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Vive la franc-maçonnerie congolaise !
(Kimpwanza 03/02/2010)



Secte, sorcellerie, magie ?... La franc-maçonnerie congolaise est affublée de toutes les épithètes péjoratives et immondes. Il ne se passe pas une semaine, un mois, sans qu'aucune critique acerbe ne lui soit destinée. Ces critiques sont-elles fondées ou résultent-elles de quelques amuseurs en mal de succès? Avis d'un simple observateur.

C'est l'un des sujets chéris des sites d'opinions congolais. Mais, le plus souvent, ces sites sont à côté de la plaque : ils critiquent plus qu'ils n'argumentent.

Pour paraphraser Françoise Sagan dans "La Laisse", le drame de l'humain, c'est de parler des choses qu'on ne sait pas. Cela est d'autant plus vrai, qu'au Congo, il suffit de lire un magazine parisien pour pondre des écrits à la limite ou qui frisent la débilité.

Ces "voix rauques et malplaisantes", ces "îles sonnantes", mettent tellement de l'autorité dans leurs écrits bidons qu'elles pensent détenir la vérité. Mais ces âmes torturées ou tristes savent que la franc-maçonnerie est un sujet qu'un néophyte ne peut maîtriser. Quand Joseph Badila accorde une interview sur la franc-maçonnerie congolaise, c'est son droit et il sait ce qu'il dit! Encore qu'il ne plonge pas dans les détails relatifs aux rituels, à son ressenti : "il y a incommunicabilité de l'essence même de l'expérience vécue." Un non-animiste peut-il parler du vaudou s'il n'est sociologue ou ethnologue?... C'est prendre un risque que de critiquer une maison dont on ignore l'intérieur. Une imposture grandiose doublée d'une manipulation intellectuelle.

De l'extérieur, on sait que c'est une institution qui a pour but la recherche de la vérité, l'étude de la morale, etc. Et, à lire l'avalanche des livres sur ce sujet, la franc-maçonnerie s'apparente à l'éveil que promet Pythagore, à la sortie de la caverne que propose Platon, au dépouillement du vieil homme qu'affirme Saint Paul... "Jésus (...) vous a appris à vous dépouiller en ce qui concerne votre passé, du vieil homme corrompu par les trompeuses convoitises et à renouveler l'inspiration de votre intelligence pour revêtir l'homme nouveau." Il est clair que chez les francs-maçons, l'homme est le seul mot de passe qui vaille. Ainsi, adhérer à la franc-maçonnerie renvoie à un narcissisme noble, au milieu de ceux ou celles dont on a une consanguinité philosophique, morale. Une "tentative parmi d'autres d'échapper à la solitude, de se faire ligaturer la peur par un lien aux autres, aux semblables et à une institution".

La franc-maçonnerie est un cheminement, comme l'était le Lemba, un rite du dix-septième siècle mais qui ne prit toute son ampleur qu'au dix-neuvième, dans le royaume Loango et dans les environs du Mayombe. Les initiés s'adonnaient aux psychotropes, surtout le diyamba (chanvre), de même que le symbole accompagne le parcours du franc-maçon. Les Lemba recherchaient la transcendance, la clarté d'esprit et la clairvoyance. La verticalité, donc. Ce n'est qu'après cet effort que le corps s'ouvrait aux "pouvoirs". Les initiés aux Lemba étaient discrets, à l'image des francs-maçons. Pourtant, ils ne furent pas qualifiés de sectaires ou de sorciers.

"Alors, que vont chercher tous ces nègres dans une confrérie qui à la base, n’a pas été créée pour eux ?", se demande Lascony Ngombulu dans une tribune à la première personne, parue en mai. Une question enfantine, tout au plus absurde. Pourquoi les Africains réclament-ils la démocratie? Non, les valeurs ne sont pas universelles. Max Weber préférait plutôt le "polythéisme des valeurs". Il n'en demeure pas moins que la démocratie est une valeur universelle. Comme la franc-maçonnerie! En fait, à défaut d'arguments costauds, Lascony exhume un vocable désuet - nègre. Tout le papier est bourré d'anachronismes, de contrevérités et de jugements de valeur. Pis, il parle plus de lui que de la franc-maçonnerie. Torpille la distance critique que devrait avoir tout néophyte sur le sujet. Il faut espérer que monsieur Lascony, au courage par ailleurs remarquable, lise Le Symbole perdu de Dan Brown, un syncrétisme époustouflant de religion, d'alchimie, d'ésotérisme... Dan Brow n'est pas franc-maçon, il l'a avoué. Mais il a brillé par sa neutralité et sa distance critique vis-à-vis de la franc-maçonnerie. La chute du livre est un message d'espoir et de fraternité que dégage la franc-maçonnerie, au-delà de certains comportements "complotionnistes et affairistes" dont on les accable.

"Beaucoup d'hommes vont vers la lumière non pas pour mieux voir mais pour mieux briller" (Nietzsche)

Oui, des Congolais rejoignent la franc-maçonnerie pour "mieux briller". Comme partout ailleurs! Comme dans n'importe quelle communauté! Les événements meurtriers de 1997 ont aussi écorné l'image d'une franc-maçonnerie larvaire. Mais ceux qui se servent de la franc-maçonnerie et la caricaturent ne constituent qu'une partie infime; ce ne sont que des accidents de parcours. Un prêtre pédophile ne disqualifie pas l'église ; un homme qui trompe sa femme ne remet pas en cause le mariage... Ce n'est pas parce qu'il y a un accident sur l'Avenue de la paix, à Moungali, qu'il faut interdire la circulation. Non, tous les chauffeurs ne sont pas mauvais ; beaucoup respectent le permis de conduire.

Une digression : dans un pays pauvre comme le Congo, où l'eau et l'électricité manquent, élever un monument coûteux ou des statues, sont de beaux paradoxes. Cependant, le Mausolée Pierre Savorgnan de Brazza, taxé à tort d'œuvre maçonnique, et les statues récemment élevées à Brazzaville, contribuent plus à l'éclat de l'art congolais qu'au progrès de la laideur... Ce Mausolée fait la fierté d'un centre-ville délabré et malade. Quitte à dépenser des millions pour l'entretenir, c'est un joyau architectural.

Aux USA, on dénombre quelque 2,5 millions de francs-maçons. Mais les contradictions ont émaillé l'institution. Des esclavagistes et des ségrégationnistes ont été des francs-maçons indéniables. En France, la majorité des colons étaient francs-maçons. La loge L'Aurore du Congo, basée à Brazzaville dès 1904, n'était composée que de francs-maçons. C'est dire qu'un homme réel est un homme mêlé et truffé de contradictions. Autrement, le monde serait parfait.

Or "la perfection est un océan pour lequel nous n'avons ni voile ni boussole". La vie, sauf pour les âmes étriquées, est une perpétuelle quête de soi. Ainsi, il y a ceux qui entrent en franc-maçonnerie ; il y a ceux qui rejoignent la Rose-Croix ; il y a ceux qui s'attachent au vaudou ; il y a ceux qui adorent la Sape, etc. Pourquoi? Pour donner un sens à sa vie. Voilà !

Par Bedel Baouna

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