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La franc-maçonnerie au Sénégal est dynamique et en plein développement, selon leur patron français

Jean Michel Quillardet est le Grand Maître du Grand Orient de France (Godf), une des plus anciennes loges maçonniques françaises. Chef de Godf depuis septembre 2005, il est avocat de profession. Il était en visite dans notre pays à la rencontre de ses frères maçons et aussi pour assister au 30e anniversaire de la loge Blaise Diagne. La franc-maçonnerie fait l’objet de toutes spéculations, mystifications et craintes.

M. Quillardet a profité de son séjour au Sénégal pour rencontrer la presse, lever certaines équivoques et s’expliquer sur la mauvaise image que traîne la franc-maçonnerie sous nos cieux.


Source : Le Soleil



 
La franc-maçonnerie au Sénégal est dynamique et en plein développement, selon leur patron français
M. Quillardet, c’est quoi le Grand Orient de France ?
Le Grand Orient de France est la principale obédience associative des francs maçons en France. Nous existons depuis le XVIIIe siècle, plus précisément depuis1728. Nous avons 47.000 membres et nous sommes donc la première par l’histoire et la première par le nombre des obédiences maçonniques françaises. Je suis ici à Dakar à l’invitation de la loge maçonnique Blaise Diagne pour fêter le 30e anniversaire et pour être à la rencontre des frères appartenant à la loge du Grand Orient, ici, sachant que nous avons des loges dans tous les pays du monde. Nous en avons 3 au Sénégal, au Cameroun, au Togo et naturellement dans tous les territoires et départements d’Outre-Mer, mais également dans tous les autres continents. Nous représentons une maçonnerie qui n’est de France que par l’histoire, mais qui prétend développer et présenter des valeurs universelles comme la tolérance, la démocratie, une certaine conception humaniste de l’homme, la laïcité et tout ce qui peut conduire à l’émancipation de l’homme et qui nous rassemble par la devise du Grand Orient de France : liberté, égalité et fraternité.

Quel est l’objectif de votre présence au Sénégal et en Afrique de l’Ouest ?

Au-delà de cette rencontre avec mes amis des loges du Grand Orient au Sénégal, je crois qu’il était important de dire et de faire deux choses. La première, c’est par cette conférence de presse et la rencontre que j’aurai avec une autorité de l’État de faire valoir le message du Grand Orient, de faire mieux comprendre ce qu’il est, ce qui est la franc-maçonnerie. Celle-ci est parfois mal connue ici, en France, et il s’agit de faire connaître que c’est une société de pensées, un laboratoire d’idées au service d’un certain corpus idéologique, celui-ci étant tout ce qui peut conduire à un projet humaniste, une société et un monde plus humains. La deuxième chose qui me paraît importante, après cette conférence de presse, est que je me rendrai à Gorée. Et là, ce sera pour montrer d’abord que nous, qui sommes Français et nés en France de parents Français, sommes porteurs de l’histoire de notre pays, par conséquent de l’histoire de la colonisation. Et la colonisation, contrairement à ce que beaucoup dans nos pays racontent, n’a pas été positive pour l’essentiel qui est souvent l’émancipation de l’homme et pour rappeler également que la traite des Noirs, c’est un crime contre l’humanité. Ce crime n’a été reconnu qu’il y a très peu de temps dans la législation française. Donc, aller à l’île de Gorée, c’est de dire oui, il y a eu un premier génocide au fond au cours de l’histoire, c’est celui qui a été commis par les Occidentaux et en particulier par les Français. C’est donc à la fois sacrifier à un devoir de mémoire et également pour appeler à la vigilance en disant qu’il ne faut pas que cela recommence, sachant que ce voyage vers l’enfer, nous le mettions dans tout un travail que nous avons effectué durant ces deux dernières années pour rappeler l’ensemble des mémoires d’un certain nombre de peuples, de terres qui ont été meurtris et violés. C’est la raison pour laquelle, il y a quelques semaines, avec une délégation du conseil de l’ordre, nous étions à Auschwitz. De la même manière, une délégation sera en Arménie pour bien dire qu’il y a eu un génocide arménien. Ma présence en Afrique s’explique par ce souci constant de rappeler que si nous ne sommes pas vigilants, et si nous autres francs maçons du Grand Orient porteurs de ces valeurs, même si nous ne sommes pas les seuls, en France il y a les républicains, au Sénégal, beaucoup de démocrates qui, sans être francs-maçons, peuvent parfaitement nous rejoindre dans ce progrès, c’est de dire : faisons très attention, car la bête immonde est toujours prête à renaître. Dans ce sens, nous avons fait un gros travail dans notre loge pour parler du génocide au Rwanda. Actuellement, nous menons une action pour considérer que ce qui se passe au Darfour, c’est aussi un nouveau crime contre l’humanité qui est en train de se perpétuer. Je tiens ici à rendre hommage à vos compatriotes, aux soldats sénégalais qui, il y a quelques jours, ont été tués dans le cadre de ce combat. Voilà donc la signification profonde de la présence de notre délégation du conseil de l’ordre à Dakar, au Sénégal, dans un pays qui a cette longue histoire. Nous pensons à Blaise Diagne, à Léopold S. Senghor pour lequel j’ai une profonde admiration, aux présidents Abdou Diouf et Wade. Car, le Sénégal, grâce à ces personnalités politiques, est une véritable démocratie et je ne peux que m’en féliciter.

Comment se porte l’obédience de la loge du Grand Orient au Sénégal en termes d’adhérents et de dynamisme ?

Ici, vous avez trois loges. On peut dire que le nombre est estimé à 200, même si je ne maîtrise pas les effectifs. C’est une maçonnerie en plein développement, dynamique. D’ailleurs, tout à l’heure, j’étais en tenue et il y avait l’ensemble des frères de Dakar qui étaient réunis. J’ai constaté qu’il y avait beaucoup de jeunes. Il y a même un frère qui a fait une planche qui nous a dit qu’il est âgé de 30 ans. C’est très important parce qu’en France, la maçonnerie, depuis quelques années, est un peu vieillissante, même si on voit tout de même qu’il y a un retour de l’intérêt de la jeunesse vers la maçonnerie. Mais ici, c’est une maçonnerie à la fois dynamique par l’état civil, mais aussi et surtout parce que les loges et les frères adhèrent totalement au projet du Grand Orient. Autrement dit, essayer d’être à la fois ce qui fait la spécificité de la démarche maçonnique, c’est-à-dire une démarche personnelle, pour essayer de se former soi-même, d’aller à la rencontre des autres, de la différence, mais aussi un engagement dans la laïcité. C’est à la fois une maçonnerie très intériorisée, de combat pour la dignité de l’homme. Les loges de l’extérieur du Grand Orient sont très motivées pour prendre en charge ce projet, qui est au fond un projet de société non pas de manière partisane.

Votre visite intervient dans un contexte où les autorités sénégalaises se font le chantre du dialogue islamo-chrétien. Pour vous qui défendez des causes telles que la tolérance, la laïcité, quelle perception avez-vous de ce thème qui est développé dans notre pays ?

Parce que je suis maçon et grand maître du Grand Orient de France, je suis toujours favorable au dialogue. Le dialogue, c’est une chose essentielle. Il faut toujours écouter, interroger, essayer de comprendre l’autre. Si ce dialogue permet de résoudre un certain nombre de difficultés dans la société sénégalaise, je ne peux que l’approuver. Dans votre question, vous sous-entendiez peut-être parce que nous sommes francs-maçons, nous étions contre toute forme de religion, de pratique, de culture religieuse. Ce n’est pas le cas. La laïcité, c’est le droit de croire ou de ne pas croire. Par conséquent, c’est le respect de la foi, des religions dès lors naturellement que les religions n’ont pas de comportement absolutiste, intégriste ou aveugle. Lorsqu’une religion accepte les lois de l’État, de la République, c’est une démarche parfaitement respectable. D’ailleurs, au Grand Orient de France, cela peut être noté parce que vous avez des croyants et des non croyants. Je cite souvent ce vers d’Aragon " qu’importe cette clarté qui guidait leurs pas que l’un fidèle à la chapelle ou l’autre s’y déroba. Celui qui croyait au ciel que l’autre n’y croyait pas. La rose... " C’est un poème écrit par Aragon en hommage aux communistes athée et catholique. Il leur rendrait hommage quelle que soit leur croyance, parce qu’ils avaient combattu contre la barbarie nazie.

Dans de nombreux pays africains et même en Europe, les franc-maçons sont présentés comme le diable. Comment vous positionnez-vous par rapport à ce discours et qu’est-ce que vous allez faire pour changer cette vision ?

Les francs-maçons sont habitués depuis fort longtemps à être considérés comme étant diaboliques. L’Église catholique, au début, a lutté contre les francs-maçons. Même en France, le régime de Vichy luttait contre les francs-maçons au nom justement de l’appartenance à une tradition et à l’Église. Il y a eu une évolution du côté de l’Église catholique en France. Aujourd’hui, il y a un dialogue et je ne crois pas que l’institution ecclésiale lutte jour après jour contre la franc-maçonnerie, même si le pape actuel a eu quelques propos et fait des écrits qui sont sévères à notre endroit. Cela est dû à deux raisons. La première, je pense que les francs-maçons n’ont pas été suffisamment à la rencontre de l’autre et donc on n’a pas expliqué véritablement ce qu’est la franc-maçonnerie. Il n’y a pas de secret. On fait de nombreuses conférences publiques. Le siège du Grand Orient de France est ouvert tous les week-ends au public pour participer à tout un ensemble de colloques, de manifestations culturelles, d’expositions de peinture, de pièces de théâtre. C’est un effort que nous accomplissons, que nous devons accomplir pour expliquer ce qu’est la franc-maçonnerie, c’est-à-dire une idée très ouverte de la société, de l’homme. Il y a sans doute des incompréhensions parce qu’on n’a pas réussi à suffisamment mieux nous faire connaître. Il y a aussi des intégristes partout que vous trouverez dans toutes les religions, et même chez les athées qui refusent la religion. Ce n’est pas le cas des maçons. Ces derniers, si on peut résumer leur combat, c’est de lutter contre toutes les formes d’intégrismes et d’obscurantisme.

Cette mauvaise image des maçons, est-ce un problème de communication ?

C’est vrai que nous avons encore beaucoup d’efforts à faire pour mieux nous faire connaître. La franc-maçonnerie n’est pas une société sécrète. D’abord, vous pouvez trouver dans toutes les librairies, ici ou ailleurs, des livres où l’on vous explique ce que c’est la maçonnerie, l’initiation maçonnique. Il y a que deux secrets : le secret de l’appartenance parce que chacun a sa propre liberté ; la liberté d’être et celle de faire. Il y a beaucoup de maçons qui vous disent, je suis franc-maçon, c’est public et beaucoup d’autres considèrent que c’est leur jardin secret. Cela est valable pour toute forme d’association. Vous avez des gens qui vont tous les dimanches à la messe et qui vous ne le disent pas même au cours d’un dîner en ville. Pour les franc-maçons, c’est exactement la même chose. C’est le secret de l’appartenance qui s’explique par le fait que lorsqu’on se trouve dans des États totalitaires, les maçons sont persécutés. Comme ils sont des penseurs libres, qui mettent la libre expression au cœur de la citoyenneté, les maçons étaient pourchassés en Union soviétique, dans toutes les dictatures en Amérique latine et ailleurs. En France, nous avons été persécutés au moment du régime de Vichy. Ce qui explique quelquefois la timidité de certains de nos membres. Et même, dans quelques milieux professionnels, le fait d’être maçon ne favorise pas telle ou telle carrière, même si ce n’est plus le cas en France. L’autre secret, c’est celui de l’initiation maçonnique. C’est une expérience personnelle, très intime, très amicale presque charnelle. Et celui qui ne l’a pas vécu ne peut pas la partager, la comprendre. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de profane qui assiste à nos initiations. Ce sont les deux seuls secrets. Le reste, ce sont tous les quinze jours des hommes et des femmes de toutes origines sociales, professionnelles, de toutes croyances qui se réunissent, qui débattent sur un sujet ; un membre du Grand Orient fait une planche sur un sujet philosophique, politique, économique et le débat s’instaure. Au-delà, il y a la vie d’obédience avec les colloques que nous organisons et les questions d’études de loge adoptées par notre assemblée générale et sur lesquelles l’ensemble des loges du Grand Orient doivent travailler et devront déboucher sur des rapports. Voilà véritablement la maçonnerie, qui est une société de pensée où l’on essaie de construire un chemin commun malgré nos divergences et nos différences. Au fond, c’est l’intelligence du contradictoire. Peut-être, c’est ce qui fait notre force et, quelquefois, notre faiblesse, parce que nous n’avons pas de positions communes. Vous allez me demander qu’il y aura dans quelques jours des élections en France, vous allez appeler à voter pour qui ? Naturellement, nous allons dire à nos membres de ne pas voter pour Jean-Marie Le Pen. Pour les autres, nous n’allons rien dire parce que nous avons des divergences politiques sur l’organisation de la société à un moment donné. En revanche, on se réunit autour d’un certain nombre de valeurs. Au-delà, chacun est libre. Et c’est cela fondamentalement la franc-maçonnerie.

Depuis quelques années, on note une grande offensive de la Grande loge nationale française (Glnf) qui recrute à tour de bras, notamment parmi les chefs d’État africains. Qu’est-ce que vous pensez de l’attitude de la Glnf et comment se positionne le Grand Orient de France ?

Sur la Grande loge nationale de France (Glnf), en tant que Grand maître du Grand Orient, je suis obligé d’être diplomate encore que nous avons peu de relations avec cette loge. Alors que nous avons d’excellentes relations avec toutes les autres obédiences maçonniques de France : la Grande loge de France, la Grande loge féminine de France, le Droit humain pour citer l’essentiel. À l’égard de l’État, la Glnf fait ce qu’elle veut. La conception que j’ai du Grand Orient de France à l’égard d’un État, c’est son indépendance totale de tout pouvoir politique, c’est le refus de toute instrumentalisation de l’obédience maçonnique à des fins politiques. Par ailleurs, dans notre loge, nous avons une conception éthique de la franc-maçonnerie. Les gens qui entrent au Grand Orient pour faire des affaires se trompent de porte et, la plupart du temps, ils s’en aperçoivent vite et s’en vont. Ainsi, dans notre combat humaniste, c’est d’être intransigeant à l’égard de tout pouvoir politique corrompu et non démocrate. En règle générale, le Grand Orient de France n’a pas de rapports avec ces pouvoirs politiques.

Dans les relations France-Afrique, les maçons ont été un trait d’union. Aujourd’hui que le débat sur la redéfinition des relations entre la France et les pays africains est lancé, quelle est la position du Grand Orient ?

La maçonnerie africaine à la loge du Grand Orient, mais aussi les obédiences maçonniques africaines représentent dans l’histoire passée et présente quelque chose de très important. Il y a une vraie richesse de la maçonnerie africaine. Celle-ci entretient des relations très étroites avec la maçonnerie française. Il y a quelque temps, nous étions au rassemblement des obédiences humanistes africaines à Yaoundé où nous avons participé à une rencontre pour voir comment on peut améliorer la société. On a signé un rappel sur le Darfour. Il y a là un tissu très important. Spécifiquement sur les relations entre la France et l’Afrique, nous devons continuer à travailler sur cette notion de partage, de co-développement, la question de l’immigration, des migrations internationales. D’ailleurs, le 2 juin, nous organisons à Strasbourg un grand colloque public avec l’ensemble des obédiences étrangères. Le thème est " Construire l’Europe, construire le monde ". Un certain nombre de personnalités profanes et quelques-unes maçonnes viendront proposer des thèmes de réflexion. La question construire l’Europe, construire le monde, c’est aussi construire l’Afrique. Je souhaite que le Grand Orient et la France se rapprochent beaucoup de l’Afrique pour l’aider, mais aussi et cela n’est pas suffisamment dit pour que l’Afrique nous aide. Si j’avais un message à adresser aux autorités françaises, c’est de leur dire : " ne soyons pas simplement dans l’assistanat, dans l’aide financière ". Nous devons dire aux Africains que " vous avez beaucoup à nous apporter par votre culture, par votre civilisation, vous avez beaucoup à apporter à la civilisation occidentale ". Sur les relations entre la France et l’Afrique, je ne suis pas chargé de donner des opinions ou de délivrer des brevets de bonne ou mauvaise conduite au gouvernement français sur les relations avec tel ou tel pays. À l’adresse de l’autorité républicaine française, je ne peux dire, dans la conception que j’ai de la France, qu’il ne peut pas y avoir de France sans l’Afrique. Nous avons besoin des Africains parce que ce sont nos frères. L’Afrique, c’est l’avenir avec une certaine conception de l’homme et que l’on a beaucoup à faire avec et pour l’Afrique. Il ne faudrait pas que les gouvernements français, quels qu’ils soient, délaissent l’Afrique.

La franc-maçonnerie est liée aux sphères du pouvoir (politique, économique). Est-ce que, au niveau du Grand Orient, vous êtes dans cette logique ?

Il y a eu une évolution de l’histoire de la maçonnerie, en particulier du Grand Orient. Sous la troisième République en France, en particulier, le Grand Orient exerçait une influence dans le pouvoir politique par la présence de nombreux frères membres de cette loge à des postes de responsabilité et au Parlement. Cela a permis de faire avancer un certain nombre de droits comme la loi sur les associations, sur la séparation de l’Église et de l’État, le droit syndical, etc. Mais la société évolue, la politique également. Aujourd’hui, l’influence du Grand Orient est de nature différente, même si nous avons encore des membres qui exercent de hautes fonctions. Nous ne recherchons plus à avoir tels ou tels hommes bien placés dans un certain nombre de réseaux. Le Grand Orient ne peut donc se définir, aujourd’hui, comme un réseau d’hommes qu’on place dans différents cercles du pouvoir et proches de celui-ci. En revanche, le Grand Orient exerce et doit exercer une influence politique au bon sens du terme, c’est-à-dire une influence intellectuelle, éthique par ses travaux et par le fait que chacun de nous, dans l’exercice de nos responsabilités, essaie de faire avancer nos idées. Le Grand Orient de France sur certaines questions est entendu. Lorsqu’un texte du ministère de l’Intérieur français avait voulu modifier la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, nous avons sorti un rapport indiquant pourquoi il ne fallait pas modifier cette loi. Et au regard du débat citoyen, aujourd’hui, l’action du Grand Orient est décisive dans la mesure où un certain nombre de positions des candidats ont évolué, s’apercevant sans doute qu’il y avait un large consensus autour de la loi de 1905. La politique également évolue. Il existe maintenant en France, la Fraternelle parlementaire de droite, de gauche, franc-maçonne, et il y a un vieux mythe de la fraternelle parlementaire véhiculé par quelques journalistes et qui consiste à dire que c’est celle-ci qui fait les élections au bureau de l’Assemblée nationale. Les choses ne se passe pas de cette manière. Un franc-maçon dans un parti politique, à un moment donné, va suivre le ligne de son parti. La Fraternelle parlementaire a, cependant, un intérêt. On rencontre régulièrement des parlementaires de droite et de gauche et sur un certain nombre de sujets, ils prennent en comptent nos projets, nos interrogations et nos propositions. Ce n’est donc pas le Grand Orient de France, la franc-maçonnerie qui fait aujourd’hui les carrières politiques dans notre pays.

Pour un non initié, la franc-maçonnerie, c’est comme une élite. Qu’en est-il ?

Oui, la maçonnerie, c’est l’élitisme. Mais, entendons-nous sur le mot élitisme. C’est un élitisme pour tous. Autrement dit, on ne vient pas au Grand Orient de France parce qu’on est de telle ou telle classe sociale, parce qu’on a telle responsabilité professionnelle ou tel diplôme. Ça ne nous intéresse pas. Mais, comme on sélectionne les gens qui viennent au Grand Orient de France, on essaie de sélectionner ceux qui ont une curiosité intellectuelle, qui ont une capacité humaine, une humanité et qui ont envie de s’engager dans le combat pour les valeurs humanistes. Cela peut être partagé par tout le monde, quelle que soit votre origine sociale, votre profession ou vos diplômes. C’est la raison pour laquelle, lorsque la maçonnerie se définit de cette manière, ce n’est pas contradictoire avec notre conception de la démocratie. La maçonnerie est à l’image de la société. On a un recrutement qui est plus classe moyenne. On a des employés, des ouvriers chez nous. Ils ne sont pas majoritaires chez nous, faut pas se voiler la face. Mais, là aussi, il faut faire évoluer la maçonnerie, comme il faut faire évoluer la société, pour une plus grande démocratisation. La maçonnerie, c’est essayer de découvrir dans la personne en face de soi et qui souhaite entrer dans le Grand Orient, toute une espèce d’approche de la vie. C’est-à-dire que quelqu’un a envie de donner un sens dans sa vie, de s’améliorer, d’aller à la rencontre de la différence et de s’engager dans la société, sur ses valeurs qui peuvent réunir tout un ensemble de gens quelle que soit leur singularité.

Est-ce que vous avez une certaine influence sur le gouvernement sénégalais ?

Je suis le grand maître du Grand Orient de France et je ne m’occupe pas des affaires politiques du Sénégal. Donc je n’ai aucune influence sur le gouvernement du Sénégal et je ne veux pas en avoir. Mais vous pourrez me poser des questions sur l’influence du Godf sur le gouvernement français. L’influence est celle-là : c’est d’organiser un certain nombre de publications, de colloques et de rencontres pour essayer de faire avancer nos idées.

 
Jeudi 19 Avril 2007