La franc-maçonnerie a été introduite au Portugal en
1727, à l'initiative de commerçants britanniques
installés à Lisbonne. En 1733 est fondé un deuxième
atelier dont les frères sont pour la plupart des
Irlandais catholiques. En 1738, conformément à la
bulle de condamnation de Clément XII, la loge est
dissoute. Puis un troisième atelier est également
fondé à Lisbonne, en 1741, par John Coustos, un
lapidaire de diamants que l'on dénonce à
l'Inquisition en 1742. Plusieurs des membres de
cette loge sont jetés en prison, torturés et
condamnés.
La franc-maçonnerie est réorganisée entre 1760 et
1770 grâce à la tolérance du marquis de Pombal. On
installe des loges à Lisbonne, Coimbra, Valence,
Elvas ou Olivença, Funchal et peut-être, par la
suite, au Cap Vert (sur l'île de Santiago), aux
Açores à San Miguel et à Porto. Après la chute de
Pombal (1777), les persécutions reprennent.
L'Inquisition et la police démantèlent pour la
deuxième fois la franc-maçonnerie. Cependant,
quelques loges recommencent à fonctionner à Coimbra,
à Lisbonne et à Porto à partir de 1793. L'Ordre
renaît grâce au débarquement à Lisbonne en 1797 d'un
corps d'expédition anglais. En 1798, on dénombre
trois loges militaires à Lisbonne, et une quatrième
acceptant des civils : toutes sont affiliées à la
Grande Loge de Londres.
Au début du XIXe siècle, le besoin d'organiser
l'Ordre se fait sentir en Hipólito José da Costa se
déplace à Londres en 1802 où il obtient la
reconnaissance du Grande Orient Lusitanien. Le juge
Sebastião José de São Paio est élu Grand Maître.
Huit loges travaillent alors à Lisbonne, ainsi que
plusieurs autres le font à Tomar, à Porto, à
Coimbra, à Setúbal, à Funchal et au Brésil.
En 1809-1810 a lieu une nouvelle grande vague de
persécutions, la troisième, qui démantèle la
franc-maçonnerie. On n'assiste à la renaissance de
l'Ordre qu'une fois les invasions napoléoniennes
terminées puis, en 1817, c'est une quatrième vague
de persécutions qui mène le Grand Maître Gomes
Freire de Andrade et plusieurs de ses compagnons à
la potence.
À l'avant-garde de tous les mouvements
progressistes, la franc-maçonnerie veut abolir
l'absolutisme. C'est d'une de ses organisations, le
Sinédrio (Sanhédrim), que jaillit la révolution
libérale triomphante de 1820. Néanmoins, pour la
cinquième fois, avec le retour de l'absolutisme en
1823, les francs-maçons sont persécutés, incarcérés
et exécutés. De 1826 a 1828, on assiste à une brève
renaissance de l'Ordre, qui ne résiste cependant pas
à de nouvelles violentes persécutions miguelistes.
Presque tous les francs-maçons se rallient à D.
Pedro IV, qui était franc-maçon et Grand Maître de
la franc-maçonnerie brésilienne.
Le triomphe définitif du libéralisme en 1834
amène les francs-maçons au pouvoir. La
franc-maçonnerie portugaise est alors dominée par le
Grand Orient Lusitanien, également appelé Grande
Orient du Portugal entre 1849 et 1859, et par ses
Grands Maîtres élus régulièrement depuis 1802. Elle
connaît alors plusieurs scissions et se partage de
1849 à 1867 entre cinq à huit obédiences différents.
En 1841, un Suprême Conseil portugais des Grands
Inspecteurs Généraux du 33º s'est également mis en
place et a autonomisé au Portugal le Rite Écossais
Ancien et Accepté (introduit en 1837). La rencontre
entre les fonctions de Grand Maître et de Souverain
Grand Commandeur devient institutionnelle en 1869,
et la franc-maçonnerie portugaise, alors unie, prend
le nom de Grand Orient Lusitanien Uni, Suprême
Conseil de la franc-maçonnerie portugaise. La
période allant de 1834 à 1926 correspond à l'apogée
de l'implantation de la franc-maçonnerie au
Portugal. Son activité est notable dans tous les
domaines de la vie de la nation. C'est à elle que
l'on doit les grandes victoires des idées
progressistes à cette époque : les abolitions de la
peine de mort et de l'esclavage, la création
d'écoles primaires et secondaires techniques, la
généralisation de l'instruction dans les colonies,
la création d'orphelinats, la lutte contre le
cléricalisme et l'amorce de la laïcisation des
écoles, la fondation d'associations en mesure
d'organiser l'instruction et l'assistance selon de
nouveaux modèles, la campagne en faveur de
l'inscription obligatoire sur les registres d'état
civil... On lui doit également la création du jury.
En 1869-1870, les francs-maçons sont prés de 500
frères, répartis en 36 ateliers et le chiffre
atteint, en 1913, avec 4341 frères répartis en 198
loges et « triangles », son apogée. En 1864, la
première loge d'adoption se met en place.
La révolution espagnole de 1868 et le caractère
irrégulier de la pratique maçonnique qu'elle
entraîne amènent des dizaines de loges de toute
l'Espagne et de ses colonies à intégrer la
franc-maçonnerie portugaise sous l'autorité du Grand
Orient Lusitanien Uni. Des loges roumaines et
bulgares font le même.
Au début du XXe siècle, la maçonnerie portugaise
peut appuyer la constitution de la carbonaria et
déclencher de façon décisive la révolution
républicaine de 1910. La politisation dont la
franc-maçonnerie est l'objet a pour conséquence de
provoquer une multiplication des initiations. Au
Parlement, la moitié ou plus de la moitié des
représentants du peuple appartiennent à l'Ordre,
ainsi que trois présidents de la République. Dans
les gouvernements, jusqu'en 1926, de nombreux
ministres sont francs-maçons. On doit aussi à
maçonnerie quelques-unes des mesures progressistes
adoptées par le régime républicain : l'obligation de
s'inscrire sur les registres d'état civil, les lois
autorisant le divorce et décidant la séparation de
l'Église e de l'État. Néanmoins, le rapprochement
entre la franc-maçonnerie et le Parti républicain
est à l'origine de dissensions au sein de ce parti
puis, en 1914, à l'instar de celui-ci, la
franc-maçonnerie se divise à son tour. Une nouvelle
obédience est constitué : elle est appelée de façon
profane Cercle luso écossais et plus d'un tiers des
francs-maçons portugais y adhèrent.
A la fin de l'année 1925, les deus obédiences
trouvent cependant un terrain d'entente et se
réunissent en mars 1926. Il est toutefois un peu
tard pour pouvoir contrecarrer les forces de droite
car, deux mois plus tard, survient le mouvement
militaire du 28 mai. La dictature est instaurée.
Bien que la franc-maçonnerie ait joui d'une totale
liberté d'action jusqu'en 1929, les attaques
s'abattent sur elle les unes après les autres. En
1929, le Grand Oriente Lusitanien subit l'assaut de
la Garde nationale républicaine et de la police,
assisté par de nombreux civils. Ce fait marque le
début d'une nouvelle et grande persécution.
Les années 1931 à 1935 sont en effet synonymes de
discrimination. En 1935, un député du nouveau
Parlement présente un projet de loi visant à
interdire les « associations secrètes ». En mai, la
franc-maçonnerie est légalement interdite. En 1937,
une section de l'organisation fasciste Legião
Portuguesa (Légion portugaise) est inaugurée au
Palais maçonnique qui est confisqué par l'État.
Néanmoins, le Grand Orient Lusitanien Uni résiste
et devient clandestin. Le Grand Maître, Norton de
Matos, démissionne. En 1937, c'est au Grand Maître
par intérim, Luís Gonçalves Rebordão, qu'appartient
la lourde tâche de porter le flambeau pendant 37
ans, jusqu'à la fin de la clandestinité. Il empêche
ainsi que la franc-maçonnerie portugaise trouve
refuge dans le seul exil. Le nombre de loges tombe
cependant à 13, puis à une demi-douzaine en 1973. La
plupart des organismes paramaçonniques disparaissent
ou perdent leur qualité maçonnique. Durant la
Seconde Guerre mondiale, le Grand Oriente Lusitanien
Uni se trouve pratiquement isolé dans la lutte.
Cependant, des négociations sont entamées avec les
francs-maçonneries britannique et nord-américaine.
En 1941, la constitution franc-maçonnique de 1926
est sur le point d'être modifiée par l'ajout d'une
déclaration de principes calquée sur les landmarks
de la Grande Loge Unie d'Angleterre. Cependant, les
obédiences anglo-saxonnes mettent en marge et
ignorent complètement la maçonnerie portugaise en
prétextant qu'elle n'était pas reconnue par le
gouvernement de ce pays.
Après que le Grand Orient Lusitanien Uni eut
survécu à la révolution du 25 avril 1974 et fut
revenu « à la lumière du jour », l'état lui restitue
le Palais maçonnique et lui paie une indemnité.
En 1984, une scission est menée par les
francs-maçonneries anglo-saxonnes dites
« régulières » : elle conduit à la constitution de
la Grande Loge du Portugal (1986). En 1990 est
fondée une nouvelle Grande Loge Régulière du
Portugal. La franc-maçonnerie « régulière » instaure
également un second Suprême Conseil. De même, on
constitue une franc-maçonnerie féminine, dépendant à
l'origine de la France, et autonome depuis 1997 sous
le nom de Grande Loge Féminine du Portugal ainsi
qu'une franc-maçonnerie du Droit Humain (1980)
intégrée dans le mouvement international
correspondant. Plusieurs loges « anglaises »
dépendant directement de la Grande Loge Unie
d'Angleterre se constituent également. (A.-H. de
Oliveira Marques, Extrait de la Grande
Encyclopédie de la Franc-Maçonerie, Pochotèque)