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LE PRESIDENT LEON MBA


LE centenaire de la naissance le 9 février 1902 à Libreville de feu Léon Mba, premier président du Gabon, ne passera pas inaperçu dans l'esprit des Gabonais, au regard du cachet particulier que la famille de l'illustre défunt et les autorités gabonaises accordent à cet évènement de portée historique et de dimension nationale.
 

Le président Léon Mba aurait eu 100 ans aujourd'hui. Pour rendre hommage à cet homme et cette personnalité qui aura "marqué son temps" et surtout " l'histoire de notre pays", les manifestations du souvenir organisées en ce jour anniversaire de samedi 9 février 2002, seront un moment fort pour la nation gabonaise tout entière.
Celle-ci aura, à travers l'élan de recueillement qui se dessine à tous les niveaux de la sphère sociale, l'opportunité de se retrouver une fois encore réunis autour d'un même idéal.
 

Le centenaire qui sera célébré durant toute cette année, sera à n'en point douter, l'occasion pour l'ensemble des composantes de la société gabonaise, surtout les nouvelles générations, les amis du Gabon qui ont connu l'homme et autres communautés résidant dans notre pays, de se remémorer l'œuvre "du père de la patrie" et de "l'Indépendance de notre pays".
 

Il s'agit également au cours de cet anniversaire de rendre hommage à ce nationaliste convaincu, qui a eu une haute idée du Gabon et de son unité, décédé le 28 novembre 1967 des suites d'une maladie à l'hôpital Claude Bernard de la capitale française. Ce, après avoir conduit son pays sur la voie de l'accession à la souveraineté nationale et ouvert celle du Gabon moderne. Et après s'être engagé avec détermination tout au long de sa vie dans la défense des intérêts de ses concitoyens et du Gabon.
 

La célébration de l'anniversaire de l'illustre disparu, pétri de sagesse, devenu selon un membre de sa famille, "patrimoine national", marque manifestement l'attachement à l'histoire du Gabon, l'action d'un homme, d'un père et d'une personnalité, dont l'œuvre grandiose reste inscrite au panthéon de la nation gabonaise.
 

L'implication personnelle du président de la République, Omar Bongo, qui a demandé au gouvernement au cours du dernier conseil des ministres du mardi 05 février 2002, de constituer une Commission interministérielle pour assurer l'organisation de cet évènement, prouve à suffisance tout l'intérêt que le chef de l'Etat accorde à cette manifestation du souvenir. Ces directives témoignent également de son constant attachement à celui qui fut le premier président du Gabon.
 

A travers le programme de ce premier jour anniversaire, marqué dès 10 heures par le dépôt d'une gerbe de fleurs au Mausolée Léon Mba érigé au centre-ville de Libreville, une messe d'action de grâces en la Cathédrale Ste Marie, des animations culturelles et des conférences-débats sur l'histoire du Gabon expositions de photos qui auront lieu dès le mois prochain, les manifestations du centenaire ne manqueront pas d'interpeller la communauté nationale sur l'histoire du Gabon et --l'homme qu'était Léon Mba.
 

o Portrait
Un nationaliste pur jus
 

C'EST l'un des acteurs majeurs de la vie politique nationale du XXe siècle: militant de la première heure au sein des mouvements d'émancipation noire, partisan d'une justice pour tous, chantre du jacobinisme et donc d'un Etat unitaire au pouvoir centralisé, héraut du credo "Gabon d'abord" et, surtout, premier président du Gabon indépendant, Léon Mba se sera, toute sa vie durant, consacré à la défense des intérêts du Gabon et de sa population. Bien que son oeuvre soit quelque peu méconnue ou plutôt mal connue des jeunes générations, cet homme a incontestablement marqué l'histoire d'une empreinte indélébile.
 

Tour à tour employé au service de l'intendance militaire, aux douanes ainsi que dans l'administration coloniale, Léon Mba s'intéressa très tôt aux conditions de vie de ses compatriotes. Pétri de culture française et donc abreuvé aux sources des droits de l'Homme, de la République et de la démocratie, l'homme mit toute son énergie au service de ces idéaux. De son exil en OubanguiChari (actuelle République centrafricaine) à son accession à la présidence de la République en passant par son engagement aux côtés de la France libre durant la Seconde guerre mondiale, sa carrière politique est jalonnée de prises de position de principe. Car, bien avant que cela ne soit à la mode, il entendait se battre pour le triomphe de principes jugés intangibles.
 

OUVERTURE À LA MODERNITÉ o En effet, viscéralement attaché à "l'union", au "travail" et à la "justice" - il fit du reste de ces notions les composantes du triptyque qui allait devenir la devise du Gabon - , Léon Mba était obsédé par trois objectifs. Primo, il entendait raffermir l'unité du Gabon au moyen d'élections libres, de la promotion de cadres à la compétence éprouvée et de la vulgarisation de notre culture - il était initié à différents cultes traditionnels. Secundo, il avait à cœur de favoriser l'émergence d'une justice porteuse de... justice sociale. Tertio, il était déterminé à créer les conditions d'une libération des énergies et des intelligences. C'est donc en toute logique que ce nationaliste jacobin se refusa à collaborer, de quelque manière que ce fût, avec les pétainistes au pouvoir en France à cette époque-là, avant d'engager le pays dans une expérience démocratique sitôt que son indépendance fut proclamée.
 

Né le 9 février 1902 à Libreville, Léon Mba eut une scolarité linéaire, rapidement interrompue pour des besoins de survie. Mais, boulimique du savoir et convaincu de ce que l'instruction fournit des matériaux à l'aune desquels l'appréciation des faits politiques et sociaux se fait plus juste il suivit des cours par correspondance à l'Ecole universelle de Paris afin de parfaire sa culture. Refusant de se soumettre à un ordre qu'il jugeait injuste, l'homme décida de porter sur les fonts baptismaux le Comité mixte gabonais, qui rallia aussitôt la mouvance du Rassemblement démocratique africain créé par feu Félix Houphouet-Boigny, premier président de Côte d'Ivoire. C'était le début d'une carrière fulgurante qui allait conduire notre homme jusqu'au sommet de la pyramide sociale.
 

Homme pondéré, rationnel et pragmatique, Léon Mba abhorrait les positions maximalistes - par réalisme, il se posa en partisan de la Communauté et appela donc à voter oui au référendum du 28 septembre 1958. Ayant connu une ascension linéaire, il avait un sens élevé de l'Etat et une haute idée de la République. Ayant gardé de son exil oubanguien une propension à s'ouvrir à toutes les énergies, il milita pour un Gabon ouvert mais souverain - tout en confiant aux autochtones, les principaux postes de souveraineté, il prit le parti de maintenir quelques expatriés, vestiges de l'administration coloniale, dans son premier gouvernement. Ayant un sens aigu du rapport de forces, il ne prit jamais le risque de s'attaquer de front aux intérêts du colon préférant lui donner des gages afin de mieux le contourner.
 

C'est donc un homme de principes à l'esprit flexible qui devint Premier ministre du Gabon le 18 février 1959, avant d'en proclamer l'indépendance le 17 août 1960 en présence d'André Malraux et de légitimer son pouvoir par les urnes au terme du scrutin du 12 février,1961. Défenseur acharné de l'unité nationale, il voulait créer le terreau sur lequel allait émerger le Gabon - bien que d'ethnie Fang, il voulut faire du Tsogho la langue nationale. Acquis aux idées nouvelles, Léon Mba n'eut aucun mal à traiter avec ses pairs occidentaux et à ouvrir son pays aux influences extérieures et à la modernité - la télévision fit son entrée en 1963 alors que l'ensemble du continent n'en entendait encore parler que de la bouche de ceux qui avaient le privilège de voyager en Europe. En somme, bien que son règne fût quelque peu perturbé par la tentation de "faire de la politique au lieu de faire le pays" affichée par les acteurs politiques de l'époque, Léon Mba aura posé les jalons d'un Gabon uni, juste, travailleur, libre et démocratique, en... nationaliste pur sucré qu'il était.
Témoignages
 

Jean-Léon Menguire-Mi Mba (71 ans, 1er fils de Léon Mba) : " MES souvenirs sont plus ou moins multiples. À la maison mon père aimait nous instiguer à faire les études. Il était sévère et il nous battait. À l'époque, il travaillait comme déclarant en douanes dans une factorerie anglaise située vers l'actuel Hollando. II passait les midis là-bas, il rentrait à la maison, à Mont-Bouët à pied le soir. C'est moi qui lui apportait à manger. Mon père n'aimait pas le désordre à la maison, il lui arrivait de tout casser à table si le repas était mal préparé. Là, il pouvait aller jusqu'à battre ses femmes.
 

Son goût pour la politique a commencé par l'action syndicale. En ce sens qu'il se comportait comme un défenseur de toutes les causes des Gabonais. Par exemple, les gens qui avaient eu des contentieux avec leurs employeurs venaient le voir. Et il rédigeait des plaintes auprès de l'administrateur. Souvent la personne avait gain de cause. je me souviens que parfois il me confiait la rédaction desdites plaintes. Mais pour m'engueuler après en me disant que je ne savais pas écrire. Il aimait le contact avec les gens.
 

Mais je dois rappeler que mon père est revenu à Libreville après son séjour en Centrafrique sur la pression de sa femme. Celle-ci lui disait que compte tenu de l'état de santé et l'âge du père de Léon Mba, il fallait que son enfant vive à ses côtés, donc au Gabon. II ne voulait pas le faire, car il craignait les problèmes. Mais la pression était tellement forte qu'il a fini par céder.
 

Quand il est devenu président, il n'a pas rompu le contact avec la famille. Il s'est occupé des siens. Au niveau de son clan (Essoke), les gens ne le fréquentaient pas. Tout simplement parce qu'ils pensaient que Léon Mba garderait ses habitudes de chef de canton. Car, à ce titre il allait dans les villages et s'en prenait farouchement aux fangs de son clan qui n'aimaient pas aller à l'école et qui passaient leur temps à danser le bwiti.
 

Lorsque mon père est devenu président de la République, je n'ai pas eu de sentiment particulier. On était content. On ne savait pas très bien ce que c'était. Il était d'abord à la mairie. Il est parti au palais avec ses femmes et certains enfants. D'autres comme moi sont restés à Mont-Bouët. La chose qui a changé c'est qu'il allait maintenant en France et il nous laissait. Mais il venait de temps à autre nous rendre visite. De même qu'il avait gardé le contact avec les populations. Quand il arrivait quelque part il faisait des blagues et il distribuait de l'argent, souvent en jetant des billets.
Par rapport au coup d'État de 1964, je l'ai su en voulant téléphoner à un ami le matin. J'ai constaté que le téléphone ne marchait pas. J'ai même tenté d'appeler M. Bongo, en vain. Car son téléphone était coupé. Quelque temps après les femmes de Léon Mba son venues à la maison de Mont-Bouët et la mère Pauline m'a demandé d'aller informer son frère à Akok que son mari était arrêté et qu'il était à Baraka. Ce jour-là, je suis parti à la présidence, j'y ai trouvé des militaires et M. Amiar Ngang'Han, à l'entrée. On ne m'a pas laissé passer. Normalement, je voulais me rendre à Baraka parce que je me souciais de l'état de santé de mon père, car il faisait un régime. Mais je n'ai pas pu me rendre au camp. Durant tous ces évènements, personne ne m'a brutalisé. Quelques jours après, il est revenu à la maison. Son père lui a demandé de ne plus faire la politique, il s'est entêté. Mon père reculait rarement devant les hommes et les situations.
 

Quand il est tombé malade, il a été évacué en France et c'est sa secrétaire particulière qui l'a accompagné. Le jour de sa mort le pays était calme. Les funérailles ont été organisées, etc. et le pays a continué à vivre. Je dois aussi signaler que mon père s'entendait bien avec le sien et son frère. Il oeuvrait pour l'unité de la famille. Mais après sa mort, il y a eu des malentendus qui sont venus plus ou moins refroidir tout ce qu'il a laissé."
 

o Paulette AyoMba (10e fille de Léon Mba). "Mon père est mort quand j'avais 9 ans. Léon Mba, pour nous, c'était plutôt un grand-père. On jouait avec lui on courait dans la cour du palais, on se chamaillait. Je dormais dans son lit... Il aimait être entouré de ses enfants. En vérité, il ne nous voyait même pas comme ses enfants, mais plutôt comme ses petits-enfants. Je l'ai plus connu sur le plan affectif. Il venait me voir à Plaine-Niger où je vivais avec ma mère. Il y distribuait de l'argent. La déchirure causée par sa disparition a donc été très forte.
 

L'idée d'organiser le centenaire de la naissance de Léon Mba vient essentiellement de l'amour que sa descendance a pour lui. Nous allons donc essayer de soulever tous les Gabonais pour venir partager cet amour avec nous. Car Léon Mba fait partie du patrimoine nationale En somme, nous avons voulu réhabiliter la mémoire du président Léon Mba en tant que patriarche gabonais. Cet évènement est célébré grâce au président Bongo qui a toujours rappelé qu'i est lui aussi le fils du premier président du Gabon. C"est donc le lieu de lui exprimer notre gratitude."
 

Source : Journal l'Union du 09 & 10/02/2002

 

Source : Journal l'Union du 10/02/2002