Notre fillette est fascinée par cette danse pourtant proscrite aux femmes,
marquée du sceau « spéciale » par les sages, au risque semble-t-il, entre
autres, de causer la stérilité féminine. Peu importe, qu’est-ce qu’elle en
sait d’ailleurs? Mireille, elle, ne rate jamais une occasion d’assister à cette
danse, aux dires mêmes de ses parents et aînés.
Pour elle, « c’est amusant et quand je le regarde danser je me sens bien »
a-t-elle laissé entendre timidement.
En effet, à chaque occasion, Mireille, n’hésite pas à s’afficher au même titre
que les initiés, avec des baguettes de « bambous de chine » en mains, tout en
reprenant en chœur les différents chants entonnés par les principaux acteurs du
rite.
Cependant, des sages racontent qu’à l’origine, le Moukoukwè ou Okouyi était une
danse réservée aux femmes et le Djémbè aux hommes jusqu’à ce que l’évolution du
temps renverse les tendances, ainsi les hommes se sont immiscés dans la danse
des femmes et vis versa. Mais c’est une autre histoire.
Existant depuis des millénaires, l’Okouyi est à l’origine le nom d’un esprit
danseur, lequel a donné son nom au masque, qui lui est porteur d’un message de
l’esprit de la forêt aux hommes, arrivant au village au pas de la danse qui
porte son nom.
Il requiert une initiation particulière dont seuls les adeptes sont habilités à
en parler. Raison pour laquelle, le gros de la cérémonie se fait soit en
brousse, soit dans une cabane construite pour la circonstance appelée « le Kosso ».
Il symbolise le passage de l’adolescence à l’âge adulte en donnant aux jeunes
initiés une éducation « d’homme », car se sont les futurs héritiers
responsables de demain.
L’Okouyi est recouvert de raphia coiffé d’un masque en bois multicolore et
représentant généralement le visage d’un homme, selon la région. Les danseurs
étaient en réalité des esprits qui se cachaient sous le masque.
Les couleurs ne sont jamais fortuites sur un masque, en effet, le rouge
représente, le sang, le feu, le soleil, la chaleur, la fécondité, le blanc
représentant le passage de la mort à la naissance (c’est la mutation d’un être
et c’est le lien avec les ancêtres), le noir quant à lui symbolise la mort c’est
la négativité dans tout son sens, la sorcellerie et l’antisocial.
L’Okouyi ne se dansait qu’à des occasions spéciales notamment lors des grandes
cérémonies, retrait de deuil, soins traditionnels d’un patient voire initiation
d’un nouvel adepte. Au fil des temps, la pratique s’est vulgarisée, modernisée
et la danse s’exécute désormais en tous lieux, par tous, et en toutes
circonstances, sans que cela ne puisse choquer.
Ainsi, ce rite présent dans toutes les régions du Gabon et exécuté par toutes
les ethnies du pays, diffère dans l’exécution et les appellations, selon les
régions, mais le fond reste le même.
Douglas Ntoutoume