Les Traditions initiatiques d'Afrique centrale: le Bwiti du Gabon

samedi 27 janvier 2007

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L’ordre du jour appelle ensuite l’entrée et la conférence de Monsieur Julien Bonhomme, Maître de conférence à l’Université Lyon2 sur « Les Traditions initiatiques d'Afrique centrale: le Bwiti du Gabon »
La conférence de Monsieur Julien s’articule autour de 2 points : contexte socio-historique de l’avènement du Bwiti et le parcours initiatique aux mystères Bwiti

I) CONTEXTE
Notre conférencier nous indique d’emblée qu’on ne peut raisonnablement avancer une datation concernant l’origine du Bwiti. Toutefois, l’histoire orale autochtone repousse l’origine du Bwiti dans les limbes des temps mythiques.


Le Bwete (ou Bwiti) est un rituel initiatique masculin, d’origine mitsoko ou gapinzi (Gabon central) mais répandu bien au-delà, du Gabon méridional au Gabon septentrional. Le rite de passage impose l’absorption des racines hallucinogènes de l’arbuste eboga (ou iboga / bois sacré ou bois amer) à des fins visionnaires.


Le Bwete repose ainsi sur une nette division entre profane et initié, séparation qui s’articule autour du rôle fondamental des visions et du secret. Entre initié prévaut le principe hiérarchique : le cadet (apprenti) Banzi, l’initié confirmé (nganga), l’aîné et père initiateur nyima. Chaque communauté initiatique est organisée de manière autonome au niveau du village ou du quartier, autour d’un corps de garde (mbandja) qui sert du temple.

 

Le Bwete se ramifie en diverses branches et sous-branches. Le Disumba étant la racine principale. Dans les villages où le Bwete Disumba est en vigueur, les garçons doivent se faire initier entre dix et quinze ans pour devenir de vrais hommes et participer aux décisions collectives prises par la communauté masculine. Le Bwete Disumba est sans doute né du culte lignager des ancêtres. La principale ramification est le Mitsoko qui représente une véritable spécialisation fonctionnelle par rapport au Disumba : le Misoko possède une fonction thérapeutique. Ses initiés sont des devins-guérisseurs (les nganga-a-Misoko). Par ailleurs, on se fait initié suite à l’épreuve d’infortunes sorcellaires répétées (celui qui perd successivement deux parents, le citadin sans travail, ou a première épouse délaissée par son mari…) qui fait prendre conscience que quelque chose ne va pas. Mais ce quelque chose se soustrait à l’appréhension, planant au-dessus de l’existence comme une menace imprécise mais omniprésente. L’initiation est ici donc individuelle et circonstancielle, alors que celle du Disumba est collective et quasi-obligatoire. Cette distinction dans l’arborescence du Bwete correspond ainsi à une ligne de démarcation et d’articulation du champ thérapeutico-réligieux à l’intérieur d’une seule et même société initiatique. Il faut encore dire que si le Disumba est exclusivement masculin, certaines communautés du Misoko acceptent aujourd’hui l’initiation de femmes (qui prennent alors le nom de mabundi).


II) L’INITIATION
L’initiation stricto-sensu, ne dure qu’un seul jour et comprend deux phases distinctes : une série de rituels diurnes en forêt, puis la veillée nocturne au cours de laquelle le néophyte mange les racines d’eboga à des fins visionnaires.
 

i) RITUELS PRELIMINAIRES(voyage initiation en forêt)
Le jour de la veillée, père initiateur et néophyte partent en forêt afin d’accomplir les rituels prophylactiques nécessaires au périlleux voyage initiatique :


- la première étape consiste à collecter les écorces et plantes nécessaires à l’initiation ;
- la deuxième étape a pour but la confection du fétiche afin de « blinder » le novice contre les attaques sorcières lignagère cherchant à faire échouer l’initiation ;
- l’étape suivante est celle de la purification (le novice est lavé et ensuite oint de pommade porte-bonheur mixture à base d’écorces, et du parfum…)


A l’issue de ces rituels préliminaires, le néophyte peut alors commencer à manger ses premières bouchées d’eboga et faire l’épreuve de son épouvantable amertume (coupe d’amertume).


ii) VISIONS INITIATIQUES
La seconde partie de l’initiation se déroule au village à l’intérieur du corps de garde.

Le banzi porte pour la première fois l’accoutrement des initiés. Il est assis sur une natte face à un miroir. On lui donne régulièrement de grosses pincées de l’iboga. Dans le Bwete Disumba, les Banzi initiés par cohorte sont censés parcourir , à travers le miroir, le même chemin que leurs aînés : une visite à rebours de la cosmogonie collective, à la rencontre des ancêtres mythiques dans le village de Bwete. Le scénario visionnaire est donc invariable, toute vision non conforme étant discréditée. Par contraste, dans le Bwete Misoko, chaque Banzi vient manger l’eboga pour voir sa vie et l’origine de son infortune personnelle. Ici il y a donc pas de scénario prescrit. Toutefois, lorsque le banzi s’installe face au miroir, il voit d’abord le reflet de sa propre image. C’est cette image qui se transforme en premier lieu (je me transforme en gorille, je suis un vieillard,….). Ensuite cela s’accompagne d’un changement de lieu (je suis en brousse, je suis dans le village de mes parents…). Ces transformations identitaires et spatiales sont la condition de toutes les visions.


Il y a également, l’acclamation rituellique. En effet, pour approuver et applaudir un acte rituel bien fait pendant l’initiation, l’assemblée des initiés usent abondamment de l’exclamation collective « base ! » qui peut se traduire par « oui !», « bravo ! » qui fonctionne comme le marqueur de la vérité visionnaire.
 

http://www.cercledamienkandolo.org/resources/CPTE+RENDU+Le+Bwete+du+Gabon.pdf