
Abdelkrim et la guerre du Rif
Date 5/9/2002 20:24:06 | Sujet : Rif
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Nous sommes en 1920. Bien avant la guerre
d'Indochine et la
guerre d'Algérie, celle du Rif est bien la première
guerre anticoloniale du XXe
siècle. En France, elle donne lieu aux premières
manifestations de solidarité
avec les peuples sous domination coloniale, organisées
par le Parti communiste,
et dont l'Humanité en ces années 1925-1926, se fait
l'écho.
Le Rif, étroite bande côtière située du nord du Maroc
méditerranéen, est, depuis 1912, sous domination
espagnole, le reste du pays
sous protectorat français.
Abdelkrim El Khattabi, né en 1882, à Ajdir dans la tribu
berbère des Beni-Ouariaghi, après des études à
l'université d'El Karaouine à
Fès, s'installe à Melila où il est successivement cadi
(juge musulman),
instituteur, interprète (arabe, français et espagnol) et
correspondant du
Télégraphe du Rif, quand il se lance en politique. Il
dénonce l'oppression
coloniale et se met à rêver à l'indépendance du Maroc.
Abdelkrim parcourt le Rif
et sensibilise les populations : " Nous devons,
disait-il, sauver notre prestige
et éviter l'esclavage à notre pays. " Homme de culture
et d'ouverture, celui qui
qualifie l'Occident de " civilisation du fer " par
opposition au Maroc rural et
sous-développé, est tout sauf un fanatique. Il a un
projet politique : faire du
Rif une république moderne, développer l'économie et
l'éducation, et la faire
reconnaître par la Société des nations (SDN). Il pense
faire accéder le Rif à
l'indépendance en bonne entente avec les Espagnols. Mais
ces derniers refusent.
La guerre devient inévitable quand les tribus berbères
du
Rif refusent l'autorité espagnole et demande à l'Espagne
de quitter le Maroc. En
1920, les Espagnols envoient une armée de 100 000 hommes
commandée par le
général Sylvestre. Le 20 juillet 1921, l'armée espagnole
subit un véritable
désastre : 3 500 soldats tués, plus de 5 000 sont faits
prisonniers, toute
l'artillerie lourde espagnole et un véritable arsenal
(fusils et munitions)
tombent entre les mains des Rifains. Sylvestre se
suicide. De victoire en
victoire, Abdelkrim repousse les Espagnols sur les
côtes. En 1922, il proclame
la République du Rif. " Le Parti communiste français
unanime félicite Abdelkrim
pour ses succès ", titre l'Humanité du 11 septembre
1924.
La France, inquiète, prend des mesures, vole au secours
de
l'Espagne, dépêche une troupe de 400 000 hommes
commandée par le maréchal
Pétain. Abdelkrim, qui a lancé son armée de 75 000
hommes contre le Maroc
français, est stoppé. Le rapport des forces est inégal.
Abdelkrim fait face à 32
divisions franco-espagnoles. Pétain mène une guerre
totale : les villages
rifains sont rasés par l'aviation et l'artillerie,
l'armée française ne fait pas
de prisonniers. C'est le début de la fin.
En France, malgré la campagne, à contre-courant, menée
par
le PCF pour arrêter " immédiatement l'effusion de sang
au Maroc ", relayée
quotidiennement par l'Humanité qui, en outre, publie des
lettres de soldats,
puis l'appel - le premier du genre à l'époque - lancé
par Henri Barbusse et
signé par une centaine d'intellectuels dont André
Breton, dans son édition du 2
juillet 1925, la guerre se poursuit. Abdelkrim est
vaincu en 1926. La République
du Rif aura vécu.
Celui dont les méthodes de guérilla ont inspiré Mao
Tsé-Toung et Hô Chi Minh, est fait prisonnier et sera
déporté à l'île de la
Réunion. Mais la guerre du Rif a un tel retentissement
que le nom d'Abdelkrim
est devenu le symbole de la décolonisation. Quand il
s'évade en 1947, il
s'installe au Caire où il est l'un des fondateurs du
Comité de libération du
Maghreb. Abdelkrim exilé - il ne retournera plus au
Maroc -, le Rif est secoué
par des révoltes en 1958-1959 qui seront écrasées par
les toutes nouvelles
Forces armées royales (FAR) commandées par le général
Oufkir. La répression sera
sanglante : 8 000 morts. Sur le tard, avant son décès en
1963, il dira de cette
période (1920-1925), avec quelque amertume : " Je suis
venu trop tôt. "
Hassane Zerrouky
L'Humanité du 27/12/2000 (article fourni par Arrifi)
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