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La Franc-Maçonnerie
en 
Afrique

Conférence interne

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I – Franc-Maçonnerie coloniale avant 1960 : 
I-a  Son implantation.
             1-a-1 avant la III° République.
 
Les rapports de la FM française avec l’Afrique datent du XVIII° siècle. C’est en effet le 9 mai  1781 que la première loge de la Grande Loge de France s’installe à St Louis du Sénégal, sous le nom de « St Jacques des vrais amis rassemblés » devenue aussitôt « St Jacques des trois vertus ». Le contexte va se prêter à la réussite de cette implantation : les Anglais ont été repoussés de l’embouchure du fleuve Sénégal, le commerce de la gomme prend progressivement le pas sur la traite des esclaves.
 
Mais qu’en est-il de cette loge, de son Vénérable Jean Jacques Chorier et des membres  qui la composent ? Cette loge (1781 – 1787), dont le VM était marchand tapissier à Paris, s’adresse surtout à des expatriés puisés dans la petite garnison  et dans l’amorce d’administration de la ville naissante, mais aussi dans le monde du commerce lié à la compagnie du Sénégal.
 
Le prototype de la présence maçonnique en Afrique est sous nos yeux dès le départ : fonctionnaires, militaires, commerçants, aucun Africain. Il restera schéma directeur  pour de longues années ; en fait jusqu’en 1960. Longue période où il faut parler de Franc Maçonnerie en Afrique et non de Franc Maçonnerie africaine.                     
 
Ce premier essai sera suivi d’une nouvelle tentative  en 1823, sous l’égide du GODF cette fois, avec l’allumage des feux de « La Parfaite Union » sur laquelle vient se soucher dès 1824 le premier Chapitre en Afrique. Les caractéristiques relevées précédemment se confirment : le gouverneur du Sénégal, le baron Roger, des officiers, un négociant… Avec un élément supplémentaire du système : la délégation de cet orient auprès de Paris est donnée à un F. définitivement rentré en métropole. Les loges coloniales, compte tenu des distances auront la plupart du temps recours à cette délégation.
 
S’il est utile de positionner ainsi la loge sur le plan sociologique et organisationnel il n’est pas moins intéressant de se pencher sur les idées propagées par ces FF\, dont la figure de prou se trouve être le gouverneur. Protégé de l’influente Mère Supérieure de la Congrégation des Sœurs de St Joseph installée à St Louis, le baron Roger s’attache à développer son projet qui, à l’inverse de ce qui se fait sur place, favorise l’agriculture comme facteur de développement en mettant le commerce comme auxiliaire. Pour la main d’œuvre, il met en place « l’engagement  à temps » qui est en harmonie avec ses idées anti abolitionnistes. C’est également sous son impulsion que commence à être formés les premiers éléments d’une élite africaine moderne et catholique, dans trois écoles religieuses gérées par les bonnes sœurs de St Joseph.                     
 
En 1830 s’ouvre de nouveaux horizons avec l’Algérie.
 
C’est seulement fin 1831 que la première loge s’installe à Alger; il s’agit de la loge militaire du 10° régiment d’infanterie légère, loge constituée sous le nom de  « Cimus » et dont les activités sont très aléatoires.
 
Les loges initiales du GODF ne vont pas tarder d’allumer leurs feux sur la côte : mai 1833 « Bélisaire » à Alger, juin 1833 « Ismaël » à Bône, juin 1836, juin 1836 « l’Union Africaine » à Oran. Les Francs Maçons vont régulièrement progresser : ils sont 80 en 1833 pour se retrouver près de 850 en 1851, chiffre record avant la 3° république.
 
Les premières loges de la Grande Loge ne feront leur apparition que sous le second Empire et ne prendre un essor qu’après 1870 et le nombre de leurs membres ne feront qu’ajouter à l’expansion de l’ensemble de la FM en Algérie.
 
1-a-2  Sous  la III° République.
 
            Les ateliers coloniaux (que ce soient ceux de la GL ou du GO) se sont donc se multiplier, peuplés seulement de Français de passage sur une terre étrangère aux côtés des FF\ définitivement installés. Le nombre des premiers étant plus important dans les colonies d’Afrique Noire qu’en Afrique du Nord.
 
Dans ces territoires lointains, les loges constituaient des « asiles de Fraternité ». Au point que de 1901 à 1936, 94 loges ont vu le jour dans les colonies et les protectorats dont :
 
                                    54     du GO …… 40   de la GL
 
A titre d’exemple, le GO comprend :
 
                                    En 1911  47   loges coloniales
                                    En 1921  39   loges, nombre en diminution en raison de la guerre
                                    En 1933  56   loges
 
Ce qui illustre certes la plus grande progression du GO dans cette rivalité qui l’oppose à la GL dans les colonies comme en France mais surtout l’ampleur de la présence maçonnique hors métropole.
 
Une telle masse d’ateliers aboutit logiquement à la volonté de se retrouver en Congrès régionaux, que ce soit dans les rangs de la GL ou du GO. En Afrique du Nord les FF\ vont chaque année réunir des Congrès au Maroc, en Algérie et Tunisie pour préparer le Congrès des Loges d’A.F.N. où sont abordées des études sur les questions intéressant plus expressément l’A.F.N. Ces question d’ordre particulier ont trait à la religion, à l’indigénat, à la justice, à l’économie et aux citoyens Français, pour l’A.F.N.
 
Pour conforter les relations entre la métropole et les colonies, les deux obédiences désignent très tôt des délégués, sorte de missi dominici, qui ont pour fonction d’inspecter les loges et d’informer le Conseil Fédéral d’une part et le Conseil de l’Ordre d’autre part. Progressivement pour l’A.F.N. les délégués en question ne seront plus désignés par Paris mais élus lors des Congrès.
 
A Paris même il existe depuis le 20 septembre 1919 un Comité des Loges d’Outre Mer au sein du GO ; et une Commission Coloniale à partir de 1927 à la GL. Dans les deux cas il s’agit d’étudier les questions coloniales, de centraliser les vœux des loges coloniales et des pays de Protectorat. Au total le maintien du contact avec les  ateliers coloniaux devaient être réellement pris en compte.
 
Toutes ces précisions permettent de mieux appréhender le rôle et l’influence de la Franc Maçonnerie sur la politique coloniale française, pendant plus d’un tiers de siècle. La Franc Maçonnerie s’est organisée comme un véritable lobby à l’égard de l’administration française permettant une politique d’accompagnement en matière coloniale. D’autant plus que bon nombre d’hommes politiques, d’administrateurs, de hauts fonctionnaires sont membres de loges.        
 
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 I-b  Ses interrogations et ses valeurs.
 
            I-b-1  Démocratie et colonialisme.
 
La Franc Maçonnerie coloniale en Afrique s’interroge réellement sur la contradiction entre démocratie et intervention dans des territoires extérieures. Le mythe de la charge qui incombe à l’homme blanc de civiliser les autres peuples,  déjà utilisé par Kipling, est repris largement par l’ensemble des loges. Leur démonstration est rassurante pour les Franc Maçons qui affirment : « Certes, idéal démocratique que celui qui pousse un peuple éduqué à apprendre à un peuple enfant l’art de se gouverner. Idéal démocratique encore que celui qui consiste à assurer méthodiquement et pacifiquement la mise en valeur des immenses ressources éparses sur notre vaste monde et, cela, au profit de la collectivité. » … Quoiqu’il en soit  nous avons des colonies, nous commerçons avec elles, nous nous en servons, c’est un fait acquis. Les loges ne le remettent à aucun moment en cause ; elles s’interrogent plutôt sur le devenir et souhaitent que : « Puisse venir le jour où, dans toutes nos colonies, les indigènes, maîtres de leurs destinées, travaillent de pair avec leur tuteurs d’hier au progrès économique et social de leur pays ». Et dans cette perspective les Maçons affirment qu’il est d’un intérêt vital pour eux d’être instruits des choses coloniales afin d’en instruire la métropole.   
 
D’une façon globale, les FF\ d’Afrique des deux obédiences se retrouvent études après études dans les 13 points avancés par la GL en  1927. Il existe en effet dans les archives des masses de documents qui les uns après les autres, tout au long de la III° République, abordent ces thèmes:
 
1.       Aucune conquête coloniale nouvelle ne doit être entreprise.
2.       Les travaux d’organisation et des améliorations urgentes doivent être entrepris dans chaque     
                  colonie.
3.       Les concessions accordées doivent être contrôlées ou révisées.
4.       L’organisation de la vie communale avec participation des indigènes doit remplacer les
                  territoires militaires.
5.       En France, les programmes scolaires doivent donner une plus large place à l’étude des colonies.
6.       L’instruction des indigènes doit être intensifiée de façon gratuite, obligatoire, laïque dans l’Ecole        
                  Unique.
7.       La coopération entre colonisateurs et colonisés doit être développée par la création d’écoles
                  professionnelles.
8.       Que soit étendue aux colonies l’application des lois sociales métropolitaines.
9.       Que soit organisées ou étendues les institutions de crédit mutuel agricole et artisanal.
10.   Que soit étendue aux colonies, l’application des Principes des Droits de l’Homme.
11.   Que les gouvernements coloniaux donnent tout spécialement leur appui aux œuvres laïques.
12.   Que soit supprimé le code de l’Indigénat.
13.   Que le recrutement forcé ne puisse pas être exercé.
 
Années après années, avec beaucoup de constance, les FF\ coloniaux des deux obédiences vont relancer ces thèmes et faire pression pour que leurs propositions soient prises en considération en Métropole. L’action de ces FF\finalement n’a pas été sans résultat sur le terrain : des mesures ont été prises, des lois édictées. Le courant humaniste dans lequel s’inscrivaient les FM\ est devenu en la circonstance opératif.
 
            I-b-2  Humanisme.
 
Et c’est bien au nom de cet humanisme que ces FF\ s’exprimaient et défendaient leur raison d’être en Afrique. A cet égard le choix des noms des Loges est indicatif. Prenons le Maroc comme terrain d’observation, puisque son Protectorat en 1912 parachève l’Empire colonial français.
 
A Tanger réside la doyenne des loges dont l’allumage des feux en 1891 a largement précédé la mise en place du Protectorat. Son nom « La Nouvelle Volubilis » est évocateur d’un retour « impérial » économique et culturel des héritiers de la Rome antique dans un pays d’islam.
 
A Casablanca, en 1907, c’est à dire toujours avant le Protectorat « Le Phare de la Chaouia » est caractéristique du credo reposant sur une certaine mystique  dont l’ampleur et la profondeur ne sauraient être sous estimées. Pour les FF\ « La présence de la France n’apporte pas seulement les conditions du développement matériel, les techniques modernes, les moyens de lutte contre la maladie…. Elle signifie aussi la fin des vieilles oppressions … elle signifie enfin la lutte contre l’ignorance et la superstition, en assurant par l’éducation le triomphe de la Raison. » Ce nom « Le Phare de la Chaouia » symbolise dans l’esprit de ses créateurs, représentatifs de tourte une époque, les Lumières face aux Ténèbres.
 
Comme pour affirmer cet état d’esprit « civilisateur », sur la côte Atlantique du Maroc récemment ouvert à la colonisation, trois loges au nom significatif sont crées.
 
A Rabat en 1918 « Le Réveil du Maghreb » souligne à l’envie le rôle assigné depuis les débuts à la présence Française et à la Franc-Maçonnerie.
A Mazagan en 1920 « El Bridja des Doukkala », autrement dit « le fortin des Doukkala », évoque la présence d’une civilisation conquérante à l’image de la première installation européenne avec les Portugais en 1502 qui avait consisté en un fortin.
A Mogador, toujours en 1920, « La Nouvelle Tamusiga ». C’est le nom donné par les Phéniciens à une rade lors du périple d’Hanon, et placé hypothétiquement par les historiens à Mogador. Ces Phéniciens qui, aux yeux des Francs Maçons au Maroc, représentent l’antiquité source de civilisation et sur les traces desquels les Français reviennent pour sortir le Maroc de son long Moyen Âge musulman ; une sorte de Renaissance en plein XX° siècle.
 
A Oujda en 1922 la loge « Prométhée » prolonge la perspective dans laquelle les Francs-maçons se sont installés, l’exemple prométhéen étant devenu en Europe pour beaucoup la référence de la civilisation humaniste face aux civilisations soumises aux dieux.
 
A Fès en 1922 « L’Eveil Berbère » dans la capitale religieuse du Maroc complète l’expression de l’idéologie en cours. Après avoir donné, dans ses choix de dénomination de loges, les objectifs « civilisateurs », les Francs-Maçons annoncent le moyen à mettre en œuvre car le nom de cet atelier est en soi tout un programme. Il s’agit de s’appuyer directement et ouvertement sur les Berbères pour réussir l’assimilation. En effet nombreux sont ceux qui pensent que cette assimilation ne peut réussir que si les Berbères servent de lien et prennent en quelque sorte le relais de la communauté israélite sur laquelle avaient été fondés tous les espoirs une décade auparavant. Les Francs-Maçons du Maroc estiment, dans leur ensemble, que « malgré la propagande active de l’Islam le bloc berbère demeure ethniquement séparés des Arabes conquérants ». Le fameux décret berbère concrétisera cette conception quelques années plus tard.
 
            I-b-3  Assimilation ou Association.                                                
 
Réveiller et former des populations, mais pour quel devenir ?
 
D’une façon générale il y a consensus des Loges pour ne pas évoquer  l’indépendance à terme. On se partage seulement entre les avantages et inconvénients de : Assimilation ou non, Association ou non.
 
Les prises de position des FF\, de sensibilité socialiste ou radicale, le démontrent amplement, en prenant pour  exemple ce qui se passe dans la Franc-Maçonnerie au Maroc. très représentative du flou doctrinal ambiant.
 
En 1912, à l’ouverture du Protectorat,  le F. Deslinières dans son livre « Maroc socialiste » laisse entendre que « pendant longtemps il n’y aura pas à associer les Marocains à la direction de l’œuvre ... il nous suffira de respecter leur religion et leurs coutumes, de les laisser s’administrer selon les usages antérieurs en intervenant très peu dans leurs affaires ».... En 1926 le Congrès Inter Fédéral Socialiste de l’Afrique du Nord, tenu en France, adopte la résolution selon laquelle « la colonisation est légitime en soi » à condition de rechercher l’égalité sociale.
 
Plus précisément, au nom des radicaux, Albert Sarraut lance dès 1923 un programme d’autarcie, de la France et de son Empire, dont l’influence se sent dans les conclusions du Convent GODF de la même année : Les colonies sont des créations d’humanité, des conquêtes morales dont l’économie serait complémentaire de celle de la métropole. Les droits politiques seront développés avec une certaine autonomie administrative. La sagesse des colonisés les écartera d’une indépendance qui ne serait qu’impuissance. La colonisation c’est le droit du plus fort à aider le plus faible : c’est la politique d’association.
 
Au milieu de ces incertitudes où assimilation et association interfèrent grandement, la F.M. du Maroc, à l’image de l’ensemble maçonnique colonial cherche sa voie avec difficulté. Une circulaire envoyée par la loge d’Hanoï «Fraternité Tonkinoise » résume ces hésitations, dont  les FF. du Maroc analysent d’autant mieux les contradictions qu’ils les ressentent : « Sa théorie de l’émancipation a peu de conviction ; elle évolue de l’assimilation à l’association... En résumé toutes les questions ont été examinées, mais aucune de façon approfondie. C’est une question de longue haleine ».
 
Pourtant à partir de 1934  la montée du nationalisme marocain inquiète de plus en plus les Maçons, de mouvement que les Européens même les moins avertis ne peuvent plus ignorer, malgré les mesures prises par le du Résident Général Noguès pour juguler le mouvement. La société européenne consciemment ou non reste sur ses gardes et le Protectorat devient un pays sous surveillance. Les FF\ continuent, en ce qui les concerne, à porter le même intérêt « aux populations indigènes dont l’immense immensité vit dans des conditions matérielles lamentables. Malheureusement si nous sommes riches de pensées, si nous sommes généreux dans nos sentiments, nous ne légiférons pas.. C’est pour cette raison que les musulmans évolués nous accusent de ne rien faire .. Ne soyez donc pas étonnés si vous ne rencontrez sur nos colonnes qu’un petit nombre d’indigènes.. » Mais après  cette analyse pertinente, la proposition reste très prudente, focalisée sur un seul aspect du problème, au risque d’être décevante pour les Nationalistes : «  Nous devons continuer à lutter contre leur ignorance, leurs préjugés par l’école ». Ces réponses sont celles que l’on retrouve dans l’ensemble des Francs-maçons dans les colonies et protectorats de la France, à quelques variantes près.
 
I-b-4  Présence des « indigènes » sous les colonnes.                                           
 
Dans un tel flou doctrinal, un moyen d’évaluer les principes au-delà des propos est de faire le point sur la présence « d’indigènes » dans les loges. Le constat est clair : il y a peu ou pas « d’indigènes » sous les colonnes du GO et de la GL, tant en Afrique du Nord qu’en Afrique subsaharienne.
 
Pour expliquer ce constat, la première raison qui vient à l’esprit tant elle est logique est celui de la langue.
 
En effet les réunions sont ouvertes à des intervenants parlant la langue française. Il faudra donc attendre les effets de la scolarisation pour avoir des indigènes formés à cette langue et à la culture qui l’accompagne. L’évolution  sera historiquement affaire de deux générations au moins. Donc après cinquante ans de présence cet argument n’est plus recevable et le bilan objectivement recevable. Or en Algérie, après ce laps de temps les indigènes sont peu nombreux, pratiquement inconnus en Tunisie et totalement absents au Maroc. Si l’on passe en Afrique subsaharienne le bilan est aussi maigre.
 
Il faut donc prendre en compte la donnée religieuse.
 
Il faut ici ouvrir une courte parenthèse concernant la communauté juive d’A.F.N. considérée comme appartenant à l’indigénat. L’obstacle religieux ne joue pas et même une « prophétie » avait cours selon laquelle la venue des Français était prévue. De plus les juifs métropolitains incitaient leurs coreligionnaires à s’identifier avec la France. Le décret Crémieux sera la plus sûre réponse à ces aspirations. Aussi n’est-il pas étonnant de voir cette communauté frapper aux portes des temples maçonniques qui s’ouvrent lentement.
 
Pour les catholiques subsahariens, la très vive opposition du Vatican et le poids de la hiérarchie sont à prendre en compte. Pour les protestants, le même argument ne se décline évidemment pas de la même façon mais il faut admettre que la hiérarchie joue un rôle de frein puissant. Dans les deux cas l’encadrement religieux a tout le poids de l’autorité spirituelle appuyée par les autorités administratives.
 
Pour les Musulmans, il a  été avancé que la souveraineté est une sanction divine du comportement de la société à un moment donné donc  que si la communauté ou 'umma pèche elle est soumise à des catastrophes dont la plus importante est la domination politique par des Non -  Musulmans.  Par ailleurs, l'assimilation à la société des non-croyants, en l'occurrence la société française, représentait une grave faute.  C'est ainsi que le Musulman  peut, théologiquement parlant, entrer dans une société initiatique sous-tendant une possible amélioration de la révélation muhammadienne, cette dernière étant parfaite. C'est donc à un interdit théologique opposé par la religion musulmane que se trouvent confronter les Maçons. Et pourtant, la Franc-Maçonnerie va réussir à appeler l'attention de l'Emir ABD-EL-KADER sur la similitude de convictions entre les Francs-Maçons et les Musulmans et suggérer à l'Emir de faire partie de cette union pour œuvrer à la plus grande gloire de DIEU et aussi de la fraternité.
 
Une fois analyser succinctement les explications possibles à donner à la faiblesse du nombre de FF\ indigènes il est nécessaire de s’interroger sur l’attitude des Francs-Maçons eux-mêmes. Même si, une fois passée la période de formation de deux générations scolarisées, les Francs-Maçons déplorent toujours leur absence et en rejettent la responsabilité sur les indigènes.
 
Apparaît aussitôt  le positionnement européocentriste des Maçons qui attendent  des candidats qu’ils soient d’un profil parfaitement identique au leur. Cette méfiance s’exerce d’abord à l’encontre des juifs, mais aussi des Arabes musulmans et des Noirs chrétiens. Il faut voir là l’effet d’un anti cléricalisme profond.
 
C’est au X° Congrès Régional en 1903 à Tizi Ouzou que le problème est abordé pour la première fois de façon générale. Il y est dit que «  les indigènes Maçons ont une mentalité spéciale. Nous ne comptons dans nos loges que des instituteurs ou des interprètes qui, par leur contact journalier avec nous, ont dépouillé toutes les habitudes et préjugés pour devenir de véritables Français. Mais le nombre trop restreint des indigènes venus à nous ne nous permet pas d’espérer  jouer, pour le moment, un rôle important au point de vue de l’assimilation. »
 
Cette déclaration  est un aveu de l’abandon du mandat, favorable à l’assimilation, que s’étaient attribué les fondateurs des premières loges en Algérie. Il en va de même en Afrique subsaharienne où l’emporte le paternalisme à l’égard des indigènes    «  ces grands enfants » dont il faut s’occuper et qui n’ont pas le profil requis pour entrer dans les loges. Même s’ils ont le droit de vote comme au Sénégal, on ne les retrouve pas dans les loges : le député Blaise Diagne  n’a pas été pas initié par une loge du Sénégal !
 
Au total, au-delà des interventions sincères et continues des FF \ coloniaux pour l’amélioration de la condition indigène dans tous les domaines,  il y a en fait une profonde coupure entre la Maçonnerie européenne et la société indigène.
 
            I-b-5  Face au Nationalisme montant après la 2° guerre mondiale
                                                                                  
Après la seconde guerre mondiale, les loges réouvrent leur portes. Cette fois la question de l’avenir des colonies se pose avec de plus en plus d’acuité mais les Francs-Maçons restent fermement campés sur leur positions. Aux aspirations d’indépendance ils opposent leurs valeurs humanistes : paix et rassemblement des hommes, promotion de l’individu. De plus il faut bien comprendre que les FF. de Métropole, au-delà de l’émotion créée par Dien Bien Phu, ne se passionnent pas pour les colonies et l’Union Française.
 
En 1954 au GODF, le rapporteur de la commission des études politiques est navré que la question « Action de la métropole pour sauvegarder l’Union Française » n’ait guère soulever d’enthousiasme dans les loges de province. Et au moment du vote un délégué va refuser de voter pour protester « contre l’absence de nombreux FF. qui ont couvert le temple sans assister à la discussion ». Il faut dire qu’à cet instant seuls 80 votants sont dans la salle.
 
Lors du convent de la GL, cette même année 1954, un F\ pense que « il serait peut-être bon que les loges de province soient tenues au courant des renseignements les plus intéressants qui peuvent parvenir à la commission des loges d’outre mer ». Auquel F\ le GM répond « Puisque vous parlez de l’Afrique du Nord vous devez savoir que les renseignements sont bien souvent contradictoires… ».
 
Ce qui n’est pas pour surprendre car au moment des indépendances la contradiction - entre l’amélioration des conditions générales, la formation d’élites locales, l’imprégnation des esprits par nos valeurs républicaines d’une part  et d’autre part la volonté des populations d’accéder à leur émancipation – jette le trouble dans l’ensemble des ateliers. Les FF\ d’Algérie balancent entre le « Algérie française » et « statut spécial » alors que dans les autres colonies et protectorats les nuances vont du « statut d’association » pour les uns, au « C’est trop tôt » pour les autres, et à «L’indépendance est un droit » pour un tout petit nombre. La Franc-Maçonnerie coloniale constituée essentiellement d’Européens est prise de cours par le mouvement des indépendances, expression des aspirations « indigènes ». De plus, seules les loges des colonies se passionnent pour des problèmes vécus au quotidien par les FF\ Et ces loges restent attachées dans leur généralité à des solutions permettant une charte d’Union Fédérale…. L’indépendance n’est pas à l’ordre du jour !
 
De plus, leur implication dans la colonisation, leur attachement à l'idée d'une France exportatrice des principes républicains, la pression des loges d'Outre mer, sont autant de facteurs les conduisant à refuser la légitimité des idéaux nationalistes.  Les francs-maçons acceptent le fait colonial, non pas dans sa légitimité définitive, mais comme une nécessité provisoire liée aux impératifs du progrès humain.
 
D'autre part, s'ils ont une conception de l'U.F. finalement très ambitieuse, les solutions proposées pour chaque territoire le sont beaucoup moins.  On a le sentiment que les francs-maçons ne sentent la nécessité de mettre en place des réformes qu'à partir du moment où il y a une exigence pressante.  Ainsi la hardiesse des propositions est souvent fonction de la force des mouvements de revendication.  De ce fait, les francs-maçons, sont sans cesse en retard sur l'évènement.  Ils sont, comme beaucoup, surpris par l'ampleur du phénomène.  Enfin, ils ont une vision très hexagonale des problèmes, qu'ils refusent de replacer dans un contexte plus large, s'obstinant à ne voir dans les troubles qui naissent peu à peu dans les colonies que les conséquences d'une mauvaise politique et l'influence néfaste des puissances étrangères.
 
Cette vision hexagonale s'explique par leur idéalisation de la République française, qui se confond avec des valeurs universelles de progrès et de justice, celle-ci ayant pour mission de "civiliser" et "éduquer" les autres : de montrer le chemin !
 
Cependant, les francs-maçons n'ont pas une attitude figée dans le sens où ils ont une vision évolutive de la situation, où ils prennent conscience rapidement de la nécessité de changements profonds, impliquant un nouveau type de rapports entre la France et ses colonies. Leur réflexion sur l'Union Française dès 1952, en témoigne.   
 
En 1958 tout change brusquement. On a le sentiment que plus que l’affaire algérienne en elle-même, c’est le choc du 13 mai qui contribue  à la volonté de défendre la République et ses valeurs dans le cadre non plus d’une Algérie Française mais d’une Algérie algérienne en association avec la France.
 
Les francs-maçons algériens se rallient, dès 1959,. à la politique d'autodétermination de De Gaulle, condamnant énergiquement l'intégration.  Selon une enquête dans le journal "Le Monde" du 7 juin 1960, le Grand Orient d'Alger serait un véritable centre de "libéraux".  D'ailleurs, de nombreux francs-maçons sont victimes de l'O.A.S. Ainsi, il n'y a pas au sein du Grand Orient un phénomène de radicalisation.  La cohésion du groupe, malgré de vives tensions, est préservée autour de la  dénonciation des "ultras.
 
Mais surtout, les problèmes de décolonisation se trouvent posés autrement pour les Francs-Maçons. En effet, les Francs-Maçons se posent la même question que l’Eglise catholique : c’est de maintenir son influence au moment où la France est mise dehors. Pour cela il lui semble nécessaire d’avoir comme interlocuteurs des Africains
 
L'acceptation par les francs-maçons du G.O. d'un vaste mouvement de décolonisation en 1958, se traduit, trois ans plus tard, par la reconnaissance de l'émergence d'une nouvelle donne sur la scène internationale : les pays du tiers-monde.
 
            I-b-6  en présence des Indépendances.                  
 
            La question mise à l'étude des loges pendant l'année 1960-1961, "Rechercher les moyens qui pourraient, par un rapprochement fraternel des individus, améliorer les rapports entre les peuples et éviter que l'aide aux pays sous-développés n'aboutisse à une force nouvelle de colonisation et de vassalisation (1).  Dans leur conclusion, les francs-maçons préconisent une aide multilatérale contrôlée par un organisme international, afin d'éviter toute subordination des pays aidés.
 
          Leur souci de combattre toute forme de néo-colonialisme traduit un changement d'état d'esprit considérable. 1960, année des indépendances, marque un tournant dans l’histoire de l’obédience, le Grand  Orient de France, lors de son convent décide d’étudier et d’encourager  la création des obédiences locales.
 
En 1962 paraît une circulaire du GODF avec le rapport du F.  Mitterand. Celui-ci vient lever le doute sur la volonté du GODF de voir enfin créer ces maçonneries locales qu’il aurait « souhaité voir s’établir plus tôt » Le Convent de 1962 en témoigne : "il ne faut plus, selon le rapporteur de la commission des loges hors métropole, penser en termes étroits d'hexagone métropolitain mais en fonction du rôle que peuvent et doivent jouer sur la scène internationale les pays du tiers-monde.  Et la franc-maçonnerie, par son esprit, par ses principes, doit être partout présente Outre-mer".
 
 En 1963, dès l'ouverture des travaux, la commission unanime forme le vœu de substituer à l'expression "loges hors métropole", l'appellation "loge de l'extérieur".  Ceci afin de recouvrir l'ensemble des ateliers hors de l'hexagone, tout en abandonnant le terme de "métropole", "qu'une décolonisation générale et profonde doit enterrer définitivement". (3).
 
Cette appréhension des rapports de force mondiaux, va se traduire pour le G.O., par la mise en place d'une nouvelle stratégie.  Le convent de 1962, s'interroge sur les moyens de se maintenir dans les anciennes colonies françaises devenues indépendantes.  Deux problèmes majeurs sont posés : celui des obédiences nationales et d'autre part celui des rapports entre la Franc-Maçonnerie et les nouveaux pouvoirs.
 
Le Convent se déclare, en ce qui concerne le premier point, favorable à la création d'obédience nationale, avec une restriction cependant celles-ci ne pourront voir le jour sans l'accord des loges du G.O. Ainsi, les francs-maçons d'Outre mer continuent de jouer leur rôle d'éducateur auprès des autochtones.
 
En ce qui concerne leur attitude vis à vis des pouvoirs en place, celle-ci doit être conforme aux principes de stricte neutralité : la Franc-Maçonnerie ne doit pas apparaître comme une organisation chargée de déstabiliser le pouvoir.
 
Pour les francs-maçons, la décolonisation, bien qu'ayant menacé leur présence dans les territoires d'Outre mer, n'a jamais véritablement ébranlé leurs institutions.  Au contraire, en fin de compte, elle leur ouvre de nouvelles perspectives d'avenir.
 
En effet, sans avoir à proprement parler une attitude opportuniste, les francs-maçons essaient, sans vouloir éluder les tenants et les aboutissements du problème, de jouer néanmoins sur le tableau qui leur permettra de sauver leurs intérêts.  
 
Dans cet esprit, le GODF a transmis un questionnaire aux loges d’outre mer, les interrogeant sur les rapports qu’elles entretiennent avec leur pays d’accueil. Ce questionnaire vise tout particulièrement à évaluer le nombre d’autochtones initiés. Le résultat navre le rapporteur au convent qui découvre qu’il y en a peu.
 
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II – Franc-Maçonnerie Africaine après 1960 :
           
Les indépendances reconnues, deux schémas majeurs vont prévaloir dans l’évolution de la Franc-Maçonnerie en Afrique :
 
-         En A.F.N. les loges du GO et de la GL vont s’éliminer de façons différentes, mais sans laisser d’héritage  repris par les bourgeoisies locales.
 
-         en Afrique sub-saharienne les loges vont se maintenir sous des formes diverses et voir venir s’implanter des obédiences diverses.
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II-a  en Afrique du Nord
 
            1I-a-1  en Tunisie.
 
En Tunisie, les loges en place vont s’étioler assez rapidement et laisser place à la réapparition sporadique de triangles reconstitués par des coopérants de passage. Mais aucun relais ne se fait jour venant de la bourgeoisie locale.
            1I-a-2  en Algérie.
 
En Algérie la rupture est brutale : les FF\ massivement se replient, souvent dans les pires conditions, vers la Métropole. Les temples deviennent biens vacants, la Maçonnerie a vécu et tous les essais de relance ont les uns après les autres échoué.
 
            1I-a-3  au Maroc
 
Au Maroc, ce mouvement de repliement sur soi s’opère progressivement depuis Oujda, en passant par Fez pour se regrouper dans un premier temps à Rabat, Casablanca, Marrakech et travailler régulièrement,  bien que non reconnues par les autorités marocaines, jusqu’en 1979 où prenant acte de l’existence d’une obédience marocaine les FF\ du GO décident de ne plus être représentés au Convent. L’obédience marocaine en question « la Grande Loge du Maroc » n’est pas un prolongement des obédiences françaises mais une réalisation de « Alpina ». Aux yeux des Marocains un parrainage Suisse était préférable à celui d’une obédience française. Constituée d’une majorité de musulmans, d’israélites et d’Européens l’obédience, forte de ses quatre loges, mènera en langue françaises des travaux intéressants jusqu’en 1985 où d’elle-même, sans intervention du Roi comme on aurait tendance à le penser, elle fermera ses portes. Par contre la poussée islamiste que connaît le pays, même canalisé par le pouvoir, inquiète les FF\ qui préfèrent se disperser plutôt que d’être tracassés pour raison de judéo-maçonnisme. Malgré leur prudence qui était allée jusqu’à ne pas allumer les feux de leur  chapitre en raison d’un rituel jugé trop marqué.
 
Le bilan est donc à ce jour négatif en ce qui concerne les trois pays musulmans d’Afrique du Nord. Cependant la tentative marocaine laisse place à l’hypothèse que l’islam n’est pas en lui-même un obstacle insurmontable mais que par contre la pression intégriste ou fondamentaliste est apte à  totalement dissuader.
 
            En Afrique sub-Saharienne les loges du GODF vont voir leur composition interne s’africaniser plus ou moins rapidement et par ailleurs adopter deux types de structures : les unes vont rester attachées à l’obédience jusqu’à nos jours, les autres vont servir de tremplin à des obédiences nationales.
 
 
 
            II-b    En Afrique sub-Saharienne :
 
            Dans la zone sub-Saharienne les indépendances en 1960 vont surprendre des loges où les Européens sont entre eux. Le choix possible en cet instant propose trois grandes options :
 
1/  La disparition en raison des conditions politiques locales.
2/  Le maintien des structures en place en acceptant progressivement des Africains.
3/  La reconversion en obédiences nationales.
 
II-b-1  La disparition  liée aux conditions politiques
 
----------Le Congo Kinshasa, durant la I° République (1960-1965) a de tels problèmes à régler (rebellions et sécessions) que l’interdiction décidée en 1945, notamment en raison de l’influence considérable exercée par l’église catholique auprès du Gouvernement Général de la colonie, est maintenue.
 
----------La Guinée, le Mali et le Bénin vont découvrir pour leur part cette interdiction au moment des indépendances. En effet l’avènement des régimes marxistes ou marxisants – en Guinée sous Sékou Touré, au Mali sous Modibo Keita entraînera aussi l’interdiction, de la F\M\ dans ces pays. Tout comme au  Bénin, à peine mise en place en 1962 à Porto-Novo sous le nom « « Unité n°784», la loge de la GLDF suspend ses travaux  essentiellement par crainte des réactions du président Mathieu Kérékou.
Fily Dabo Cissoko et Hammadou Dicko au Mali, Barry Diawandou et Barry III en Guinée, FF\MM\ et opposants aux régimes en place, furent arrêtés et moururent en détention..
 
---------Au Congo Brazzaville, l’atelier du  GODF « l’Aurore du Congo », composé depuis 1906 uniquement d’Européens, est dans l’expectative quand l’indépendance arrive. D’autant plus que cette loge très engagée dans la lutte anti cléricale tout au long de son existence, se retrouve avec comme interlocuteur, Président de la République, l’abbé Fulbert Youlou. Mais quand celui-ci est renversé en 1963 la situation devient encore plus délicate avec son successeur Massambat Debatet et son jeune premier ministre Lissouba. Au point que losque les tensions dans la rue s’intensifie sous l’emprise de la « Jeunesse du Mouvement National de la Révolution », la loge se met en sommeil (1966).
 
---------La Côte d’Ivoire, pourtant non marxisante, va faire traverser la même épreuve à la  Franc-Maçonnerie. En 1961, G\O \et G\L\ accordent leur patente à la « Grande Loge de Côte d’Ivoire », fusion de ‘’Frat’Af’’ et de deux At\ de la G\L\. Son existence est aussi éphémère que tumultueuse puisque sa dissolution interviendra : en 1963 le président Félix Houphouët-Boigny imagine une série de complots qui lui fournissent l'occasion d'éliminer de la scène politique les dirigeants de l'aile gauche du Parti démocratique de la Côte-d'Ivoire - parti unique à l'époque - soupçonnés de sympathies communistes. Plusieurs des accusés de ces complots sont francs-maçons, la plupart du Grand Orient, notamment Jean-Baptiste Mockey, Jean Konan Banny, Amadou Thiam et Ernest Boka. Ils sont humiliés, battus, torturés, parfois en présence du président lui-même, à Yamoussoukro. Ernest Boka meurt en détention. La franc-maçonnerie est interdite. ( En 1971, le président ivoirien lui-même a reconnu solennellement en public que les complots de 1963 n'étaient qu'une affabulation, dont il accusa un obscur commissaire de police, et les accusés furent réhabilités. Certains furent même nommés à nouveaux ministres, comme Jean-Baptiste Mockey).
 
II-b-2  Le maintien des structures en place en acceptant progressivement des Africains.
 
                 Concerne le Sénégal, le Togo, le Cameroun dans des conditions différentes qui imposent aux moins avertis des observateurs le principe fondamental qu’ il n’y a pas une Afrique mais des Afriques, même en matière de Franc-Maçonnerie.
 
---------Au Sénégal, le GODF est resté à la demande des FF. qui pour les uns ont vu dans le statu quo une garantie face aux pressions extérieures et pour les autres la prise en compte en 1973 d’une suggestion de ce même pouvoir qui préférait conserver dans le pays un  pôle laïque.
 
Dans ces structures maintenues, le contexte local explique certainement la lente montée de FF. Africains. Parmi ces causes il ne faut donc pas voir à l’époque de Senghor une opposition du pouvoir quand on sait que Senghor, catholique pratiquant, a, en première noce, été marié à l’une de nos SS\, fille de notre F\ Félix Eboué. De plus étudiant à Paris, il y avait noué  des rapports solides avec le F\Blaise Diagne dont les parents au demeurant avaient été, à Gorée, au service de sa famille. Il connaissait donc la Maç\ libérale, l’appréciait et s’entourait de FF\ D’ailleurs il est bon de rappeler  l’accueil réservé au GM Fred Zeller en 1972 avec un protocole dévolu à un chef d’Etat.
 
Cette extériorisation de 1972 suscite bien des vocations. Soudain les demandes affluent, les enquêtes s’accumulent et le cycle des augmentations de salaires peut s’amorcer… En 1976, ayant doublé ses effectifs, la loge « Etoile Occidentale » essaime sous l’impulsion de  FF. qui allument les feux d’un second atelier à Dakar au nom de  « Blaise Diagne », puis en 1984 la loge « Abd el Kader » à l’orient de Rufisque. Les noms choisis sont révélateurs d’une évolution sociologique interne et d’un souci de recentrer ces ateliers dans une vision plus Sénégalaise.
 
Cet essor des loges bleues permet de constituer un atelier de Perfection, de relancer le Chapitre exsangue, de le compléter rapidement d’un Conseil Philosophique dont les FF. les plus chevronnés accèdent enfin au Consistoire « Afrique démocratique » siégeant à Lomé et couvrant l’ensemble des ateliers de l’Afrique.
 
En réaction sans doute à cette extériorisation, même prudente, et à cette réussite nouvelle auprès des Sénégalais, la Franc-maçonnerie devient la cible de l’intégrisme musulman. La prudence et la discrétion redoublée et les principes de laïcité garantis par les pouvoirs publics ont eu finalement raison de ces attaques. Sans que la condamnation morale de la Franc-Maçonnerie ne soit pour autant levée, en sachant que l’église catholique s’y met également si l’on en juge par les déclarations de Mgr Hyacinthe  Thiadoum ces derniers mois.
 
Aujourd’hui l’ensemble GODF / GCR au Sénégal, retrouve une progression plus lente même si des profanes continuent à venir frapper à la porte du Temple.
 
---------Au Togo, le GODF s’est également maintenu à la demande des FF. Africains. Mais ici essentiellement par crainte d’un pouvoir dictatorial dangereux à plus d’un titre. Les mêmes raisons ont les mêmes effets encore aujourd’hui puisque Eyadema est toujours là.
 
La configuration de l’allumage des feux de « La Fraternité du Bénin » est particulière dans la mesure où cet allumage se fait, en 1953, à une époque où les luttes pour l’indépendance du pays prennent de l’acuité. Les FF. Togolais qui se lancent dans cette aventure le font pour rassembler ce qui est épars et ramener un climat de tolérance dans l’intelligentsia togolaise partagée en courants politiques durement opposés les uns aux autres. Autre particularité : les trois FF. togolais concernés ( Kponton, Kpodar, Akpokli) bien que de la GLNF optent pour le GODF parce que, déclarent-ils : « nous trouvions que le GODF n’imposant aucun livre sacré, faisait montre de plus de tolérance » donc présentait le terrain le plus apte à rassembler les Togolais de bonne volonté qui s’ignoraient et s’affrontaient.
 
Le succès auprès de l’élite Togolaise est au rendez-vous au point qu’en  janvier 1972 un second atelier du GODF voit le jour sous le nom de « Tolérance et Fraternité » dont les critères de recrutements reposent également sur une recherche de la qualité. Malgré la sévérité dans leur sélection lors de l’admission de nouveaux impétrants, les FF. doivent admettre en 1993 la nécessité d’ouvrir un troisième atelier « Les Fidèles du Serment ».
 
Ce succès n’est pas sans conséquence. L’hostilité du clergé s’accroît et l’église se lance dans des campagnes de dénigrements et de menaces. Des lettres pastorales présentent la Franc-Maçonnerie comme une assemblée du Diable en brandissant l’excommunication à l’encontre des chrétiens qui deviendraient Franc-Maçon.
 
Ce secteur de tensions n’est pas le seul. Les conditions générales entraînent des turbulences politiques où les loges sont régulièrement rangées parmi les forces obscures et séditieuses. Ainsi par deux fois le temple a été l’objet de visites domiciliaires :
 
En 1961, une descente des forces de sécurité a lieu alors que les FF. sont en pleins travaux, d’où un demi - sommeil jusqu’en 1963.
 
En 1986, une seconde alerte survient quand les évènements du 23 septembre 1986 livre Lomé à des affrontements très durs. Un couvre-feu s’ensuit pendant quelques mois.
 
Cette insécurité, que l’histoire des années 90 perpétue, est surmontée grâce à la qualité des FF. en place. Leur constance et leur volonté de rassembler ce qui est épars est exemplaire même aux yeux des FF. des autres obédiences en place : GLDF , GLNF, GLFF, DH, Memphis Misraïm sans compter les ateliers dépendant de la GL d’Angleterre, de la GL d’Ecosse, de la GL d’Irlande, de la GL d’Allemagne.
 
Il n’est donc pas étonnant de constater que le GCR anime à Lomé un Atelier de Perfection très étoffé de même que le Chapitre, le Conseil Philosophique et qu’il y ait installé son Consistoire pour toute l’Afrique. Marquant au demeurant sa volonté de renforcer la présence maçonnique dans un pays où le pouvoir politique n’a rien de démocratique.
 
----------Au Cameroun. Le maintien du GODF le met en présence d’une Obédience Nationale : le   
                                               GOLUC.
 
C'est en 1933 que la première Loge reçoit patente du Grand Orient de France (GODF).  Elle est fondée à Douala sous le titre distinctif : "Lumière du Cameroun ".
 
Le   22 Mars 1958, sous la patente de GODF une seconde Loge " Vérité et Persévérance "  voit le jour à l'Orient de  Yaoundé. Enfin. Les frères membres de cette Loge sont d'horizons divers et variés, ils sont surtout français, grecs, arméniens, catholiques, coptes, protestants initiés au GO et à la G.L. Le cosmopolitisme est le caractère  dominant de cette période : en 1960 il y a 29 membres de six nationalités dont deux camerounais seulement.
      
       1960, année des indépendances, marque un tournant dans l’histoire maçonnique du Cameroun, le Grand  Orient de France ayant décidé lors de son convent d’encourager  la création des obédiences locales. Cette information parvient aux FF. du GODF au Cameroun. En novembre de la même année ce principe de la création d’une obédience nationale est adopté au sein de « la Lumière du Cameroun » à Douala à une très forte majorité. Un projet de constitution établi a Douala est envoyé à Yaoundé pour étude ; mais tous les esprits ne sont pas prêts et le doute s’installe : « Indépendance, obédience nationale » sont des concepts qui provoquent  beaucoup d'interrogations et de remous dans le monde maçonnique local. Certains Frères hésitent à franchir le pas et finalement, quoique l’obédience nationale se réalise, les loges du GODF se maintiennent. Les relations entre ces loges et le GOLUC va devenir une préoccupation première et permanente pour les FF.  sur place.
 
       En effet en 1962 forte de la circulaire du GODF et du rapport du F. Mitterand, la loge « La Lumière du Cameroun »   reprend son projet de constitution, l’envoie de nouveau à Yaoundé pour étude et décide de convoquer le convent de tous les francs-maçons du Sud - Cameroun à Douala pour décider de la création d'une obédience nationale. Ce convent régional décide, à l'unanimité des membres présents ou représentés, la création de l'obédience et l'adoption de la constitution proposée.  Les Vénérables Maîtres Niarchos et Chebroux parlant chacun au nom de sa Loge, " Lumière du Cameroun " (GODF) et « Sincérité Africaine " (GLDF) apportent l'adhésion de ces dernières.  La Respectable Loge . « Vérité et Persévérance » à l'Orient de Yaoundé refuse de se joindre au mouvement. Finalement l’obédience Nationale « Les GOLUC » est créée au cours du convent national réuni à Yaoundé le 22 Mars 1962, cette obédience est aussitôt reconnue par le Grand Orient de France et plus tard par la Grande Loge de France.
 
       Dés lors le GODF se trouve face à une contradiction à gérer : Paris pousse aux obédiences nationales tandis que sur place des FF. maintiennent la structure de leurs loges face à l’obédience nationale des GOLUC.
 
       Le Convent du GODF en 1976 pense trancher le débat par le vote d’une convention, régissant les relations avec le GOLUC. Au contraire une période de relations tendues s’ouvre car l’article 18 de cette convention interdit désormais toute initiation par les loges du GODF ; dispositions que les loges récusent car elles ne veulent toujours  pas disparaître, même progressivement. Cette résistance mène à un nouvel accord GODF / GOLUC du 26 novembre 1979 qui met un terme à l’article 18 et prévoit de reprendre les termes de cette nouvelle convention chaque année.
 
       Et depuis lors les relations entre le GODF et le GOLUC ont pour objet une discussion chaque fois reprise autour de cette convention plus ou moins appréciée des uns et des autres et surtout de l’article 18.
    
                        II-b-3  La montée en puissance de nouvelles obédiences.
 
            Ce maintien direct du GODF  ( que la GLDF a fait sien également au Congo, Sénégal et Togo) s’appuie sur une large présence de FF. Africains sous les colonnes quand elle n’est pas quasi totale. Cet intérêt pour la Franc-Maçonnerie explique la montée en puissance d’autres obédiences.
 
---------Le DH, International de par ses statuts, possède  son siège à Paris mais comprend des Fédérations nationales, des juridictions et des loges pionnières sur tous les continents et en particulier en Afrique : Burundi, Rwanda, Afrique du Sud, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali, Tchad, Sénégal, Togo.
 
---------La GLFF est apparue au fil des années au Bénin, au Cameroun, au Congo, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Togo. Des triangles souchés sur la loge « La Rose des Vents » à l’Orient de Paris ont été installés et progressivement ces triangles initiaux sont devenus des loges : « Fleur des Temps n°115 » à Lomé, « Fako- Triangle de Lumière n°179 » à Douala, « Rose d’Harmonie n°237 » à Abidjan, « Torche de l’Equateur n° 267 » à Okoumé, « Tanawa n° 318 » à Brazzaville, « Phare des Amazones n° 338 » à Cotonou.
 
Que ce soit au DH ou à la GLDF la présence sous les colonnes de ces sœurs, dont le nombre est en augmentation, témoigne des progrès de la présence féminine dans la société civile africaine. Avocates, médecins, pharmaciennes, journalistes, ces sœurs révèlent en général de fortes personnalités.
 
----------Il n’est pas jusqu’à Memphis Misraïm qui depuis peu se positionne en force avec une Fédération autonome, la GLYSMA, laquelle  regroupe des loges au Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Togo.
           
----------Mais c’est la GLNF qui opère la montée en puissance la plus marquée en Afrique ces dernières années. Tout commence au Maroc, en 1953, quand dans le cadre des accords franco-américains, des centaines d'américains arrivent, parmi lesquels de nombreux maçons désireux de poursuivre la pratique de la maçonnerie. Le commandant de la base Nouasseur, maçon lui-même, offre aux frères une tente pour leurs réunions. Puis trois autres Loges sont créées, une sur la base navale de Port Lyautey, les autres sur les bases aériennes de Sidi Slimane et de Ben Guerir. Dans la foulée, la Grande Loge de District du Maroc est créée en 1957, et le F\ André Coquard en devient le 1er Grand Maître. En 1963, les bases seront nationalisées par le gouvernement marocain, les loges mises en sommeil mais pas le F\ Coquard qui va participer à l’essaimage de la GLNF en Afrique.
 
----------C’est au Sénégal que l’on retrouve un ami de Coquard, initié au Maroc dans la loge Concorde 42 : le F. Charles Pidoux. En effet il est donné à ce F. Pidoux (nommé à la tête du département d'anthropologie psychiatrique des Nations Unies à Niamey) de rencontrer le Dr. Doudou Gueye au Niger et de l’initier  Lequel F. Doudou Gueye, ami du président Senghor obtient l’autorisation de la création d’un atelier de la Grande Loge Nationale Française, au Sénégal. Il arrange dans cette intention une rencontre entre le Président et le Grand Maître Ernest Van Ecke. Le 30 mai 1968, Van Ecke, avec l'assistance de Pidoux, consacre à Dakar, la première Loge régulière du continent Africain Noir.
La GLNF, aujourd’hui dans les allées du pouvoir et  proche du président Abou Diouf, a pris en fait son essor à partir de 1980 en devenant Grande Loge du Sénégal avec comme Grand Maître Armand Agbogba. Ayant dégradé unilatéralement le climat œcuménique qui prévalait jusqu’alors, elle radicalise la scission entre libéraux et réguliers qui n’était pas jusque là le souci majeur sur le plan local.
 
----------En Côte d’Ivoire la première loge « régulière » de la GLNF est implantée dès 1975 « Nucleus » sous le n° 178 de son registre. Elle porte aujourd’hui le n°1 sur le tableau des loges de la GLCI. La consécration du grand district de Côte d’Ivoire de la GLNF intervient en 1982 et c’est en 1989 que la GLCI est consacrée.
Pour apprécier son dynamisme il faut savoir que : elle compte aujourd’hui, sous l’autorité du F. Clotaire Magloire, 19 loges regroupant 600 FF. implantés sur l ‘ensemble du territoire. Ses loges travaillent au rite émulation, RER et Français 1801 ; elles sont regroupées dans trois grandes loges provinciales  qui se prolongent d’un district au Mali réunissant les loges qui  fonctionnent dans ce pays voisin. La GLCI dispose depuis peu d’un imposant bâtiment à Abidjan avec un grand temple et deux temples moyens. Une politique immobilière active est également menée dans les provinces.
 
---------Au Gabon le Président de ce pays ainsi que son 1er vice-premier ministre Georges Rawiri, ont été initiés dans une Loge du Grand Orient. Considérant la position de la maçonnerie régulière dans le monde, ils décidèrent de demander leur régularisation à la Grande Loge Nationale Française. Leur demande fut examinée et ils furent régularisés de la même manière que les F.F. qui étaient déjà passés par la même démarche. Ceci fut réalisé par le Grand Maître Derosière, qui après plusieurs voyages à Libreville, consacra le District de la Grande Loge du Gabon en 1980.
            Le 12 novembre 1983, le Grand Maître Jean Mons consacrait la Grande Loge du Gabon et installait le président Omar Bongo comme Grand Maître. Le Frère Georges Rawiri fut nommé et investi comme Député Grand Maître. Pratiquement une forte partie des décideurs économiques du Pays et les dirigeants font partie de cette Grande Loge.
 
--------Au Togo. Sous l’impulsion du F. Pidoux, malgré la distance, de nombreux Togolais furent initiés dans les Loges dépendantes de la Grande Loge de District du Sénégal  et ce n’est que par la suite que des Loges furent consacrées en avril 1973 à Lomé, sous la tutelle du Frère E.K.K. Nathaniels : « Franchise n° 148 » et « Jephté n° 161 ». Cette double implantation, à laquelle s’ajoute celle d’une loge béninoise sise à Lomé, permet de créer « la Grande Loge de district du golfe du Bénin » en avril 1974.
« La Grande Loge de District du Togo », proprement dite, fut consacrée à Lomé en 1983 par le Grand Maître Jean Mons. Le F\ Nathaniels étant installé en tant que Grand Maître de District.
Ce District comprend maintenant dix Loges parmi lesquelles des membres ou d’ex membres du gouvernement, y compris à un moment le Premier ministre Kofigo et plusieurs ministres de son cabinet.
 
---------Au Bénin, la loge « Africanité n° 160 » ouvre la voie en août 1973, mais compte tenu du climat politique elle s’installe à Lomé dans le cadre du district du golfe du Bénin. En octobre 1985, la loge « Africanité     n°160 » opère son transfert à Cotonou et dès avril  1991 se renforce par la création de deux nouvelles loges : « La symbolique universelle n°667 » au ite émulation et « Omo Ifé  n° 668 » au REAA. Ce qui permet en mai 1993 de créer le district du Bénin sous l’autorité du SGM Vincent K. Nicoué, et en janvier 1995 « La Grande Loge Régulière du Bénin » forte de ses sept loges.                                                            
 
            II-b-4  Expansion des Obédiences Nationales
 
            Dans ce mouvement général d’expansion de la Franc-Maçonnerie en Afrique, des obédiences nationales sont nées de patentes du GODF ou de la GLDF.
 
----------Au Cameroun, l’obédience nationale prend forme lors du convent national réuni à Yaoundé le 22 Mars 1962. Cette obédience est aussitôt reconnue par le Grand Orient de France et plus tard par la Grande Loge de France. Sur le plan profane, elle doit attendre 1971 pour qu’un arrêté ministériel lui donne droit à l'existence administrative. Les Grand Orient et Loge Unis du Cameroun (GOLUC) sont donc nés de la fusion des Loges du G.. O.. D.'. F.'. et des Loges de la GLDF et  se veulent le creuset de la maçonnerie masculine au Cameroun avec le REAA comme rite. Les  GOLUC comptent aujourd’hui 5 (cinq) loges dont une en sommeil. Son essor est lent parfois sujet à des périodes de stagnations.
 
---------Au Bénin, les FF\ présents à Cotonou décident la réouverture en 1966 de la Franc-Maçonnerie interdite jusque là. La loge « Unité » se conforte alors par la présence de deux autres loges « Solidarité » et « Fraternité- Justice- Travail » qui se regroupe au sein du « club du Bénin ».  Le « Grand Bénin »  obédience nationale peut prendre en 1967 son essor avec pour SGM Augustin de Campos et SGM d’honneur Théodore Hazoumé. L’évènement a lieu sous l’égide conjointe G\O\ - G\L\D\F\, la patente délivrée par la GLDF étant remise par le SGM du GODF Paul Anxionnaz.
 Après quelques perturbations internes, l’obédience reprend en 1970 son départ sous le nom choisi par le F\ Hazoumé :  « Grand Bénin du Dahomey, Grand Orient et Grande Loge du Dahomey ». Reprise de courte durée car le coup d’état d’octobre 1972 oblige à nouveau les FF\ à fermer les portes de leurs temples.
            Une intervention du F\ Guy Penne, alors conseiller du Pt Mitterrand, facilite en avril 1983 le réallumage des feux sous l’autorité du F\ Euloge Rey, même si la prudence reste de circonstance. En 1989 lorsque le pays s’interroge sur son devenir lors des séances de la Conférence Nationale, l’obédience n’hésite pas à intervenir entre autre par la diffusion d’une plaquette en janvier 1990 « Réflexions des Francs-Maçons du Grand Bénin de la République Populaire du Bénin sur la situation nationale ». Publication qui entraîne une vive réaction de Mgr Robert Sastre, évêque de Lokossa, dans un article traitant de l’évangile et des forces occultes ; réaction révélatrice de la suspicion ambiante.
 
----------En Côte d’Ivoire, les feux des loges ivoiriennes furent rallumés le 15 juin 1972 grâce à une intervention auprès d'Houphouët de notre F\ Pierre Biarnès (à l'époque correspondant du Monde en Afrique de l'Ouest)  qui était mandaté, pour ce faire, par le Grand Maître d'alors de cette obédience, Fred Zeller. Mais il faut attendre 1978 pour qu’après avoir un temps erré dans les locaux d’une boîte de nuit, la R\L\ « Fraternité Africaine », communément dénommée ‘’Frat’Af’’, regagne son temple de l’Avenue Chardy : dans les sous-sols d’un immeuble résidentiel, ses locaux spacieux sont la propriété de la sté immobilière du G\O\.[1] Elle les partage avec les At\ du D\H\ et de la G\L\.
            En 1984 le conseiller de l’ordre le F. Anghui, avec l’approbation du GM, lance des journées d’étude à Abidjan sur la question d’un retour à une obédience nationale, tout le monde tombant d’accord sur cet objectif.
 
[ Dans cette affaire, décontenancés par les pas de clerc et tergiversations du G\O\, les FF\ ivoiriens qui, en majorité, n’avaient pas cautionné l’initiative GRITAO prenaient la décision, mûrement réfléchie par trois années de concertation, de demander une patente au G\O\. Les FF\ de la G\L\ associés à cette réflexion, étaient pour l’essentiel prêts à collaborer à cette création en sollicitant leur Ob\. Le Suprême Conseil de la G\L\ leur coupa l’herbe sous les pieds en créant un Suprême Conseil de l’Afrique de l’Ouest associant Cotonou, Lomé et Abidjan.]
 
            Dès lors en 1986, fort de ces conclusions, le F. Anghui fonde le GRITAO, mais dans des conditions de réalisation qui sèment le trouble chez les FF. du GODF. Ceux d’entre eux qui, avec le F. Kebe et de Neef, n’avaient pas apprécié la précipitation fondent eux-mêmes le 12 décembre 1989 la Grande Eburnie, avec l’appui du GODF. Finalement le GRITAO rejoindra la Grande Eburnie en 1995. Et en 1998 le GCR transmet la Grande Patente au Grand Collège de la Grande Eburnie, au terme de plusieurs années d’un travail en commun fructueux.                       
 
            Parallèlement la GLDF donne naissance en 1989 à la GLUCI dont les Hauts Grades sont gérés au sein d’un Suprême Conseil couvrant à la fois la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin : le Suprême Conseil de l’Afrique de l’Ouest  « SCAO »
 
 
---------Au Congo Kinshasa, diverses interventions, notamment celle du GM Pierre Burton du GODB, amène le chef de l’état à supprimer la FM de la liste des associations interdites. Aussi, le 7 février 1973 la loge « Action et Progrès », à l’orient de Kolwezi, tient une tenue solennelle de relèvement de ses colonnes. Le 12 février c’est au tour de la RL « l’Ere Nouvelle » à l’orient de Kinshasa suivie de près par la RL « Labor et Libertas » à l’orient de Lubumbashi.
La RL «  L’Ere Nouvelle » de Kinshasa, agissant par mandat des loges sœurs, demande au GODB ses lettres de patentes pour la création du GO du Zaïre. Le 18 avril 1973  le GOZ se constitue, reconnue aussitôt par le GODB en mai 1973, suivi du GODF le 1° janvier 1974. 
 
Aussitôt il est évident, pour les FF. en charge de cette nouvelle obédience, que le GO ne serait réellement Zaïrois que dans la mesure où un plus grand nombre de nationaux seraient présents sous les colonnes;  d’où un effort sensible en ce sens. Fort de sa patentes et de ses patentes, le GOZ se développe mais sans qu’un Convent n’ait été convoqué. L’éloignement des loge les unes par rapport aux autres (plus de 1.400 km entre Kinshasa et Lubumbashi) les différences de conception comme les problèmes de recrutement rendent pratiquement impossible la réunion de délégués de loges durant près de trente mois. Le 27 décembre 1975, le SGM signe un décret portant convocation et organisation d’un convent extraordinaire à Kinshasa pour les 14 et 15 février 1976. Comme prévu, le convent de février 1976 vote : la constitution (sans référence ni à Dieu ni au GADLU), le règlement général (faisant du GOZ une obédience unitaire loges symboliques / Hauts grades), un rite propre au Zaïre( 7 degrés dont 3 en loges bleus puis un 4° « M° des forêts = 4° REAA, 5° M° de la parole = 18° REAA, 6° M° de la sagesse = 30° REAA, 7°M° de la lumière = 33° REAA).
Le 29 février 1976 le SGM signe le décret organisant les hauts grades du GOZ ayant autorité sur les trois derniers grades.. Le 27 octobre 1977 s’ouvre le premier atelier capitulaire sous le nom de « Myoto » qui travaille au 18° du REAA. Un courrier de 1985  nous apprend que jusque là les hauts grades ont surtout travaillé sans éclat et qu’il serait désireux de recevoir une délégation des GCR de Belgique et de France pour relancer leur Suprême Conseil ; voyage organisé en juin 1985.
En fait les difficultés mêmes du pays n’ont jamais facilité l’essor de cette obédience.
 
---------Au Congo Brazzaville, en 1986 la GLNF montre les possibilités d’une vie maçonnique sans opposition du gouvernement Sassou Nguesso. Cette intrusion maçonnique pousse aussitôt ces FF. du GODF à une reprise de leurs travaux, d’autant plus que pendant les vingt ans qui viennent de s’écouler de jeunes Congolais ont été initiés en France. Après les interventions des GM Leray et Gourdot l’autorisation est obtenue, en avril 1987, de créer l’obédience nationale « GOLAC » Grands Orient et Loge Associés du Congo ».
Forte de 4 LL\, les GOLAC : ‘’Grand Orient et Loges Associés du Congo’’ travaille aux Or\\ de Brazzaville et Pointe-Noire avec des patentes et/ou conventions G\O\ et G\L\. A Brazzaville, « Union et Concorde » travaille au Rite Français, « Union Parfaite » au REAA et « L’Egalité » au Rite Mixte Français & REAA de même que la L\ « Liberté-Egalité-Fraternité » de Pointe-Noire. En mars 1990 la structure de la jeune obédience se complète d’un Grand Collège Suprême Conseil, une délégation menée par le F. Mourgues s’étant déplacée pour cette installation seulement masculine.
            Les évènements de la décennie en cours ont rendu difficile, c’est le moins que l’on peut dire, la vie des Francs-Maçons au Congo au milieu d’un drame national ou les morts et les exilés ne se comptent plus. Sans compter que les derniers affrontements entre Lissouba et Nguesso ont donné le sentiment dans les populations locales qu’elles étaient victimes d’une « guerre de loges entre Maçons » dans la mesure où Lissouba a été initié par le GODF à Besançon et Nguesso par la GLNF à Dakar. Des francs-maçons français et africains  ont joint leurs efforts pour rétablir la paix, sans succès jusqu'ici. Cet exemple ne fait que renforcer ce sentiment sur l'influence des francs-maçons en Afrique francophone.
 
 
---------Au Gabon, succédant au Pt Léon MBA, le F\ Bongo unifie la Maç\ gabonaise masculine en créant en 1978 le « Grand Rite Equatorial » reconnu par le GODF et la GLDF. Cette Ob\ possède une douzaine d’At\, travaillant exclusivement au R\E\A\A\ et implantés dans quatre Or\ dont particulièrement Libreville et Port-Gentil. Très proche de la GLDF, après en avoir reçu patente du Suprême Conseil, elle se fait remarquer par l’intérêt qu’elle porte à dynamiser le mouvement africain sous son impulsion. Ces adversaires parlent de « pensées expansionnistes, voire hégémoniques dans la région » (Après l’expérience d’un allumage qui a fait long feu à Bangui -R.C.A.- elle installe en Guinée un At\ à l’Or\ de Conakry). L’organisation exemplaire en 1996 et 1998 des REHFRAM, avec l’appui financier du gouvernement, peut renforcer cette impression.
 
                                    II-b-5  REHFRAM des Obédiences Nationales
                                                          
            Les REHFRAM, ou Rencontres Humanitaires et Fraternelles Africaines Malgaches, en question prennent forme en 1992 à Dakar avec une poignée de délégués des obédiences africaines qui s’interrogent sur « le rôle que peut jouer la Franc-Maçonnerie contre le sous développement ? ».
 
             La série des thèmes proposés depuis lors à l’ensemble des loges de ces obédiences, et de celles de France qui le désirent, donne un aperçu des préoccupations des Frères africains :
 
- 1993 à Douala          - « Hors du temple qui es-tu Franc-Maçon ? »
- 1995 à Abidjan         - « Le 3° millénaire, comment les Francs-maçons d’Afrique le préparent-ils ? »
- 1996 à Libreville        - « Quel sens donner au message et à la pratique maçonnique en Afrique ? »
- 1997 à Cotonou        - « Comment organiser la formation et l’éducation de l’Homme pour l’évolution           
                              de l’Afrique ? »
            - 1998 à Libreville       - « La pauvreté et ses conséquences sur la Démocratie en Afrique. Quelles          
                                                      perspectives suggérez-vous ? »
            - 1999 à Lomé            - « Comment assurer la création et le juste partage de la richesse en Afrique ? »
 
            Comme les Africains l’écrivent eux-mêmes dans leur dernière synthèse de 1999 :
 
« L'avenir de l'Afrique est au centre des préoccupations et réflexions des Maçons, filles et fils du vieux Continent…. L'Afrique doit prendre son destin à bras le corps
 
L'avenir de l'Afrique n'est pas dans la pseudo- générosité des pays riches, mais dans la volonté réelle de tous les pays de ce continent de s'assumer en totale indépendance sur la base de démocraties réelles. Par ailleurs, il est à craindre que la corruption de ceux qui seront chargés de "partager la richesse" du pays, ne continue à creuser le fossé entre riches et pauvres d'une même nation.
 
Que les Africains soient chrétiens, musulmans, animistes, athées ou accessoirement francs-maçons, ils doivent tous arriver un jour au fait que les Droits de l'Homme sur le plan de l'Humanité tout entière subordonnent les particularismes et préférences claniques pour le mieux être de tous dans le cadre d'un "juste partage" des richesses africaines.
 
Pour que les propositions et les rencontres dans le cadre des REHFRAM aient une action effective,  ne serait-il pas utile que nous, Maçons puissions nous investir davantage dans la cité ?
 
            Ces journées de travail ne regroupaient que quelques FF. à leur début, il y en a plus de six cents dorénavant. C’est dire la représentativité de telles déclarations. D’autant plus que la presse locale s’intéresse à cet événement, les Présidents des pays - hôtes reçoivent la délégation REHFRAM.
 
            Après une longue histoire de la Franc-Maçonnerie en Afrique le temps est venu de prendre en considération la Franc-Maçonnerie Africaine, à la fois soucieuse d’universalité et d’auto-centrage.
 
                                                                                                                      Odo  Georges
                                                                                                                         juin   1999
 
 
 
 
 
 
 
 
                                                       ANNEXE :
 
Rapport moral du GM  pour 1996 –1997    (Lafouge)     « Les affaires extérieures »
 
            3.1. Les principes
 
Au cours de cette année qui a vu la Constitution de l'A.M.I.L.  après le mandat reçu du Convent 1996 - il a fallu reprendre une ligne directrice.
Trop souvent, la politique extérieure de l'Obédience paraît être guidée par la succession d'élections affectives qui conduisent à la priver, sur le long terme, d'une réelle lisibilité.  L'analyse des conventions qui, au fil du temps, sont venues sanctionner le choix de coopérations bilatérales le démontre.  Aucune réappréciation de leur pertinence dans la durée, aucun débat sur leur maintien, leur modification ou, éventuellement leur dénonciation, n'a été engagée.  Elles sont les jalons d'une histoire qu'elles n'ont jamais réellement infléchie.
 
Une politique extérieure efficace se doit d'être, sinon plus modeste dans son expression formelle, du moins plus constante dans sa conduite.
En premier lieu, une telle politique exige la formulation de priorités.  Celles-ci ne doivent pas être laissées au hasard, mais résulter d'une analyse de la situation des diverses ères géographiques au regard du potentiel de développement de la Franc-Maçonnerie libérale et progressiste. 
L'Europe, et d'abord celle de l'union européenne doit requérir notre attention vigilante.  Elle est notre lieu historique de développement, notre message y a déjà reçu écho, nous y disposons de partenaires identifiés et sûrs.  Mais, à l'inverse, nous commençons à mesurer les effets dévastateurs de la logique incluse dans les traités communautaires sur les principes qui nous animent.  Les contacts pris avec les diverses organisations amies qui travaillent auprès des autorités communautaires nous ont démontré que notre engagement était attendu et nos propositions écoutées.  L'implication de notre Obédience dans l'espace de l'union européenne correspond à une exigence de sauvegarde de nos principes et d'approfondissement de leur diffusion.
 
 
PAR CLAUDE WAUTHIER
 
----------Les francs-maçons français continuent, bien sûr, à s'intéresser à l'Afrique : sous la Ve République, deux francs- maçons au moins ont été à la tête du ministère de la coopération, le socialiste Christian Nucci, du GO, et le gaulliste Jacques Godfrain, de la GLNF. M. Guy Penne, l'ancien conseiller aux affaires africaines de François Mitterrand à l'Elysée entre 1981 et 1986, est membre du GO. Et l'ambassadeur Fernand Wibaux, conseiller personnel pour les affaires africaines du président Jacques Chirac (aux côtés de Jacques Foccart, récemment décédé), a été initié au GO.
 
----------REHFRAM : Quoi qu'il en soit, la plupart des obédiences plus ou moins liées au GO et à la GLDF participent aux Rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (Rehfram), qui se réunissent chaque année depuis 1992 dans une capitale africaine, et auxquelles sont invitées ces loges françaises. Les deux dernières réunions ont eu lieu en 1996 à Libreville, au Gabon (avec 400 participants), et en 1997 à Cotonou, au Bénin (avec 600 personnes, dont des délégués de plusieurs pays d'Europe).
Aucune loge des anciennes colonies britanniques n'est conviée aux Rehfram (elles sont aussi divisées entre obédiences liées à la Grande Loge unie d'Angleterre, à celle d'Ecosse ou celle d'Irlande, comme par exemple au Nigeria, au Zimbabwe, au Kenya et en Ouganda). En revanche, le GO du Zaïre, une émanation du GO de Belgique, prend part à ces réunions «humanistes et fraternelles» entre loges d'Afrique francophone.
Les récentes Rehfram ont fait l'objet d'une large couverture dans la presse locale, avec conférences de presse des grands maîtres africains et français. A Cotonou, en 1997, ces derniers ont tenu une conférence de presse conjointe, dont un quotidien béninois a rendu compte. L'un des dignitaires francs-maçons minimise les «incompréhensions » qui subsistent entre l'Eglise catholique et la franc-maçonnerie, tout en ajoutant : « Avec les autres religions, protestante et musulmane par exemple, il n'existe aucun  problème (11). »          
Les Rehfram de 1997 donnèrent, par ailleurs, lieu à un affrontement sévère entre le GO de France et les  obédiences africaines. La délégation du GO y prêcha implicitement une laïcité agnostique à la Française, ce qui déclencha une vive riposte de la Conférence des puissances maçonniques africaines (CPMAF, qui regroupe la plupart des loges africaines francophones). La CPMAF souligna, dans une déclaration, que l'Afrique avait «trop souffert des ingérences de toutes sortes », précisant que les Rehfram « ne sauraient être ni le théâtre de rivalités (...), ni une tribune de joutes démagogiques, ni un enjeu des hégémonies avouées ou non ».          
Le troisième terme de cette mise en garde visait la tentative du Grand Orient d'amener les obédiences africaines à abandonner le Centre de liaison et d'information des puissances maçonniques signataires de l’appel de Strasbourg (Clipsas) pour rejoindre l'Association maçonnique intercontinentale libérale (AMIL), créée sur l’initiative du GO. Lors d'une réunion à Santiago du Chili, en 1996, celui-ci a, en effet, quitté le Clipsas, qu'il accusait de se comporter comme une super- obédience ». Fondé en 1961 (et actuellement présidé par Mme Marie-France Coquard, ancienne grande maîtresse de la Grande Loge féminine de France), le Clipsas laisse à chaque obédience la liberté d'exiger ou non la croyance en Dieu, mais critique la franc-maçonnerie anglo-saxonne (12), à laquelle il entend plus ou moins faire contrepoids. Il regroupe près d'une cinquantaine d'obédiences (européennes, africaines et sud-américaines). L'AMIL - qui comptait, au départ, moins d'une dizaine d'obédiences - se veut encore plus laïque que le Clipsas, et on peut sans doute inscrire la démarche du GO à Cotonou dans le contexte plus général de la rivalité entre la France et les Etats-Unis sur le continent africain. Mais cette démarche (outre la réaction négative des obédiences africaines) a provoqué quelques défections au sein de l'AMIL. D'autres loges françaises n'ont pas caché, de leur côté, qu'elles partageaient la position de la CPMAF.
Sans doute des sociologues verront-ils, dans la réaction de la CPMAF et dans son rejet des propositions des laïcs du GO, la preuve que les sociétés africaines restent profondément imprégnées de religiosité, que ce soit celle des cultes ancestraux ou celle des confessions chrétiennes ou musulmanes. Mais peut-être est-ce moins simple. La laïcité telle que l'entend le GO n'exclut nullement la liberté de conscience, comme en atteste l'adhésion de francs- maçons africains catholiques, protestants et musulmans à cette obédience, illustration de l'attirance un peu étrange qu'exerce la franc-maçonnerie sur le continent.
 
-----------FM et Interdiction : A Madagascar, lors de son premier mandat présidentiel, M. Didier Ratsiraka, à l'époque marxisant mais marié à une catholique, avait interdit la franc-maçonnerie - celle-ci est cependant redevenue très active dans la Grande Ile depuis le tournant démocratique qui préluda à l'élection du président Albert Zafy, en 1993. Une Grande Loge nationale malgache, parrainée par la GLNF, a été créée en 1996, et concurrence le Grand Rite malgache, proche du GO.
C'est cependant au Liberia que des francs-maçons ont été le plus férocement éliminés, lorsque le sergent-chef Samuel Doe prit le pouvoir par un coup d’état en 1980. Depuis des générations, la présidence de la République et le gouvernement avaient été accaparés par des afro-américains, en général affilié à la grande obédience noire de la franc-maçonnerie américaine, dite de Prince Hall. Le  palais présidentiel arborait d'ailleurs des armoiries maçonniques. Le président Tolbert (franc-maçon comme son prédécesseur William Tubman) fut assassiné, et Samuel Doe fit ensuite exécuter en public tous les membres du gouvernement.
 
------------FM et Islam : Au Sénégal, on trouve des francs-maçons dans les sphères du pouvoir, bien que la très grande majorité de la population soit de confession musulmane. La franc-maçonnerie s'y heurte à la vive hostilité d'une frange intégriste islamiste. « Non, un musulman ne peut pas être franc-maçon », a titré la revue Etudes islamiques, tandis que le périodique Wal Fadjiri reprenait un article de la revue égyptienne Al Lewa' Al Islami affirmant que «la franc-maçonnerie et le mouvement Bahaï ainsi que leurs clubs de services (Rotary, Lions, etc.) sont issus du judaïsme et clairement incompatibles avec l'islam ». Cette hostilité n'empêche pas différentes obédiences de faire du prosélytisme en pays musulman - ainsi la GLNF, qui a récemment créé trois loges à Djibouti, où l'on prête serment sur le Coran.
 
----------Pourquoi la franc-maçonnerie a-t-elle prospéré en Afrique noire ? On peut avancer sans doute que les sociétés secrètes sont familières aux africains : il en existe dans la plupart des communautés villageoises, où, selon des ethnologues comme le Père Eric de Rosny, elles représentent un contrepoids efficace à la puissance des chefs traditionnels (8). Il est probable aussi que, à l'époque coloniale, les Africains qui «entraient» en maçonnerie - et qui appartenaient, pour la plupart, à l'intelligentsia - y voyaient un moyen de promotion sociale, puisque leur admission dans une loge les plaçait à égalité avec les Blancs au sein de l'obédience.
          L'aspect ésotérique et quasi-mystique de la franc-maçonnerie a aussi attiré des intellectuels, tel le grand écrivain malien Hampaté Ba (musulman), qui y voyait une école d’œcuménisme et de réconciliation entre les religions monothéistes (9), mais qui ne resta pas longtemps franc- maçon.
 
--------FM et Politique : Les obédiences, tout en cultivant la spiritualité, n'en inscrivent pas moins leur action dans le siècle. Comme sur les autres continents, les loges d'Afrique entendent jouer un rôle dans les affaires de la nation et interviennent à l'occasion sur la scène politique, souvent pour jouer les médiateurs. Ce fut le cas, notamment, au Bénin, lors de la conférence nationale de 1989 qui accompagna le rétablissement du multipartisme. Le Grand Bénin publia à cette occasion un texte qui appelait à la tolérance et contribua à éviter des affrontements violents.
Les francs-maçons du Togo tentèrent également, en 1993, de réconcilier le Rassemblement populaire du Togo du président Eyadema (qui fit fermer les loges en 1972 avant de les ré-autoriser quelques années plus tard) et ses opposants lors d'une rencontre organisée à Paris au siège du GO : le dialogue ainsi instauré ne déboucha sur rien de concret. Ce fut à nouveau le cas récemment, on l'a vu, au Congo- Brazzaville.
Ces interventions dans la vie politique suscitent, bien entendu, de sérieuses rivalités, non seulement entre obédiences plus ou moins concurrentes, mais aussi avec d'autres organisations plus ou moins vaguement apparentées, du moins dans l'esprit du public. C'est le cas au Cameroun, où s'est apparemment développée une sourde lutte d'influence entre les maçons et les rose-croix.
       
-----------Cameroun et Rosi Cruciens : Longtemps, la rumeur publique a prétendu que le président Paul Biya était rosicrucien, d'autant plus que le grand maître des rose-croix du Cameroun, M. Titus Edzoa, ancien ministre, avait accédé au poste de secrétaire général de la présidence. Un véritable coup de théâtre s'est produit en 1996 lorsque le grand maître de la branche française de l'Ancien et Mystique Ordre de la Rose- Croix (Amorc), M. Serge Toussaint, venu à Douala en juin 1996 pour une visite de travail, annonça que le nom du président camerounais ne figurait pas dans les fichiers de l’ordre. Quelques mois plus tard, M. Titus Edzoa quittait son poste à la présidence et, en juillet 1997, était arrêté pour une affaire concernant la liquidation d'une banque. Entre-temps, le grand maître des rose-croix avait annoncé sa candidature contre M. Paul Biya à la prochaine élection présidentielle
 
Ces interventions dans la vie politique suscitent, bien entendu, de sérieuses rivalités, non seulement entre obédiences plus ou moins concurrentes, mais aussi avec d'autres organisations plus ou moins vaguement apparentées, du moins dans l'esprit du public. C'est le cas au Cameroun, où s'est apparemment développée une sourde lutte d'influence entre les maçons et les rose-croix.
       
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Or\
R\L\
All\
Ob\ nationales
·        SENEGAL
Saint Louis
Dakar
 
Rufisque
(L’Avenir du Sénégal)
L’Etoile Occidentale
Blaise DIAGNE
Abd el-Kader
1893-1965
1899
1976
1984
 
 
 
·        MALI
Bamako
Kayes
(Art et Science)
(Les Amis du Soudan)
1946-61
1908-20
 
 
·        GUINEE
Conakry
(Les Pionniers du Niger)
(Les Amis Réunis)
1907-13
1957
 
 
·        RCI
Abidjan
 
 
Fraternité Africaine
Hospitalité Eburnéenne
PUS
1930
1989
1990
La Grande Eburnie
1990
·        TOGO
Lomé
 
 
Fraternité du Bénin
Tolérance et Solidarité
Les Fidèles du Serment
1953
1972
1993
 
 
·        BENIN
Cotonou
(Union & Concorde)
1907
GRAND BENIN
1966
·        CAMEROUN
Douala
Yaoundé
La Lumière du Cameroun
Vérité et Persévérance
Africa Nostra
1931
1958
1970
GOLUC (Grands Orients et Loge Unis du Cameroun)
1962
·        GABON
Libreville
(L’Etoile du Gabon)
Europafrique
1904-06
1960
G.R.E.
(Grand Rite Equatorial)
1978
·        CONGO
Brazzaville
(Etoile du Congo)
 
1906-67
 
GOLAC (Grand Orient et Loges associés du Congo)
1980
 
 
 
 
 
 
Sénégal - Catholiques
 
        Mgr Hyacinthe  Thiadoum  Propos recueillis à Dakar par Valérie  Thorin.
 
« Les vérités d’un cardinal »
 
----------La franc-maçonnerie est très active au Sénégal.  Quelle est votre opinion sur ce phénomène ?
                      J'ai plusieurs amis francs-maçons, dont l'ancien gouverneur général, Pierre Lamy.  Il y a énormément de gens qui appartiennent à cette organisation des chefs d'État. des fonctionnaires, des grands patrons. la majeure partie de ceux qui détiennent du pouvoir politique ou économique.  La franc-maçonnerie est considérée comme un tremplin pour arriver ou se maintenir à certains postes, pour obtenir certains avantages.  Que de gens je rencontre, y compris des catholiques, qui me disent vouloir entrer en maçonnerie pour ces raisons Je n'en ai jamais entendu dire que c'était pour une question de foi, parce que ce que l'on propose dans le christianisme ou l'islam ne leur convenait pas.  Le problème, c'est qu'une fois qu'on y est, on ne peut pas en sortir.  C'est là le piège.
 
-----------Voulez-vous dire que c'est une secte ?
Oui.  Mais il ne faut pas leur dire cela Ils préfèrent parler de société secrèteDe fait, ils noyautent de nombreuses institutions.  Tous les grands organes de presse sont entre leurs mains Nous essayons de vivre ensemble et de faire un effort de compréhension. mais nous sommes spirituellement très éloignés
 
----------Les francs-maçons sont-ils toujours systématiquement  excommuniés ?
Oui, la formulation de l'excommunication a changé, mais pas l’acte lui-même.  Autrefois, elle frappait nommément les francs-maçons et tous le, membres des sociétés occultes.  Depuis le concile de Vatican 11, elle porte sur l'ensemble de ces sociétés, et non plus sur les individus.  En Afrique. néanmoins, la maçonnerie continue à progresser parce que son idéal de fraternité garantit le soutien et l'entraide entre les membres.
 
----------Mais la fraternité est aussi ce que prône l'Église...
              Oui, et c'est pourquoi il ne faut pas envoyer tous les francs-maçons en enfer.  Ils ont un certain
nombre de principes nobles et beaucoup sont des hommes de valeur.  C'est l'orientation de l'ensemble qui
pose problème.
 
 
                                                                        JEUNE AFRIQUE N' 1991 - DU 9 AU 15 MARS 1999
 
 
MAROC
 
Au même moment un événement se produit au Maroc, anodin sur le moment mais important dans ses conséquences futures :
 
En 1953, dans le cadre des accords franco-américains, des centaines d'américains arrivent, parmi lesquels de nombreux maçons désireux de poursuivre la pratique de la maçonnerie. Le commandant de la base Nouasseur, maçon lui-même, offre aux frères une tente pour leurs réunions. Puis trois autres Loges sont créées, une sur la base navale de Port Lyautey, les autres sur les bases aériennes de Sidi Slimane et de Ben Guerir. Dans la foulée, la Grande Loge de District du Maroc est créée en 1957, et le F\ André Coquard en devient le 1er Grand Maître de District. En 1963, les bases seront nationalisées par le gouvernement marocain et les loges mises en sommeil mais pas le F\ Coquard qui va participer à l’essaimage de la GLNF en Afrique.
 

 

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