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Franc-Maçonnerie et Francafrique : Faut-il être frère pour être Président en
Afrique Centrale ?
14/11/2005
Bongo, Biya, Sassou Nguesso, Idriss Deby, et tout
récemment Bozizé sont de notoriété publique de ces
présidents africains qui en nombre croissant sont
affiliés à une loge maçonnique française, souvent la
Grande Loge Nationale [GLN]. Cette tendance semble aller
de pair avec leur longévité pour d’aucuns, le président
gabonais étant le doyen des présidents africains, quand
au chef d’état camerounais il est aux rênes depuis près
d’un quart de siècle …
Bien
que la question soit rarement évoquée par les élites
africaines comme il se devrait de toutes tendances
sociales ou politiques lourdes questionnant l’existence
collective, et pour cause, les populations africaines
ont enregistré le pli maçonnique des hautes sphères et
en débattent à mots plus ou mois couverts. Une presse
minoritaire, quelques fora de discussions, des petites
gens et citoyens en dehors du microcosme lumineux
assimilent désormais à une mafia internationale cette
fraternité qui représente, sur son expérience africaine
un crime et une forme de protection criminelle au
bénéfice des agents pathogènes des sociétés africaines
contemporaines. Ce sentiment collectif monte dans les
couches sociales intermédiaires, en alimentant la
propension à la corruption «puisque ça ne marche que
comme cela» et les fantasmes politiques jusqu’à une
hostilité avouée à «la secte maçonnique».
L’initiation récente du président Bozizé par son frère
aîné Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville a
alimenté quelques pages de journaux en Centrafrique et
dans l’espace francophone, et désormais même les
profanes pourraient avoir les détails de cette
«affaire», c’est dire le degré de publicité des
recrutements, adhésions et de la présence maçonnique en
Afrique noire francophone. Une concurrence vive aurait
d’ailleurs à cet égard opposé les voisins et frères
maçons Bongo et Sassou Nguesso pour l’affiliation à
leurs loges respectives. Le président gabonais, initié à
l’origine au Grand Orient de France [GO] serait passé à
la GLN, avant de créer sa propre loge en 1975, le Grand
Rite Equatorial récemment baptisé Grand Rite Symbolique.
Quant au président Sassou, lui aussi issu de la GLN, il
a également créé sa propre obédience comme son homologue
et beau-fils gabonais. La
création d'une loge nationale requiert le parrainage
d'une loge à l'étranger, dans le cas des pays d’Afrique
noire ex colonies francophones, la tutelle est
généralement française... Françafricaine.
En effet la franc-maçonnerie française s’installe en
Afrique en 1781 à Saint Louis, elle recrute
essentiellement dans les milieux de colons, militaires,
fonctionnaires, administrateurs blancs. Impliquée dans
le processus de décolonisation, elle va essaimer dans le
reste de l’Afrique jusqu’à prendre dans les année 90 une
stature quasi officielle de passage obligé pour tous les
hommes politiques et élites économiques, sociales,
médias des pays d’Afrique noire. L’Afrique centrale en
est une illustration parfaite, une espèce de colonie
maçonnique.
Le Cameroun, malgré semble t-il la discrétion de son
président, cité régulièrement comme franc-maçon est du
point de vue de l’élite une Grande loge en lui-même,
comptant environ une cinq centaine de frères. «Dans le
gouvernement, je ne vois pas un seul ministre RDPC qui
ne soit pas maçon», confiait un homme politique
camerounais au journal français l’express [12/04/2004].
La tendance à l’initiation des hautes personnalités qui
confine à l’embrigadement à intérêts réciproques est
tout aussi patente au Congo Brazzaville ou Gabon où on
évalue à peu près à 800 le nombre de maçons pour 1
millions d’habitants ! L’existence de loges nationales
dirigées par des présidents de république, par ailleurs
adeptes de plusieurs cultes traditionnels, renforce le
processus de sélection des élites par le tamis
maçonnique et le maillage resserré des sociétés.
La question posée par ces réseaux maçonniques offrant
des protections internationales et démultipliant le
potentiel d’accumulation [détournements astronomiques]
individuel des élites africaines est cruciale. Et même
si aucune personnalité ni structure citoyenne n’ose
l’aborder, elle ne pourra pas indéfiniment être exclue
du débat politique. Les affaires ELF, les cotisations
faramineuses payées par les dignitaires africains sur
deniers publics, la structure réseautique de cette
fraternité est un appareil, un système huilé et
redoutable de prédation africaine. Il n’y a pas de
secteurs stratégiques, privatisation des grandes
entreprises d’état, gestion des hydrocarbures,
déterritorialisation des capitaux et gestion des
fortunes des ploutocraties africaines, nominations,
crimes françafricains, trucages des élections… qui
échappent à l’influence de la franc-maçonnerie. Ce nom
aujourd’hui évoque davantage les obscurantismes et
prévarications africaines qu’autre chose, après avoir
évoqué le colonialisme dont les avocats féroces, de
«l’abolitionniste» Victor Schoelcher à Jules Ferry
étaient des maçons convaincus !
Le réseau des réseaux, en connectant les présidences
africaines, les élites africaines assujetties à leurs
rituels, à leurs hiérarchies, à leur domination
symbolique et spirituelle, crée des autoroutes de la
prédation et du pillage de l’Afrique. Toujours sous les
vernis défraîchis des Lumières, de l’élitisme, de la
fraternité, de la tolérance, de l’universel, termes
piégés que les moutons des démocratures gobent avec
fierté et annônent machinalement, se passant se faisant
pour cultivés…
En mettant en relation des systèmes et réseaux
internationaux où se retrouvent des experts en
prédation, avocats et cadres juristes pour tripatouiller
des constitutions, légaliser les pillages des
ressources, consultants en communication pour éconduire
les masses ou au moins faire circuler entre des mains
choisies de colossales commissions et honoraires, la
franc-maçonnerie, tout au moins cette partie de la
franc-maçonnerie au cœur de la françafrique pose un
problème démocratique, un problème de survie économique,
un problème fondamental. Des questions similaires sont
posées en France sur sa dimension exclusivement
affairiste, sur la fin de son rôle idéologique
historique, sur ses dérives mafieuses, sur sa culture du
secret, meilleur abri pour les criminels en cols blancs.
Au nom de quelle raison supérieure les élites africaines
seraient t-elles sélectionnées sur la base de leur
appartenance à la franc-maçonnerie ? A partir du moment
où la présence de frères dans les sphères du pouvoir est
aussi prégnante que révélée au Cameroun, au Gabon, au
Congo par exemple, le Tchad, le Togo, le Niger, le
Burkina Faso sont tout aussi concernés, elle devient de
fait une question publique sur laquelle un minimum de
transparence est nécessaire.
La Franc-Maçonnerie contemporaine confirmera
probablement le mépris racial que les humanistes
européens ont toujours eu pour les Noirs et Africains,
qu’il s’agisse de Voltaire plaidant l’inégalité des
races, Renan leur hiérarchie, Hegel ne voyant en Afrique
qu’un continent en dehors de mouvement historique
incapable même de comprendre l’idée de Dieu, qu’il
s’agisse de Ferry pontifiant sur le fait que les droits
de l’homme n’avaient pas été inventé pour les nègres
d’Afrique, et que dire encore de Hugo… Un tel mépris ne
gêne pas les hautes sphères africaines qui s’accommodent
volontiers de leur humiliation permanente, cela les
grandit probablement en indice de fortunes privées
indues. Qu’en est-il de la masse des peuples ?
http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=769
http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=769
Sources :
L’Express, 12/04/04 entre autres articles sur la
Franc-Maçonnerie en Afrique
Première
version 12.08.05 |