http://www.clicanoo.com/article.php?id_article=97649

Logotype Clicanoo 
Droits réservés

 

LES PERSONNAGES
Louis Brunet (24 juillet 1846 - 26 décembre 1905)
Né à Saint-Denis le 24 juillet 1846, Louis Brunet est le fils de Charles Brunet, avoué et conseiller général de l’île, neveu d’Auguste Brunet, directeur de l’Intérieur, et de Sully Brunet, avocat, représentant de la Réunion à l’Assemblée législative de 1830. Tous trois ont joué un rôle politique important dans l’île, notamment lors de l’abolition de l’esclavage. Il est aussi le père d’Auguste Brunet, qui fit aussi une grande carrière politique en France comme à la Réunion.

[1er janvier 2005]

 

Louis a fait toutes ses études classiques au lycée de Saint-Denis, puis a entrepris un stage de cléricature devant lui ouvrir l’accès au notariat pour marcher sur les traces de son père. Éclate alors la guerre de 1870. Engagé volontaire, incitant par son exemple de nombreux jeunes Créoles à s’enrôler pour défendre la patrie, il combat dans l’armée de la Loire. Il vit mal la défaite comme ses compatriotes Juliette Dodu et le capitaine Lambert, héros de Bazeilles. Cette épreuve, dont il voit sortir la France meurtrie et mutilée, le marque d’une empreinte ineffaçable, mais ses tendances d’esprit, confirmées par l’étude de l’histoire et par la réflexion, ses aspirations généreuses ont trouvé désormais une base solide et définitive sur laquelle elles s’organiseront : le relèvement de la France. Il la veut à nouveau forte et grande, et il la veut juste : grande par son expansion coloniale ; forte par l’organisation de ses frontières et l’attachement de ses protégés d’outre-mer ; juste par sa conception de l’égalité sociale, héritage des hommes de 1848. Louis Brunet suivra sans défaillance la route qu’il s’est tracée, route parfois ardue mais qui procure, dit-il : "Cette joie âpre de la lutte pour une cause qu’on sent, que l’on sait juste."

LE DÉBUT DE SON COMBAT POLITIQUE

Revenu à la Réunion, il va, à la mesure de ses moyens, réaliser ce qu’il s’est promis. Il retrouve son cabinet de notaire à Saint-Benoît avant de s’engager dans son combat politique. Il est choisi par ses concitoyens bénédictins d’abord comme conseiller général puis, en, 1882, comme maire de cette commune. Président du conseil général (1887-1888), il préconise la création d’usines coopératives de planteurs pour arriver à affranchir les agriculteurs de la dépendance et de l’accaparement. Il fait aussi campagne contre les agissements du Crédit foncier colonial : "Une société d’accaparement qui ruine les petits planteurs." Il s’applique avec méthode à favoriser, en accord avec l’administration locale qu’il stimule, la mise en œuvre des ressources du pays, à développer les moyens de communications avec l’intérieur, à assurer à la colonie une économie rationnelle. Louis Brunet donne donc l’exemple de la résistance en créant une usine sucrière subventionnée par la commune. En même temps, il poursuit son œuvre d’historien attaché à faire vivre les scènes et les événements qui ont eu Bourbon pour théâtre : “Ripaud de Montaudevert” et l’“Histoire de l’Association des Francs-Créoles” lui assurent la considération du public lettré.

La "Revue bourbonnaise", qu’il dirige, ouvre ses colonnes à toute une jeune pléiade d’écrivains, de poètes, de chroniqueurs créoles et contribue à la formation d’une élite. Journaliste, il veut cependant faire l’éducation des masses : le "Journal des communes " et "Le Ralliement" sont les instruments de propagande de ses idées, tribunes républicaines où s’affrontent quotidiennement les controverses de la liberté et où les revendications démocratiques trouvent écho.

En raison du prestige dont il jouit, il est sollicité pour être le candidat républicain de la première circonscription aux élections législatives du 20 août 1893. Il est élu au premier tour de scrutin face à Edouard Le Roy, le député sortant. Il a de nombreuses préoccupations et ses idées progressistes étonnent : création d’un ministère des Colonies, réforme du régime colonial, révision des lois constitutionnelles, abolition de la peine de mort, etc. Il prend aussi une part importante à la discussion du budget des colonies. Chargé par le gouvernement français, en 1888, d’une mission à Madagascar, il avait rapporté de ce voyage d’études un rapport du plus haut intérêt sur les conditions d’occupation de la Grande Île et le développement de l’influence française.

APOGÉE ET FIN DU COMBAT POLITIQUE

La question coloniale la plus pressante à son arrivée au Parlement étant celle de Madagascar en raison des intrigues qu’elle suscite, il monte à la tribune le 22 janvier 1894 et déclare " faire la profession de foi d’un colonial, au nom de tous ceux qui ont l’honneur d’être les députés des colonies, mais ont le légitime orgueil de croire et de dire qu’ils sont les représentants de toute la France". La Chambre décide à "l’unanimité" de faire respecter nos droits et la vie de nos nationaux : c’est le point de départ de l’expédition de 1895.

Au Parlement, Louis Brunet sera donc, l’apôtre de "la plus grande France" et un des membres du lobby de la conquête de Madagascar en 1895, Fondateur de la Ligue des droits coloniaux, il se bat aussi pour "la bienveillance généreuse" de la France pour les peuples conquis. Mais l’expansion de la France est, pour lui, liée au rayonnement de l’idée civilisatrice qu’elle représente dans le monde : "Du jour où la France s’installe à Madagascar, proclame-t-il, l’esclavage doit être aboli. Plus et mieux que la conquête par les armes, une large équité, une bienveillance généreuse doivent assurer à la France l’attachement des races confiées à sa tutelle, et le respect du monde." C’est là sa pensée la plus intime, la plus profonde. C’est elle qui inspire sa politique coloniale et qui anime cette Ligue des droits coloniaux. Réélu aux élections générales du 8 mai 1898, Brunet s’inscrivit au groupe républicain radical progressiste et entra à la commission des colonies et à la commission du commerce et de l’industrie. Comme sous la précédente législature, il participe à la discussion du budget des colonies de chaque exercice, se préoccupe tout spécialement de celui de la Réunion. Il s’intéresse en outre à la défense générale des colonies (1900) et interpelle le gouvernement sur la situation des agents du commissariat et du service de santé des troupes coloniales (1902), tandis qu’il propose, la création de ports francs et l’abolition de la peine de mort. Il retrouve son siège aux élections générales du 27 avril 1902, au premier tour de scrutin. Il s’inscrit au groupe radical-socialiste et entre à la commission de comptabilité, à celle du suffrage universel, à celle des douanes et à celle des affaires extérieures, des colonies et des protectorats, dont il devient vice-président. Toujours assidu aux discussions budgétaires, Louis Brunet s’intéresse au service militaire de deux ans lors du vote de la loi sur le recrutement de l’armée et interpelle le gouvernement à propos de la grève des compagnies subventionnées de navigation. Il demande l’organisation publique et administrative des colonies de la Réunion, de la Guyane et l’établissement de tribunaux de commerce dans les colonies. Auteur cette même année, d’une proposition de loi relative à la Haute cour nationale de justice : élection, tirage au sort, droit de récusation, il présente dans son exposé des motifs, d’après des documents inédits, un magistral historique des causes soumises à cette juridiction depuis sa fondation, qui constitue une œuvre à la fois politique, juridique et littéraire. Louis Brunet se présente avec succès au Sénat, à l’élection partielle qui eut lieu le 8 janvier 1905, pour pourvoir au remplacement de Théodore Drouhet, décédé le 18 octobre 1904. Membre du groupe radical-socialiste, Brunet entre à la commission des affaires extérieures et des protectorats, dont il devient le premier vice-président. Son mandat sera très court et il ne peut donner sa mesure à la Haute Assemblée. La mort l’emporte brutalement d’une crise d’asystolie, à Paris le 26 décembre 1905, alors qu’il n’avait que 58 ans. Il meurt épuisé par le travail, ayant comme il le voulait, "consacré toutes ses forces à son pays".

C’est son fils, Auguste, secrétaire général des Colonies qui en informera le conseil général. M. Fayard, doyen d’âge du Sénat, prononce son éloge funèbre à la séance de rentrée du 9 janvier 1906. Sa dernière pensée, déclare-t-il, est allée vers son île natale pour laquelle il a laissé les lignes les plus émouvantes, regrettant de ne pas y reposer auprès des siens et faisant un suprême appel à l’union, à la concorde, à l’oubli des divisions politiques."
 

http://www.clicanoo.com/article.php?id_article=97649