LA FRANC-MAÇONNERIE

 

en

 

AFRIQUE  FRANCOPHONE

 

1781 - 2000

 

guerre 1940   et   Reprise 1945

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   Odo Georges
 

          

CHAPITRE  VI

 

La Seconde Guerre Mondiale

et la reprise des activités

 

 

1940 - 1942, Situations différentes en fonction de l'emprise ou non de Vichy

La reprise de la vie Maçonnique en Afrique Méditerranéenne

Les structures maçonniques remises en place

La reprise des travaux en sélectionnant les FF\

Rangs clairsemés et désir d'un rapprochement des obédiences

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1940 - 1942,  Situations différentes en fonction de l'emprise ou non de Vichy

 

En juin 1940, l'offensive allemande aboutit à l'installation du gouvernement de Vichy avec le maréchal Pétain à sa tête.

 

La loi du 13 août, portant interdiction des associations secrètes, prouve aussitôt que les temps sont changés. D'autant plus que les décrets du 19 août précisent que la Grande Loge de France et le Grand Orient de France sont directement visés. Cette loi et ce décret sont applicables « en France, en Algérie, dans les colonies, pays de protectorat et territoires de mandat ». Il est décidé en outre que les noms des dignitaires et membres des obédiences maçonniques dissoutes seront publiés au Journal Officiel.

 

Trois cas de figures vont alors se présenter :

-  les loges d'Egypte qui échappent d'évidence à cette législation,

-  les territoires d'AEF qui ont opté pour la France Libre

-  les autres parties de l'Afrique qui restent dans le giron de Vichy.

 

¤- En Egypte, loin du théâtre  des opérations, les FF\ des obédiences françaises continuent à se rencontrer soit chez l'un des leurs soit en bénéficiant de l'accueil de la Grande Loge Nationale. En juillet 1942 cependant, l'avance de Rommel vers l'Egypte amène les FF\ à brûler leurs archives par prudence et ce n'est qu'en novembre, après la défaite d'El Alamein, que ces FF\ se réunissent à nouveau en attendant des jours meilleurs.

 

¤- Plus au Sud, les territoires d'AEF échappent pour partie au gouvernement de Vichy à partir du 26 août 1940 où, sous l'impulsion de son gouverneur le F\ Félix Eboué, le Tchad répond le premier à l'appel du Général de Gaulle. Vont suivre de plus ou moins bon gré : le Cameroun immédiatement, puis le Moyen Congo et l'Oubangui-Chari, le Gabon tardant à le faire en novembre.

 

Les Francs-Maçons de ces orients, passés à la France Libre, vont pouvoir continuer à s'extérioriser sans contrainte. Mais les conditions de guerre ne favorisent pas la poursuite des activités maçonniques régulières sur place. Tout se passe au niveau des relations inter individuelles et des engagements personnels.

 

C'est dans ce contexte que le F\ Félix Eboué, nommé Gouverneur Général de l'AEF par Londres, va signer une circulaire sur la « nouvelle politique indigène », dans laquelle il met en vigueur des dispositions reposant sur l'association entre la France et l'Afrique dont on respecte les coutumes et institutions. C'est trancher en faveur de l'une des voies possibles et entre lesquelles hésitent les Maçons. En effet c'est tourner le dos à l'administration directe, jacobine et à l'intégration.

 

¤- Parmi les territoires qui restent sous le contrôle de Vichy : l'AOF - Dakar ayant repoussé la flotte anglaise en septembre 1940 - et l'Afrique du Nord.

 

Dans ces pays, la loi discriminatoire du 13 août est appliquée sans réserve. Les loges sont fermées, les temples récupérés par les autorités, les archives saisies. Les « listes de proscription » paraissent non seulement au Journal Officiel mais sont publiées à longueur de pages dans les quotidiens locaux. Les fonctionnaires sont limogés et les FF\ qui ont pris des responsabilités dans les partis politiques et les syndicats sont mis, pour ce qui est de l'Afrique du Nord, en résidence surveillée quand ils ne sont pas envoyés pour un petit nombre d'entre eux vers Clermont-Ferrand. Ces FF\ d'Afrique du Nord, pourchassés par l'Etat Français et un instant désarçonnés par l'attaque des Anglais à Mers el Kébir, subissent les événements, sans prise sur eux.

 

Mais, à titre individuel, quelques uns se mobilisent et facilitent l'information des Ambassades en place, essentiellement des USA,  par les renseignements qu'ils font parvenir.

 

Ce qui explique que l'un d'entre eux, après s'être enfui de façon rocambolesque dans la malle d'une voiture vers Tanger, reviendra en servant de guide à la flotte américaine au large de Kénitra le 8 novembre 1942.

 

 

La reprise de la vie Maçonnique en Afrique Méditerranéenne

 

Dès le débarquement des Alliés au Maroc et en Algérie, les Francs-Maçons sont confrontés aux tensions entre Giraudistes et Gaullistes. Débat qui n'est pas sans lien avec leurs préoccupations sur leur devenir. Des contacts sont repris entre les FF\ responsables du GODF et de la GLDF.

 

Au mois d'août 1943, les FF\ du  GODF apprennent, par des FF\ arrivés de Londres, l'existence d'un Comité d'Action Maçonnique en France. Méfiants ils acceptent cependant de lancer à son adresse un message à la radio de Londres, par le canal du BCRA : « le triangle est indéformable ».

 

Le 13 octobre les responsables du GODF pour l'Afrique du Nord se réunissent à Alger ; leur constat est sombre : « depuis le 13 juillet, et malgré les promesses du Commissaire du Gouvernement, la situation de la FM\ dans l'Empire Français reste telle que l'avait faite Vichy en 1940. »

 

A leur demande, le 17 octobre 1943, ils sont reçus en délégation par le Général de Gaulle qui découvre « avec une stupéfaction non dissimulée que les loges n'étaient pas encore autorisées à fonctionner normalement… Comme suite le Président du Comité de Libération chargeait immédiatement son directeur adjoint de cabinet, M. Soustelle, de s'aboucher avec nous  pour étudier dans le détail toute la question maçonnique afin qu'elle reçoive une solution rapide et favorable ».

 

Le 23 octobre, Soustelle réunit les représentants du GODF et informe que le dossier de la reconnaissance de la FM\est activé, ce dont les  FF\ de la GLDF sont également informés par le commissariat de l'intérieur.

Ce même 23 octobre, le TIF\ Dumesnil de Gramont, passé par Londres, arrive en avion à Alger pour y représenter la Résistance intérieure à l'Assemblée Consultative Provisoire. Il a la surprise de constater qu'il y a un quart de Francs-Maçons parmi les élus de l'Assemblée mais qu'aucune loge n'a été reconstituée dans les territoires libérés par les Alliés. Il est également informé des mesures attendues pour la fin du mois, selon les autorités responsables.

 

Le 28 octobre il est reçu, en compagnie d'un  F\ de la GLDF, par M. Bofanti, directeur de cabinet du Commissaire de l'Intérieur, M. Philipp. Il apprend que le projet d'ordonnance a été envoyé au Commissariat de la Justice qui l'a soumis au Comité Juridique.

 

Le 3 novembre au matin, M. Joxe, Secrétaire Général, reçoit les représentants du GODF ; il s'étonne que ce problème ne soit pas encore réglé.

 

Ce n'est que le 5 novembre que le Secrétariat Général peut informer les FF\ du GODF qu'il est en possession du projet d'ordonnance redonnant « force et vigueur » à la Franc-Maçonnerie. Il y est énoncé les mesures à prévoir pour la restitution des biens dont les loges ont été dépouillées et sur la réparation du préjudice que les décrets du gouvernement de Vichy ont causé à de nombreux Francs-Maçons.

 

Forts de ces informations, les FF\ du GODF à Alger votent le 15 novembre la résolution n° 1 :

 

« Considérant que l'Ordre est empêché d'assurer ses fonctions en France et dans son Empire … «.Considérant que dans les circonstances actuelles, ils se trouvent officiellement de fait dépositaires des prérogatives du Conseil de l'Ordre …

« Prennent l'initiative de se grouper en un Comité d'Administration du Grand Orient de France chargé de gérer les intérêts de l'Ordre jusqu'à la libération de la Patrie…

« Ce Comité aura provisoirement son siège à Alger ».

 

Finalement, en conclusion des contacts coordonnés ou parallèles  des FF\ de la GLDF et du GODF, l'ordonnance tant attendue est signée le 15 décembre 1943. Pour être publiée quelques jours après. « Portant annulation de la loi du 13 août 1940 et des dispositions relatives aux Associations dites secrètes.», elle abolit toutes les mesures anti-maçonniques du Gouvernement de Vichy.

 

Les circonstances historiques ont donc voulu qu'en cet instant les loges coloniales de « périphériques » deviennent « centrales » en passant au cœur du dispositif de leurs obédiences respectives.

 

 

Les structures maçonniques remises en place

 

A peine constitué le Conseil d'administration du GODF à Alger prend, le jour même en son arrêté n°1, les dispositions d'encadrement d'une reprise des activités maçonniques :

 

« Article 1 : dans chaque Orient où il existait une activité maç\ régulière du GODF et où il lui paraîtra nécessaire de la faire revivre, le Conseil d'administration du GODF désignera un F\ ayant pour mission de préparer cet éveil… »…….

 

« Article 6 : les ateliers pourront se réunir en Congrès dans chacune des régions ci-après, soit sur l'initiative du Conseil d'administration du GODF soit sur leur initiative propre. Il est indiqué que les régions maç\ qui subsistent encore sont :

 

A – La France libérée

B – L'Afrique du Nord (côté Maroc)

C – L'Afrique du Nord (côté Départements d'Alger  

                                     et d'Oran)

D – L'Afrique du Nord (côté département de   

                                     Constantine et Tunisie)

E – Les Colonies (toutes sauf l'Indochine)

F – L'Etranger (Angleterre, Argentine, Egypte,

                        Etats-Unis, Liban, Syrie, Palestine, 

                         Ile Maurice, Suisse)

 

« Des dispositions ultérieures pourront prévoir la réunion d'un Congrès Général. »…  

 

La reprise des travaux en sélectionnant les FF\

 

La reprise des activités et la réouverture des loges sont maintenant envisageables, mais à certaines conditions. Les moments difficiles que viennent de traverser la région et la Franc-Maçonnerie ont marqué les esprits. Le préambule de l'arrêté n° 1 du nouveau Conseil d'administration du GODF à Alger,  dans l'esprit affiché par le Comité d'Initiative associant en France la GLDF et le GODF, en témoigne :

 

« Considérant que la réouverture des loges ne saurait être envisagée même provisoirement, sans que soient arrêtées les dispositions indispensables à en interdire l'accès aux FF\ dont l'attitude depuis l'armistice de 1940 permet de conclure nettement à l'oubli de leurs devoirs maç\ »

 

« Article 3 – Tout FM\ régulier au moment de la dissolution aura le droit de demander son admission au dit atelier. Il fournira à cet effet, joints à sa lettre au Président, tous renseignements profanes et maçonniques".

 

« Article 4 – Toute demande sera examinée par l'atelier qui statuera…».

 

Cette méthode va éliminer un nombre certain d'anciens FF\ dont le comportement n'a pas été édifiant. Rares sont ceux qui, dans ce cas, ont osé se représenter devant leurs anciens FF\

 

Plus délicat a été de juger des FF\ qui avaient adopté une démarche simplement sans relief, parfois frisant l'attentisme politique, parfois simplement timorée, parfois liée à un isolement de fait.

 

Enfin quelques cas sont douloureux car des FF\ estiment, souvent à juste titre, que leur vécu est une preuve suffisante de leur engagement dans le monde profane et que dès lors ils n'ont pas à passer devant une commission de sélection ; ils s'en vont en claquant les portes.

 

Casablanca est exemplaire en ce qui concerne  cette approche qui  donne priorité à une sélection sans faille. Les FF\ allument les feux de la nouvelle loge «Résistance et République» dont le seul nom résume toute l'ambition du moment sur ce point.

 

 

Rangs clairsemés et désir d'un rapprochement des obédiences

 

Le non-retour de nombreux éléments à la Maçonnerie est numériquement sensible. A cela s'ajoutent les difficultés de recrutement résultant autant d'un manque de candidatures que du rejet, par souci de sauvegarder l'esprit de la Libération, d'un grand nombre de candidats.

 

Tout ce processus condamne certaines loges à se mettre en sommeil ou à différer leur retour à l'activité, sinon à absorber une autre loge  comme le fait « Delta »  GLDF à Alger. De plus les locaux tardent parfois à leur être restitués.

 

Les premiers ateliers des obédiences françaises réouvrent donc dès 1944-1945 en Afrique Méditerranéenne dont l'Egypte. Mais avec de  faibles effectifs - à l'âge moyen accru - et dans des conditions matérielles préoccupantes.

 

Pour leur part, les loges de l'Afrique sub-Saharienne, où le GODF est seul sur le terrain, seront lentes à se remettre du choc, même si elles sont représentées au congrès des LL\ des colonies et de l'étranger en septembre 1945 à Paris : Abidjan, Brazzaville, Douala, Dakar, St Louis ; Bamako ne sera là que l'année suivante. Représentation trompeuse sur la réalité maçonnique dans les orients concernés.

 

Au delà de leurs difficultés, ce qui importe pour les responsables de l'époque c'est que les structures de leurs obédiences respectives sont en état de fonctionnement dès 1945 et que la FM\ retrouve son élan avec Paris pour centre.

 

En ce qui concerne plus précisément le GODF, le rôle provisoirement central des loges coloniales se termine, le 13 janvier 1945, quand le Conseil d'administration instauré à Alger remet au Conseil de l'Ordre les pouvoirs qui lui avaient permis de gérer l'ensemble des loges des colonies et de l'étranger.

 

    Les loges coloniales n'en restent pas moins vigilantes : le vœu du Convent GODF de 1945 prévoit que la future Constitution «.devra accorder une grosse importance au statut de chacune de nos colonies… faire une place plus importante à la représentation des colonies au sein du Parlement. On devra s'inspirer des systèmes fédéralistes ».

 

Cette préoccupation s'accompagne d'un réel élan vers l'unité maçonnique. Les FF\ d'Afrique aspirent à un rapprochement, ils l'ont démontré de longtemps en organisant chaque année en Afrique du Nord leurs réunions inter obédientielles. La guerre et ses épreuves renforcent ce courant non seulement en Afrique mais également en France.

 

A tel point qu'un Comité d'Initiative rassemble des membres du Conseil de l'Ordre et du Conseil Fédéral à Paris. Ce comité décide qu'au lendemain de la Libération du territoire français, le réveil maçonnique se fera sous forme de loges provisoires qui procéderont à la réintégration des FF\ après enquête ; schéma immédiatement appliqué à la lettre par le Conseil d'administration d'Alger au nom du GODF. Il est admis que les délégués de ces loges s'efforceront d'élire un Directoire unique chargé d'assurer la fusion du Grand Orient et de la Grande Loge.

 

Pendant quelques mois, des circulaires sont adressées aux loges des deux obédiences sous le titre commun « Franc-Maçonnerie de France ». De nombreux FF\ des colonies, et de France, croient légitimement que l'unité est en voie de se concrétiser.

 

Le rêve sera fortement ébranlé par le Convent de la GLDF en septembre 1945 qui rejettera, à l'unanimité, tout projet d'union avec le GODF, afin de préserver ses chances d'être elle-même reconnue par les obédiences « régulières ».

 

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