LE G.°. 0.°. D.°. F.°.
à TANGER
SOUS LE PROTECTORAT 1912 - 1940
1924 | 1940 |
Quand en 1912 le Protectorat est instauré au Maroc le G.°. 0.°. D.°. F.°. est installé à Tanger depuis près de cinquante ans, ayant contribué dans la mesure de ses moyens à la pénétration européenne du Maroc ( l ). Pour ce qui est plus précisément de "La Nouvelle Volubilis" du G.°. 0.°. D.°. F.°., l'année 1912 marque certainement le moment de sa plus grande plénitude.
x
x
x
Aux
yeux de Paris,
en
effet,
la Loge de Tanger est depuis des
années au coeur
des problèmes marocaines au point t'attache des représentations diplomatiques et tes milieux économiques, à l'écoute
de tout ce qui vient de
l'intérieur du pays. La Loge
de Casablanca "Le
Phare de la Chaouia" apparaît simplement comme un
prolongement de Tanger et n'a pas encore tout à fait imposé sa personnalité, son dynamisme.
Ce qui ne saura tarder car Casablanca va se retrouver rapidement au centre du dispositif économique français en voie d'extension tandis
que Tanger,
à la position excentrée et au statut
juridique particulier, verra sa situation se dégrader sensiblement.
1912 année de plénitude pour "La Nouvelle Volubilis" dont l'effectif dépasse la cinquantaine de FF.°.
En effet le travail opéré en Loge depuis
1906,
les nombreuses initiations, les quelques arrivées et les augmentations
de grade dans les délais réglementaires permettent
à
l'At.°. Tangérois de posséder maintenant une assise solide. Certes le mouvement
de passage à Tanger reste sensible avec des FF.°
qui, à peine initiés, partent pour d'autres Or.°
: Le F.°. Nessim Cohen qui rejoint la
"Jewish Colonization Association" de Buenos Aires, les FF.°. Durel et
Petitjean qui également l'année de leur initiation rejoignent le Tonkin. Mais ces départs, comparativement à la période précédente, tendent à se ralentir, si ce n'est vers d'autres villes
du Maroc : Le F.°. Molliné vers Casablanca, le F.°. Prise d'Avesnes qui
part en 1909 créer la première école française de Mogador où l'accueille le F.°.
Sandillon également membre de "la Nouvelle Volubilis"(2)
La Loge a le sentiment d'être
à
l'avant-garde d'une implantation progressive : Les FF.°. qui relèvent de son Or.°. et qui rejoignent d'autres villes du
Maroc peuvent lui donner l'assurance d'un rayonnement élargi et même d'espoir d'une éclosion de nouvelles Loges, à l'image
du "Phare de la Chaouia" à Casablanca.
A Tanger même,
ses bons rapports avec
l'obédience espagnole, qui l'héberge, lui assure une audience élargie sur le plan maçonnique, tandis que sur le plan profane les moyens
dont elle
Ainsi installée dans le tissu social Tangérois, avec un rayonnement certain à travers le Maroc,
"la Nouvelle Volubilis" suit
de
près la. grande question du moment : le Protectorat.
Le 16 Mars 1912, alors que Mr Regnault quitte Tanger pour rejoindre
Fez où le Traité Franco-Marocain doit être signé, une très longue lettre de la Loge est adressée au Conseil
de l'Ordre avec double
à la
Grande Loge de France (3).
Lettre qui marque une permanence dans l'hostilité
de la Loge
à
l'égard de la Légation mais avec une raison nouvelle
à
cette inimitié. Longtemps c'est
le
groupe de FF.°.
désireux de voir le Maroc s'ouvrir au capital européen qui s'est insurgé contre
les lenteurs du gouvernement français, aujourd'hui ce groupe représenté par le F.°.
Gautsch ne peut empêcher une évolution, due à la venue de FF.°. tout aussi
désireux
d'implantation mais moins attachés au grand capital :
"Nous vous
demandons de combattre énergiquement la candidature de Mr Regnault au poste de Résident Général...
Il lui manque surtout d'être un entraîneur d'hommes, un créateur
d'énergie
et d'enthousiasme chez les autres... Il nous fait penser
à
Louis XVI faisant de la serrurerie alors que la révolution gronde à ses portes... Il n'a pour ami et confident qu'un homme, un brasseur d'affaires, sans caractère officiel,
mais qui est cependant tout puissant
à la
Légation de
France; cet homme
est Mr Robert-Raynaud, très
connu dans le parti colonial,
ce
vieux parti colonial dont beaucoup de membres abritent volontiers
sous
le couvert patriotique,
les
affaires les plus louches et les plus scandaleuses... On fait acheter par exemple par nous ne savons quelle complicité un
domaine
de 30.000 Hectares. Mais qu'un tout petit capitaliste vienne et qu' il demande
l'aide de la Légation pour lui faciliter, par des moyens honnêtes, la
création d'une petite propriété, il lui sera répondu que la Légation ne peut se prêter à une
dépossession quelconque de l'Arabe
même par voie d'achat... Mr Regnault n'est pas républicain ... il est soutenu par le ministre
de la
guerre actuelle Mr Millerand. Son défenseur dans la Presse est le journal le plus réactionnaire qui soit :
"La Liberté" ... Il a tout fait pour nuire aux F.°.
M.°.
de Tanger connus de lui ..."
Cette poussée va. dans
le sens opposé à
celui adopté par Raymond Poincaré,
Le 30 mars 1912 donc est signé le Traité du Protectorat,
mais
le
17 Avril l'émeute éclate à Fez où se trouve encore Mr Regnault. Le gouvernement français,
après avoir hésité entre le Général Damade et le Général Lyautey, se décide à nommer ce dernier comme premier Résident Général au
Maroc, ce qui n'est pas fait pour créer l'enthousiasme chez les F.°.
M.°.
de Tanger, pourtant en partie satisfaits par l'éviction de Mr Regnault. L'antipathie à son endroit
s'est
en effet accrue à l'audition
du
récit fait par le F.°. Hubert à son
retour de Fez où il avait accompagné Mr Regnault, en tant que correspondant
du journal français" 1e Matin". Le F.°. Hubert Jacques informe la Loge que
le F.°.
Bringau, ingénieur particulier du Sultan et correspondant du "Le Matin" à
Fez, initié à Tanger le
7
Mars, a été assassiné en
même
temps que son épouse
pendant les journées d'émeute. Ce récit, Hubert Jacques le reprendra
dans
un livre intitulé "Les journées sanglantes de Fez" où il rend responsable
Mr Regnault des évènements.
Lyautey Résident Général,
"La
Nouvelle Volubilis" maintient son attitude méfiante à l'égard
des autorités françaises en place. C' est ainsi
qu'elle appuie pleinement le voeu expédié en Avril
1914
au G.°.O.°.D.°.F.°. par
"Le Phare de la Chaouia"
de Casablanca. et s'insurgeant contre le
renvoi de Casablanca de MM Houel et Rouest par la Résidence Générale. Mais la
guerre met un terme à cette période de plénitude.....
x
x
x
Pendant la grande guerre
la Loge se
réduit sensiblement comme le laisse entendre le Vén.°. Perrier dans sa correspondance avec le Conseil de l'Ordre
( 5 ). En Novembre 1914 "Situation tragique ... tous nos
FF.°., sauf trois,
étant mobilisés"... En Janvier 1915 "Je puis seulement vous assurer que je
ferai de mon mieux étant mobilisé sur place... En Septembre 1918
"
Impossible de nous
faire
représenter au Convent
"...
En Juillet 1919
"La. Nouvelle Volubilis
n'a :pas encore pu reprendre son activité. Nous ne pourrons nous regrouper et reprendre force et vigueur que vers le mois d'Octobre prochain.,"
Difficultés que ne rencontrent pas les FF.°.
Espagnols qui, en Décembre 1917, sortent le premier numéro de leur journal
"Fiat Lux" (
6 ) qu'ils annoncent être
"Organe de la Familia Masonica Universal"
et dont le comité de rédaction avoué en première page est
"la Logia Abdel Aziz
".
Difficultés que rencontrent de façon moindre les FF.°.du G.°.O.°.D.°.F.°.,
à Casablanca où malgré les nombreux départs il reste cependant
assez de FF.°.".
présents
pour allumer le
7
Juillet 1918 les feux du premier Chapitre
installé au Maroc. Au demeurant, signe d'une nouvelle époque, ce Chapitre "coiffe"
: Tanger avec "La Nouvelle Volubilis", Rabat où en 1918 vient d'être
créée la Loge "Le Réveil du Maghreb",
et Casablanca nanti du
"Phare de la Chaouïa".
Le glissement du centre de gravité de Tanger vers Casablanca est
maintenant chose accomplie.
En fait, ce n'est qu'en Décembre
1920
qu'une lettre signée du nouveau Vénérable Lalaurie informe Paris que "les FF.°. ont décidé de relever les colonnes de
la Nouvelle Volubilis ... Non seulement nous aurons à nous
occuper du futur régime qui, sous la forme d'un statut spécial doit faire l'objet
de nos travaux
de
façon à fournir à nos dirigeants des indications et des directives leur permettant de trancher
une
fois pour toutes cette irritante question [du statut de Tanger].
Mais nous avons à coeur de prendre la défense de la masse indigène exploitée et isolée par
les spéculateurs qui ont réussi, avec la complicité des pachas et des ministres de
France qui se sont succédés à Tanger, à s'emparer
des
biens domaniaux qu'ils cultivaient de père en fils et dont ils avaient l'entier usufruit... Nous serons très sévères pour les initiations et les affiliations."
... Afin d'éviter les frais de local
( 7 ) "nous travaillerons
dans le même temple que les Loges espagnoles et italiennes.
A cet effet une commission de trois membres - représentant les obédiences concernées - se réunira :
Nouvelle Volubilis |
G.°.O.°.D.°.F.°. |
Morayta |
G.°.O.°.D.°.E.°. |
Minerva |
G.°.O.°.D.°.E.°. |
Abd el Aziz |
G.°.O.°.D.°.E.°. |
Concordia |
G.°.O.°.D.°.I.°. |
Et cette Loge dont Perrier avait hésité à relever les colonnes ( 8 ) retrouve progressivement son rythme de vie en respectant le plan de travail annoncé et en renouant d'emblée avec les attitudes d'avant-guerre.
Dès le mois
de Mars 1921
un
"rapport sur les agissements
t. cie la faiblesse cie notre gouvernement et cies co.plaisance~ du
maréchal Lyautey envers le gouvernement espaf,':l'lol mais surtout envers le roi
En
Décembre 1921 c'est
un rapport sur le tribunal Consulaire France
selon
1equel "le choix du Consul et de l'agent
diplomatique se porte trop souvent sur ceux qu'on trouve dans les affaires mal
propres ...L'agent diplomatique (ministre de
France) Mr de Carbonnel est un faible,entièrement entre les mains de cette
camarilla
composée de réactionnaires à particule et de gens
venus
ici pour s'enrichir par n'importe quel
moyen .. Nous avons donc consigné notre point de vue dans
une brochure rédigée en plusieurs
langues, que nous avons répandue à près de 3000 exemplaires"
...
Queques
brochures en espagnol sont envoyées à Paris, "nous vous serions reconnaissants de les faire parvenir
au G.°.O.°.D.°.Espagne
afin qu'el1es soient distribuées
aux
parlementaires relevant
de cette obédience. Pour nos
amis qui
approchent de très
près le quai d'Orsay pourriez-vous savoir si dans les conversations actuellement en
cours à Londres le règlement
de la question de
Tanger a été envisagé et si le point
de vue des A.E. est de beaucoup éloigné du nôtre ? Un de nos amis, Mr Victor Jean,
député des Bouches du Rhône,
écrit à notre F.°. Chenay,
président de la section tangéroise
de l'Union Nationale des Combattants et par qui notre projet a été diffusé sur
le plan profane (9), que notre projet d'organisation a produit un gros effet au Quai
d'Orsay et qu' il adopte en majeure partie notre façon de voir. Nous serions heureux
d'être reneignés par vous
".
Ce projet auquel le Conseil de l'Ordre répond favorablement
(
9
)
a
trait à la situation particulière de Tanger.
En
effet le principe de l'unité chérifienne défendu par la France
(
10
)
se
heurte aux tendances séparatistes de l'Espagne et de l'Angleterre
qui veulent conférer, la première à sa sphère d'influence, la seconde à Tanger, une véritable indépendance. Par l'accord te Madrid
du 27 Novembre 1912 on avait réussi à concilier unité de l' empire et
autonomie des zones,
mais dans
les mois qui suivirent, contrairement aux craintes exprimées par la Loge de Tanger, Lyautey
s'était
opposé à la solution
envisagée pour Tanger parce que ne tenant pas assez compte de l' intégrité de l'empire et
de la souveraineté du Sultan. La première guerre mondiale avait repoussé la date de l'accord et c'est la tenace Albion lqui, impatientée par
les polémiques espagnoles,
"Para Tanger espagnol" propose en 1922 à l' Espagne
et à la France de nouvelles négociations à trois.
Les F.°.M.°.
de "la Nouvelle Volubilis", quant à eux, résument leurs aspirations dans un opuscule de 10 pages où ils souhaitent
que
"le nouveau régime de Tanger - le Traité du 28.6.1919 entraînant logiquement l'abrogation
de
l'acte
d'Algésiras
-
consistera en la constitution d'une municipalité à laquelle les étrangers auront
accès, soit comme électeurs, soit comme
élus ...
en la reconnaissance aux étrangers
de tels ou tels autres avantages
qui peuvent être reconnus comme nécessaires ... Le nouveau régime confirmera que le Sultan
du Maroc est souverain incontesté
de Tanger..."
En 1922 "la Nouvelle Volubilis" remercie Paris
(
II
)
"pour le
concours de nos FF.°.
parlementaires", tout en réclamant une fois de plus le
départ de Mr de Carbonnel ministre de France
et de son drogman
[interprète]
Mr Ronfrard.. Ce militantisme
sourcilleux explique
que le 6 Février
1922
quand. le T.°.1.°.
F.°.
Velhoff G.°.M.°. de la G.°. L.°. ( 12 ) est de passage à Tanger,
"étant donné la situation qui nous est faite par suite de la Légation de France
à
notre
égard
nous
avions préparé une
réception très
intime ...
à laquelle nous
avions
invité Espagnols et Italiens. Malheureusement le temps très mauvais
n'a
pas permis au T.°.1.°.
F.°. Welhoff de descendre à terre; néanmoins notre
Vénérable a pu monter à bord
et causer avec lui
pendant plus d'une heure
et l'entretenir de la situation angoissante..".
Situation qui n'empêche tout
de même
pas "La Nouvelle Volubilis" d'informer
Paris
( 13 ) que
"la section de la Ligue des Droits de l'Homme est passée entre nos mains.. Dans la section
tangéroise des Combattants nous
possédons le bureau, ainsi du reste
qu' à l'Union JFrançaise... ".
Situation qui trouve son épilogue
dans
la Convention Anglo- Franco-
Espagnole du 18 Décembre
1923,
signée à Paris et qui fait de Tanger une ville chérifienne d'administration internationale : Tanger bien que zone d' administration autonome reste
partie intégrante de l'Empire Chérifien ( 14 ). Décision qui comble d'aise "la Nouvelle Volubilis" de Tanger.
x
x
x
La Loge de "la Nouvelle Volubilis", dans un Tanger dont le sort est
maintenant fixé, poursuit son action militante
et fait
le point sans crainte (15 ):
"La. Nouvelle Volubilis a créé et dirige les groupements
ci-après :
Alliance Française, Foyer Français, Cercle Français, Ligue de l' Enseignement,
Ligue
des
Droits
de
l'Homme, l'Union des Travailleurs ...
La
mise en oeuvre
peut compter sur le journal "L'Union Française de Tanger" organe
de
l'Union des Travailleurs où les F.°.M.°. sont influents, mais surtout sur
"Les Annales Tangéroises"
publication dirigée par Charles Hedelin, hebdomadaire
du dimanche que nous entretenons, dirigeons et contrôlons"
( 16).. On y prend à partie l'armée, l'église; on y réclame un résident général civil ( 17 ) :
"La Ligue des Droits de l'Homme vient d' appeler l'attention du gouvernement
sur l'intérêt
de confier désormais l'administration du
protectorat marocain à un fonctionnaire civil"; on y reprend des articles d'un autre journal animé
par un F.°.M.°.
"Le
Cri Marocain" de Casablanca quand celui-ci réclame
des
droits
électoraux pour les Français du Maroc ou quand il s'insurge
contre l'état de siège..
Mais pendant ce temps l'affaire du Rif prend de nouvelles proportions et installe, pour un temps encore,
la F.°.M.°. de Tancer
au
centre
des
préoccupations du Conseil de l'Ordre, bien
que les pulsions du G.°.0.°. D.°.F.°.
au Maroc viennent maintenant de l'axe Casablanca - Rabat.
Dès 1921 la déroute du Général Sylvestre
à
Anoual
face aux tribus commandées
par Abd el
Krim
laisse à ce dernier
un butin de guerre - dont l'armement - appréciable.
Un
instant,
sous l'influence
de Conseillers Français
d'Oranie et d'agents politiques d'extrême
gauche
(
18
)
il se
donne comme
le
président do la République
Riffaine. Lyautey sensible
au danger
d'une dissidence généralisée à travers le Maroc décide de bloquer l'extension de la poche riffaine
en occupant pour mieux défendre Fez la tribu des
Beni Zeroual.
Les
F.°.M.°.
- dont l'analyse est propagée en
France par
le
F.°. Dunet dans ses conférences et ses articles
(
19
)
- y voient de la provocation : "la presse prépara l'opération longtemps à l'avance. La défaite
des Espagnols incita
des journaux tels que le
Temps
à
rappeler au gouvernement français que les Traités lui faisaient
une obligation de se substituer à l'Espagne défaillante pour assurer la
police des territoires
dévolus
à celle-ci".
Un rapport de "la
Nouvelle Volubilis"
daté
du 8 Décembre
1924 et expédié
au
G.°.0.°. D.°.F.°.
estime que
"
Cette campagne
de
presse est inspirée par le
Maréchal
Lyautey et surtout par la famille du Maréchal ... Leur
but consiste à pousser les limites du Maroc Français à l'ouest du Cap de
l'eau
et, en compensation, donner Tanger
à l'Espagne. .. La poli tique du Maréchal Lyautey est
désastreuse pour la France et pour
le
Maroc, catastrophique
pour Tanger. Cet homme est néfaste et son remplacement s'impose dans le
p1us
bref
délai".
Le Conseil de l'Ordre,
en Janvier
1925, prend note de ce
rapport
dont "il ressort que notre Résident Général
serait favorable
au Roi d'Espagne
et adversaire d'Abd
el Krim... Nous tiendrons compte dans la plus
large mesure de ces
renseignements
et de ces suggestions..."
Pour la Loge de Tanger les solutions sont évidentes :
"L'Espagne n'ayant pu accomplir le mandat qui lui a été confié n'a aucune raison
pour occuper plus longtemps
les villes de El Ksar, Larache, Arzila, Tétouan...
Avec
l'accord de l'Angleterre le protectorat français engloberait Larache
et El Ksar, viendrait jusqu'à
la zone
internationale de Tanger agrandie vers
Ceuta, gros avantage pour l'Angleterre puisque
la zone
de Tanger ne doit pas être
fortifiée... Dans le cas où un arrangement
dans
ce sens avec l'Angleterre
serait impossible, il
faudrait prévoir l'agrandissement
de la zone de Tanger vers
le sud avec Arzila et Larache..." Vieux rêve, déjà exprimé
en
1911
par cette même
Loge
au moment de l'occupation militaire espagnole, vieux rêve de donner
un intherland conséquent aux milieux économiques français de Tanger. Mais tout cela n'est
possible que si l'on trouve un arrangement avec Abd el Krim.. Or
"La vérité c'est que dégoutté par l'attitude de la Résidence à son
égard, Abd el Krim a écouté les conseils des Anglais et surtout ceux des Allemands. Au risque
de nous répéter nous affirmons qu'un accord avec Abd el Krim est impossible tant que Lyautey est à Rabat.
Mais si un nouveau résident, s'appuyant sur Angora,commençait des pourparlers avec le chef Riffain, il
est très probable qu'Abd el Krim reconnaîtrait la souveraineté du Sultan du
Maroc. Il suffirait sans doute que le Sultan lui confiât le khalifat
Ce rapport est repris dans le n° 16 de l'Acacia de Février 1925 avec cette mention "cette étude que nous nous étions fait
Ces critiques
adressées à Lyautey, rendu responsable
de la
crise
qui a
suivi l'attaque menée par
Abd el Krim
en avril pour se venger de l'affaire des Beni Zeroual, vont encourager Painlevé à créer une situation telle que Lyautey préfère démissionner,
au mois d'Octobre 1925, non sans avoir évité le pire au Protectorat au mois de Juillet en
sauvant Fez menacée.
"La Nouvelle
Volubilis" Avait
critiqué l'attitude des
militaires
français qui "s'efforcent de faire croire que Primo de Rivera rétablira vite la situation" et
elle avait demandé la nomination d'un Résident Général civil,
républicain.
La venue du nouveau Résident Général le F.°. Steeg
réputé être de la G.°.L.°., ne peut
que plaire aux FF.°. Tangérois comme à l'ensemble
de. FF.°. du Maroc. En effet, radical
socialiste Théodore Steeg a
accepté sa nomination
au Maroc dans le but ce
mettre fin à la guerre du Rif et d'arriver à
la pacification.
La profonde
méfiance que lui inspirent les chefs militaires
dont
il connaît l'ardeur lui fait craindre qu'un
engrenage d'opérations
imprudentes n'entraîne la France dans une guerre impopulaire.
Il
appartient
alors à
la Loge de la G.°.L.°. "L'Union" - créée en
Juillet 1925 à Tanger -
de servir d'intermédiaire. En effet, c'est son Ven.°
le F.°. Azancot, qui
détient l'autorisation d'Abd
el Krim de ravitailler
les
prisonniers dans le Rif. Il lui est demandé par la Résidence ( 20) de faire bénéficier
de cette autorisation Mr Parent.
Mr Richard
de "l'Écho
du
Maroc",
dans
une
lettre
du 24 Février 1926, lui confirme un précédent télégramme :
"
nous avons de la concurrence.
Un Mr
Montagne, qui a partie liée avec un certain Guérard, a trouvé le moyen de se rendre chez
Abd el
Krim, auprès de qui il doit se trouve actuellement... Hier il est parti dans la direction de Taourirt avec je crois un convoi
de ravitaillement pour prisonniers français et espagnols. Dans
ces
conditions Abd el Krim va-t-il vous délivrer, à votre nom et à celui
de Mr Parent,
les deux
permis que vos rakkas
[courriers] sont allés cher
cher de la part de Moulay
Ali ? ... Tenez bon et achevez ce
que
vous avez commencé. Moi, de mon côté, j'envoie
tout
le dossier et une longue lettre à mon
ami
Briand .."
Ce Mr Montagne
n'est autre
que le F.°.
Montagne
de la G.°.L.°.D.°.F.°.,
futur directeur
du
"Cri Marocain"
à la mort du F.°. Carette-Bouvet,
et que
le Résident
Général
Steeg envoie pour doubler l'action de Mr Gabrielli
(
21
) qui a assuré le contact entre Abd el Krim et Lyautey
pendant
toutes les hostilités. Sous couvert de négociations sur le sort
des prisonniers,
le F.°.
Montagne est envoyé dans le Rif pendant la
Conférence Franco-Espagnole
d'Oujda.
Le F.°. Montagne espère gagner Abd el Krim
à la cause
de la
France et jeter
avec lui les bases d'une solide collaboration, ceci dans l'esprit même de "La Nouvelle Volubilis"
de Tanger. Ces idées
étant jugées dangereuses
dans
l'entourage de Steeg, le F.°.
Montagne est
écarté et remplacé par Mr Parent jugé plus docile ( 22 ). La délégation Parent
-
Dr Gaud,
rendue possible par
l'intervention du F.°. Azancot de Tanger facilitera la rédition d'Abd el Krim qui,
à la suite de deux entretiens pathétiques avec le F.°. Lieutenant de Vaisseau R.
Montagne
-
frère du précédent, futur professeur du Collège
de France et membre de la L-oge
"Conscience" de la G.°.L.°. à Rabat ( 23 ) -
et avec le capitaine Suffren, fera sa soumission au colonel Corap le 27
Mai 1926.
Cette action, la Loge "L'Union"de Tanger a pu la faciliter grâce
à l'appui
des FF.°. de
Tanger de toutes les obédiences,
y
compris les FF.°.
espagnols comme le laisse entendre le F.°. de la G.°.L.°. Carette-Bouvet dans
son
journal "Le Cri Marocain"
(
24
)
:
"
Félicitations aux Français de
la Loge
de Tanger... filiale de la G.°.L.°., qui, en un geste d'honnête et véritable confraternité
humaine, sut grouper sous son égide, pour travailler d'un commun accord,
dans un
esprit de concorde et de paix, espagnols et
français
"
x
x
x
La question du
Statut de Tanger réglée, l'affaire Riffaine en voie d'apaisement
"la Nouvelle Volubilis"
va rentrer
dans le rang. Le deuxième Congrès des Loges du Maroc à Casablanca, en
Mars
1926, a déjà pu lui
faire sentir cette évolution. En effet alors que son délégué dépose
un voeu ainsi libellé
"
La. Nouvelle Volubilis tenant compte de ses
nombreuses interventions
auprès
du G.°.0.°. au sujet de la question du Rif, considérant que la F.°.M.°.
se doit
d'intervenir énergiquement auprès des pouvoirs publics pour
que
cesse
une effusion de sang n'ayant pour but que de soutenir la royauté
espagnole
et excuser les fautes commises par les militaires français, regrette
que cette question
importante n'ait pas été portée à l'ordre du jour du Congrès,
demande que la question du Rif soit immédiatement mise à l'étude des Loges pour être discutée au Convent", les réticences du Congrès à adopter les conclusions de
Tanger amène la commission à transformer le voeu : " Le Congrès des LL.°. Mar.°. demande au G.°.0.°.D.°.F.°.
et à tous les F.°.M.°. d'intervenir énergiquement
près du gouvernement
de la République française pour qu'une solution rapide
soit donnée à l'affaire du Rif et pour que cesse toute effusion de sang ".
Voeu voté
à l'unanimité
(
25 ).
Au cours de ce même
Congrès, la Loge Tangéroise
"Considérant les difficultés
dues
à l'éloignement...
demande que la date du Congrès soit
fixée dans la semaine qui suit ou qui précède Pâques "; mais comme les Loges marocaines sont avant tout soucieuses de participer au Congrès des Loges
d'A.F.N., qui se tient
à cette
époque de l'année, elles ne donnent
pas 5satisfaction aux Tangérois. Dès lors la Loge se fera souvent représenter par
des FF.°. non Tangérois et "la Nouvelle Volubilis" apparaîtra comme une lointaine
nébuleuse dont l'éclat s'est
un peu estompé
au fil des années.
Pourtant
Tanger n'est pas pour autant en sommeil, la vie maçonnique y est même active
comme le signale le F. °. Saurin de la G. °.L.°.. ( 26 )
:
"la Loge de Tanger
est un symbole d'union, elle a réuni ses FF.°. de toutes nationalités, qui se sont imprégnés au
sein
de l'At.°. de sentiments mutuels de
solidarité... Ceci malgré
l'instabilité
du statut de l'Orient de Tanger...".
En fait Tanger est devenue
la plaque tournante
de la F.°.M.°. espagnole
avec les Loges du G.°.0.°.
espagnol et de la G.°. L.°.
d'Espagne, des Triangles du Derecho Humano. Le G.°.O.°. espagnol
y a installé son
Chapitre
"Samuel Guitta" du
nom
d'un maçon Tangérois
qui pendant
25
ans a
été président de la Loge "Morayta n° 284", président honoraire
de la Ligue des Droits de l'Homme, etc .( 27 ).. Ce Souverain Chapitre de
Tanger est en relation
avec les Loges tangéroises : "Minerva", "Abd el Aziz",
"Morayta"; avec les Loges de Ceuta, Mélilla, Larache dans la zone espagnole; avec les Loges
"Fiat
Lux", "Casablanca n° II" et "Samuel
Guitta" à
Casablanca pour la zone
française. La G.°.L.°. d'Espagne, quant à elle, possède à
Tanger
la Loge "Africa"
(
28
)
installée dans les locaux
de la Loge anglaise
(
29
)
et en relation avec "Paz y Trabajo" de Casablanca.
Il y
a également la Loge italienne, avant que la poussée fasciste ne lui porte
un coup fatal.
La montée du fascisme, Tanger la voit se profiler à ses portes. En
1936,
la zone espagnole sert de base de départ aux armées nationalistes
de Franco et les Loges de cette zone du
Maroc sont fermées.
Les
réfugiés républicains affluent
à
Tanger
ou
bien se dirigent
vers
le Maroc français
où des Triangles puis des Loges vont s'ouvrir. Mais à Tanger l' inquiétude règne
dans les milieux maçonniques car de nombreux fascistes espagnols viennent s'installer dans la ville internationale. Les Loges espagnoles,
compte tenu de l'évolution en Espagne même, vont être contraintes de se mettre en
sommeil,
en 1937 et 1938, avant que
le
G.°.0.°. d'Espagne ne prenne
la route
de l'exil pour Paris d'abord puis pour Mexico. Mais
ce
retrait, les
FF. °. Espagnols l'accompagnent d'un avertissement prophétique ( 30 ) : "Est-ce qu'on espère là
bête fasciste repue à satiété ? Avec quoi ? Avec notre anéantissement ? Erreur immense.
Elle nous fait la guerre, pas précisément contre
nous, mais en visant la France et le
reste de l'Europe.
Notre chance sera
la vôtre...".
Le 14 Juin 1940, des méhallas
khalifiennes,
venues du Maroc espagnol occupent
Tanger sous le prétexte d'y maintenir une situation "normale".
Les Loges d'obiences françaises
prennent
alors
les
mêmes
mesures que les Loges espagnoles quelques
mois
plus tôt ( 31 ) et se mettent
en
sommeil.
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Tanger qui avait vu s'installer dès 1867 les premières Loges
maçonniques ayant existé au Maroc les voit se fermer à la vie maçonnique en
1940, avant même le décret Pétain. Après 1945 seuls les FF. °. Espagnols avec la Loge "Antéo"
(
32
)
et les Anglais, liés à Gibraltar,
reprendront leurs activités, sans éclat
comme
un vague reflet d'un passé
brillant, car ville internationale, Tanger
a
eu une vie maçonnique
sortant quelque peu de l'ordinaire
dans
la mesure
où les Loges,
de différentes
nationalités, se sont côtoyées
et
parfois
surveillées,
toutes attentives à l'évolution du Maroc qui pour une bonne part et pendant une longue
période s'est dessinée à Tanger.
Odo Georges
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