LA FRANC-MAÇONNERIE

 

en

 

AFRIQUE  FRANCOPHONE

 

1781 - 2000

 

Deux décennies d'expansion  -  fin XX° siècle

 

 

 

Odo G.

                                                                                                     

CHAPITRE  XII 

 

1980 - 2000

Deux décennies d'expansion

 

 Une certaine permanence des Obédiences européennes : Sénégal, Togo, Cameroun

Mutations de loges européennes en Obédiences Nationales : Côte d'Ivoire, Congo Brazzaville

Les Obédiences Nationales déjà en place : Bénin, Cameroun, Gabon, Zaïre, Maroc

Les Obédiences en plein essor : DH, GLFF, GLNF, Memphis

La Franc-Maçonnerie africaine dans les relations internationales : Rehfram et Clipsas

 

 

CARTE   RÉACTIVE

         ALGERIEBENINBURKINA FASOBURUNDICAMEROUNCONGO BRAZZAVILLECONGO  KINSHASACÖTE  d'IVOIREDJIBOUTIGABONGUINEEMADAGASCARMALIMAROCMAURITANIENIGERSENEGALTCHADTOGOTUNISIECENTRAFRIQUEILE  MAURICESeychellesLybieEgypteSoudanErythréeEthiopieSomalieNigeriaGhanSao Tome et PrincipeCap VertLiberiaGambieGuinée BissauSierra LeoneRwandaOugandaCanariesMadèreKenyaTanzanieAngolaZambieMalawiMozambiqueZimbabweBotswanaRéunionNamibieSwazilandLesothoAfrique du SudLIBANGuinée équatoriale

 

 

D'une façon globale, les deux dernières décennies du XX° siècle sont remarquables par l'essor que prend la Franc-Maçonnerie en Afrique francophone. Au point que cette réussite générale, toutes obédiences confondues,  pose le problème des rapports de la Franc-Maçonnerie et du pouvoir politique ; dans la réalité des faits mais aussi dans l'idée que s'en font les populations.

 

 

Une certaine permanence des Obédiences européennes : Sénégal, Togo, Cameroun

 

Au Sénégal, les deux loges GODF présentes à Dakar s'enrichissent, en 1984, de celle de Rufisque. L'existence de ces trois loges fait même penser un instant que la volonté d'aboutir à une Obédience Nationale est sous-jacente. D'autant plus que la même année le congrès régional africain  à Abidjan encourage les FF\ délégués à le faire, ce qui provoque quelques tensions à leur retour.

 

Par ailleurs le choix des noms est symptomatique d'un auto-centrage africain : « L'Etoile Occidentale » de la fin XIX° siècle a essaimé pour créer « Blaise Diagne » puis à Rufisque « Emir Abd el Kader ». Finalement, la décision est prise de garder la structure GODF, pour éviter de rentrer malgré soi dans le champ politique et être l'enjeu d'un noyautage du pouvoir ou de l'opposition. Sans compter la crainte de subir une pression de la part de milieux financiers.

 

Cette prudence s'accompagne, en outre, d'une prise en considération des réactions du moment. En effet, la Franc-Maçonnerie se heurte  à la vive hostilité d'une frange intégriste islamiste sensible au succès de la Franc-Maçonnerie au Sénégal. « Non, un musulman ne peut pas être Franc-Maçon »,  titre la revue Études Islamiques , tandis que le périodique Wal Fadjiri  reprend un article de la revue égyptienne Al Lewa Al Islami affirmant que « la Franc-Maçonnerie et le mouvement Bahaï, ainsi que leurs clubs de services (Rotary, Lions, etc.), sont issus du judaïsme et clairement incompatibles avec l'islam ».

 

De leur côté, les loges « La Croix du Sud 775 » de la GLDF et « Fraternité Universelle » du DH conservent leur propre dynamisme et traversent cette conjoncture sans incident notable. Il est vrai que le pouvoir en place assure les Francs-Maçons de son attachement à la libre expression dans un cadre laïque. En outre, la réalisation des premières REHFRAM à Dakar, en 1992, atteste que les FF\ Sénégalais ne peuvent oublier la dimension africaine.

 

Au Togo, le succès rencontré par la Franc-Maçonnerie n’est pas sans conséquence. L’hostilité du clergé s’accroît et l’Église se lance dans des campagnes de dénigrements et de menaces. Des Lettres Pastorales présentent la Franc-Maçonnerie comme une assemblée du Diable en brandissant l’excommunication à l’encontre des chrétiens qui deviendraient Francs-Maçons.

 

Mais l'alerte la plus pesante est d'ordre politique, quand, en septembre 1986, surviennent les événements qui livrent Lomé à des affrontements très durs. Un couvre-feu s’ensuit pendant quelques mois.

 

En 1991, la Convention Nationale donne l'occasion à de très nombreux FF\ de s'avancer sur le chantier ouvert aux bâtisseurs de la démocratie ; non sans risque, le drame de la lagune de Bè est là pour le rappeler.

 

Cette insécurité - perpétuelle dans les années 90 avec un paroxysme en 1993, où les FF\ tentent en vain de réconcilier le RPT, parti du Président Eyadema, et ses opposants lors d'une rencontre au GODF à Paris - est surmontée grâce à la qualité des FF\ Togolais. Elle explique leur prudence avant que de créer une Obédience Nationale.

 

En attendant, leur constance et leur volonté de rassembler ce qui est épars est exemplaire : GODF, GLDF, DH, GLNF, GLFF, Memphis Misraïm sans compter les ateliers dépendant de la GL d’Angleterre, de la GL d’Écosse, de la GL d’Irlande, de la GL d’Allemagne. L'organisation des septièmes REHFRAM, en 1999 à Lomé, clôt de façon magistrale le XX° siècle de la Franc-Maçonnerie Africaine.

 

Au Cameroun, bénéficiant des accords de 1979 avec l'Obédience Nationale Camerounaise GOLUC, la loge GODF «.Vérité et Persévérance » à l'Orient de Yaoundé se maintient de par la volonté maintes fois réitérée de ses membres. Son avenir est incertain, lié à la fois à : sa propre force d'attraction, son développement  quantitatif et qualitatif sur le plan local, à la stratégie du GODF en matière africaine. Se pose ici, de façon fondamentale, la question de la coexistence de loges étrangères et d'Obédiences Nationales dans un pays.

 

 

Mutations de loges européennes en Obédiences Nationales : Côte d'Ivoire, Congo Brazzaville

 

En Côte d'Ivoire, l'attrait qu'exerce la Franc-Maçonnerie dans le monde profane et l'attitude dorénavant compréhensive du pouvoir amènent les FF\ à envisager une mutation ramenant, après tant d'années, une Obédience Nationale.

 

En 1984, le GODF suscite une réunion régionale à Abidjan où cette question est longuement abordée, avec des prises de positions diverses de la part des FF\ Togolais, Sénégalais et Ivoiriens.

 

Dans le prolongement de cette réflexion, mais en prenant de vitesse la concertation en cours, le « Grand Rite Traditionnel de l’Afrique de l’Ouest » (GRITAO) est créé en 1986 par le même F\du GODF qui avait provoqué la réunion régionale. De la considération mais trop peu de reconnaissances de la part des Obédiences étrangères vont annihiler les espoirs de son fondateur. Après 1995, ses effectifs rejoindront les rangs de la «.Grande Eburnie ». En effet les FF\qui, en majorité, n’avaient pas cautionné l’initiative GRITAO, ont pris la décision de demander une patente au GODF.

 

Les FF\ de la GLDF, associés à cette réflexion, sont pour l’essentiel prêts à collaborer à cette création en sollicitant leur propre Obédience. Le Suprême Conseil de la GLDF, en réponse, installe fin 1989 un « Suprême Conseil de l’Afrique de l’Ouest » (SCAO) associant Cotonou, Lomé et Abidjan.

 

Par réaction, dès le début 1990, l'obédience « La Grande Eburnie » voit  le jour avec patente du GODF, mais sans les FF\jusque là espérés de la GLDF. Quelques années plus tard, en juin 1993, « La Grande Loge Unie de Côte d’Ivoire » (GLUCI) apparaît à son tour avec une patente de la GLDF.

 

Au total, l'histoire d'un rendez-vous manqué entre FF\ africains sur un clivage franco-français. Par contre, la réalisation en commun des troisièmes REHFRAM, à Abidjan en 1995, prouve que les FF\ Africains savent pertinemment se retrouver ensemble quand il le faut.

 

 Au Congo Brazzaville, la GLNF en 1986 démontre, avec l'intervention sur place de FF\ du District du Sénégal, les possibilités d’une vie maçonnique sans opposition du gouvernement Sassou Nguesso. Aussitôt les F\. du GODF songent à une reprise de leurs travaux, d’autant plus que pendant les vingt ans qui viennent de s’écouler de jeunes Congolais ont été initiés en France. L’autorisation est obtenue, en avril 1987, de créer l'Obédience Nationale « GOLAC  Grands Orient et Loge Associés du Congo » associant les FF\ initiés au GODF et à la GLDF, d'où le choix de pouvoir travailler au Rite Français dit Groussier ou au REAA.

 

Les évènements de la dernière décennie ont rendu difficile, c’est le moins que l’on puisse dire, la vie des Francs-Maçons au Congo au milieu d’un drame national où les morts et les exilés ne se comptent plus. Sans oublier que les affrontements entre Lissouba et Nguesso ont donné le sentiment dans les populations locales qu’elles étaient victimes d’une « guerre de loges entre Maçons » dans la mesure où Lissouba a été initié par le GODF à Besançon et Nguesso par la GLNF à Dakar.

 

Pourtant en 1996, lors d'un colloque organisé par eux, les FF\déclarent : « Pour les FF\ des GOLAC, aucun parti politique, aucune idéologie, aucune ethnie, aucune région, aucune frange de la population ne peut s'arroger le droit de soumettre le peuple congolais à une volonté qui soit contraire à la volonté nationale ».

 

Et depuis 1998 des Francs-Maçons africains et français, particulièrement le GODF,  ont joint leurs efforts pour rétablir la paix, sans succès jusqu'ici. Intervention qui provoque des lignes de tensions internes au sein des GOLAC et révèle les limites de l'influence que l'on prête de façon diffuse en Afrique aux Francs-Maçons.

 

 

Les Obédiences Nationales déjà en place : Bénin, Cameroun, Gabon, Zaïre, Maroc

 

Au Bénin, le rallumage des feux s'opère en avril 1983 alors que la présence du parti unique, encore au pouvoir, incite à la prudence. L'Atelier « La Justice » ouvre la voie et, en 1985, est posée la première pierre du temple de Védoko.

 

Aussitôt le journal « Croix du Bénin » se fait un devoir de rappeler la position hostile de l'Église par un article qui sera appuyé par d'autres au cours des ans.

 

Mais les FF\, quant à eux, se posent en priorité la question de l'implication de la Franc-Maçonnerie dans la vie de la cité. Dans cette optique ils lancent : en 1988 un groupe de réflexion «.Réalités et Lumières » et une section de « Fraternité Humaine » ayant pour but des actions de solidarité bénévole Nord-Sud, en 1989 un programme d'assistance à l'enfance malheureuse et à Kansoukpa un complexe communal de santé associé à un groupe scolaire grâce à l'aide de la Fondation du GODF.

 

Pourtant les années 88-89 sont inquiétantes au point de suspendre les travaux : crise économique, complots militaires déjoués, création d’une Cour de Sûreté de l’État, grève générale.

 

En février 1990, « Le Grand Bénin » se veut présent dans la concertation qui s'ouvre et, avant même que ne se réunisse la Conférence Nationale des Forces Vives, il publie une plaquette    « Réflexions des Francs-Maçons du Grand Bénin de la République du Bénin sur la situation Nationale » largement distribuée dans le pays, accompagnée d'un document interne incitant à l'engagement de chacun.

 

La  situation nouvelle, plus conforme aux aspirations démocratiques des FF\, leur permet depuis lors de dynamiser leur démarche. Dans ce contexte, ils ont réussi pleinement l'accueil des  cinquièmes REHFRAM à Cotonou, en 1997, en se positionnant de façon sérieuse dans le cercle des obédiences africaines.

 

Au Cameroun, les Grand Orient et Loge Unis du Cameroun (GOLUC), abordent les années 80 en faisant preuve d'efficacité. Ils réunissent, en 1979,  les Obédiences Nationales Africaines pour la première fois, à l'occasion de leur convent à Douala. C'est une préfiguration de la CPMAF et des REHFRAM. Il y est décidé de se réunir en 1980 à Libreville pour préparer le colloque prévu l'année suivante à Dakar sur le thème « Rites et Traditions Africains » ; projet sans lendemain.

 

Par la suite, la situation politique n'est pas étrangère à un ralentissement de l'activité maçonnique au Cameroun : 1983 Ahmadou Ahidjo démissionne de la présidence de l’UNC et Paul Biya lui succède, janvier 1984 Paul Biya est élu président de la République et le poste de Premier ministre est supprimé, février 1984 condamnation à mort par contumace de Ahidjo accusé de complot contre la sûreté de l’État, avril 1984 échec du coup d’État militaire du colonel Saleh Ibrahim.

 

Il faut attendre 1985 pour retrouver un cadre moins conflictuel où les GOLUC peuvent espérer se remettre au travail. Née de la fusion des loges du GODF et des loges de la GLDF, l'obédience se veut le creuset de la maçonnerie masculine, mais les conditions de la mise en place de cette obédience ont eu certaines conséquences internes : le caractère hybride des textes des GOLUC  entraîne des problèmes dans la pratique.  D'où la nécessité, en 1985, d'une réforme des structures pour une reprise lente de l'efficacité souhaitée. Reprise confirmée par l'organisation des deuxièmes REHFRAM en 1993.

 

Au Gabon, la relation privilégiée de l'obédience GRE avec le pouvoir lui donne une influence incontestable sur le plan intérieur et les moyens d'un rayonnement continu à l'extérieur.

 

Il n'est donc pas étonnant que la CPMAF ait pensé à Libreville pour organiser en 1980 le pré-colloque interafricain sur « Traditions et Rites Africains ». La même année 1980 l'intérêt de la Grande Loge Nationale de France se manifeste par la consécration du District de la Grande Loge du Gabon confirmée en novembre 1983 par l'installation de la Grande Loge du Gabon sous l'autorité du Président Omar Bongo.

 

Si le pré-colloque n'a pas eu lieu quelques années plus tôt, Libreville, en 1996, accueille avec éclat les quatrièmes REHFRAM riches de leurs quatre cents participants. Accueil renouvelé en 1998, pour les sixièmes REHFRAM, quand Brazzaville, plongée dans la tourmente, ne peut le faire comme prévu ; la réussite est encore au rendez-vous.

 

Tout ce potentiel porte les FF\Gabonais à se mettre volontiers à la disposition de l'Afrique maçonnique, plus particulièrement de leurs voisins Camerounais et même d'étendre leurs interventions jusqu'en Guinée, avec une loge à Conakry.  

 

Au Zaïre, la Franc-Maçonnerie évolue dans un pays dont on a pu écrire « du 24 novembre 1965, date du coup d'État du  maréchal  Mobutu, au 20 mai 1995, jour où il s'est déclaré candidat à sa propre succession, il s'est écoulé trente ans de paix ; mais le Zaïre a l'allure d'un pays détruit par trente ans de guerre.».

C'est dire les difficultés rencontrées par le GOZ pour survivre, maintenir ses loges en activité et même donner un souffle nouveau en 1985 à ses Hauts Grades, en prenant appui sur l'atelier « Myoto ».

 

Après le changement de régime opéré par Kabila, l'obédience redevenue Grand Orient du Congo a devant elle des difficultés toujours aussi grandes pour fonctionner, même si l'espoir est constant.

 

Au Burundi, considérant les troubles qui ne cessent de se succéder dans des conditions de grandes tensions, les Ateliers du GOB et du DH se mettent en sommeil. La Franc-Maçonnerie n'est pas à l'ordre du jour !

 

Le Maroc non plus ne va pas participer à ce mouvement maçonnique de consolidation des obédiences en place. En effet, alors que le dynamisme démontré dans les années 70 et au début des années 80 laissait espérer une implantation durable, la Grande Loge du Maroc éteint ses feux en 1986.

 

Deux causes cumulées expliquent cet arrêt : des dissensions de personnes au plan interne ne permettent pas de répondre dans le calme des esprits à la pression exercée par une poussée conjoncturelle d'intégrisme que connaît le pays.

 

Quoiqu'il en soit, le pouvoir politique n'est en aucune façon responsable de cette décision. La réinstallation, par la suite, d'un district de la GLNF le confirme.

 

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Les Obédiences en plein essor : DH, GLFF, GLNF, Memphis

 

La présence du DH et de la GLFF prouve, s'il en était besoin, l'importance de la femme africaine dans la vie du continent et atteste de la prise en considération de cette dimension par la Franc-Maçonnerie. Avocates, médecins, pharmaciennes, journalistes, etc., ces Sœurs révèlent en général de fortes personnalités.

 

Leur participation efficiente et judicieuse lors des réunions des REHFRAM successifs démontre qu'elles n'ont pas l'intention d'être les « oubliées » de la Franc-Maçonnerie africaine.

 

***

- Le DH - Droit Humain - s'est très tôt installé en Afrique Méditerranéenne mais y a disparu au moment des Indépendances alors qu'inversement il s'est renforcé en Afrique sub-Saharienne.

 

Sa progression au fil des ans l'amène à envisager une juridiction chaque fois qu'il y a deux loges plus un atelier de Perfection dans un même pays et une Fédération pour cinq loges bleues et un atelier de Perfection.

 

A partir de là il s'est  décidé, lors d'une réunion à Lomé en février 1999, la création d'une juridiction au Togo et d'une Fédération de l'Afrique de l'Ouest dont le secrétariat sera à Abidjan. Participent à cette réunion : Dakar « Fraternité Universelle », Douala « Wouri Porte d'Occident », Yaoundé «.Union Fraternité Justice », Lomé « Palme du Devoir » « Alcyon Persévérance » et « Promotion et Équilibre », Abidjan « Sagesse Africaine » et « Lumière et Tradition » ; manquent « Lumière du Sahel » de Bamako et les délégués de Conakry. Provisoirement, le Cameroun adhère à cette Fédération en attendant la création d'une Fédération du DH pour l'Afrique du Centre.

 

Pour le cas où d'autres Fédérations  viendraient à voir le jour - n'y a-t-il pas une loge « Nyota 1072 » en léthargie à Lubumbashi et une autre, « Lumière d'Afrique », au Burundi - la Fédération d'Afrique du DH est prévue. De façon plus large, un contact a été pris avec les loges de la Fédération Sud-Africaine.  Ainsi les structures du DH sont opérationnelles pour accompagner la progression envisagée au XXI° Siècle.

 

***

- La GLFF - Grande Loge Féminine de France - n'est pas absente non plus de cette avancée de la Franc-Maçonnerie en Afrique.

Sous la poussée de « La Rose des Vents » à l'Orient de Paris, elle s'est progressivement implantée dans la plupart des pays : Lomé « Fleur des Temps 115 », Douala « Fako Triangle de Lumière 179 », Abidjan « Rose d'Harmonie 237 », Libreville « La Torche de l'Equateur 267 », Brazzaville  « Tanawa 318 », Cotonou « Phare des Amazones 338 ».

 

Ces six pays ont ressenti l'intérêt d'établir une coordination installée au Cameroun qui préfigure, dans l'esprit de ses initiatrices, un auto-centrage menant à terme à la GLF Africaine. Dans cette démarche progressive,  les SS\ affichent leur volonté d'œuvrer pour un avenir dynamique, fait d'expansion de leurs idées dans la société africaine.

 

***

- La GLNF – Grande Loge Nationale de France - connaît également, en cette fin de siècle, un essor continu en Afrique.

L'expansion de cette Obédience, qui se veut la seule "régulière" - rite émulation, REAA, RER et Français 1801 - s'appuie sur une démarche classique : initiation de profanes du pays, parfois  dans une loge d'un pays voisin, consécration d'une première loge sur place, essaimage, mise en place d'un District de la Grande Loge Nationale de France qui se transmue enfin en Grande Loge Nationale du pays concerné.

 

L'attrait est grand pour ceux qui aspirent à trouver un contact avec le monde anglophone dont la Franc-Maçonnerie s'est développée à travers toute l'Afrique. Sans oublier l'intérêt que présentent les États-unis en arrière plan.

 

Sa première apparition date de 1957 où elle crée le District de la Grande Loge Nationale au Maroc réunissant la loge de Casablanca « Concorde 42 », transférée vers la base américaine de Nouasseur, et les loges des autres bases américaines de Port Lyautey, Sidi Slimane, Ben Guerir. La mise en sommeil accompagne, en 1963, la fermeture de ces bases.

 

Sa deuxième installation se fait au Sénégal en mai 1968 et s'accroît de loges en Côte d'Ivoire et au Togo pour constituer une Grande Loge de District d'Afrique Noire. Les effectifs augmentant, la décision est prise en 1980 de fonder la Grande Loge du Sénégal (GLS), avec l'appui du Président Abou Diouf. Ainsi, la GLS joue un rôle de base d'expansion de la Franc-Maçonnerie « régulière » en Afrique.

 

Au Gabon, après la mise en place dès 1980 d'un District, c'est en novembre 1983 qu'est consacrée la Grande Loge du Gabon (GLG) avec pour Grand Maître le Président Hadj Omar Bongo

 

En Côte d'Ivoire la première loge « Nucléus 178 », devenue depuis lors n° 1, allume ses feux en 1975 ; la consécration du District de Côte d'Ivoire intervient en 1982 et c'est en 1989 que la Grande Loge de Côte d'Ivoire (GLCI) est consacrée. Cette obédience dispose, depuis peu, d’un imposant bâtiment à Abidjan avec un grand temple et deux temples moyens ; une politique immobilière active est également menée dans les provinces Elle compte aujourd'hui 19 loges regroupées dans les trois grandes Loges Provinciales qui se prolongent d'un District au Mali regroupant les loges qui y travaillent.

 

Au Togo, les FF\, initiés dans des loges dépendant du District du Sénégal, fondent dans un premier temps la Grande Loge du District du Bénin avant d'en arriver en 1983 à la Grande Loge du District du Togo. La consécration de cette Grande Loge, forte de ses dix loges, était prévue pour janvier 1992 mais les troubles du moment ont fait reporter cette cérémonie ; aujourd'hui la Grande Loge Nationale du Togo (GLNT) est une réalité.

 

Au Bénin, la loge « Africanité 160 » ouvre la voie dès 1973 à Lomé avant de rapatrier le Bénin en 1985, mais il faut attendre mai 1993 pour que le potentiel de trois loges permette de créer le District du Bénin  devenu, en janvier 1995, la Grande Loge du Bénin (GLB) avec ses douze loges et son temple d'Aïdjedo.

 

Le Maroc, à son tour, retrouve cette obédience qui y avait fait ses premiers pas en Afrique dans les années 50. En effet l'allumage des feux, à partir de juin 1997, de trois loges – « Emul Ahl Al Andalouss n° 1081 » à Casablanca, « Emul Ahl Al Kitab n° 1082 » à Rabat, « Emul Ahl Al Hikmat  n° 1083 » à Marrakech - permet la création, lors d'une cérémonie  à Rabat, d'un District du Maroc en attendant une Grande Loge du Maroc.

 

Si l'on ajoute à cette liste les GL du Congo Brazzaville récemment, de Guinée et du Mali en février 1999, plus le Tchad et le Burkina Fasso qui sont concernés, il se confirme que la progression de la Grande Loge sur l'ensemble de l'Afrique francophone est à l'ordre du jour au moment où se termine le XX° siècle. Avec la particularité de l'intérêt que lui portent les Chefs d'Etats africains.

 

***

- Memphis Misraim, à son tour, se positionne depuis peu en force, avec une Fédération Africaine autonome la GLSYMA - Grande Loge Symbolique Masculine d'Afrique - marquée par son attrait pour le symbolisme, l'ésotérisme et l'hermétisme.

 

Cette obédience - lancée à Abidjan, en 1991, avec une loge   « La Croix du Sud » - regroupe des loges installées progressivement dans différents pays : Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Togo. Son expansion est rapide dans les années 90, ce qui permet aux FF\, appartenant à cette obédience, de se poser comme interlocuteurs de plus en plus présents, que ce soit directement dans les Orients africains et ou lors des REHFRAM.

 

 

La Franc-Maçonnerie africaine dans les relations internationales : REHFRAM et CLIPSAS

 

Les REHFRAM**  - Rencontres Humanitaires et Fraternelles Africaines et Malgaches - ont connu une première tentative dès 1979 à Douala, mais sans lendemain alors que les suivantes étaient prévues au Maroc.

 

C'est en novembre 1992, à Dakar, que la deuxième tentative est faite, avec réussite cette fois puisque, depuis lors, chaque année ces rencontres ont lieu régulièrement réunissant en moyenne cinq cents FF\.

 

En octobre 1994 la déclaration de Libreville décide d'une concertation plus exigeante entre les obédiences signataires. C'est dans cet esprit que participent toutes les obédiences africaines à l'exception de celles ayant patente de la GLNF, lesquelles campent sur leur « régularité » pour refuser. Sont également absentes les loges des anciennes colonies britanniques, réparties entre obédiences liées à la Grande Loge Unie d'Angleterre, à celle d'Écosse ou celle d'Irlande. Il en est ainsi, par exemple, en Afrique du Sud (dont la première loge « De Goede Hoop » a été consacrée à Cap Town dès 1772), au Nigeria, au Zimbabwe, au Kenya, en Ouganda, au Ghana…. Par contre, dans l'esprit de la déclaration de Libreville, de nombreuses obédiences européennes francophones sont largement représentées chaque année  : DH, GLDF, GLFF, GOBelgique, GODF…. Depuis quelques années sont reçus en auditeurs privilégiés les membres du GFEQA** ( Groupement des FF\ et SS\ africains et européens, installés en Europe, qui se penchent sur les questions africaines).

 

Le suivi des intitulés des travaux successifs des REHFRAM permet de situer les préoccupations - en dehors des sujets sur «.tradition, rites et symboles » -  des FF\ Africains, hommes et femmes actifs dans la cité :

 

-1992 à Dakar : « Quel rôle le FM\ peut-il jouer dans la lutte  contre le sous-développement ? »

-1993 à Douala : « Hors du Temple qui es-tu FM\ ? »

-1995 à Abidjan : « Le 3° millénaire, comment les FM d'Afrique le préparent-ils ? »

-1996 à Libreville : « Quel sens donner au message et à la pratique maçonniques en Afrique à l'orée du XXI° siècle ? »

-1997 à Cotonou : « Comment organiser la formation et l'éducation de l'Homme pour l'évolution de l'Afrique ? »

-1998 à Libreville : « La pauvreté et ses conséquences sur la démocratie en Afrique. Quelles perspectives suggérer ? »

- 1999 à Lomé : « Comment assurer la création et le juste partage de la richesse en Afrique ? »

- 2000 à Tananarive** : « Traditions africaines et tradition maçonnique à l'orée du III° millénaire.»

 

Le CLIPSAS - Centre de Liaison et d'Information des Puissances maçonniques Signataires de l'Appel de Strasbourg – a offert un prolongement à cette structure continentale. Fondé en 1961, sur l'initiative du GODF, pour être le centre d'union des obédiences libérales, il est devenu un lieu de contact maçonnique international où les obédiences africaines tiennent largement leur place.

 

En effet, y sont venus successivement au fil des années : 1981 GRMalgache et GOLUCameroun - 1984 GOZaïre - 1988 GBénin - 1989 GOLACongo - 1992 GE Côte d'Ivoire, qui dès l'année suivante reçoit à Abidjan l'Assemblée Générale, dont la vice-présidence échoit à l'Afrique.

 

Au cours des REHFRAM 1997, à Cotonou, le CLIPSAS est l'objet d'une mise au point très ferme de la part des obédiences africaines. Le GODF et le GOB les ayant pratiquement invité à abandonner le CLIPSAS, à la suite des différents apparus à Santiago du Chili l'année précédente, les FF\ africains, par le biais de la CPMAF - Conférence des Puissances Maçonniques Africaines - affichent leur volonté de rester dans cette instance maçonnique internationale et demandent expressément aux obédiences européennes de se garder de les entraîner dans des rivalités non africaines. La mise au point vaut également pour l'appel implicite en faveur d'une approche philosophique essentiellement, sinon uniquement, agnostique. La CPMAF (devenue ensuite la CPMAM avec l'arrivée des FF\ et SS\ malgaches) riposte vivement qu'elle ne veut pas confondre « liberté absolue de conscience », à laquelle elle est profondément attachée, et  « libre pensée ».

 

Dans une déclaration, en réunion plénière, elle rappelle en outre que  l'Afrique a « trop souffert des ingérences de toutes sortes », et précise que les REHFRAM « ne sauraient être ni le théâtre de rivalités, ni une tribune de joutes démagogiques, ni un enjeu des hégémonies avouées ou non ». Ce message, on ne peut plus clair, à l'adresse de toutes les obédiences européennes sans exception, ouvre des perspectives intéressantes dans les rapports Nord-Sud.

 

L'Afrique Maçonnique s'affirme donc. Dans cette logique, l'Afrique - associée aux FF\ de Madagascar, et plus particulièrement du Grand Rite Malgache, le GRM - manifeste clairement une volonté commune de rassembler au plus large tous les FF\ quels que soient leurs origines et leurs statuts.

 

L'invitation envoyée, pour  les REHFRAM de février 2000 à Tananarive, aux FF\ de Prince Hall - Obédience en contact, dit-on, avec  Nelson Mandela**  - est significative à cet égard. Il s'agit d'ouvrir en Afrique un nouveau chapitre prometteur de la Franc-Maçonnerie, fait de dialogue et d'ouverture.

 

Et par delà cette aspiration de fraternité sans exclusive, il s'agit, dans l'esprit des FF\ d'Afrique, de concilier « tradition et modernité » et d'apporter une riche contribution à la Franc-Maçonnerie par l'expression de la sensibilité africaine aux valeurs universelles et à l'espoir mis en l'Homme, que défendent de par le monde tous les hommes et femmes de bonne volonté.

 

@  Série de videos sur l'histoire des pays africains

 

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