Changements, évolution et respect des coutumes :

entre tradition et modernité, la société balance

 
   
 
La société marocaine évolue. Elle s'ouvre sur la modernité dans toutes ses formes et tous ses aspects. Mais elle reste respectueuse des traditions et des coutumes. Une fête comme Aïd Al Adha vient nous le rappeler.
 
La société marocaine a beaucoup changé ces derniers temps. Pourtant, elle émerge dans le respect des usages et des coutumes imprégnés des pratiques anciennes mais sujets à évolution et adaptation. Le Dr. Abdelhak Serhane, psychologue, souligne que « C'est une société occidentalisée qui a su préserver ses traditions et les marier avec un certain modernisme modéré.

Elle a toujours été une société d'ouverture d'esprit, mais cherchant par tous les moyens à rester intact par rapport aux civilisations étrangères qui ont, le long de l'histoire, essayé de la conquérir ». Il ajoute: « Pour les personnes âgées, l'évolution est synonyme de perdition, insécurité, dépravation, et chez les jeunes la tradition est perçue comme aliénante et dépersonnalisante. La société marocaine traverse de véritables bouleversements économiques et idéologiques. Les nouveaux modèles d'identité sont contradictoires avec les anciens ». A noter que la famille marocaine a beaucoup évolué. La coopération inter-familiale s'est renforcée au détriment du noyau familial dépendant entièrement de l'époux.

Sous l'influence des changements culturels qui ont affecté le pays au contact de la culture occidentale, la famille est en pleine mutation tant dans sa composition que dans son organisation. Le voisinage en copropriété est aujourd'hui réglementé à un point que les occupants des appartements ne se reconnaissent plus. Ce lien de solidarité entre voisins qui caractérisait, jadis, leurs rapports quotidiens a complètement disparu. Souad, femme au foyer, explique : « depuis que j'habite dans cette maison, je ne connais pas mes voisins. Un jour, voulant me rendre visite, mon père s'était trompé de maison. La femme d'en face lui a dit qu'elle ne connaissait personne. Je me souviens qu'en tant qu'enfant, je connaissais tous nos voisins. Je passais même la nuit chez certains d'entre eux. Aujourd'hui, c'est pratiquement impossible que mon fils ou ma fille passe la nuit chez ma voisine ». Dans la rue, le changement de la société marocaine est beaucoup plus perceptible qu'ailleurs. Les goûts des jeunes prennent le pas sur ceux des personnes d'une autre génération. Les vêtements portés par nos grand-parents cèdent la place aux blues jeans, T-shirts et autres habits importés.

Les djellabas ne sont portés qu'à diverses occasions purement religieuses. Les hommes s'habillent souvent en costumes pour aller au travail ou pour assister à une réception. Les femmes préfèrent les robes soirées à la place du caftan. De même, le maquillage chez la femme a aussi changé. Hier encore, la manucure et la pédicure n'étaient pas connues. Aujourd'hui, la femme assume, outre les charges du foyer, de nouvelles charges à l'extérieur en travaillant comme ouvrière ou fonctionnaire. Nawal, chef d'entreprise, confie : « L'image de la femme a changé. Elle n'est plus soumise et dépendante. La femme d'aujourd'hui défie l'homme dans tous les domaines. Hier, nos mamans n'étaient pas policiers, gendarmes, pilotes ou ministres. Maintenant, nous sommes partout et nous nous occupons de tout ce qui peut être bénéfique pour notre société ». Cependant, on assiste à une remise en question des traditions concernant le mariage. Ce dernier relève de plus en plus des préoccupations des couples et non plus de celles des familles. Issam, âgé de 28 ans, est marié depuis quatre ans, avec celle qui l'a aimé depuis toujours. Il raconte :

« le fait de passer par la Fac donne la possibilité de se faire des amies. Il est fort possible qu'une d'entre elles devienne un jour mon épouse . En ce qui me concerne, j'ai connu ma femme à mon travail. Tous les deux, nous nous sommes mis d'accord de ne pas faire de cérémonial et d'épargner notre argent pour meubler notre appartement. Chose qui était quasiment impossible à l'époque où mon père avait épousé ma mère ». Ainsi, le mariage fondé sur l'entraide et l'entente est en train de l'emporter sur les autres formes de mariage. La femme travaille à l'extérieur et l'homme n'est plus considéré comme le protecteur de la famille et de la tribu. En conséquence, nombre de jeunes sont réticents à convoler tôt, ce qui les amène d'ailleurs à cohabiter davantage avec leurs parents.

Mais, le mariage au Maroc est toujours célébré suivant un cérémonial puisant ses sources dans des traditions ancestrales. Si la célébration de cet événement reste, dans ses grandes lignes, plus ou moins identique dans les différentes régions du Royaume, elle varie en fonction des régions et met en relief la diversité culturelle qui se manifeste, notamment, par différents rituels (Costumes, rites, musique, traditions culinaires etc...). Ces particularités locales et cette authenticité sont conservées et perpétuées de génération en génération. Toutefois, la cérémonie du mariage a connu, dans certaines parties du Maroc, des changements découlant de la vie citadine et de l'adoption d'un mode de vie moderne.

La coutume de l'offrande (la h'dia), par exemple, existe encore dans toutes les classes sociales. Par ailleurs, la célébration des fêtes religieuses fournit l'occasion de passer plus de temps avec la communauté à la faveur des réceptions et visites familiales, dans un climat de convivialité. Elle permet de renouer avec toute une panoplie de rites qui constituent un ressourcement dans le patrimoine. Pour beaucoup de Marocains, la fin du Ramadan, par exemple, est l'opportunité de faire la fête et d'effectuer un regroupement familial. On se lève généralement tôt pour faire le ménage et décorer la maison. Après la prière, on s'invite en famille ou entre amis pour déguster ensemble le plat de l'Aïd.

Le jour de l'Aïd, les gens observent depuis longtemps ce rite de porter des plus beaux habits et se féliciter mutuellement. Ainsi, les Marocains et Marocaines conservent la possibilité de s'épanouir à travers également leurs coutumes, leurs traditions et leur culture propre et de favoriser entre elles des rencontres, des échanges, des contacts extraordinaires.
 

 Par El Mahjoub Rouane | LE MATIN

Publié le : 03.02.2004 | 15h44

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