Lundi 28 décembre 2009 |
La saga des francs-maçons à la Réunion
Georges Odo: l'Histoire en noir et blanc
par Guillemette Bourdin, publié le 30/03/2006 - mis à jour le 19/10/2006 15:54
La question est soulevée en France dès 1788 par la Société des amis des Noirs, face aux propriétaires de plantations, qui, eux, vont constituer le club Massiac, du nom de l'hôtel parisien où ils se réunissent. Le courant antiesclavagiste, bien que minoritaire dans la société française, va perdurer au sein de la franc-maçonnerie et peu à peu se renforcer. Pour enfin s'imposer, cinquante ans plus tard. En 1834, la Société pour l'abolition de l'esclavage est mieux acceptée que la défunte Société des amis des Noirs. Il faut préciser que les îles sont alors jugées moins intéressantes d'un point de vue économique, en partie parce que l'essor de la betterave diminue l'intérêt de la canne à sucre, et donc de l'esclavage. Apôtre de l'abolition de l'esclavage, le maçon Victor Sch?lcher (lire l'article page VIII) parvient à réaliser son projet, le 27 avril 1848, alors qu'il est sous-secrétaire d'Etat à la Marine et aux Colonies dans le gouvernement provisoire de la IIe République.
A quel moment le décret du 27 avril 1848 est-il proclamé à la Réunion?
C'est le franc-maçon Joseph Sarda-Garriga, nommé commissaire général de la République de la Réunion par Victor Sch?lcher, qui décrète l'abolition de l'esclavage le 20 décembre 1848.
Que deviennent alors les anciens esclaves?
C'est une question qui va soulever des interrogations fondamentales. D'autant plus qu'un second domaine colonial va s'étendre vers l'Afrique et l'Indochine. Trois solutions se présentent: l'assimilation, l'indépendance ou l'association. La plupart des maçons, soucieux de servir un idéal de civilisation occidentale humaniste, choisissent l'assimilation des colonisés. Par européocentrisme - sentiment de supériorité largement répandu chez les Occidentaux - ils désirent faire bénéficier les autres peuples du «progrès». Mais certaines populations, attachées à leur culture et leurs traditions, tiennent à les conserver. Le choc de la Première Guerre mondiale fait prendre conscience aux francs-maçons de cette réalité. Ils vont donc, pour la plupart, s'orienter vers un autre principe, celui de l'association, sorte de compromis entre l'assimilation et l'indépendance. L'Union française, dont l'esprit avait été défini par le maçon Félix Eboué, concrétisera ce choix après la Seconde Guerre mondiale. Finalement, la plupart des territoires obtiendront leur indépendance à partir des années 1950-1960.
Et à la Réunion?
Ce problème ne se pose pas car, une fois l'esclavage aboli, les colonisés vont s'intégrer progressivement. Contrairement aux habitants des colonies plus récentes, qui optent pour l'indépendance, les Réunionnais, qu'ils soient d'Afrique, d'Asie ou d'Europe, se veulent français. Dans les ateliers maçonniques, la question centrale tourne alors autour de cette intégration et de l'égalité de leurs droits avec la métropole.
Cette intégration va-t-elle aussi concerner les loges maçonniques?
Oui, et c'est une nouveauté: un plus grand nombre de Métis et de Noirs vont entrer en maçonnerie. Mais les loges se heurtent à l'influence de l'Eglise catholique, et cela encore davantage vers la fin du XIXe siècle, époque où les idées républicaines commencent à se propager. Cette dernière, qui a très tôt diabolisé la franc-maçonnerie, va poursuivre ses attaques. Notamment à partir de 1877, date à laquelle le Grand Orient met fin pour ses membres à l'obligation de croire en Dieu, au nom de la liberté de conscience. Les nouvelles élites locales, souvent formées dans les écoles religieuses, ne vont donc pas se diriger facilement vers une franc-maçonnerie anticléricale. Et le recrutement au sein des loges va parfois s'en ressentir.
C'est vrai, une loi va interdire en août 1940 les réunions maçonniques, en métropole comme dans les colonies. Parmi celles-ci, certaines, comme les Antilles ou la Guyane, vont rester plus longtemps sous le contrôle de Vichy, tandis que d'autres passent rapidement à la France libre. C'est le cas, par exemple, de la Réunion, en 1942. A la suite de l'annulation de cette loi, en décembre 1943, la réouverture des loges va se faire progressivement. A ce moment-là, l'Union française se profile déjà à l'horizon.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/georges-odo-l-histoire-en-noir-et-blanc_479792.html?p=2