http://www.jtdesaguliers.org/Documents/JTDesaguliers.htm#_ftn7

 

Jean Théophile Désaguliers

(1683-1744)

                                   

un personnage,                              une loge.

 

 

 

Loge Jean-T.-Désaguliers # 138 (G. R. Q.)

M\A\ F\& A\

Temple maçonnique de Montréal

2295, rue Saint-Marc

Montréal (Québec)

H3H 2G9

 

 

 

 

Ce texte a fait l’objet d’une conférence publique prononcée le 8 mai 1997 au Temple maçonnique de Montréal par le T\V\F\ Philippe A. Decelles à l’occasion de la visite officielle du Grand Maître de la Grande Loge Alpina, de Suisse.

 

 

Ont collaboré à la recherche de la documentation :

·         le V\F\ Pierre H. Lapalme,

·         le V\F\ Christian Lavoie,

·         le V\F\ Jean-Luc Neu.

 

 

Supervision de la recherche, traduction de la documentation et rédaction du texte :

·         le F\ Jacques G. Ruelland.

 

 

Date de la première édition : 15 janvier 1999. Révisé le 23 septembre 2000.

                                   

                        À mes yeux, la tolérance est la plus belle et la plus noble des vertus. Rien n’est possible sans cette disposition de l’âme. Elle est une question préalable à tout contact humain. La tolérance ne fait renoncer à aucune idée et ne fait pas pactiser avec le mal. Elle implique simplement qu’on accepte que d’autres ne pensent pas comme vous sans les haïr pour cela.

                                   

                                                                        Paul-Henri Spaak, 2e Congrès de

« Fraternité mondiale », Bruxelles, 1955.

 

 

            La Respectable Loge Jean-Théophile-Désaguliers, enregistrée sous le numéro 138 au Grand Registre de la Grande Loge du Québec, a été installée le 13 octobre 1983 et consacrée le 20 octobre 1984. Bon nombre de Francs-Maçons ignorent qui est le personnage qui a inspiré son patronyme. Ce texte retrace la vie et l’œuvre de cet homme.

 

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            Jean Théophile Désaguliers est l’un des principaux organisateurs de la Franc-Maçonnerie spéculative. Il est né le 12 mars 1683 à Aytré, une banlieue de La Rochelle, en France. Il est le fils de Jean Désaguliers, pasteur de la petite communauté protestante de son village.

 

            Les huguenots français vivent à l’époque des moments difficiles. Dès le début du XVIe siècle, La Rochelle est une ville très prospère qui profite du commerce avec l’Amérique ; elle devient, après 1535, un centre calviniste très actif. En 1571 s’y tient un important synode protestant qui adopte, à l’instigation de Théodore de Bèze (1519-1605), la Confession de La Rochelle. En 1573, Henri III, alors duc d’Anjou, assiège vainement la ville durant plus de six mois. Les protestants français forment alors un formidable groupe de pression[1], à la fois économique, politique et militaire, soutenu par les Anglais, les Allemands, les Hollandais et les Genevois, et composé non de paysans pauvres, mais de citadins appartenant au milieu de la noblesse de robe ou d’épée.

 

            Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les batailles entre catholiques et protestants deviennent de plus en plus virulentes ; le soir du 24 août 1572 a lieu le massacre de la Saint-Barthélemy : près de trente mille personnes trouvent la mort[2]. Les catholiques, regroupé dans le parti de la Sainte Ligue entre 1576 et 1584, ne cessent de harceler les protestants et les souverains jugés trop hésitants. L’année 1580 voit apparaître les premières « dragonnades » en Poitou – une invention de Marillac qui consiste à faire loger des « dragons », c’est-à-dire des soldats, chez les protestants en leur permettant toutes sortes de sévices. Alors que les dragons, que l’on appelle aussi les « missionnaires bottés », obtiennent 38 000 conversions au catholicisme en quelques mois, la menace d’un soulèvement qui atteindrait toutes les provinces se précise. Dans l’espoir de légaliser en France l’existence de l’Église réformée et d’apaiser les tensions, le roi Henri IV (1553-1610), souverain d’abord protestant, converti au catholicisme une semaine avant le massacre de la Saint-Barthélemy et reconverti au protestantisme en 1576, signe le 13 avril 1598 l’édit de Nantes.

 

            Cet édit accorde aux huguenots des concessions considérables, notamment la liberté de conscience, la liberté de culte dans les domiciles seigneuriaux, dans deux villes ou villages par baillage, dans toutes les villes où le culte réformé existe de fait, une amnistie générale pour tous les « crimes » commis dans le passé et l’octroi de 150 lieux de refuge, notamment 66 villes ou châteaux dont la garnison est entretenue par le roi, comme le sont par exemple les villes de Montauban et de La Rochelle, qui appartiennent déjà aux protestants depuis la première guerre de religion, en 1562. La Rochelle devient la plus forte des places de sûreté accordées aux huguenots par l’édit de Nantes.

 

            En fait, l’édit de Nantes est plus une constitution qu’un édit : c’est la constitution politico-religieuse d’une minorité érigée en indépendance à l’instar d’une principauté ; il crée un État dans l’État, et cette situation attise la haine des clans adverses. Le marquis de Louvois (1631-1691), ministre de la Guerre de Louis XIV, fait étendre les dragonnades à toute la France, notamment au Languedoc et au Béarn, où elles sont particulièrement cruelles. En 1627, Richelieu prend prétexte du pacte entre les Rochelais et l’Angleterre, qui vient de déclarer la guerre à la France, pour détruire la puissance protestante. Le cardinal conduit personnellement les travaux de siège qui comportent, sur la terre ferme, l’établissement d’une ligne continue de fortifications de 12 km de long et, vers le large, la construction d’une digue destinée à empêcher le ravitaillement des assiégés par la flotte anglaise. Ceux-ci, sous la conduite de l’ancien amiral Jean Guiton, maire de la ville, résistent pendant près de quinze mois, mais la famine les accule à la reddition le 28 octobre 1628. Les fortifications sont rasées et les franchises municipales supprimées ; la ville accuse alors un déclin sensible.

 

            Persuadé que les protestants sont désormais disparus du sol français, qu’ils ont tous fui, se sont convertis ou ont été massacrés, Louis XIV croit que l’édit de Nantes est devenu inutile et sans objet et qu’il peut sans danger proclamer l’unité religieuse du pays. Le 18 octobre 1685, il signe l’édit de Fontainebleau, qui révoque l’édit de Nantes. Du coup, les protestants perdent toute liberté de culte et toute garantie de sûreté. La guerre civile se ravive. Plusieurs ministres du culte doivent s’exiler en abandonnant non seulement leurs biens, mais aussi parfois leurs enfants. Quelque 400 000 huguenots se réfugient principalement en Hollande et en Prusse, où on accueille fort bien ces hommes entreprenants, commerçants et lettrés, qui viennent grossir des nations que la France a depuis longtemps pour ennemies ; d’autres rejoignent les colonies anglaises d’Amérique. Pour sa part, le pasteur Jean Désaguliers s’enfuit en Angleterre en 1683, emmenant avec lui son jeune fils, alors âgé de trois ans (ou presque), dissimulé dans un tonneau ; ils s’installent à Guernesay, où ils vivent durant neuf ans. On ne peut douter que les événements tragiques vécus par les huguenots et par la famille Désaguliers en particulier, aient eu sur le jeune Jean Théophile une profonde influence et qu’ils soient en partie responsables de la soif insatiable de paix et de fraternité, mais aussi de rigueur scientifique et d’accomplissement personnel dont il fera preuve.

 

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            En 1792, la famille Désaguliers s’installe à Londres. Le père s’intègre rapidement au clergé anglican et devient le pasteur d’une église de la Swallow Street[3], temple favori des immigrés français où James Anderson officiera à partir du 15 février 1710, alors qu’il reprendra le bail de la chapelle et assumera en même temps la charge de chapelain de la « Vieille Loge de Saint-Paul ». Jean Désaguliers ouvre également une école à Islington, fréquentée par les enfants d’autres réfugiés dont beaucoup sont des aristocrates français ; il meurt le 6 février 1699. On peut se demander comment un Français, pasteur protestant depuis 18 ans, obtient, à peine arrivé à Londres, les deux degrés d’ordination conférés par un évêque anglican, Henry Compton[4], membre de la religion d’État, dont les dogmes de base sont restés essentiellement catholiques et donc essentiellement différents de l’orthodoxie réformée. À quoi attribuer cette conversion et cette double appartenance, anglicane et calviniste, alors que l’Église anglicane persécutait les autres protestants anglais peu auparavant ? Jean Désaguliers était probablement déjà membre de l’Église anglicane avant de quitter Guernesay[5].

 

            À Londres, le jeune Jean Théophile fait ses classes et reçoit un enseignement d’une qualité telle qu’il est plus tard reçu dans la plus prestigieuse des universités anglaises, la Christ Church d’Oxford. Il y étudie sous la direction du docteur John Keill, professeur d’astronomie déjà célèbre pour ses théories de philosophie expérimentale, prémisses de la science moderne, et auteur de deux ouvrages importants[6].

 

            Entré à l’Université d’Oxford[7] le 23 octobre 1705, Jean T. Désaguliers est bachelier ès Lettres en 1709 et, le 4 juin 1710, l’évêque Compton lui confère le diaconat anglican, alors que le parti tory est porté au pouvoir. En 1712, ayant décroché une maîtrise en philosophie et lettres, il obtient le titre de « Master of Arts » et succède au docteur Keill dans sa chaire de philosophie expérimentale au Hert Hall d’Oxford. En 1713, il est installé dans le sacerdoce par Henry Compton, et devient chapelain de Henri, marquis de Cærnarvon et (à partir de 1716) duc de Chandos[8], qui lui offre la cure de Whitchurch. La même année, il épouse Jeanne, fille de William Pudsley[9], écuyer, et, un an plus tard, déménage pour s’installer à Westminster où il est le premier maître de conférence à parler de sciences. C’est l’époque où il se lie d’amitié avec Isaac Newton (1642-1727), qui devient le parrain d’un de ses deux fils.

 

            Parallèlement à ses recherches en physique, Désaguliers traduit en anglais un ouvrage de Nicolas Gauger intitulé Mécanique du feu, qui porte sur la conception des cheminées ; il intitule l’ouvrage Treatise on the Construction of Chimneys[10] et le publie en 1716[11]. D’un autre côté, l’Encyclopædia Britannica mentionne ses travaux sur la machine à vapeur : prenant la valve de sécurité inventée par le Français Denis Papin (1647-1714)[12], il l’applique à la machine de Thomas Savery (1650-1715)[13], dans laquelle il utilise un jet d’eau froide circulant dans des tuyaux placés à l’intérieur de la machine, afin de condenser la vapeur dans les chambres de déplacement et en surface[14]. En 1716, il publie des études de physique expérimentale sous le titre de Lectures of  Experimental Philosophy[15], qui seront rééditées en 1719. Le 8 décembre 1717, Jean T. Désaguliers est ordonné prêtre anglican par l’évêque d’Ely.

 

            Le 16 mars 1718, il devient docteur en droit civil de l’Université d’Oxford et se gagne les faveurs du comte de Sutherland, qui l’attache à sa suite et lui offre une résidence à Norfolk, que Désaguliers échange par la suite pour une autre à Essex[16]. En 1727, il est le chapelain de Frederick Lewis, prince de Galles, qu’il initiera à la Franc-Maçonnerie en 1737. Entre temps, atteint de la goutte et d’une forte myopie, il conserve sa résidence de Londres où il enseigne jusqu’à sa mort.

 

            Sa réputation grandissante de scientifique et la recommandation de Newton lui permettent, dès 1713[17], de devenir membre de la prestigieuse Royal Society de Londres, fondée en 1660, et dont le célèbre savant est membre depuis 1672 et président de 1703 jusqu’à sa mort, en 1727. Joseph Priestley (1733-1804), chimiste de grande réputation, théologien, éducateur et champion de la liberté, l’appellera plus tard, amicalement, « l’infatigable philosophe expérimental ». En effet, Désaguliers se livre avec Newton, dont il est l’assistant, à diverses expériences de physique, notamment celle qui consiste à laisser tomber des globes de verre depuis le sommet du dôme de la cathédrale St. Paul de Londres[18], haut de 352.4 pieds[19] – ce qui lui permet d’écrire un article intitulé “An Account of some Experiments made in the 27th. Day of April, 1719, to find how much the Resistance of the Air retards Falling Bodies[20]” publié dans les Philosophical Transactions[21] de la Royal Society ; il soutient ainsi Isaac Newton dans la rédaction des Corrigenda et des Addenda que ce dernier ajoute au Livre I de ses Philosophiæ naturalis principia mathematica[22], lesquels étaient parus en 1687.

           

            Entre 1728 et 1730, il se déplace souvent aux Pays-Bas, où ses nombreuses conférences se donnent à guichets fermés malgré le prix élevé des places, fixé à 30 shillings. En 1733, alors qu’il est de retour en Angleterre, une controverse l’oppose à Jacques Cassini (1677-1756)[23]. Les membres de la Royal Society et de l’Observatoire de Greenwich, érigé en 1675, se livrent à cette époque à une farouche compétition avec ceux de l’Académie royale des sciences de Paris, créée en 1666, et de l’Observatoire de Paris, fondé en 1667, pour la détermination exacte de la longueur et de l’emplacement des arcs de méridien, donnée éminemment utile pour la navigation[24]. Désaguliers publie ensuite divers ouvrages : en 1734, A Course of Experimental Philosophy[25] en deux volumes[26] et, en 1735, une édition des Elements of Catoptrics and Dioptrics[27] du mathématicien écossais David Gregory (1661-1708). Enfin, il signe la traduction, du latin à l’anglais, des Mathematical Elements of Natural Philosophy[28] de Gravesandes.

 

            Dans tous ces débats, Désaguliers se montre doué d’un grand talent de vulgarisateur scientifique, parlant des choses les plus complexes en termes simples et compréhensibles tant par des experts que par des profanes. Il reste bien mieux connu pour sa contribution à l’évolution des sciences que pour son œuvre de ministre du culte ; sa réputation de scientifique s’étend au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et à la France, où il est membre correspondant de la prestigieuse Académie des sciences de Paris. Son œuvre cléricale se réduit à la publication d’un seul sermon sur le repentir[29]. En tant qu’universitaire, il s’est mérité le respect et l’amitié des hommes de science et des grands de son monde et, en tant que Franc-Maçon, il s’est distingué de façon encore plus remarquable.

 

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            Lorsque l’Ordre tient son premier convent, le 24 juin 1717, dans une taverne londonienne, à l’enseigne de l’Oie et du Gril[30], il n’est composé que de quatre loges dont les membres appartiennent à la haute société et qui se réunissent régulièrement dans des tavernes aux noms chantants : À l’Oie et au Gril, dans St. Paul Churchyard[31] ; À la Couronne, dans Parker’s Lane ; À la Taverne du Pommier, dans Charles Street, à Covent Garden[32] ;  À la Taverne de la Coupe et du Raisin[33], dans Channel Row, à Westminster[34]

           

            La date de l’initiation de Désaguliers reste obscure[35], mais elle doit se situer avant la première assemblée de la Grande Loge d’Angleterre, le 24 juin 1717. Des loges existent en effet bien avant cette date : le docteur James Anderson (1684-1739) est chapelain d’une loge en Écosse en 1709, et, en 1721, chapelain de la loge Saint-Paul[36], à Londres[37], où il exerce aussi, en 1723, son ministère auprès des presbytériens. Désaguliers présente sa candidature à la grande maîtrise en 1717, mais il n’est élu à ce poste que le 24 juin 1719. Il est le troisième Grand Maître et le dernier roturier à le devenir, le premier ayant été Anthony Sayer (1717-1718) et le second, George Payne (1718-1719), qui ordonne la conservation des archives et est par la suite réélu Grand Maître (1720-1721) ; mais un incendie, allumé en 1722 par des Maçons inquiets de ce que pourraient révéler ces documents à leur sujet, ravage le patient travail de Payne[38]. C’est en fait à Désaguliers que nous devons d’avoir conservé, depuis 1723, la plupart des documents historiques de l’obédience, notamment tous les procès-verbaux des réunions. Ses intérêts et son zèle le portent à développer la Fraternité et à élever l’esprit de l’Ordre ; sous son administration, nombre d’anciens frères, qui avaient négligé leurs devoirs maçonniques, reprennent leurs travaux en loge, et plusieurs nobles sont initiés. 

 

            La fonction de Grand Maître revient par la suite à des membres de la famille royale ou de la noblesse et devient dès lors essentiellement honorifique. En 1721, John, duc de Montagu[39] (1690-1749), est élu cinquième Grand Maître ; en 1722, Philip, duc de Wharton (1698-1732)[40], lui succède dans des conditions dont la régularité a été questionnée[41]. Mais c’est désormais le Député Grand Maître (Deputy Grand Master ou « Grand Maître adjoint ») qui dirige l’Ordre, et Désaguliers est nommé à trois reprises à ce poste : en 1723, par le duc de Wharton ; la même année par le comte de Dalkeith, et en 1725 par Lord Paisley[42]. Son nom est souvent mentionné dans les procès-verbaux de la Grande Loge de 1723 à 1743. Il apparaît pour la dernière fois en Grande Loge le 8 février 1743. Il a été membre des loges suivantes : À l’Oie et au Gril, À la Vieille Corne, À l’Ours et à la Herse, The University Lodge[43], Le Temple de Salomon[44].

 

            Il consacre tous ses efforts à diriger la jeune organisation dans la voie de la tolérance et de la fraternité universelle. C’est ainsi qu’il crée la première caisse d’entraide maçonnique, le Fonds de bienfaisance de la Grande Loge d’Angleterre. L’idée de tolérance, dont la première définition se retrouve dans le Traité théologico-politique (1670) de Spinoza (1632-1677), fonde la notion d’égalité entre individus au sein d’une société pluraliste sur le plan religieux ; cette notion est élargie au domaine politique par John Locke (1632-1704) qui, dans ses Lettres sur la tolérance (1689) et surtout dans ses Traités du gouvernement civil (1690), propose la démocratie parlementaire comme moyen d’endiguer l’arbitraire du pouvoir royal en octroyant des droits aux individus, légitimant ainsi la poursuite d’intérêts individuels[45].

 

            Dès 1721, Désaguliers aide Anderson à rédiger – comme le lui a demandé le duc de Montagu – les Constitutions de la Franc-Maçonnerie, qui n’a alors que deux grades[46], le grade de Maître n’étant adopté qu’en 1725[47]. Le terme Constitutions n’est pas nouveau : c’est ainsi que les Maçons opératifs de Londres désignent les copies manuscrites de leurs Old Charges, les « Anciens Devoirs[48] » qui régissent leur métier depuis des siècles. Anderson fait une synthèse de ces Anciens Devoirs, les amalgame à d’autres données tirées de diverses traditions, notamment les « documents gothiques[49] » ; il prétend même avoir brûlé certains de ces documents, ce qui scandalise les vieilles loges mères de Londres, d’York et de Westminster, qui se réfèrent à la pensée des antiques loges de bâtisseurs. Alors que la synthèse d’Anderson aboutit aux Constitutions de 1723, la séparation entre Maçons spéculatifs et opératifs est consommée. La même année, sous l’impulsion de Désaguliers, la Bible, qualifiée de Livre de Loi Sacrée, remplace les anciennes obligations sur lesquelles les serments sont prononcés[50].

 

            Les premières Constitutions, dites Constitutions de Roberts – le nom de l’imprimeur – sont soumises aux loges le 25 mars 1722[51], mais ne sont publiées que le 17 janvier 1723 ; elles ont pour titre The Old Constitutions belonging to the Ancient and Honourable Society of Free and Accepted Masons[52] ; on les connaît maintenant sous les noms de Constitutions anglaises ou de Constitutions d’Anderson, et l’on peut dire qu’elles sont fortement marquées par la pensée de Jean T. Désaguliers[53].

 

            Un des premiers écrits controversés, en faveur de la Franc-Maçonnerie, intitulé A Detection of Dr. Plot’s Account of the Freemasons[54], lui est attribué ; mais Désaguliers en récuse la paternité, aucune preuve ne pouvant d’ailleurs être apportée en ce sens. En 1721, il prononce ce que les registres appellent « une éloquente oraison au sujet des Maçons et de la Maçonnerie », qui ne fut probablement jamais publiée, quoique Georg Kloss (1788-1844) en indique le titre dans son Catalogue of Masonic Orations[55], qui date de 1844[56]. On a toutefois de lui une sorte de rituel écrit à Londres en 1724, connu sous le nom de manuscrit Briscœ et portant le titre quelque peu étonnant de The Secret History of the Freemasonry. Being an Accidental Discovery of the Ceremonies made Us of in the Several Loges, upon the Acceptance of Free and Accepted Mason, with the Charge, Cath and Private Articles, given to Him at the Times of Its Admittance. Printed from the Original Record of the Society, with Some Observations and Critical Remarks on the New Construction Book of the Freemasons, written by James Anderson and Dedicated to the Duke of Montague. With a Short Dictionary of Private Signs or Signals[57].

                       

                        En tant que Député Grand Maître, Désaguliers contribue à la rédaction des premiers rituels. Il y introduit l’idée que les Maçons opératifs se font du travail : un acte noble, un don de Dieu, lui-même Grand Architecte de l’Univers[58], et non une malédiction[59] ou une déchéance due à la chute de l’homme[60]. Désaguliers veut donner une dimension universelle à la Franc-Maçonnerie ; il désire en outre unifier les Maçons en les rendant tous égaux en loge. C’est pourquoi il affirme dès le premier article des Constitutions, l’obligation pour le Maçon de croire en Dieu. Il refuse ainsi l’athéisme, mais, en même temps, il récuse les arguments de ceux qui prétendent déjà que la Franc-Maçonnerie aurait ourdi le dessein, avec la complicité de James Anderson, le presbytérien anti-romain, de s’opposer au catholicisme. En fait, le déisme maçonnique ne combat aucune religion révélée, et il ne correspond pas à la « religion naturelle », souvent dépourvue de surnaturel[61] ; mais il se différencie de la religion romaine par le fait qu’il n’impose aucune orthodoxie à ses membres. En laissant aux Maçons leur liberté de pensée, Désaguliers les incite à se considérer égaux entre eux, malgré leurs différentes opinions philosophiques ; en outre, en proposant au Maçon d’invoquer le Grand Architecte de l’Univers, il invite les athées à se rallier à une idée de Dieu que peuvent éventuellement accepter les plus hésitants d’entre eux : c’est là une position apologétique qui, loin de nier le christianisme, constitue une habile tactique d’approche et démontre l’universalité de la pensée de Désaguliers, qui aurait sans doute pu faire siennes ces paroles prononcées par le mahatma Gandhi (1869-1948) au début du XXe siècle : « Ma religion n’est pas une religion de prison. Elle offre une place aux plus déshéritées des créatures de Dieu. Mais elle est à l’épreuve de l’insolence, de l’orgueil de race, de religion ou de couleur. Je ne crois pas qu’il puisse y avoir sur terre une seule religion. C’est pourquoi je m’efforce de découvrir ce qu’elles ont en commun et de prêcher la tolérance mutuelle[62] ».

 

            Dès 1670, des rabbins d’origine polonaise s’étaient établis à Londres, et Désaguliers avait eu des contacts avec eux ou avec leurs successeurs pour qu’ils se joignent à l’Ordre. Inspirée de la kabbale pratique, c’est-à-dire de la magie[63], l’histoire d’un nouveau personnage, Hiram, architecte du temple de Salomon, est ainsi inscrite par Désaguliers dans le rituel d’initiation au grade de Maître Maçon. Hiram est assailli par trois mauvais compagnons qui veulent lui dérober ses secrets ; il est assassiné, enterré, retrouvé, puis ressuscité. L’interprétation symbolique de cette mort en loge, appliquée au sens moral et spirituel, alors que le candidat prend la place d’Hiram, fait définitivement sortir l’Ordre de son domaine opératif[64]. Totalement opposé à l’enseignement biblique et à l’interdiction de toucher les cadavres[65], ce rituel fort surprenant pour les Maçons du XVIIIe siècle, trouve sa justification par l’envergure de l’esprit de Désaguliers, qui désire ainsi donner à la Franc-Maçonnerie une dimension qui dépasse celle de la chrétienté. Mais il faut aussi y voir autre chose : les importants changements que Désaguliers apporte au récit de la kabbale donnent à ce rituel une profondeur qui n’a plus rien de triste ou de macabre ; désormais, pour le Maçon, la mort n’est plus une fin terrible, mais seulement un passage, et l’initiation, qui est en fait ce passage, se termine nécessairement par une régénérescence de l’individu. Ainsi, Désaguliers offre aux Maçons un message d’espoir : à force de travail et de vertu, le Maçon gagne sa propre purification.

 

            Invité en Écosse aux titres d’homme de science et d’ingénieur, il en profite pour expliquer le nouveau rituel aux membres de la Loge St. Mary’s Chapel. Il en fait la démonstration en initiant le prévôt ou lord-maire d’Édimbourg et tous les membres de son conseil. La Maçonnerie écossaise, alors opérative, semble être devenue vraiment spéculative à cette occasion. En 1731, voyageant aux Pays-Bas, il préside, dans les salons de l’ambassadeur d’Angleterre à La Haye, lord Philip Chesterfield (1694-1773), une tenue au cours de laquelle il initie François, duc de Lorraine, le futur duc de Toscane, empereur du Saint-Empire germanique et époux de Marie-Thérèse, impératrice d’Autriche. Revenu en Angleterre, il est jugé le plus apte à initier le prince de Galles, et c’est ce qu’il fait au cours d’une tenue organisée à Kew[66] en 1732. En 1734, nous le retrouvons à Paris, encore aux côtés de lord Chesterfield. Il y initie, à la loge De Bussy[67], Louis Phélipeaux, comte de Saint-Florentin et duc de Lavrillière (1705-1777). Il fonde aussi, à Paris, en 1735, la loge Louis d’Argent[68]. La Grande Loge d’Angleterre exerce alors une heureuse influence et nomme des représentants dans plusieurs pays. Des loges se créent en France, en Allemagne, en Espagne et en Amérique. Le développement de la Franc-Maçonnerie et de la Grande Loge d’Angleterre est désormais assuré.

 

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            Comme beaucoup d’hommes, Désaguliers a une double personnalité : réservé et austère en public, il se détend dans l’intimité des tenues. Au sein d’une loge, alors que les portes sont bien gardées, il se transforme, libère son esprit, devient facétieux, se joint aux chœurs et apprécie même les joyeuses libations. On dit qu’il dépense son argent sans compter – ce qui est probablement vrai, car il voyage beaucoup ; d’un autre côté, ses nombreuses charges professionnelles doivent lui rapporter d’appréciables revenus. Sa dernière présence en loge a lieu le 8 février 1742. Il meurt le 29 février 1744, âgé de 61 ans, et est enterré dans la chapelle de l’hôtel de Savoie, à Londres. Son fils, Alexander, devient, comme lui, ministre du culte. Thomas, son second fils, devient colonel et écuyer du roi George III[69].

 

            Feller, auteur de la Biographie universelle, déclare que les derniers jours de Désaguliers se passèrent dans la tristesse et la misère ; il avait perdu la raison, se déguisant parfois en arlequin ou en clown. Cawthorn, dans un poème intitulé The Vanity of Human Enjoyments[70], dit que Désaguliers était vraiment pauvre au moment de son décès :

 

            How poor, neglected Désaguliers fell!

            How he who taught the gracious kings to view

            All Boyle[71]  ennobled and all Bacon[72]  knew,

            Died in a cell, without a friend to save,

            Without a guinea, and without a grave[73].

           

            Albert G. Mackey croit que ces descriptions apocryphes de la mort de Désaguliers sont exagérées ; il signale que Nichols, l’auteur des Literary Anecdotes[74], qui connut personnellement Désaguliers, trace de lui un portrait flatteur dans le neuvième volume de son œuvre[75].

 

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            Jean Théophile Désaguliers, docteur en droit et membre de la Royal Society, de par ses connaissances, sa situation sociale, sa forte personnalité et ses contributions à l’esprit et aux structures de la Franc-Maçonnerie, a tant enrichi cette institution qu’elle a pu attirer un nombre croissant de personnes de statures intellectuelles et sociales semblables à la sienne. Sous l’influence de Désaguliers, ce même Ordre devint la Grande Loge d’Angleterre et parraina une multitude de loges dans le monde entier. Il convient de se souvenir de Jean T. Désaguliers comme du grand organisateur de la Franc-Maçonnerie moderne.

 

           

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[1] Janine Garrisson, L’Édit de Nantes et sa révocation, Paris, Seuil, 1985, p. 15. En 1685, il y a 1,2 million de protestants français, représentant environ 6 % de la population totale de la France.

[2] D. Coussirat, La Révocation de l’édit de Nantes, Montréal, Imprimerie de l’Aurore, 1885, p. 11 ; Léon Aubineau, De la révocation de l’édit de Nantes, Paris, Victor Palmé, 1879.

[3] « Rue des Hirondelles » (Collectif, « Jean-Théophile Désaguliers », in Recueil de planches à tracer publié lors du Xe anniversaire de la loge J. T. Désaguliers, Montréal, Loge Jean T. Désaguliers, 1994, p. 5).

[4] Né en 1632, Henry Compton fait ses études qu Queen’s College d’Oxford et est ordonné prêtre en 1666. Il devient évêque d’Oxford en 1674 et est nommé à Londres en 1675 peu après le début de la reconstruction de la cathédrale Saint-Paul, détruite par un incendie en 1666. Les travaux entrepris en 1675 seront achevés sous son épiscopat en 1698, à l’exception du dôme qui ne sera achevé qu’en 1710. Chapelain de la loge opérative de la cathédrale Saint-Paul de 1675 à 1710, Henry Compton était aussi un membre influent du parti tory, et cela ne sera pas sans effet sur la carrière de Jean T. Désaguliers et sur celle de son père.  

[5] Cette réflexion, ainsi que plusieurs autres détails que reprend ce texte, a été formulée le 16 juin 2000 par un F\de la R\L\Le Septentrion,  à l’Orient de Gand (Grande Loge de Belgique), dans un message électronique envoyé à une S\qui demandait, par le truchement de l’internet, des renseignements sur Désaguliers. Le message nous a ensuite été transmis. Ce F\y présentait notamment un excellent résumé de l’ouvrage de Pierre Meraux intitulé Les Constitutions d’Anderson (Monaco, Éd. du Rocher, 1995) ; il déclare notamment que « ce livre est bien fait et intéressant ; le pauvre Anderson y apparaît plutôt comme une pâle figure. »

[6] Une Introductio ad veram physicam seu lectiones physicæ habitæ in schola naturalis philosophiæ Academia Oxoniensis, traduite sous le titre de An Introduction to Natural Philosophy, or Philosophical Lectures read in the University of Oxford, « Introduction à la véritable philosophie naturelle, ou Leçons de philosophie lues à l’Université d’Oxford » (notre traduction), et une Introductio ad veram astronomiam seu lectiones astronomicæ habitæ in schola astronomiæ Academia Oxoniensis, traduite sous le titre de An Introduction to the True Astronomy, or Astronomical Lectures read in the Astronomical School of the University of Oxford, « Introduction à la véritable astronomie, ou Leçons d’astronomie lues à l’École d’astronomie de l’Université d’Oxford » (notre traduction).

[7] L’Université d’Oxford est alors de tendance tory (« conservatrice »), alors que celle de Cambridge est perçue comme whig (« libérale »).

[8] Le duc de Chandos fut Grand Maître de la Grande Loge d’Angleterre de 1754 à 1757. C’est sous sa Grande Maîtrise que se produisit le schisme des « Ancients » (Daniel Ligou, Dictionnaire de la franc-maçonnerie, Paris, Presses universitaires de France, 1987, p. 196, art. « Carnarvon ou Cærnarvon »).

[9] Ou « Pudsey », selon d’utres sources.

[10] « Traité sur la construction des cheminées » (notre traduction).

[11] Albert G. Mackey, An Encyclopædia of Freemasonry and Its Kindred Sciences, Chicago, The Masonic History Company, 1925, vol. 1, p. 207, art. “Desaguliers”.

[12] Chassé de France par la révocation de l’édit de Nantes, Denis Papin, qui a étudié à Paris avec Huygens et a déjà réalisé sa « marmite » pour laquelle il a imaginé une soupape de sûreté, se réfugie quelque temps à Londres avant de séjourner à Kessel (Allemagne), où il établit le principe d’une machine à vapeur à piston (1687). De retour à Londres (où il meurt en 1714), il réalise en 1707 un bateau à quatre roues à aubes qu’il ne réussit jamais à faire fonctionner à la vapeur. Il ne faut donc pas s’étonner que J.T. Désaguliers, passionné d’ingénierie, reprenne les travaux de ce savant. On voit ici que Désaguliers s’inscrit non seulement dans le courant scientifique de son temps, mais qu’il a aussi adopté l’idée que la technologie doit servir l’humanité tout en garantissant la sécurité de ceux qui utilisent les machines.

[13] Mécanicien anglais, Savery fit breveter en 1698 la première machine utilisant la tension de la vapeur d’eau comme force motrice, mais qui, employée pour le pompage de l’eau dans les mines de charbon, risquait d’exploser en raison des très grandes pressions ; il s’associa alors à Thomas Newcomen (1663-1729) et ils mirent au point, en 1705, la première machine atmosphérique réellement utilisable. Considérablement améliorée en 1767 par James Watt (1736-1819), cette machine allait devenir en 1769 la première machine à vapeur.

[14] Encyclopædia Britannica, Londres, William Benton, Publisher, 1970, t. 21, p. 178, art. “Steam”.

[15] « Leçons de philosophie expérimentale » (notre traduction).

[16] Finalement, Désaguliers, bien qu’il fût ministre anglican, n’a jamais étudié la théologie ! Comme quoi le droit, à l’instar de la philosophie, mène à tout… à condition d’en sortir.

[17] 1714, d’après certaines sources.

[18] I. Bernard Cohen, Introduction to Newton’s ‘Prncipia’, Cambridge, Harvard University Press, 1978, p. 285.

[19] 352.4 pieds  @ 105,72 m (1 pied @ 30 cm).

[20] « Rapport sur diverses expériences tentées le 27 avril 1719 dans le but d’évaluer dans quelle mesure la résistance de l’air retarde la chute des corps » (notre traduction).

[21] Philosophical Transactions, Londres, vol. 30 (1719), pp. 1071-1078.

[22] I. Bernard Cohen, op. cit. , p. 263. En français, le titre serait « Principes mathématiques de philosophie naturelle » (notre traduction).

[23] Fils de Jean-Dominique Cassini (1625-1712), qui fit d’importantes études sur Jupiter, Mars et Venus et découvrit deux satellites de Saturne, Jacques Cassini est considéré comme le fondateur de la cartographie topographique ; il réalisa des études sur la représentation de la surface de la Terre ; son fils, César François Cassini (1714-1784), traça la première carte de France à l’échelle 1/86 400, qui fut terminée par son propre fils, Dominique, comte de Cassini (1748-1845) et servit de modèle jusqu’au milieu du XIXe siècle, où elle fut remplacée par des cartes d’état-major. Jacques-Dominique Cassini entra à l’Académie des sciences en 1669, son fils en 1699, son petit-fils en 1735 et son arrière-petit-fils en 1770. Tous furent directeurs de l’Observatoire de Paris (Petit Robert des noms propres, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1994, p. 389, art. « Cassini »).

[24] Jean-René Roy, L’Astronomie et son histoire, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1987, p. 147.

[25] « Cours de philosophie expérimentale » (notre traduction).

[26] Dans le premier volume de cet ouvrage (p. viii), I. Bernard Cohen signale que Désaguliers soutient que John Locke, incapable de comprendre les Principia Mathematica d’Isaac Newton, avait demandé l’avis de Huygens ; celui-ci ayant répondu à Locke que le degré de vérité des propositions de Newton dépendait essentiellement de leur degré de certitude (ce qui constitue une grossière tautologie, une insulte à l’intelligence de Locke), Locke n’avait pu rédiger qu’une recension superficielle de l’ouvrage de Newton pour publication dans la Bibliothèque universelle. Toutefois, dans une autre version, antérieure à 1734, Conduitt attribue à une autre personne que Désaguliers l’origine de cette anecdote : selon cette source, Locke estima que les propositions de Newton étaient vraies dans la mesure où Huygens les considérait comme prouvées. Cet incident aurait décidé Newton à rédiger une version simplifiée de sa célèbre théorie (I. Bernard Cohen, op. cit., p. 147).

[27] « Éléments de catoptrique et de dioptrique » (notre traduction).

[28] « Éléments mathématiques de philosophie naturelle » (notre traduction).

[29] Albert G. Mackey, op. cit.

[30] The Goose and the Gridiron. Il y a aussi The Old Horne (À la Vieille Corne), The Swan and the Rumme (Au Cygne et au Grand Verre).

[31] C’est la plus ancienne des quatre. F.-T.-B. Clavel, Histoire de la Franc-Maçonnerie, Paris, Henri Veyrier, 1987, p. 97.

[32] C’est là que se tiendront, à partir de février 1717, les réunions préparatoires à la fondation de la Grande Loge, le 24 juin suivant.

[33] Le Gobelet et les Raisins, selon Clavel.

[34] Jean-Pierre Bayard, op. cit., p. 104. F.-T.-B. Clavel, op. cit., p. 96.

[35] Albert G. Mackey, op. cit., p. 207.

[36] De 1675 à 1695, le maître de cette loge fut Christopher Wren (1632-1723), astronome et architecte de l’Observatoire de Greenwich, bâti en 1646 (Jean-Pierre Bayard, Précis de Franc-Maçonnerie, Paris, Dervy, 1994, p. 109 ; Jean-René Roy, op. cit., p. 147). En 1702, Christopher Wren, accablé par la maladie, démissionne de la loge opérative Saint-Paul (F.-T.-B. Clavel, op. cit., p. 96). Dès 1703, cette loge décide que les privilèges ne seraient plus réservés aux seuls constructeurs opératifs, mais seraient étendus à tous ceux qui voudraient prendre part à ses travaux (Henri Prouteau, Littérature et Franc-Maçonnerie, Paris, Henri Veyrier, 1991, p. 13).

[37] Jean-Pierre Bayard, op. cit., p. 105.

[38] F.-T.-B. Clavel, op. cit., p. 98.

[39] Plusieurs auteurs écrivent Montague (avec un e). Nous avons adopté l’orthographe donnée par Daniel Ligou (Daniel Ligou, op. cit., p. 813, art. « Montagu »).

[40] Emmanuel Rebold, Histoire générale de la Franc-Maçonnerie, Paris, Tiquetonne, 1989, p. 130.

[41] F.-T.-B. Clavel est plus catégorique sur ce point : l’accession de Wharton à la Grande Maîtrise s’est faite au terme d’un véritable putsch destiné à destituer Montagu, qui avait été réélu (F.-T.-B. Clavel, op. cit).

[42] Selon certaines sources, il n’aurait été élu que deux fois à ce poste : en 1723 et en 1726.

[43] C’est la première loge à ne pas porter le nom de la taverne où elle se réunit.

[44] Loge d’expression française.

[45] Jacques G. Ruelland, « Le principe Tolérance », in Martin A. Entin, M.D. et Jacques G. Ruelland, Ph.D., dir., Tolérance, Montréal, Teichtner, 1996, p. 6.

[46] Jean-Pierre Bayard signale que certaines loges donnent déjà les trois premiers grades, et parfois même les sept premiers, mais Anderson n’a reçu que les deux premiers degrés (Jean-Pierre Bayard, op. cit.).

[47] Henri Prouteau soutient que l’adoption du troisième grade s’est faite entre 1725 et 1735 (Henri Prouteau, op. cit., p. 16).

[48] Les Anciens Devoirs comprennent les documents d’Édimbourg (1696), le Sloane (1700), le Dumfries (1710), le Graham (1726). Les Statuts Shaw, venus d’Écosse, sont de 1598. Deux documents sont plus importants : le manuscrit Regius, des environs de 1390 et le manuscrit Cook, entre 1400 et 1410, qui sont sans doute des copies de manuscrits antérieurs (Jean-Pierre Bayard, op. cit., p. 106).

[49] Les « documents gothiques » sont très anciens ; la plupart datent du Moyen Âge – d’où leur nom.

[50] Henri Prouteau, op. cit., p. 15.

[51] F.-T.-B. Clavel, op. cit., p. 99.

[52] « Premières constitutions de l’ancienne et honorable société de maçons francs et acceptés » (notre traduction).

[53] Cette hypothèse semble bien étayée (Mackey, op. cit., p. 207 ; Bernard Faÿ, La Franc-Maçonnerie et la révolution intellectuelle du XVIIIe siècle, cité in Alec Mellor, La Charte inconnue de la Franc-Maçonnerie chrétienne, Paris, Mame, 1965, p. 29 ; Daniel Ligou, op. cit., p. 355, art. « Désaguliers »). Henri Prouteau affirme même qu’Anderson « ne faisait que tenir la plume de Désaguliers » (Henri Prouteau, op. cit., p. 14).

[54] « Une analyse critique du rapport du docteur Plot [ou : “docteur Complot”?] sur les Francs-Maçons » (notre traduction).

[55] « Catalogue des oraisons maçonniques » (notre traduction). Albert G. Mackey, op. cit.

[56] Daniel Ligou signale que la monumentale bibliographie de Georg Kloss comprend l’analyse critique de plus de 600 ouvrages (Daniel Ligou, op. cit., p. 662, art. « Kloss »).

[57] « L’Histoire secrète des Francs-Maçons. Découverte accidentelle des cérémonies pratiquées dans plusieurs loges pour l’admission d’un Frère en tant que Maçon libre et accepté avec le devoir, le serment et les articles particuliers qu’il reçoit lors de son admission. Édité sur la base du vieux procès-verbal original de la société, avec quelques observations, réflexions et remarques critiques sur les nouvelles constitutions des Francs-Maçons rédigées par James Anderson et dédiées au duc de Montague. Avec un court dictionnaire des signes et signaux privés » (Daniel Ligou, op. cit., p. 1291).

[58] L’introduction de ce nom, Grand Architecte de l’Univers, est attribuée par Daniel Ligou à Anderson ; mais on sait que Désaguliers joua un rôle éminent dans la rédaction des Constitutions et des premiers rituels. L’usage de cette expression aurait eu pour effet d’introduire le déisme en maçonnerie, en remplacement du théisme d’allégeance catholique que professaient les maçons opératifs, renforçant ainsi l’anglicanisme qui prônait une plus grande tolérance que la religion de Rome (Daniel Ligou, op. cit., pp. 64-70, art. « Grand Architecte de l’Univers »). Mais ce raisonnement suppose une certaine malice de la part d’Anderson et de Désaguliers – une idée que récuse vigoureusement Alec Mellor (Alec Mellor, op. cit., p. 28).

[59] « C’est à force de peine que tu (...) tireras ta nourriture [du sol] tous les jours de ta vie ; il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière » (Genèse, 4:17-19).

[60] Henri Prouteau, op. cit., p. 12.

[61] Alec Mellor, op. cit., pp. 28-29.

[62] Gandhi, Tous les hommes sont frères, cité in Karl Petit, Dictionnaire des citations du monde entier, Verviers, Marabout, 1978, coll. « Marabout service » # MS-16, p. 402.

[63] Robert Ambelain, La Franc-Maçonnerie oubliée 1352-1688-1720, Paris, Laffont, 1985, pp. 119-120.

[64] Henri Prouteau, op. cit., p. 17.

[65] « Celui qui touchera un mort, le corps d’un homme qui sera mort, et qui ne se purifiera pas, souille le tabernacle de l’Éternel ; celui-là sera retranché d’Israël » (Nombres, 19:13).

[66] Albert G. Mackey, op. cit., p. 208.

[67] Daniel Ligou, op. cit., p. 1069, art. « Saint-Florentin ».

[68] Albert G. Mackey, op. cit., p. 207.

[69] Albert G. Mackey, op. cit., p. 208.

[70] « Vanité des joies humaines » (notre traduction).

[71] Il s’agit de Robert Boyle (1627-1691), physicien, chimiste et médecin anglais, membre fondateur de la Royal Society, dont il refusa la présidence en 1680 (il ne voulait pas prêter le serment d’office), célèbre par ses travaux sur la chaleur, ses diatribes contre les alchimistes et ses opinions favorables à une médecine scientifique, soumise à l’observation des faits et à l’expérimentation (Trevor I. Williams, A Biographical Dictionary of Scientists, Londres, Wiley-Interscience, 1969, pp. 74-75, art. “Boyle”).

[72] Il s’agit de sir Francis Bacon, baron de Verulam et comte de St. Albans (1561-1626), homme politique et scientifique anglais, célèbre par l’élaboration de la méthode de recherche scientifique appelée « induction » ou « méthode baconienne », fondée sur la collection de données relatives à des faits et la formulation (ou « induction ») de propositions générales basées sur la synthèse de ces données (ibid., p. 25, art. “Bacon, Francis”). La mention de ces deux noms dans un poème sur Désaguliers relève de la fantaisie poétique et non des faits : né en 1683, Désaguliers n’a pu connaître Francis Bacon, et il est peu probable qu’il ait discuté avec Robert Boyle, car il avait à peine huit ans lorsque celui-ci est décédé ; mais il est indéniable qu’il ait entendu parler des travaux de ces deux grands savants ; d’un autre côté, contrairement à ce que dit le poème, Robert Boyle n’a jamais été anobli ; au contraire: il détestait les honneurs ! Désabusé, ne croyant en aucun serment ni en aucune parole de ses congénères, c’était un misanthrope. Par contre, l’adjectif s’appliquerait fort bien à sir Francis Bacon, dont la carrière diplomatique n’est qu’une longue suite d’honneurs jusqu’en 1621, alors qu’il est trouvé coupable de corruption et emprisonné – triste fin qui a peut-être inspiré le poète lorsqu’il évoque les derniers jours de Désaguliers.

[73] « Combien pauvre et négligé Désaguliers devint! / Lui qui avait appris aux gracieux rois à voir, / Tout ce que Boyle anobli et tout ce que Bacon savaient, / Mourut dans une cellule, sans ami à sauver, / Sans une guinée, et [même] sans tombeau » (notre traduction).

[74] « Anecdotes littéraires » (notre traduction).

[75] Nichols stipule notamment que Désaguliers mourut au Bedford Coffee House et fut enterré au Savoy (Albert G. Mackey, op. cit.).