Les Francs-Maçons au Maroc sous la IIIe République Moulay Hafid |
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Le F:. Moulay Hafid, Sultan en exil
Les journaux du 5 avril 1937 annoncent la mort de l’ancien Sultan Moulay Hafid. Le Figaro en bas de sa première page : "Moulay Hafid, ancien Sultan du Maroc est mort hier à Enghien".... Le Temps en haut de sa sixième page : “ Mort de Moulay Hafid ancien Sultan du Maroc ”.... De façon plus discrète, sa fiche maçonnique au GODF mentionne "décédé le 4 avril 1937" .
Ses notices nécrologiques vont à l’essentiel d’une vie mouvementée. "S.M. Moulay Hafid, qui souffrait de troubles circulatoires, est mort hier, au début de l’après midi, à Enghien-les-Bains, dans la maison que, il y a vingt ans environ, le gouvernement français avait mise à sa disposition. Si Kaddour Ben Ghabrit, directeur de l’Institut Musulman de Paris et Ben Khalifat, imam de la Mosquée de Paris, étaient au chevet de l’ancien Sultan....”.
"Moulay Hafid, né à Fez en 1875, était le second fils du grand Sultan Moulay El Hassan, de la dynastie des chorfa Alaouites, qui régna sur la Maroc de 1873 à 1894, et consolida l’autorité du Maghzen en ralliant de nombreuses tribus berbères".
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En 1894, Moulay Hafid fut nommé vizir des affaires étrangères, mais à la mort de Moulay El Hassan, ce fut le fils aîné - Moulay Abd El Aziz - qui fut désigné pour succéder à son père, tandis que lui-même était nommé khalifat de Marrakech. Cependant la gestion d’Abd El Aziz mécontentait les Marocains traditionnels qui lui reprochaient sa xénophilie et ses dépenses.
En juillet 1907, au lendemain de l’occupation de Casablanca par les Français, Moulay Hafid, appuyé par les caïds du sud et les berbères, se fit proclamer Sultan à Marrakech et marcha sur Fez où il fit une entrée solennelle le 7 juin 1908. Son autorité était dès lors reconnue par toute une partie du Maroc. Cependant Abd El Aziz, réfugié à Rabat, envoyait contre lui 6.000 guerriers qui furent défaits, le 19 août, sur la rive gauche de la rivière Tessaout.
Abd El Aziz, abandonnant la partie, se retirait à Tanger. Moulay Hafid prenait sa place, bientôt reconnu par les puissances signataires de l’Acte d’Algésiras qui avaient posé comme condition la reconnaissance par le nouveau souverain du dit Acte....
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Le 30 mars 1912, Moulay Hafid se résigna à signer la convention de Fez, qui consacrait l’unité du Maroc, la souveraineté du Sultan et l’institution d’un Protectorat placé sous la direction du Commissaire Résident Général, dépositaire des pouvoirs du gouvernement français. Le souverain n’avait accepté que contraint et forcé l’aide de la France. On le vit bien, quelques semaines plus tard, quand éclata dans la garnison de Fez la révolte des tabors massacrant quatre vingt personnes ; il ne fit rien pour s’interposer . Le 28 avril 1912 le général Lyautey était nommé Résident Général au Maroc... Le 25 mai il arrivait à Fez assiégée par les tribus berbères et délivrée par le colonel Gouraud.
Le 12 août 1912, Moulay Hafid, traqué et isolé, signait son abdication avant de s'embarquer sur le Chayla. Le 13 août, il était remplacé par son frère Moulay Youssef, sur proposition de Lyautey.
Installé par les Français à Tanger, il joue, comme son frère Abd el Aziz, au roi en exil. Quand la guerre éclate, il se réfugie en Espagne dans l’attente de la victoire allemande. Plus tard, pendant la guerre du Rif, il vient s’installer à Enghien-les-Bains, à la demande du gouvernement français poussé par Lyautey qui craint un rapprochement avec Abd El Krim.
C’est avec surprise que l’on retrouve donc le nom de Moulay Hafid, peu enclin aux idées européennes et surtout françaises, sur les fiches de la F∴M∴.
On penserait plutôt y retrouver Moulay Abd El Aziz dont le nom a été donné à une loge Espagnole de Tanger. Cette inclination, des Francs-Maçons, envers un Sultan retiré dans la ville internationale est confirmée par ce qu’écrit de lui Laredo dans son livre Mémoires d’un vieux Tangérois : "tous, à Tanger, le respectent pour son élévation de vue, son goût pour traiter avec les Européens". Mais, Laredo et les répertoires maçonniques restent silencieux sur une participation éventuelle de ce personnage à la vie d’une loge maçonnique. Dès lors la question se pose : simple sympathie de sa part, sans aller au-delà, ou bien insuffisance des sources disponibles ? Quoiqu’il en soit, au stade de nos connaissances, le Sultan Abd El Aziz n’a fait que prêter son nom à une loge.
Par contre, le nom de son frère Moulay Hafid apparaît bien sur les états de loge. Il n’en est rien encore lorsqu’il est en voyage en France après son abdication ni à Tanger pendant son début d’exil.
Initié en Espagne, affilié en France.
C’est vers la fin 1920 que Moulay Hafid est initié à Madrid par la loge "Union Hispano - Américana n°379" du Grande Oriente Espanol. Il est fait compagnon le 10 octobre 1921 et maître le 13 mai 1925. C’est une époque sombre pour lui ; en effet, la paix venue, il n’intéresse plus les gouvernements qui jusque là le subventionnaient, pour l’utiliser le cas échéant ou au contraire le neutraliser. Réduit à la misère, il habite une pauvre petite chambre dans laquelle il fait sa cuisine lui-même dans la cheminée.
Arrivé en France il s’affilie, le 13 janvier 1927, à la loge "Jean-Jacques Rousseau" GODF à Montmorency. Après accord du "Gran Consejo Federal Symbolico", daté de Séville le 20 décembre 1926, avec l’appréciation "Este querido H:. observo una conducta masonica intachable, y convivio fraternalmente con todos los H:. de este Cuadro".
A peine affilié, au GODF, il adresse aussitôt une demande de double affiliation au Vénérable de la Respectable Loge "Plus Ultra n°452" de la GLDF à l’Orient de Paris :
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Au mois de mai 1927 le F∴ Moulay Hafid a la double affiliation - au GODF et à la GLDF - avec l’approbation des FF∴ des deux obédiences.
Ce F:. - sultan craint de tous dans son pays il y a quelques années et champion d'un islam qu'il connaît bien selon ses propres interlocuteurs musulmans - est dorénavant un simple rentier disposant d’une grande maison bourgeoise où il vit à l’européenne. A ses côtés, Mme Velasco qui gère un personnel limité et s’efforce de calmer les colères brutales et mémorables de l’ex Sultan, colères qui allaient jusqu’à la cruauté lorsqu’il régnait.
Au début, il tirait aux pigeons, il participait aux grandes chasses... menait un train de vie qui rendait les fins de mois difficiles. A la fin, pour lui éviter de faire trop de dettes, le gouvernement français paye son loyer, son chauffeur et il peut alors disposer du reste.
Ses voisins en ont l’image d’un homme de grande taille, habillé à l’européenne avec le fez comme coiffure. Il est considéré, par tous, comme un pratiquant pieux qui reçoit la visite de nombreux musulmans, surtout pour le Ramadan.
Son bureau, par les nombreux ouvrages qu’il abrite, témoigne de ses goûts littéraires et ses contemporains affirment qu’il n’était pas dénué de sens poétique. La salle de jeu, qui donne sur le lac, rappelle sa passion pour le bridge. Somme toute, un rentier à l’abri des charges officielles qu’il ne semblait pas du reste apprécier, déjà lorsqu’il était monarque.
Que reste-t-il de ce "Sultan de la guerre sainte"? De ce malheureux "champion du Redressement Islamique" qui, vaincu, détrôné, avait eu un sursaut de rage au moment où il abdiquait : sur le canot qui, à travers l’estuaire du Bou-Regreg, l’emportait vers le bateau de l’exil Le Chayla, il avait saisi le parasol tenu au-dessus de sa tête par un caïd de sa garde, et pour que cet emblème traditionnel de la souveraineté ne pût revenir à son successeur asservi par les Européens, il l’avait brisé..".
Moulay Hafid, Franc-Maçon, est-il un F:. assidu ?
Le cahier de la loge "J. J. Rousseau" mentionne pour la première fois son nom, le 14 novembre 1926, en tant que visiteur, avant son affiliation à l’Atelier : "Le F:. Moulay Hafid demande l’entrée du temple après vérification de ses papiers. L’entrée du temple lui est donnée" par le Vénérable Jolly Léon... Son nom réapparaît dans le compte-rendu du 12 décembre 1926 : "Une lettre demande l’affiliation du F:. Moulay Hafid"... Puis le 13 mars 1927 : "La loge Plus ultra, Or:. de Paris, demande si l’At. ne s’oppose pas à l’affiliation du F:. Moulay Hafid "... Le 8 mai 1927 : "Une planche du GODF accuse réception de l’affiliation du F:. Moulay Hafid". Puis, les documents ne donnant pas la liste des membres présents, la question reste sans réponse. Il faut retenir cependant que le F:. Moulay Hafid demeure inscrit, tout au long des années qui suivent, sur le tableau de loge en tant que membre actif, jusqu’à la date de sa mort le 4 avril 1937.
Il en est de même à la loge "Plus Ultra". C’est une loge dont le sceau porte "Hispano-Americana", en rappel de la loge de Madrid ; elle est d’ailleurs de langue espagnole. Tout cela explique, certainement, le choix du F:. Moulay Hafid qui y est enregistré par la GLDF sous le n° 62.132 ; aux côtés de FF:. venus de Valence, Tarragone, Barcelone, Constantinople ....
Par contre, le nom du F:. Moulay Hafid n’est jamais mentionné dans les débats des loges au Maroc sous la IIIe République. Embarras des quelques rares FF:. qui savent et ignorance de la grande majorité expliquent largement ce silence, cette occultation.
Cet ex-Sultan, Franc-Maçon, est révélateur de toutes les contradictions de la période coloniale.
NB – Toutes ces loges au Maroc, avant la fin du XIX° siècle, n’ont pu échapper à la connaissance du sultan. Plus particulièrement à Rabat « Luze en Rabat n° 135 » et à Fez « Fet n° 136 » où la présence de marocains ne peut se comprendre sans l’accord de Moulay Abd el Aziz.
ANNEXE |
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Documents sur l'appartenance maçonnique de Moulay Hafid |
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Suite de
l'article page 3
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Note chronologique |
Texte tiré de : http://www.rabat-maroc.net/dates cles.htm |