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7°  REHFRAM

 

Lomé, février 1999

 

 

 

Afrique maçonnique

1999
Lomé
2000
Tananarive
2001
Douala
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Cotonou
2003
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                                     Au mois de février 1999 ont eu lieu les VII° REHFRAM, "Rencontres Humanitaires et Fraternelles Africaines Malgaches". Les Francs-Maçons d'Afrique francophone se sont réunis comme chaque année pour faire la synthèse de sujets mis à l'étude pendant l'année dans leurs loges respectives. A Lomé, plus de cinq cents Frères se sont réunis, venus de tous les orients d'Afrique – Sénégal, Côte d'Ivoire, Togo, Bénin, Cameroun, Congo Brazzaville et Kinshasa, Gabon – et de Madagascar, en présence d'invités venus d'Europe pour partager ce grand moment.

Une Afrique Maçonnique se constitue progressivement, il nous faut être à l'écoute et maintenir le dialogue avec nos Frères Africains. Il est évident  qu'il nous appartient d'élargir, autant que faire se peut, le cercle fraternel et de faire connaître le point de vue des Frères Africains. C'est ce que nous nous proposons de faire en publiant de très larges extraits de la synthèse sur l'Afrique, présentée à  Lomé.

                                                                                                                                                                     Odo Georges

 

COMMENT ASSURER LA CREATION ET LE JUSTE PARTAGE

DE LA RICHESSE EN AFRIQUE ?

I. _Etat_des_lieux

II. _Préalables_pour_la_création_et_le_partage_de_la_richesse_

III. _Création_de_la_richesse_

IV. _Le_juste_partage_de_la_richesse_

V._Rôle_de_la_FM_

En _conclusion

 

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          L'avenir de l'Afrique est au centre des préoccupations et réflexions des Maçons, filles et fils du vieux Continent.  Les questions traitées à ce jour en sont la preuve :

 

1992 Novembre  : Quel rôle le Franc-Maçon peut-il jouer dans la lutte contre le sous-développement ?

1993 Novembre  : Hors du Temple qui es-tu, Franc-Maçon ?

1995 Février      :  Le 3ème Millénaire, comment les Francs-Maçons d'Afrique le préparent-ils ?

1996 Février      :  Quel sens donner au message et à la pratique maçonniques en Afrique à l'orée du XXI° siècle ?

1997 Février      :  Comment organiser la formation et l'éducation de l'Homme pour l'évolution de l'Afrique ?

1998 Février      :  La pauvreté et ses conséquences sur la démocratie en Afrique.  Quelles perspectives suggérez-vous ?

 

Il n'est donc pas étonnant d'entendre résonner, comme un questionnement à notre conscience tant individuelle que collective, tout au long des REHFRAM 1999, cette septième question qui n'est qu'une suite logique des précédentes, à savoir : "Comment assurer la création et le juste partage de la richesse en Afrique ?"

Ce thème est lourd de conséquence et interpelle l'homme libre et de bonnes mœurs, qui préfère à toutes choses la justice et la vérité, et qui, dégagé des préjugés du vulgaire, est également ami du riche et du pauvre, s'ils sont vertueux.

 

I.  État des lieux

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Qu'est ce que la richesse ? Au singulier la richesse se présente comme l'abondance de biens, c'est la fortune. Au pluriel, ce sont les ressources naturelles d'un pays, d'une région, exploitée ou non. Ce sont encore les produits de l'activité; ce sont également les valeurs d'ordre intellectuel, spirituel.

Pour l'Afrique, tous les sens du terme sont valables. L'Afrique est riche, riche de sa culture, riche de son sous-sol, riche de ses populations, de sa démographie, de sa faune, de sa flore, de son climat, de la pureté de son air, l'un ne pouvant aller sans l'autre; tout à la fois participe de la richesse sur le sol africain. L'Afrique baigne dans l'opulence qui, comme tout excès, lui nuit.

L'Afrique avec environ 30 millions de kilomètres carrés, recouvre plus de 20% des superficies terrestres de notre globe, le triple de l'Europe. Elle a une population estimée entre 700 et 800 millions d'individus. La croissance démographique de 3% environ par an est la plus importante de tous les continents. On y dénombre près de 180 millions personnes chroniquement affamées et sous-alimentées; l'OUA, "Organisation Unie Africaine", estimant la croissance de ce chiffre à 330 millions d'ici l'an 2010, soit le tiers de la population globale de toute l'Afrique. On estime à 40% le nombre de ceux dont le revenu quotidien est inférieur à un dollar. Par ailleurs, le degré de pauvreté, mesuré par l'écart entre les revenus des pauvres et le seuil de pauvreté, est plus élevé en Afrique que partout ailleurs dans le monde. Dans la catégorie des réfugiés et déplacées intérieurs, la Croix Rouge Internationale dénombre actuellement quelques 16 millions de personnes; avec ces derniers temps, une nouvelle tendance d'accroissement en raison des actuelles contrées de crises.

Sur les 53 États d'Afrique, 33 sur 47 dans le monde se rangent parmi les pays les moins avancés. Le produit social brut de l'ensemble de l'Afrique – soit 400 milliards de dollars US correspond sensiblement à celui des Pays-Bas ou à environ un cinquième de celui de l'Allemagne. La part du commerce mondial s'établit à 2,5% à peu près, alors que sur les 95 milliards de dollars US d'investissements directs globaux à l'étranger destinés au tiers-monde, à peine 3 milliards seulement vont se placer en Afrique sub-Saharienne. Le chômage n'est que rarement inférieur à 25%, même si l'on ne devrait pas négliger la vitalité et le rendement du secteur informel.

Au total, on relèvera que l'Afrique dispose de richesses matérielles et immatérielles qui attisent les convoitises des puissances étrangères mais dont la mauvaise gestion continue de maintenir sur le continent une misère "étonnante".

En conséquence, malgré l'abondance de ces richesses à l'état brut, la création de valeurs ajoutées fait cruellement défaut en Afrique.

Il est souvent avancé que le premier ennemi de l'Afrique est l'Africain lui-même. Au regard de tout ce qui se passe en milieu africain, on est tenté de prendre cette assertion comme une vérité. Car comment expliquer qu'un continent aussi riche soit à la fois source d'intérêt de chercheurs et d'investisseurs étrangers en même temps qu'océan de soucis de ses habitants.

D'aucuns accusent les colonisations successives qui ont écrémé, aux plans humain et économique, cette région du monde; d'autres, les guerres tribales et/ou conflits ethniques avec leur prolongement naturel que sont les querelles de personnes et les luttes fratricides pour conquérir le pouvoir ou s'y maintenir … Les uns et les autres trouvent une justification dans la culture africaine qui serait rétive à tout progrès, dans des clichés réducteurs (le bon nègre qui se suffit de peu) ou bien encore dans la corruption à tous les échelons. Tout se passe comme si les Africains avaient peur de se regarder dans un miroir et recherchaient constamment des boucs émissaires responsables des malheurs de l'Afrique.

 

II.  Préalables pour la création et le partage de la richesse

Toute création suppose une dynamique innovatrice et inventive des principales couches de la population, acteurs et partenaires inclus (fussent-ils profanes ou maçons).

Citoyens intègres, industrieux, rigoureux et lucides, tel est le profil des acteurs et partenaires dont les efforts conjugués et combinés vont contribuer à la création de la richesse. Richesse qui s'entend par la valorisation totale ou partielle des potentialités du sol, du sous-sol, des climats, des mers et des océans que recèlent ou qui cernent l'Afrique et par la convergence des composantes qui forment la culture.

Certains préalables sont indispensables pour l'accroissement et un juste partage de la richesse : l'éducation de la population, l'instauration de la démocratie et l'information des citoyens.

 

II.a.  L'éducation de la population

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Ceci demande la mise en place d'un système éducatif performant avec la volonté politique d'investir de façon judicieuse et soutenue dans le développement des ressources humaines. On doit inclure dans cette formation :

-          L'enseignement des langues étrangères pour permettre à l'Afrique de communiquer avec les autres continents et de s'intégrer dans le processus de la mondialisation.

-          L'instruction civique intégrant des valeurs morales, d'éthique et des notions de nation, de bien public etc.

-          L'enseignement de la philosophie pour aborder les concepts d'amour, de solidarité, de fraternité … qui seront les soubassements du juste partage.

Bien sûr, peu de gens contesteraient aujourd'hui le fait que l'éducation contribue à la création de la richesse économique. Mais il faut rappeler que tout progrès dans le domaine éducationnel, quelque satisfaisant qu'il puisse paraître, dot être soutenu par un engagement politique dans le cadre d'une vraie démocratie.

 

II.b.  L'instauration de la démocratie

Le seul moyen de hâter un réel développement de l'Afrique est la démocratisation du continent.

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Les leaders africains ont l'impérieux devoir de fonder le pouvoir en créant des Etats de droits où les libertés individuelles et collectives sont respectées. L'institutionnalisation du pouvoir ou l'instauration de la démocratie demande la mise en place des structures qui permettent aux citoyens de participer aux pouvoirs, de contrôler la gestion des biens publics dans le souci de la sauvegarde de l'intérêt commun pour le bénéfice de tous. Particulièrement en Afrique la démocratie demeure un préalable incontournable pour la création de la richesse, pour l'actualisation d'un véritable développement durable des nations.

En effet, d'abord grâce à sa dimension pluraliste, la démocratie permet d'éviter l'instauration d'un parti unique, pratique politique génératrice de guerre permanente de tous contre tous. Ensuite, elle permet d'éviter quatre défauts que les chercheurs identifient comme constituant les causes principales du règne de la mauvaise politique qui prévaut en Afrique :

-          Personnalisation du pouvoir.

-          Violations fréquentes des droits de l'Homme.

-          Incapacité des autorités centrales à déléguer leur pouvoir.

-          Tendance des individus à prendre leurs distances vis-à-vis de la politique.

Par ailleurs, la démocratie permet de réduire le champ de l'expansion de la corruption. Celle-ci constitue un fléau  dont souffre toute administration et singulièrement les administrations africaines. La démocratie permet aussi d'éviter les coups d'état grâce au principe de l'alternance au pouvoir. Corruption et coups d'état sont des éléments inhibiteurs de toute tentative de création de richesse ou de développement.

En fin, la démocratie fonde la paix parce qu'elle est dans ses principes : négation du racisme, du tribalisme, de la dictature, de l'injustice, etc.

Tout  en étant nécessaire au développement, du continent, la démocratie n'est cependant pas suffisante. On doit également mettre en place des garde-fous pour éviter que des forces obscures arrivent au pouvoir par le jeu démocratique. Pour ce faire, on doit placer le citoyen au centre du processus de développement et cultiver son esprit républicain.

 

II.c.  L'information des citoyens

Pour motiver un groupe d'hommes autour d'un projet d'intérêt commun, capable de générer une richesse qui fasse l'objet d'un juste partage entre les "agents économiques", il faut aussi au préalable informer.

En démocratie, l'information est un droit : le droit de savoir pour participer effectivement à la gestion des biens publics. Les citoyens ont besoin d'être informés pour choisir leurs dirigeants. Car de leur choix dépend l'orientation du gouvernement et de la politique générale du pays…. Cette information ne doit pas être exclusivement focalisée sur les problèmes politiques; il y a aussi l'information sur la spiritualité et la nécessaire solidarité entre les membres d'une même communauté.

 

III.  Création de la richesse

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Si donc l'Afrique est riche de ses enfants, ceux-ci sont les premiers acteurs dans la création et la gestion des potentialités dont dispose l'Afrique. Ainsi chaque Africain est créateur de richesses et chaque citoyen est tenu de concourir au progrès de son pays.

Le second acteur dans la création de ressources est, de toute évidence, l'Etat en tant que personne morale et l'ensemble des collectivités publiques. L'État doit donc assurer la santé, l'éducation, le travail, la justice et la liberté des citoyens afin de favoriser la circulation des biens et la création des services devant satisfaire les réels besoins des populations.

En définitive, les individus par leur force de travail, l'État par sa politique en faveur du développement et du progrès - avec pour corollaire la création de structures politiques, sociales, économiques et culturelles – sont les acteurs principaux pour la création des richesses en Afrique.

Ce qui suppose en outre une action efficace sur le couple épargne / investissement. Il est pour cela nécessaire d'une part de créer un climat de confiance qui incite les citoyens à garder leur épargne chez eux et non à l'extérieur et d'autre part de combattre énergiquement la corruption qui réduit la consistance des finances publiques. On peut aussi mobiliser l'épargne intérieure dans des circuits informels, genre "tontine" pour permettre le financement des entreprises ou des projets par les nationaux. On évitera aussi la fuite de l'autre forme de capital, celle des cerveaux. Nous ne devons pas perdre de vue que l'Afrique évolue dans un contexte international hostile à son développement. L'Afrique est victime d'un système international d'exploitation. Il ne lui sera donc pas facile de se soustraire à cet environnement.

Plus largement, il faut se fixer des objectifs sur tous les plans : agricole,  industriel, démographique, etc. qui doivent révolutionner – à tout point de vue – les structures existantes et déterminer les voies et moyens pour la valorisation scientifique, technologique, intellectuelle et culturelle de l'Afrique.

Les Francs-Maçons doivent contribuer à la définition du type de développement pour le continent et obtenir une véritable adhésion de la population autour de ces projets de société.

On mettra un accent particulier sur le développement de l'agriculture en sachant que l'utilisation de la seule force humaine n'est pas suffisante pour créer des biens de consommation. Toutefois l'exploitation des matières premières ne sera pas négligées pour autant; mais il s'agira d'une exploitation planifiée, car les ressources du sous-sol ne sont pas inépuisable.

Lorsque les conditions –  éduquer, instaurer la démocratie, informer – seront réunies, l'industrialisation pourra être effective en Afrique. Les usines de transformation qui seront alors créées seront plus productives, parce qu'on aura évité les "éléphants blancs", une des sources de paupérisation des États.

Les groupements économiques – régional et continental – constitueront un atout appréciable dans la création de la richesse en Afrique.

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Par ailleurs la dette doit être motivée et maîtrisée pour devenir productive. Dans l'état actuel des choses, au contraire, la dette demeure un facteur inhibiteur qui affecte négativement l'économie des pays africains.

Quoiqu'on dise, le nœud du problème c'est l'Homme africain qui doit retrouver sa dignité et la transformer en énergie créatrice lui permettant à terme de s'inscrire dans le concert des nations et de la mondialisation. D'ailleurs l'Afrique fait partie de cette mondialisation par la communication orale, les rythmes et la danse. Ce travail de réappropriation est un travail de longue haleine. Et pour être efficace il doit tenir compte de la spécificité des régions qui composent le continent africain.

Qu'on le veuille ou non, l'Afrique tourne doucement la page du servage, la page du colonialisme et celle du néocolonialisme, non pas pour oublier mais pour prendre en main son destin, quel que soit le prix à payer. La route sera peut être longue, mais le mouvement est en marche. Petit à petit, on assiste à l'émergence d'une diaspora de plus en plus active et à un accroissement d'universitaires jeunes, compétents, nationalistes ouverts .. enclins à rompre avec des méthodes pour le moins condamnables et dénoncées au grand jour.

Au total, sur le plan du travail, il faut :

-          Mobiliser l'esprit d'initiative et la créativité du particulier, de la collectivité, des entreprises, de l'Etat.

-          Faire appel aux investissements privés, d'Etat et de regroupements régionaux.

-          Mettre en œuvre des politiques cohérentes d'encouragement à la création de petites et moyennes entreprises, de structures commerciales de proximité par un régime douanier et fiscal allégé et un recours à des emprunts de longue durée à faible taux et par la création de monnaies nationales.

-          Initier de grands travaux soigneusement sélectionnés.

-          Solliciter le partenariat des pays industrialisés auxquels nous pouvons apporter la créativité africaine.

-          Associer les organismes internationaux et les institutions financières à certains projets.

-          Améliorer les infrastructures des transports pour faciliter les échanges.

 

IV.  Le juste partage de la richesse

Le "juste partage" découle d'une volonté politique de changement à laquelle il est impératif d'ajouter la notion "d'équité totale", c'est à dire que les réalités ethniques, tribales, familiales, régionales doivent, autant que faire se peut, s'effacer, se diluer, se fusionner, se confondre avec l'idée de nation comme vecteur central , point de ralliement et de jonction de tous les acteurs et partenaires.

Le chemin qui mène de la création au partage, puis au juste partage est encore long. Dans l'immédiat, seules la paix civiles et la paix sociale sont nécessaires, indispensables pour constituer la source de partage équitable :

-          paix sociale : le besoin de transparence et l'exigence de démocratie constituent l'autre face de la priorité absolue.

-          paix civile à laquelle les hommes politiques au pouvoir ou dans l'opposition devraient accorder une priorité absolue; par la laïcité, le respect des constitutions écrites.

La juste répartition de la richesse d'un pays réside donc dans le choix de ce dernier d'affecter ces richesses à la construction d'œuvres communes qui  puissent profiter au plus grand nombre. Le gouvernement doit rapprocher l'éducation, la santé, la sécurité de la population par la mise en place de services sociaux qui permettent au paysan le plus éloigné de profiter des avantages auxquels il a droit. Dans le même ordre d'idées, les denrées de première nécessité d'une part et  les engrais d'autre part doivent être subventionnés.

En outre, toute stratégie de développement doit privilégier les femmes, en aidant les associations féminines à participer pleinement aux réformes économiques et sociales à travers des moyens de formation et de crédit adaptés à leurs besoins. Car, il ne faut pas ignorer qu'elles tiennent un rôle prépondérant dans la production et la commercialisation des biens alimentaires, et que c'est d'elles que dépend le bien-être des familles africaines en général.

L'Etat doit alors disposer de mécanismes de récupération et de redistribution du surplus. La fiscalité et la para-fiscalité, avec la caisse de péréquation, peuvent en être des outils efficaces.. Il est à craindre que la corruption de ceux qui seront chargés de "partager la richesse" du pays continue à creuser le fossé entre riches et pauvres d'une même nation. Il faut ajouter que, pour un juste partage réel, les gouvernants doivent mener un train de vie qui reflète la santé économique de leur pays

L'éducation et la démocratie permettent à une large majorité des citoyens d'avoir les mêmes chances devant les opportunités sociales.  Elles permettent aussi une redistribution plus équitable du revenu national.

 

V. Rôle de la FM

L'Afrique doit prendre son destin à bras le corps.  Pour que les propositions et les rencontres dans le cadre des Rencontres Humanitaires et Fraternelles Africaines Malgaches  aient une action effective,  ne serait-il pas utile que nous, Maçons puissions nous investir davantage dans la cité ? Ce qui est une manière de répondre aux interrogations de celle-ci sur nous, tout en essayant à notre tour de répondre aux interrogations de la cité sur ce que nous sommes.  Il est donc impératif de fonder  nos apports sur les problèmes réels que nous rencontrons et d'avoir le courage de les dénoncer dans la mesure où ceux-ci ne sont pas en rapport avec notre éthique fondée sur la dignité, la transparence, le respect des institutions quel que soit le pays concerné.

Le premier interpellé est le Franc-Maçon africain.  Telle est l'une des raisons de ces rencontres : répandre au dehors les lumières acquises.  Parce que le Franc-Maçon croit en la vertu du travail, il doit quitter sa condition d'assisté.  Il doit travailler sans cesse au progrès de l'humanité.  Pas seulement de midi à minuit, mais même de minuit à midi même en se relayant.  Tous nos symboles nous apprennent l'équité, la solidarité et la vertu cardinale qu'est la fraternité. Mots vains ?

Ainsi par  nos exemples individuels mais convergents, la Franc-Maçonnerie retrouvera sa dignité, son respect et les Francs-Maçons redeviendront d'abord plus crédibles à leurs propres yeux et ainsi compteront dans les débats d'orientation de la société africaine. Et si ce n'était pas le cas, alors ce serait à la maçonnerie elle-même de se poser des questions sur son utilité au sein de notre turbulente modernité.

Il serait également souhaitable que les Francs-Maçons ciblent une action économique prioritaire à la fois et qu'ils se donnent les moyens de la réaliser pour ensuite passer à une autre action.

Les Francs-Maçons de toute l'Afrique Noire et de Madagascar doivent faire le pari qu'une masse critique de citoyens maçons, responsables et désintéressés, peut provoquer le changement.  La société politique commence lorsqu’un nombre suffisant de citoyens finissent pas dire non aux pratiques conformistes ou à la violence et à l’iniquité érigée en système, d’abord dans leur vie quotidienne. Quant à l'Etat, la société doit le contraindre à assumer sa part de bien commun. L'exemple a valeur de preuve.

De même qu'en Europe Occidentale et aux États-unis d'Amérique ce sont les initiés qui ont aidé à l'avènement de l'État de droit en instaurant dans les constitutions les principes de liberté, d'égalité et de fraternité, ayant permis le développement prodigieux de la richesse et son meilleur partage entre leurs populations depuis la Renaissance au XVI° siècle, de même l'action individuelle et collective des Francs-Maçons d'Afrique devrait contribuer aux changements profonds que les peuples africains sont en droit d'attendre de leurs élites intellectuelles au cours du XXI° siècle qui s'annonce.

Le Franc-maçon doit peser de tout son poids sur sa société pour y assurer une évolution dans la liberté, l'égalité, la fraternité et la solidarité.

 

En  conclusion

L'avenir de l'Afrique n'est pas dans la pseudo-générosité des pays riches  mais dans la volonté réelle, de tous les pays de ce continent, de s'assumer en totale indépendance sur la base de démocraties réelles.

En effet, ces pays dits "riches" - Europe, États-unis, Japon, etc. - qui ont fait main basse sur les 2/3 des richesses mondiales, ne sont en fait que des usufruitiers post-colonialistes.  Les vrais nus-propriétaires sont les pays où gisent ces richesses.  Ceci met en évidence que les pays africains sont de vrais pays "riches" compte tenu de leurs ressources naturelles, et pourtant ce sont en fait les plus pauvres du monde.

Que les Africains soient chrétiens, musulmans, animistes, athées, ou accessoirement Francs-Maçons, ils doivent tous arriver un jour au fait que les Droits de l'Homme, sur le plan de l'Humanité tout entière, subordonnent les particularismes et préférences claniques pour le mieux-être de tous dans le cadre d'un "juste partage" des richesses africaines.

Le seul moyen d'assurer la création de la richesse en Afrique (et son partage éventuel) est donc une politique nouvelle qui associerait le libéralisme économique (avec notamment le soutien aux petites entreprises privées familiales) et l'indépendance culturelle (avec, en outre, l'officialisation des langues africaines).

Le continent africain doit veiller à éviter les excès d'un "développement sauvage", en conciliant impératifs de développement, respect des identités culturelles et fidélité aux valeurs traditionnelles de solidarité, de partage et de responsabilités.  En bref, assurer un développement "à visage Humain" qui place l'économie au service de l'Homme et non l'inverse ; assurer également un "développement durable" compatible avec le respect des grands équilibres naturels de la planète et le souci des générations futures.

La création et le juste partage de la richesse apparaissent ainsi comme une nécessité morale.  Par leur truchement, nous devons viser à assurer le plus complet épanouissement de la personne humaine pour une humanité meilleure et juste.

 

 Bulletin  n° 132 - 1999