fort de ses 8.000 membres, contre la vie chère au Maroc. Moyen pratique de faire de la politique avant que les partis ne soient tolérés. En mars 1926, le F:. Roby, proviseur du lycée Lyautey à Casablanca, inaugure son université populaire, tandis que Mespoulet toujours lui, subit en avril l’attaque  de groupes de droite alors qu’il préside une réunion de la Ligue des Droits de l’Homme. Le Petit Casablancais, journal financier local, le prend à parti : "Jusqu’à maintenant nous aurions cru que M. Mespoulet pratiquait le communisme mais aujourd’hui, qu’il a lu partiellement Marx, il répudie indigné les théories de Moscou et revient à la SFIO"... et quelques jours plus tard  : "Mespoulet a beau aller tous les quatre ans aux  Congrès qui se tiennent dans son fief de Figeac, jamais encore il n’a été autorisé à briguer les suffrages de ses concitoyens... Il a sa place marquée dans ce 3e collège mais pas à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Casablanca". Cette activité politique intense pousse l’opposition entre les FF:. Mespoulet et Chapon au point de rupture.  Ce dernier, dans une lettre ouverte publiée par la presse, écrit : "Mespoulet ... vous êtes un démagogue ". Le Chapitre s’abstient prudemment de prendre parti d’autant plus qu’à partir de cette date Mespoulet s’absente, laissant Chapon maître du terrain. Cependant le Très Sage, président du chapitre, se voit obligé de rappeler qu’il "faut se serrer les coudes". Finalement ces tensions politiques seront surmontées au sein du groupe. Ce qui n’est pas toujours le cas dans toutes les loges, comme le prouvent la crise interne à Marrakech où les prises de positions politiques mènent au bord de l’éclatement.  
 
A Casablanca, l’unité préservée permet aux FF:. de suivre de prés la naissance des Jeunesses Patriotiques, prolongement de la Ligue des Patriotes du général Castelnau, organisme de lutte contre le bloc des gauches. Il "est décidé de pratiquer des Jeunesses Républicaines afin de combattre l’influence de la réaction sur la jeunesse".
 
En mars 1926, le second congrès des loges marocaines du GODF se réunit à Casablanca. Après avoir étudié "le travail du Franc-Maçon à l’extérieur", les délégués s’interrogent sur les méthodes aptes à "faire connaître les desiderata du congrès au gouvernement".
 
Le F:. Bouty, Conseiller de l’Ordre pour l’Afrique du Nord, répond qu’il y a plusieurs moyens à son avis : "Les communiqués à la presse - Les intermédiaires naturels que sont les FF:. assistant déjà au Conseil du Gouvernement par suite de leurs fonctions électives profanes - Une entrevue demandée au Résident Général pour lui faire connaître directement le point de vue de la FM"
 
Ces diverses suggestions, sur l'extériorisation, sont adoptées par le Congrès qui, in fine, décide donc d’envoyer à la presse le communiqué suivant :
 
"Le Congrès des Loges Marocaines du GODF, réunies dans le temple du Phare de la Chaouia, a émis les vœux suivants :
- 1) que soient créées des commissions municipales consultatives élues.... des commissions régionales consultatives élues... une commission générale consultative prés le gouvernement élue.
- 2) que le Gouvernement Marocain se donne tout entier à la mise en valeur du pays par une colonisation intense.
- 3) qu’une intervention énergique soit faite auprès du Gouvernent de la République française pour qu’une solution rapide soit donnée à l’affaire du Rif et pour que cesse cette effusion de sang".
 
Le 11 mai 1926, M. Steeg accorde une audience aux FF:. Griguer, président du Congrès, Gaudin et Sandillon premier et second vice-président, Tarriot secrétaire, Luppé vénérable de la loge organisatrice et Frit remplaçant Cazemajou absent. Au cours de cette audience, la délégation se plaît à dire au Résident Général, que chacun considère comme un F:. de  la GLDF : "Les FF:. du Maroc, qui avaient déjà appris avec joie, dés le premier jour, votre nomination à la direction des destinées de ce pays, sont heureux de vous renouveler l’assurance de leur profond et respectueux dévouement. Homme d’ordre et profondément attaché aux institutions républicaines, ils saluent en vous le fervent et probe démocrate qui a laissé dans tous les postes éminents qu’il a occupés, notamment à la tête de la colonie voisine, le souvenir d’un homme d’État, d’un administrateur juste et bienveillant. Monsieur le Résident Général, au moment où vous avez, semble-t-il, à réagir contre les manœuvres sournoises et déloyales des alliés de l’ancien régime, les FF:. se doivent de vous dire qu’ils sont avec vous et que vous pouvez compter sur leur entier dévouement..". Ce à quoi le Résident Général répond  "en remerciant la délégation de cette démarche et en assurant les FF:. de toute sa bienveillance".
 
Rançon de cette extériorisation, "une campagne anti-maçonnique se développe à travers le Maroc". En novembre 1926, une secousse importante ébranle les FF:. de Casablanca jusque là à l’abri de ce genre d’affaire. En effet, le quotidien L’Écho du Maroc commente les élections des officiers dignitaires "avec des précisions telles qu’il y a toute certitude que l’auteur de l’article a reçu des informations d’un F:. présent" :
 
"Au 4e collège - Réunion très importante, mercredi 3 courant, les FF:. élisaient leur vénérable. Théoriquement un seul candidat le F:. Luppé qui demandait à être réélu. Mais que d’intrigues autour de cette candidature et contre elle... Les élections se déroulèrent dans le bruit. Les soixante deux votants discutaient âprement... Un quidam qui passait par-là, sans scrupules, poussa la porte et passa la tête tout juste pour voir une buvette dressée... La séance pris fin vers les 11 heures du soir mais non la discussion qui continua véhémente dans la rue et ensuite au café des Arcades".
 
Luppé, après lecture de cet article in extenso, informe l’atelier que l’auteur  est un dénommé Palmas employé de banque, camelot du roi, et que le F:. indiscret reste inconnu. Il résulte de cette alerte que les FF:. décident de se montrer encore plus sévères au moment du recrutement.
 
Par contre, l’extériorisation n’est pas remise en cause un seul instant, bien au contraire. Il arrive même qu’un F:. soit amené à pondérer l’enthousiasme des congressistes - qui envisagent de "vulgariser le rapport sur l’évolution du Maroc par l’édition d’une brochure" - en faisant valoir que "une des clauses primordiales de l’Acte d’Algésiras est que jamais nous ne toucherons en quoi que ce soit aux questions religieuses musulmanes". Cependant, manifestation de cette volonté d'extériorisation, le congrès des loges au Maroc - après que le TIF\Mesguiche, du Conseil de l’Ordre, ait été reçu par le Résident Général - organise, en 1927, son banquet de clôture dans les salons des Services Municipaux avec environ deux cents convives.... En 1930, c’est dans la salle du Casino de Mazagan qu’a lieu le banquet de clôture, auquel participent les TIF:. Groussier, Savoire et Bouty, avec pour invités les personnalités les plus marquantes de la ville, les représentants de l’autorité, des corps élus et des groupements démocratiques... L’habitude prise, elle se perpétuera jusqu’à la guerre, chaque loge y allant de sa manifestation brillante.
 
Cette extériorisation, signe des temps nouveaux au Maroc, s'accompagne d'un renforcement des structures internes. Dès janvier 1926, sur les conseils du TIF:. Bouty, il est décidé de créer à Casablanca un Conseil Philosophique (Loge du 30e degré du rite écossais ancien et accepté). du nom de "Phare de la Chaouia et du Maroc" ; Chapon en devient le président tandis que Tarriot le remplace au poste de Très Sage du Chapitre.
 
Le Chapitre, ainsi renforcé dans ses perspectives, ne perd pas pour autant de vue les loges bleues [des trois premiers degrés] avec l’espoir de conserver auprès d’elles une certaine audience car les congrès réguliers à partir de 1925 vont donner une autonomie croissante à ces loges. Le Chapitre, progressivement, devient seulement un partenaire. C’est en ce sens qu’il appuie la demande, des loges auprès de Paris, de reconnaître le Maroc en tant que région maçonnique puisque ce vœu a été rejeté par les loges d’Algérie soucieuses de conserver leur influence sur le congrès d’Afrique du Nord.
 
Évolutions dans le monde profane.

 

La vie profane au Maroc voit la politique gagner du terrain. Évolution que Le Petit Casablancais analyse attentivement sous la plume de Georges Stévenin, un polémiste ne manquant pas de mordant. Journal financier qui représente d'une part les intérêts de la Banque de Paris et des Pays Bas, la publicité passant par un dispensateur occulte : le commandant Toussaint qui vit en ermite à Rabat. Journal qui représente d'autre part, à l’occasion, les options de l’évêché sous la signature d’Henri Duquaire. Le Petit Casablancais donc décrit, sans sympathie aucune, les progrès du parti socialiste en concurrence avec le parti radical socialiste qui viennent tous deux de faire leur entrée officielle au Maroc. On s’y émeut du télégramme envoyé au Résident Général, par les délégués du 3e collège, à propos de l’affaire Sacco et Venzetti..., des manifestations devant le consulat américain à l’appel de la Ligue des Droits de l’Homme et de la SFIO...., de conférences de Jean Longuet à Rabat et Casablanca "sur la paix mondiale dans un pays de conquête". Activités auxquelles participent, à titre individuel, les FF\ du Maroc.
 
Mais les FF:. ne s’impliquent pas seulement dans la vie politique. La notion de solidarité leur fait un devoir de s’occuper, à travers le Maroc, d’œuvres sociales. Dès 1915, à Casablanca, la Goutte de Lait, d’abord installée dans un local allemand réquisitionné, puis en 1930 dans l’ancien consulat de France... En 1920, c’est la Caisse des Écoles qui prend forme sous la présidence de Laffite pour fournir de la nourriture aux cantines scolaires et des vêtements aux enfants indigents... En novembre 1926, c’est au tour de "Pauline Kergomard" de voir le jour, réalisation reconnue d’utilité  publique comme préventorium en 1930.
 
Le F:. Tarriot se fait le champion de la Mission Laïque au Maroc. Dès 1922,  il développe le thème : "l’activité de la réaction cléricale, la lutte contre l’école laïque font nécessité de créer à Casablanca une section de la Mission Laïque"... Le 9 décembre 1932, La Vigie Marocaine annonce que l’inauguration de cet orphelinat "ouvert depuis deux mois à cent dix sept enfants... vient d’avoir lieu .. en présence du Résident Général Lucien Saint".
 
La solidarité est tellement chère au cœur des FF:. du Maroc qu’au Congrès des Loges Marocaines,  de 1928, on traite de "l’assistance publique et privée au Maroc". Or, à cette occasion, les FF:. CH:. de Casablanca - appliquant en cela leur souci d’être guide moral des loges bleues - sont pratiquement seuls à prendre la parole sur le rapport présenté par le F:. Tarriot. Le vœu finalement adopté demande "que les ressources pour l’assistance au Maroc soient fournies par un impôt, dit impôt d’assistance, prélevé sur le luxe et le superflu". Cette solidarité ne doit pas être réservée aux seuls Européens et, en 1930, les loges se penchent sur " les moyens propres à améliorer la condition des indigènes marocains spécialement par le développement de la mutualité indigène"... Autre sujet étudié la même année : "assistance aux enfants et vieillards tant au point de vue européen qu’indigène".
 
Rythme de fréquentation des Ateliers et nature des travaux en loge
 
Cette poussée de l’extériorisation ne fait pas disparaître les problèmes de la vie interne, loin s’en faut.
 
L’analyse des comptes-rendus, du Chapitre de Casablanca et de ceux  des congrès successifs, permet d’appréhender une relation entre rythme économique du pays et fréquentation des loges :
 
1918-1920 essor économique, fréquentation en  progrès, travaux en loge étoffés.
1921-1924 marasme économique, fréquentation au plus bas, travaux inexistants.
1925-1930 expansion économique, fréquentation en progrès, travaux en nombre.
1931-1940 problèmes économiques, fréquentation instable, travaux irréguliers.
 
La même analyse amène à un autre constat,  concernant cette fois la nature des sujets traités, révélateurs des préoccupations des FF:. :         
 
La comparaison des listes de sujets traités, en Chapitre et lors des congrès de loges, fait apparaître quelques points communs comme "l’éducation maçonnique". Mais il est patent que les loges sont, dés leur installation et durablement, orientées vers les problèmes profanes alors que le Chapitre s’en dégage au fil des ans, sans les oublier totalement puisqu’il continue à s’interroger sur : "Le rôle de la FM au Maroc". A ce stade, tout se passe comme si, après avoir admis certaines conclusions sur des sujets concrets en loges bleues, les FF:. CH:. s’efforcent d’approfondir leur pensée, de diversifier leurs connaissances sans pour autant perdre le contact avec leurs préoccupations initiales.
 
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Au total, dans la vie des loges et du Chapitre, il faut distinguer au Maroc :
 
Une première période où, jusqu’en 1925, la recherche d’une coordination des loges par le Chapitre a été primordiale, avec imbrication des sujets...
 
Une seconde période, ouverte en 1925 avec le premier Congrès des Loges, qui est celle de la recherche - souvent difficile - d’une différenciation de degré sans changement de nature c’est à dire d’une autonomie affirmée dans un équilibre entre les partenaires que sont le Chapitre et les Loges.
 
S    CHRONOLOGIE DU PROTECTORAT AU MAROC
S    Film : Sacco et Vanzetti.
S    Documentaire Video - Part 1 : Sacco et Vanzetti
S    Documentaire Video - Part 2 : Sacco et Vanzetti
S    Documentaire Video - Part 3 : Sacco et Vanzetti
S    Documentaire Video - Part 4 : Sacco et Vanzetti.
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