LA FRANC-MAÇONNERIE

 

en

 

AFRIQUE  FRANCOPHONE

 

1781 - 2000

 

Les premières Indépendances

et  la Communauté

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   Odo Georges
 

CHAPITRE  VIII

Les premières  Indépendances

et 

la Communauté

          

Processus de retrait en Egypte, en Tunisie et au Maroc

La Franc-Maçonnerie face à la tourmente Algérienne

Processus de création de loges en Afrique sub-Saharienne

 

 

 

Processus de retrait en Egypte, en Tunisie et  au Maroc

En Egypte, dès 1948, les FF\ des loges « Delphes » GLDF et « Les Pyramides d'Egypte » GODF, à l'Orient d'Alexandrie, signalent le climat hostile aux étrangers suite à la guerre d'Israël. La GLNEgypte, forte de ses soixante seize loges, subit elle-même le contre coup de cette guerre quand des dissidents fondent une obédience « GL de la Vallée du Nil » avec l'appui, disent-ils, de l'obédience Syro-Libanaise. Parallèlement  des mesures vexatoires sont prises à l'encontre des FF\ juifs participant aux travaux des loges égyptiennes. Les loges de la  GLDF, obédience largement représentée en Egypte, et du DH préfèrent cesser toutes leurs activités en prenant acte du climat de xénophobie qui se développe ; les deux loges du GODF sursoient.

Mais, en octobre 1955, la GLNE décide « d'exclure de leurs droits maçonniques les loges et les FF\ de profession israélite ». La presque totalité des loges se mettent en sommeil y compris, par solidarité, certaines loges d'expression arabe. La GLNE cesse d'être reconnue par les autres obédiences tandis qu'elle diffuse un idéal nationaliste qui contraste avec l'ancienne Maçonnerie égyptienne.

L'affaire de Suez, en 1956, met un terme brutal à la présence de toutes les loges étrangères.

La Tunisie, après un accord d'autonomie, obtient presque immédiatement son indépendance en mars 1956. Les FF\ des deux obédiences s'interrogent sur leur avenir mais en gardant l'espoir de pouvoir continuer à faire vivre la Franc-Maçonnerie en Tunisie. Dans cet esprit, la loge « Abd el Kader » prévue dès 1952 voit le jour avec l'arabe pour langue de travail ; ce sera un échec. En même temps, les FF\ s'inquiètent de l'Article premier de la Constitution du nouvel Etat qui stipule « la Tunisie est un Etat arabe de religion musulmane ».

La législation mise en vigueur en octobre 1958, par le Gouvernement Tunisien, conforte leurs inquiétudes quant à leur devenir.

L'affaire de Bizerte, en 1961, met un terme à tout espoir de trouver, dans une telle conjoncture d'affrontement, une place à la Franc-Maçonnerie en Tunisie où les temples sont fermés. Les FF\ du GODF, qui, dans le pays, se réunissent entre eux, sont priés de rejoindre la loge administrative « Eurafrique » créée à cet effet. Les FF\ du GODF qui ont rejoint la France se regroupent dans leur loge « Carthage et Salammbô réunies » transférée à Paris, tandis que ceux de la GLDF y installent «.Volonté Véritas 351 » ex-Tunis.

Le Maroc en mars 1956, quelques jours avant la Tunisie, acquiert également son indépendance sans rupture avec la France. Et ce, malgrè le détournement de l'avion affrété par Mohamed V et où se trouvent Ben Bella et d'autres membres du FLN (@). Situation qui permet donc de maintenir les activités maçonniques sans difficultés à Oujda, Meknès, Rabat, Casablanca, Marrakech.

Le Dahir (décret)  de novembre 1958 amène les FF\ des obédiences GODF, GLDF, DH et GO Espagne à envisager une Fédération de la Maçonnerie Universelle avant de convenir de garder les structures initiales adaptées aux nouveaux textes. Les FF\ de la  GLDF au Maroc décrètent, dès le mois de décembre 1958, la fermeture officielle de leur temple mais vont continuer à se réunir chez les uns et les autres « dans l'attente de la réponse »

En août 1959, le secrétariat du gouvernement répond négativement aux demandes alors que les contacts avaient permis d'espérer le contraire. Prenant acte de ce refus, le Conseil de l'Ordre de septembre autorise les FF\ du GODF au  Maroc à créer une loge administrative « Eurafrique » pour eux, et pour les FF\ de Tunisie et des FF\ isolés dans des territoires africains. Cette évolution sans heurt est à l'opposé de ce qui se passe dans l'Algérie voisine.

La Franc-Maçonnerie face à la tourmente Algérienne

Lors du convent GLDF de la période en cours, un F\ déclare : « il serait peut-être bon que les loges de province soient tenues au courant des renseignements les plus intéressants qui peuvent parvenir à la commission des loges d’outre mer ». Intervention à laquelle le GM\ répond : « Puisque vous parlez de l’Afrique du Nord vous devez savoir que les renseignements sont bien souvent contradictoires…» .

Ce qui n’est pas pour surprendre. En effet, au moment des indépendances, la contradiction - entre d'une part la volonté déclarée d'améliorer les conditions générales, de former des élites locales, d'imprégner les esprits par nos valeurs républicaines et d’autre part la volonté des populations d’accéder à leur émancipation - jette le trouble dans l’ensemble des ateliers. Les FF\ d’Algérie balancent entre « Algérie Française » et  « Statut spécial » alors que dans les autres territoires - colonies, protectorats et territoires sous mandat - les nuances vont du «.Statut d’Association » pour les uns, au « C’est trop tôt » pour les autres. « L’indépendance à la demande des peuples » est l'apanage d'un tout petit nombre.

La Franc-Maçonnerie coloniale constituée essentiellement d’Européens est prise de cours par le mouvement des indépendances, expression des aspirations « indigènes ». De plus, seules les loges des colonies se passionnent pour des problèmes vécus au quotidien par les FF\. Et ces loges restent attachées dans leur globalité à des solutions permettant une charte d’Union Fédérale.

Les Francs-Maçons, d'une façon générale, acceptent le fait colonial, non pas dans sa légitimité définitive, mais comme une nécessité provisoire liée aux impératifs du progrès humain. Leur implication dans la colonisation, leur attachement à l'idée d'une France exportatrice des principes républicains, sont autant de facteurs les conduisant à refuser la légitimité des idéaux nationalistes …. L’indépendance n’est pas à l’ordre du jour !

Ils sont, comme beaucoup, surpris par l'ampleur du phénomène. Ils ont une vision très réductrice des problèmes qu'ils refusent de replacer dans un contexte plus large, s'obstinant à ne voir dans les troubles qui naissent dans les colonies que les conséquences d'une mauvaise politique et l'influence néfaste des puissances étrangères, principalement les USA et l'URSS, voire l'Egypte. Cette vision s'explique par leur européocentrisme, leur idéalisation de la République française, qui se confond avec des valeurs universelles de raison, de progrès et de justice. La République ayant pour mission de « civiliser » et « éduquer » les autres nations. En somme : montrer le chemin !

En 1958, tout change brusquement. Plus que l’affaire algérienne en elle-même, c’est le choc brutal du 13 mai qui contribue  à la volonté de défendre la République et ses valeurs dans le cadre non plus d’une « Algérie Française » mais d’une «.Algérie Algérienne » en association avec la France.

Nombre de Francs-Maçons d'Algérie se rallient dès 1959 à la politique d'autodétermination du Général de Gaulle, même s'ils estiment avoir été dupés par son « Je vous ai compris ». Selon une enquête dans le journal Le Monde du 7 juin 1960, les loges du Grand Orient à Alger seraient un véritable centre de libéraux. La loge éphémère (1957-1961) et bientôt quasi clandestine «.Afrique Fraternelle » est représentative de cette mouvance. De nombreux Francs-Maçons sont victimes de l'O.A.S.

Réalistes, les FF\ condamnent, avec le Convent GODF de 1960, l'intégration décidément trop liée à une « solution strictement militaire impensable ».  Ainsi, il n'y a pas, au sein du Grand Orient, un phénomène de radicalisation comparable à ce qui se passe sur le terrain au même moment.  La cohésion du groupe, malgré de vives tensions internes, est préservée autour de la  dénonciation des ultras.

Après le 1° juillet 1962, quand l'Indépendance est acquise par les Algériens, les FF\ qui restent dans le pays ne peuvent que s'interroger sur la place que va avoir la Franc-Maçonnerie dans cette nouvelle Algérie.

Processus de création de loges en Afrique sub-Saharienne

Après la seconde guerre mondiale, la zone sub-Saharienne connaît un essor démographique certain, lié aux progrès économiques de la période.

Les Européens, dans les années cinquante, voient leur nombre quintupler pour atteindre 150.000, répartis sur l'ensemble des pays africains ici concernés. Cette situation permet aux Obédiences Françaises de relancer le mouvement de création de loges en disposant de ce potentiel nouveau de candidats disponibles. Ainsi le GODF, jusque là seul présent dans la région, renforce son dispositif tandis que la GLDF va faire une percée.

La Côte d'Ivoire est la première bénéficiaire de ce phénomène socio-démographique. En septembre 1957, la loge du GODF, installée de longue date à Abidjan, assiste à l'implantation par la GLDF d'un nouvel atelier sous le nom «.Concorde Universelle n° 760 ». Son effectif va rapidement s'accroître et permettre, avant même l'Indépendance, l'essaimage à Abidjan et vers Bouaké.

 

Il est probable que le climat politique général encourage aussi cette création d'Ateliers. Après l'Union Française, et surtout la loi-cadre Deferre, tout porte à penser que l'évolution d'émancipation des colonies va se poursuivre sans heurts violents. Les Européens sont non seulement plus nombreux qu'autrefois mais, en outre, ils peuvent parier sur l'avenir et penser qu'ils établissent une Franc-Maçonnerie qui a devant elle  le long terme.

 

En Guinée, en cette même année 1957, les FF\ relancent une loge en ayant en mémoire le premier essai de leurs lointains prédécesseurs : essai tenté cinquante ans plus tôt par le GODF sans succès et réussi de façon éphémère par la GLDF.

 

En effet, le GODF fonde la loge « Les Amis Réunis » à l'Orient de Conakry, petite ville coloniale dont l'expansion est en cours. Les effectifs sont toutefois réduits mais personne ne doute qu'ils vont bénéficier de l'essor démographique qui se confirme d'année en année régulièrement. Un an après, l'évolution politique du pays va surprendre tout le monde, sans épargner les FF\ fondateurs qui viennent de se lancer dans cet allumage des feux.

 

Au Cameroun, la loge GODF de Douala, créée avant guerre, est jusque là restée seule à animer la vie maçonnique du territoire. Dans le contexte nouveau, c'est à Yaoundé que se constitue en 1958 l'Atelier de « Vérité et Persévérance », né d'un triangle GODF réuni dès 1955.

Deux particularités de l'époque sous- tendent cet Atelier : d'une part la composition de l'Atelier, d'autre part le contexte politique. Sur le plan humain, la structure du groupe des membres fondateurs est assez représentative du processus d'accroissement de la présence européenne en Afrique francophone : 7 Français, 4 Grecs, 1 Suisse,  1 Espagnol, 1 Belge,1 Libanais ; les deux premiers Camerounais seront initiés en 1959 et 1960.

Sur le plan politique, les tensions semblent devoir se calmer avec la volonté de réconciliation annoncée par Ahidjo. Nouveau Premier ministre, il forme un gouvernement où siègent dans une répartition équilibrée les différents partis et les  différentes régions du pays ; il y a là, aux yeux des FF\, un climat favorable pour lancer et faire vivre une loge maçonnique.

Le Congo Belge, qui prolonge l'aire francophone, connaît lui aussi une expansion des loges maçonniques. Le facteur déterminant est ici l'arrivée de professeurs laïques dans l'Enseignement Laïc Officiel instauré en 1946 dans la colonie, et principalement en 1956 à l'Université d'Elisabethville.

En fait, dès 1909, un an à peine après que le Congo soit devenu colonie belge, la Franc-Maçonnerie est présente : la loge du Grand Orient de Belgique « L'Ere Nouvelle » se réunit pendant deux ans à Stanleyville avant de rouvrir en 1927 à Léopoldville où d'ailleurs les oppositions religieuses sont aussi importantes. Au moment de sa fermeture la loge « Labor et Libertas » avait été  créée à Elisabethville et s'était heurtée à son tour à l'hostilité active des Missions, puissantes dans la colonie. Ceci explique que ces deux loges aient vécu par intermittence pendant toute la période.

 Après la seconde Guerre Mondiale, la Franc-Maçonnerie trouve dans ce Congo Belge un espace plus large : le GOB multiplie ses loges à travers le territoire malgré la pression toujours très vive de l'Eglise catholique appuyée par les Gouverneurs successifs.

En 1945, la loge de Léopoldville « L'Ere nouvelle », doyenne des loges belges au Congo, réouvre ses portes tout comme «.Labor et Libertas » à Elisabethville en 1951.

Ά partir de cet instant, les deux loges s'efforcent de faciliter la création de loges sur l'ensemble du pays : Jadothville 1955, Bukavu 1956, Stanleyville 1959.

Au Burundi voisin, où politiquement le régime de tutelle se substitue au mandat, les FF\ du GOBelge, dans leur effort général d'implantation,  allument les feux de la loge « Unité et Action n° 35». à Bujumbura en 1953. Là aussi, malgré l'emprise de l'église catholique sur la société locale.

La caractéristique de toutes ces loges belges - que ce soit au Congo Kinshasa ou au Burundi - est la grande attention qu'elles portent, à l'instar des loges coloniales françaises, aux « problèmes coloniaux ». Par contre, comme elles également, ces loges coloniales belges butent sur l'absence d'Africains sur leurs colonnes.

 

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