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Enquête.
Les Francs-maçons au maroc
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(Infographie Hicham Bahou)
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Qui sont-ils ? Que
font-ils ? Que veulent-ils ? Que craignent-ils ?
Toutes les questions que vous vous posez pour percer
le mystère enveloppant la franc-maçonnerie ont des
réponses. Tour d'horizon.
Des francs-maçons au Maroc ? Mais pas du tout,
sornettes que tout cela, la franc-maçonnerie (FM) a
bien existé par le passé, mais depuis l'indépendance
tout cela est fini ! Ce fut "une création des
services pour sonder les intentions de nos
privilégiés". D'autres s'en souviennent comme "d'un
mouvement sioniste oeuvrant pour la |
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primauté
d'Israël", quand ils n'en gardent pas le souvenir du
"bras armé de l'Occident conquérant". Les fantasmes
de certains profanes atteignent de telles
proportions qu'il devient difficile d'estimer la
présence maçonnique au Maroc. D'autant plus que ses
adeptes, pour se protéger d'une curiosité souvent
teintée de répulsion, s'entourent d'un épais
mystère.
Pourtant, les noms circulent entre initiés. Mohammed
V, Hassan II, Driss Basri, pour ne citer que ceux
dont l'action a le plus influé sur le destin des
Marocains, auraient compté parmi les plus éminents
des "frères" maçons. Mais comment passer de la
supposée appartenance à la certitude, quand tout bon
FM est un FM muet ?
Une
tradition de discrétion
"Je sais que Mohammed V était FM et même si on n'en
parlait pas publiquement - cela est absolument
contraire au règlement - il arrivait souvent qu'un
frère y fasse allusion dans une planche (exposé d'un
frère)", raconte F.E. épouse d'un frère aujourd'hui
décédé. Il reste toutefois impossible d'affirmer
avec certitude l'initiation du roi Mohammed V et de
son fils le prince Moulay Abdallah, quoique leur
humanisme en tout point conforme à l'idéal
maçonnique semble étayer quelque peu ces rumeurs
tenaces. Néanmoins, l'initiation de plusieurs
membres du premier cercle royal ne semble laisser
aucun doute.
Cas célèbre, le Tunisien Salah Rachid, ami et
soutien fidèle de Mohammed V, poussera la fidélité
de son engagement jusqu'à être enterré selon le rite
maçonnique. D'autres noms, comme celui d'Ahmed
Balafrej, ancien secrétaire général du parti de
l'Istiqlal et ancien ministre des Affaires
étrangères, sont souvent cités dans la sphère
maçonnique. "Faux. Mon père n'a jamais fait partie
d'une loge", rétorque son fils Anis, de manière
convenue. Plus près de nous, il semble que
l'affiliation du roi Hassan II ne soit qu'une
légende parmi toutes celles entourant le personnage.
Et si ce n'était l'amitié qui le liait à Haj Omar
Bongo, porte-flambeau de la maçonnerie africaine et
principal initiateur des chefs d'état d'Afrique de
l'Ouest, presque en totalité des "enfants de la
veuve", le roi Hassan II semble très loin de
l'univers de la FM. Difficile d'imaginer la figure
tutélaire de 30 millions d'âmes se rendre dans un
temple (lieu de réunion) pour se plier au rituel
d'initiation qui consiste en une mise à nu
symbolique : "La poitrine à moitié découverte, un
bras de chemise et une jambe de pantalon retroussés,
plusieurs frères pointent leur doigt sur mon torse
alors que, un bandeau sur les yeux, je suis
totalement démuni", se souvient H.E. Hassan II
aurait-il exigé d'être initié au Méchouar et selon
un rituel adapté à sa haute condition ? Difficile de
savoir. En tout cas, son "copain" Valéry Giscard
d'Estaing s'était vu refuser le privilège d'être
consacré "frère" à l'Elysée.
Le mystère entourant l'affiliation du roi défunt
n'exclut pas qu'il ait eu, tout au long de son
règne, auprès de lui des conseillers FM. Le nom de
Ahmed Réda Guédira est le plus souvent évoqué. "Sa
défense des intérêts de la France et des idées
libérales le rapprochait en tout cas énormément de
l'univers maçonnique", explique l'un de ses proches
collaborateurs à l'époque. Dans l'entourage royal,
Guédira n'est pas le seul à en porter l'étiquette
discrètement. Moulay Ahmed Alaoui, le légendaire
porte-glaive du Makhzen, ferait partie des illustres
"frères". Par ailleurs, nombre de personnalités
maçonniques marocaines, proches du pouvoir, seraient
affiliées à des loges occidentales. Le courant
Identité et Dialogue, dont André Azoulay est le
fondateur, compte, par exemple bon nombre de
Franc-maçons en lien avec des loges françaises.
Qu'en est-il du plus zélé des serviteurs de Hassan
II, Driss Basri ? Serait-il lui aussi un "fils de la
lumière" ? C'est ce que vient d'avancer, dans une
interview accordée au Journal Hebdo, Mohamed
Samraoui, ancien officier des services spéciaux
algériens. "Driss Basri et le Général Larbi Belkheir,
nouvel ambassadeur d'Algérie au Maroc, sont affiliés
à la même loge maçonnique", soutient-il. L'ex-vizir
déchu réfute vigoureusement l'information. Mais
l'image d'un Basri et son langage fleuri planchant
sur "la culture du miel sous la 5ème dynastie" au
milieu d'un aréopage de frères vaut à elle seule
tous les discours.
Au-delà de la relation peu élucidée entre le Makhzen
et la FM, il y a des dizaines de "frères", tout
aussi discrets au Maroc. Aujourd'hui, le pays compte
deux obédiences distinctes, la Grande Loge du Maroc
(GLM) et la Grande Loge Régulière du Royaume du
Maroc (GLRRM), auxquelles il faut ajouter une GL
indépendante, la Grande Loge du Royaume du Maroc (GLRM),
qui ne peut prétendre à la qualité d'obédience, car
n'administrant qu'une loge unique. Cet éparpillement
des compétences fait dire à A.S., médecin
casablancais que : "La maçonnerie nous pousse à être
meilleurs, mais nous n'en restons pas moins des
humains avec nos faiblesses et nos défauts".
Précisons toutefois que la maçonnerie marocaine
atteint difficilement les 200 membres. à titre de
comparaison, la France compte plus de 140 000
initiés. Si la GLRM et la GLRRM sont de création
récente, (moins de cinq années), la GLM a, quant à
elle, "allumé ses feux" en 1965 sous le nom de GL
Atlas. En 1972, elle prendra le nom de GLM et sous
l'impulsion de son Grand Maître, T.P., artisan
français installé à Casablanca, connaît rapidement
un grand succès et verra en moins de deux ans
l'initiation de 120 frères. Elle comptera en ses
rangs des personnalités reconnues dont un Général de
l'armée de l'air marocain au talent légendaire qui
pouvait se retrouver en loge aux côtés d'un
boulanger-pâtissier ou d'un marchand de jouets. Ce
mélange des genres étant à la base même du travail
maçonnique, censé s'enrichir par la diversité.
Malheureusement cela est difficilement envisageable
aujourd'hui car, n'en déplaise aux frères et sœurs,
la FM est chez nous un club de pensée éminemment
élitiste et la déculturation rampante de la société
ne permet plus de dialogue serein.
"Je suis entré en maçonnerie pour dire au Maroc que
je l'aime". Amine s'est choisi un pseudonyme par
souci de discrétion, mais raconte son initiation
avec exaltation. "J'ai rejoint la FM pour répondre à
une quête existentielle et pour tout dire,
philosophique. J'y reste pour le plaisir de la
fraternité". A.S, médecin d'une quarantaine d'années
corrobore. "J'entre en loge souvent fatigué après
une journée de travail et j'en ressors rasséréné et
plein d'entrain". L'idéal maçonnique si exalté se
réduirait-il à la recherche du bien-être ? Des
droits de l'hommistes aux alter mondialistes, des
amateurs de Harley-Davidson aux restaurateurs de
kasbahs, nombre de microsociétés sont à l'œuvre pour
recréer ce qui fait défaut : de la convivialité, de
l'écoute, de la solidarité, de la communauté
d'intérêts. Ils sont plus d'une centaine à être
membres de la Grande Loge du Maroc (GLM), première
obédience maçonnique du pays par le nombre et
l'ancienneté. Mais hors de question pour eux
d'assumer publiquement leur appartenance à la FM. Un
siècle de semi clandestinité laisse des traces.
Déclin et renaissance
Avec le temps, l'assouplissement des critères de
sélection couplé à des querelles de personnes,
conduira au déclin des loges. Et l'idéal maçonnique
qui prône principalement la liberté, la justice, la
solidarité ne résistera pas devant les déviations
affairistes de certains frères et les frictions
internes qui s'ensuivront. En Décembre 1985 le Grand
maître de l'époque, M.D., industriel dans la
parfumerie, décide la mise en sommeil de
l'obédience, suivant en cela les conseils avisés du
frère A.M., ancien gouverneur d'une grande ville. Ce
dernier, parfaitement au fait de la dangereuse
poussée d'intégrisme que connaît le pays, invite
"les frères" à s'éclipser. D'autant que
l'universalité des valeurs qu'ils prônent est aux
antipodes de la théorie du complot étranger
développé par les fondamentalistes. En plus, les
différents prédicateurs et autres activistes
islamistes profitent du principe de discrétion de la
FM pour distiller à son sujet un ensemble
d'accusations infondées, sur le lien entre FM et
mécréance ou FM et sionisme. "Ils veulent éteindre
avec leurs bouches la lumière d'Allah, alors
qu'Allah parachèvera sa lumière en dépit de
l'aversion des mécréants", entend-on, entre autres.
Certes, aujourd'hui, la FM est fortement implantée
dans des pays réputés totalitaires ou, à tout le
moins, en délicatesse avec les normes démocratiques,
tels l'Iran, la Syrie et dans une moindre mesure la
Turquie, l'Egypte et le Liban. Il est clair aussi
que les autorités de ces pays mesurent parfaitement
l'avantage, et pas seulement en terme d'image, à
disposer sur leur territoire d'un "think tank" aux
ramifications mondiales. Mieux, "les islamistes
modérés au pouvoir en Turquie seraient même pour
beaucoup passés par l'initiation", affirme le
spécialiste du monde musulman Antoine Sfeir. Quoi
qu'il en soit, le Maroc avait décidé en 1985 -sans
que le pouvoir politique le veuille vraiment- une
mise en sommeil des loges existantes. Quinze années
durant, les frères marocains garderont le contact,
avec toujours en eux l'espoir du réveil des loges.
Comme le soutient avec emphase M.T., frère de longue
date : "Là où souffle le vent de la tolérance et de
la justice, la maçonnerie a sa place". Ce sera donc
sous la houlette d'Emile Ouaknine, homme d'affaires
installé à Rabat, que le Maroc renouera, le 15 juin
2000, avec sa tradition maçonnique. La consécration,
cérémonie fondatrice organisée à Marrakech sous les
auspices de la Grande Loge Nationale Française,
permettra au Maroc d'abriter pour la première fois,
depuis les années 30, une obédience dite
"régulière". Cette régularité, qui distingue une
obédience par état, consiste en la reconnaissance
officielle par la Grande Loge Unie d'Angleterre,
maison-mère de toutes les obédiences de la planète.
Néanmoins, cette régularité si prisée des frères
marocains, n'empêchera pas de sérieuses divergences.
Elle conduira, par la suite, à la démission de
nombreux initiés et à la proclamation de Bouchaib El
Kouhi, ingénieur casablancais, comme nouveau Grand
maître.
Cette obédience internationalement reconnue s'est
montrée particulièrement active auprès des loges
nord-américaines. Le lobbying étant l'une des
fonctions premières de la FM, elle a réussi à en
faire bon usage. Aussi, attribuera-t-elle à un
certain Pierre Mouselli, homme d'affaires
franco-libanais ayant semble t-il ses entrées à
l'ONU, la qualité de représentant de la GLRM aux
états-Unis. Rivalité oblige, en 2004 la Grande Loge
Nationale Française décide de ne plus reconnaître la
GLRM et crée une nouvelle obédience, la GLRRM. Saad
Lahrichi, juriste de 40 ans, assumera dorénavant la
grande maîtrise après que le controversé Ouaknine
ait été poussé vers la sortie. Aujourd'hui, explique
ouvertement Lahrichi, "malgré notre nombre, il faut
bien le reconnaître assez réduit, nous ne sommes
absolument pas dans une logique de recrutement à
tout prix qui pourrait nous mener à la médiocrité,
loin de la richesse spirituelle et des valeurs
morales que nous prônons". Il n'empêche, les frères
se permettent aujourd'hui d'inviter autrui à les
rejoindre, avec moins de frilosité qu'avant. Signe
des temps, ils se sentent plus libres, agissent
moins dans le secret total et semblent bénéficier de
la bienveillance des autorités. Mais ne serait-ce
que parce qu'ils prônent ouvertement la liberté de
conscience et que le discours islamiste les prend
toujours pour cible prioritaire, ils se montrent
doublement discrets.
Même prudence du côté de l'autre obédience pionnière
au Maroc (GLM). également mise en sommeil, elle
rallume sa flamme le 21 Juin 2001, sous la
présidence de A.K., assureur casablancais. Les
métiers de l'assurance ayant semble t-il tradition à
fournir à la GLM des grands maîtres de haute
qualité. Elle compterait actuellement cinq loges
dont trois à Casablanca et deux respectivement à
Rabat et Marrakech et, fait unique dans le monde
arabo-musulman, une loge féminine. Elle a tenu son
convent (assemblée générale annuelle) tout
dernièrement à Casablanca en présence de
personnalités maçonniques internationales
d'envergure et où nous voyons que la solidarité
n'est pas un vain mot. Ces hôtes apprécient à sa
juste valeur l'apport de leur "frères" marocains.
Parce qu'entre un convent et l'autre, nos
Francs-maçons ont deux tenues (expression maison
pour dire réunions) par mois où ils peuvent à loisir
débattre de la notion de vérité ou encore de la
symbolique du triangle, dans un temple bercé par le
rythme du muezzin. Si la FM ne devait avoir qu'un
objectif unique, ce serait bien le rayonnement
qu'elle confère à l'échelon international au pays
dans lequel elle prospère. La présence au convent
d'étrangers, par ailleurs influents, en atteste.
Voie individuelle et altruisme
Alors la FM, un réseau d'influence ? "Oui
certainement, mais une influence toute entière
tournée vers la construction du pays hôte, en
l'occurrence le Maroc", affirme Lahrichi sur un mode
allégorique. Au fond, l'essentiel de l'initiation
maçonnique est une démarche volontaire d'un individu
voulant atteindre sa vérité afin de réaliser "le
passage symbolique des ténèbres à la lumière". Via
un partage rituel de réflexions philosophiques,
économiques ou symboliques, chacun cherche sa voie,
comme dans le soufisme d'ailleurs (lire encadré, p.
24). Marie-Françoise Blanchet, grande maîtresse de
la Grande Loge Féminine de France (GLFF),
anciennement colonel de l'armée de l'air française,
l'explique à sa manière. "Il ne faut pas s'y
méprendre, la maçonnerie est d'abord et avant tout
un travail sur soi et avec les autres, cela n'a
aucun caractère folklorique malgré les décors dont
nous sommes parés". Cette femme de tête a été
accueillie par ses sœurs marocaines.
A.K., une consultante d'une quarantaine d'années en
fait partie. Pour elle, "la FM est une méthode
extraordinaire pour mieux se connaître et ainsi
aller à l'essentiel. Et lorsqu'on se sent bien, on
devient altruiste, on rayonne, on se vit citoyenne
du monde", rien de moins. En tout cas, l'altruisme,
il en faut, sans aucun doute, pour se réunir dans
une salle évoquant furieusement un tribunal et
n'offrant de ce fait aucun confort, afin de
réfléchir sous une lumière blafarde à des choses
aussi excitantes que les trois lumières, en
l'occurrence la force, la beauté et la sagesse. Ou
encore des valeurs aussi abstraites que la
tolérance, l'honnêteté et la bonté. Gloire au
responsable de la colonne d'amour (DJ pour les
profanes) qui programme Irving Berlin ou Duke
Ellington. Mais tout cela aurait-il un sens s'il n'y
avait quelque chose en plus ? "Entre et tu
comprendras", indique-t-on au futur apprenti. |
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Tendance. La fin du secret ?
Plusieurs remous agitent l'institution
maçonnique occidentale, entre partisans de
l'ouverture à la cité et donc de
l'enrichissement mutuel, et les gardiens du
rite qui veulent garder étanche la frontière
avec le monde profane. En France, les
partisans de l'ouverture s'inquiètent des
limites imposées de fait au rayonnement de
la culture maçonnique par sa quasi-absence
des débats qui, régulièrement, secouent la
société. Et particulièrement lorsque sont
abordés des thèmes qui lui sont
traditionnellement chers : droits de la
personne humaine, égalité des chances,
spiritualité… Au Maroc nous en sommes encore
à discuter de l'opportunité ou non de
révéler l'existence d'une institution
maçonnique nationale, c'est dire là aussi
l'abîme qui nous sépare du monde dit
"libre". L'initiative prise par la Grande
loge du royaume du Maroc (GLRM) de créer un
site internet continue de susciter des
remous entre ceux des frères qui voient là
une démystification malheureuse de l'idéal
maçonnique et ceux qui, au contraire,
saluent la démarche courageuse, le nom et la
photo du Grand maître qui figurent en effet
en bonne place. Mais rassurons-les, le
secret n'est nullement défloré, l'adresse de
la GLRM renvoie à un immeuble qui, à moins
d'être initié, ne présente aucune
ressemblance avec ce que l'on attend d'une
Grande Loge et le numéro de téléphone
s'avère être celui d'une agence bancaire. Le
secret, encore et toujours. |
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Soufisme et Franc-maçonnerie. Les faux
amis
Les
similarités évidentes qui existent entre la
FM et le soufisme ont souvent suscité
l'intérêt des historiens. Car voilà deux
courants à priori en antinomie totale -l'un
prônant le tout religieux, l'autre la totale
liberté de conscience- qui tendent vers un
seul but : rendre l'homme meilleur, et avec
la même arme, si l'on peut dire, le chemin
initiatique. L'émir Abdelkader, maçon
illustre et disciple de Ibn Arabi,
personnalité charismatique des confréries
soufies expliquait volontiers qu'il voyait
dans la FM la "plus admirable institution de
la Terre". Son engagement maçonnique et sa
qualité de professeur en théologie s'étant
jusqu'à sa mort nourris l'un de l'autre.
Pour l'anthropologue Faouzi Sqalli,
spécialiste de l'histoire des religions,
"toutes les traditions ou philosophies
spirituelles qui promeuvent le travail sur
l'humain, comme c'est le cas pour le
soufisme et la FM ont, à tout le moins, des
affinités de valeurs". Bien que le soufisme
soit largement antérieur à la FM, nous
pouvons imaginer que celle-ci pourrait
constituer une étape sur le long chemin qui
mène vers l'ascèse soufie. Nous pouvons
d'ailleurs observer selon Sqalli que : "René
Guénon, référence magistrale en matière de
spiritualité, embrassera le soufisme après
avoir pris ses distances avec une FM qui lui
paraissait trop théorique et sociale. Il
sera reconnu sous le nom de Cheikh
Abdelouahed Yahia". |
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Une
histoire mouvementée
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Francs maçons marocains
de la loge Al Maghreb Al Aksa,
à Tanger. Fin du XIXe siècle
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Cela fait 138 ans
que la franc-maçonnerie a fait son entrée au Maroc.
Sultans, musulmans éclairés, nationalistes, juifs
marocains, patrons français, la liste des frères est
très longue et les traces du mouvement, très
éparses. Et pas toujours tolérées.
Si en 2005, la FM continue à susciter une grande
méfiance teintée d'incrédulité, il s'avère néanmoins
que celle-ci est présente dans notre pays depuis
fort longtemps. Les historiens s'accordent à faire
remonter son implantation à 1867 avec la Loge
Maçonnique de Tanger, dont |
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Haim Benshimol,
directeur du journal "Réveil du Maroc", est le
fondateur de l'Alliance Française. La FM connaît
tout de suite un grand succès dans les milieux,
espagnol et israélite tangérois, très protégés à
l'époque par la France. Plus tard, les FM désormais
constitués en plusieurs loges prendront ouvertement
le parti d'une France dont l'emprise sur le Maroc se
renforce.
À
l'ombre de la 3ème République
Tout au long de la IIIéme république (1871-1940),
justement surnommée république FM en raison de la
mainmise des frères sur tout ou partie des
Institutions, le Maroc connaîtra un foisonnement
extraordinaire de loges sur tout le territoire. Il
n'est pas de ville qui ne compte en son sein une
loge maçonnique. L'activité économique du pays verra
nombre de frères à la tête d'entreprises importantes
qui, pour certaines, sont encore présentes
aujourd'hui, telles le "Comptoir métallurgique" ou
encore la "Compagnie des transports de Casablanca",
ancêtre de la régie casablancaise. Dans le monde de
la presse, "La Vigie marocaine" et "Le Petit
marocain" sont l'œuvre de francs-maçons désireux au
départ de promouvoir l'action patronale. Par la
suite, ces mêmes journaux pousseront à la
promulgation du "Dahir Berbère" voyant là un moyen
d'affranchir les populations berbères de la
domination arabe. Les frères n'auront néanmoins de
cesse d'appeler au développement des indigènes
prônant la promotion d'un "enseignement mixte et
laïque dans l'école unique". Ce qui va à l'encontre
des intérêts de beaucoup d'Européens qui ont peur
"qu'en entrant dans nos lycées, en nombre assez
important, les musulmans ne deviennent des
concurrents pour nos fils au moment même où les
débouchés sont rares…". Ce à quoi les FM rétorquent
: "C'est à ce prix et dussions-nous en souffrir, que
nous trouverons un écho dans le cœur de nos protégés
et que nous hâterons l'heure où sera devenue une
réalité la fraternité des peuples". Difficile de
savoir si tous les Francs-maçons de l'époque étaient
sur la même voie. D'autant que le premier Grand
maître "musulman" de la Loge de Tétouan, Abdeslam
Bennouna, était plutôt un nationaliste, propriétaire
terrien de son état. Par contre, Abdelkhaleq Torrès
et Thami Ouazzani, tous deux fondateurs du Parti
Choura et Istiqlal, tenaient certainement leurs
idées libérales et leur attachement à un Maroc du
savoir de leur engagement maçonnique.
Sultans francs-maçons
À la même époque, le nom du Sultan Moulay Abdelaziz
est donné à une loge même si son appartenance à la
FM n'a, par la suite, jamais été prouvée. En
revanche celle du Sultan Moulay Hafid, oncle
paternel de Mohamed V, ne fait aucun doute et c'est
en 1920 qu'il est initié à Madrid par la loge "Union
Hispano-Americana n° 379" du Grande Oriente
Espagnol. Il est fait compagnon le 10 Octobre 1921
et maître le 13 Mai 1925. C'est une époque sombre
pour lui où après l'abdication et l'exil, la paix
venue, il n'intéresse plus les gouvernements
occidentaux qui, jusque-là, le subventionnaient pour
l'utiliser le cas échéant. Réduit à la misère, il
habite à Madrid une pauvre petite chambre dans
laquelle il fait sa cuisine lui-même dans la
cheminée. Arrivé en France, il s'affilie le 13
Janvier 1927 à la loge "Jean-Jacques Rousseau" de
Montmorency. Sa vie en exil semble rythmée par ses
visites plutôt régulières au temple et les grandes
chasses. Ce n'est plus ce "Sultan de la guerre
sainte", ce "champion du redressement islamique"
qui, vaincu, détrôné avait eu un sursaut de rage :
sur le canot qui, à travers l'estuaire du Bouregreg,
l'emportait vers le paquebot de l'exil, il avait
saisi le parasol tenu au-dessus de sa tête par un
caïd de sa garde, et pour que cet emblème
traditionnel de la souveraineté ne put revenir à son
successeur asservi aux européens, il l'avait brisé.
Cet ancien Sultan FM est révélateur de toutes les
contradictions de la période coloniale.
Dialogue franco-marocain
Plus tard, le problème sera de surmonter au Maroc
l'obstacle que peut être l'islam en matière
d'admission. Pour cela, une loge "Union et Progrès"
voit le jour en 1949 à Rabat, puis à Settat pour que
puisse se créer "un milieu de dialogue loyal et
énergique en vue de rapprocher et associer les
efforts musulmans et français pour que le Maroc
arrive à jouir de la vraie liberté et de la
démocratie". Cette loge prendra par la suite le nom
de "Fraternité franco-marocaine" et comptera dans
ses rangs le secrétaire général de la résidence
ainsi que trois notables marocains dont un vizir.
Elle demeurera cependant éminemment confidentielle.
En Octobre 1952, les rapports franco-marocains sont
difficiles et craignant des représailles sur les
"frères" musulmans, elle est discrètement mise en
sommeil. Mais l'inquiétude croît quand l'officier
d'ordonnance du prince Moulay Hassan interroge
directement le vizir sur l'existence de
francs-maçons nationaux. Alarmés de cet intérêt du
prince, alors proche des nationalistes de
l'Istiqlal, les FM musulmans se sentent menacés et
mettent temporairement fin à leurs activités.
Au
lendemain de l'indépendance…
Ceci n'empêchera pas plus tard, une fois les
tensions politiques apaisées dans le pays, l'istiqlalien
Ahmed Balafrej d'être un membre éminent de la FM
marocaine. Mais l'existence même de la FM au Maroc
ne peut être réduite à une simple conséquence de la
colonisation, c'est une forte aspiration arabe à
l'indépendance et au progrès qui rencontre une
structure européenne efficace. Dans ce sens, il sera
même à un certain moment question de la création de
loges usant de la langue arabe pour permettre
l'initiation du plus grand nombre de frères arabes.
En 1956, l'indépendance, qui se fera sans rupture
brutale avec la France, permettra le maintien des
activités maçonniques sans difficultés à Oujda,
Meknès, Rabat, Casablanca et Marrakech. Le Dahir de
1958 relatif aux associations viendra conférer aux
différentes loges existantes le cadre légal qui leur
faisait défaut. Dans les premières années
post-indépendance, la présence de bases américaines
sur le territoire permettra fortement le maintien
d'une activité maçonnique d'envergure. En effet, les
frères y tiendront leurs tenues dans la discrétion
la plus totale, et il en sera ainsi à Kénitra, Ben
Guérir, Sidi Slimane et Nouasser. Avec la
rétrocession des bases au Maroc, un frein sera mis
de facto au développement de la FM, ce qui
n'empêchera pas certains frères, on l'a vu, de
demeurer actifs aussi bien sur le territoire
national qu'auprès de loges occidentales en
attendant des jours meilleurs. Il s'agira
principalement pour eux de sensibiliser le couvent
aux préoccupations des loges africaines. Critique du
néo-colonialisme et recherches sur le binôme
"traditions et modernité" seront, dès lors, au
centre de leurs préoccupations.
À lire : Georges Odo, Les francs-maçons au
Maroc sous la IIIème République, Editions
maçonniques de France
|
[Quelques Chefs d'État
Francs-Maçons]
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Origine. De Salomon aux Francs-maçons
La Franc-maçonnerie, dans sa forme actuelle,
est née en Grande -Bretagne en 1717 avec la
Grande Loge de Londres. La franc-maçonnerie
est présentée alors comme la renaissance
d'une institution dont l'origine remonte aux
temps anciens. La légende voudrait que
l'Ordre maçonnique ait vu le jour lors de la
construction du Temple de Salomon.
L'architecte de l'édifice aurait créé une
confrérie afin d'organiser les travaux sous
une double base, spirituelle et opérative.
Les secrets du Maître d'œuvre se seraient
transmis de générations en générations,
jusqu'aux Assassins (ordre arabe) qui les
auraient transmis aux Templiers, aux
bâtisseurs de cathédrales, aux roses-croix,
à la Royal Society et enfin aux
Francs-maçons. Bien d'autres théories plus
fabuleuses les unes que les autres, ont été
avancées depuis. Et si tout le monde
s'accorde à rattacher la franc-maçonnerie
moderne, dite spéculative, à la maçonnerie
ancienne de métier, sa véritable origine
demeure très mystérieuse. |
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Petit lexique maçon
Agape.
Repas fraternel qui suit la tenue de la
loge.
Allumage des feux.
Installation d'une nouvelle loge.
Attouchements.
Signes de reconnaissance des Francs-maçons
(FM) entre eux.
Augmentation de salaire.
Passage au grade supérieur.
Décors.
Ensemble de symboles vestimentaires. Les
plus utilisés sont les gants, le tablier et
les cordons.
Grade.
Niveau dans la hiérarchie ; les hauts grades
sont supérieurs au 3ème degré (correspondant
au Maître).
Fils de la lumière.
Nom donné aux FM.
Initiation.
Admission ou réception en loge ou les
cérémonies suivantes (lors du passage à un
grade supérieur).
Loge.
Cellule de base où se regroupent les FM.
Métaux.
Idéologies, idées politiques, affaires
profanes.
Obédience.
Fédération de loges.
Passer à l'orient éternel.
Mourir.
Planche.
Exposé d'un frère.
Profane.
Désigne ce qui est extérieur à la FM.
Rite.
Règles fixant le déroulement du travail en
loge.
Temple.
Local où se réunit une loge. |
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http://www.telquel-online.com/194/couverture_194_1.shtml
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